Avril  2014

 

LA QUÊTE DE SENS, à partir d’extraits d’ouvrages

 

1 – DES REPERES BROUILLES ?

 

Christiane BEDOUET

 

Pour une prise de contact, passer par : henri.charcosset@neuf.fr 

 

Présentation, par Henri Charcosset

 

Christiane Bedouet, professeur de français en retraite, nous a fait bénéficier entre 2008 et 2011, de la série suivante  de dix articles :

 

Bedouet Christiane (2008), Accepter de vieillir et de voir les siens vieillir  

 

Bedouet Christiane (2008), Vieillesse et mort dans la Littérature

 

Bedouet Christiane (2008), Pouvoir vivre sa foi chrétienne guidé par l’Internet

 

Bedouet Christiane (2008), Mourir les yeux ouverts (ouvrage de Marie de Hennezel en col avec Nadège Amar, 2007)

 

Bedouet Christiane (2009), Mourir vivant.1. Réflexions et point de vue

 

Bedouet Christiane (2009), Mourir vivant-2- A propos de la loi Leonetti 

 

Bedouet Christiane (2009), Mourir vivant-3- Les soins palliatifs (première partie).

 

Bedouet Christiane (2009), Mourir vivant-3-Les soins palliatifs(Deuxième partie).Suite du troisième article d’une série intitulée « Mourir vivant »

 

Bedouet Christiane (2009), LES CLIC. Faire face aux difficultés de la vieillesse

 

Bedouet Christiane ( 2011), Eloge de la fragilité.1. L’intelligence de la vieillesse.2. Traverser nos fragilités

 

°°°°°°°

C’est avec un grand plaisir que nous l’accueillons de nouveau, cette fois-ci pour trois articles successifs, évoquant «  La quête de sens », à partir d’extraits d’ouvrages.

Les sous-titres vont en être, à la suite de : «  Des repères brouillés ?», « Humaniser le quotidien », et enfin « Trouver un sens à sa vie malgré l’épreuve »

Dans cette première partie, sont cités des extraits de : 

 

Les ados et leurs croyances

Comprendre leur quête de sens et déceler leur mal-être

Philippe Le Vallois, Christine Aulenbacher – Éd. de L’Atelier, 2006

 

                                                                                                                                                                                                 Et de :

 

                                                                                                                                                                                   La Quête du sens 
                                                                                                                            Plusieurs auteurs - Éd. Albin Michel, 2000

 

°°°°°°°°

Texte de Christiane Bedouet

Introduction

 

       De plus en plus, dans le contexte actuel, nous pouvons avoir l’impression d’être happés par un tourbillon, d’être soumis aux dictats de la société moderne, recherche de la performance, rendement, argent, pouvoir sur les autres… Quant à ceux qui n’ont rien de tout cela, ils sont laissés sur le bord de la route et cet échec par rapport à la « norme » va bien souvent entraîner dépression, ou violence, et/ou consommation d’alcool, de drogue…

      

Quel sens tout cela a-t-il ? Est-ce cela la vie pour laquelle est fait l’être humain ?

       Lorsque l’on pose la question aux gens, donner du sens à sa vie, c’est :

-       être heureux en étant intégré à un groupe (on en voit l’importance dès l’adolescence)

-       être ou se sentir utile aux autres

-       agir pour ses enfants, sa famille

-       agir pour la société

-       agir pour les générations futures

-       transmettre, en étant attentif à la protection de la nature, transmettre des valeurs par l’art, l’écriture, la parole, le témoignage, l’exemple

-       croire que la vie ne s’arrête pas avec la mort et, là, on atteint la dimension du spirituel, qui n’est pas forcément le religieux.

 

Tout cela, on le conçoit bien, ne se fait pas sans pratiquer le dépassement de soi car, si l’on fait de soi-même son propre but, on risque fort de ne plus trouver de sens à sa vie.

 

       Nombre d’ouvrages ont été écrits sur la quête de sens et vous en trouverez ici des extraits.

 

 

1ère partie – Des repères brouillés ?

 

Pour commencer, nous nous attacherons à ceux qui sont parmi les plus vulnérables face à notre monde : les adolescents. Car, sous des dehors séduisants, le spirituel peut parfois  laisser place à des croyances dangereuses. Pour cela, voici des extraits d’un livre qui montre bien pourquoi la question du sens est si brûlante aujourd’hui :

 

Les ados et leurs croyances

Comprendre leur quête de sens et déceler leur mal-être

Philippe Le Vallois, Christine Aulenbacher – Éd. de L’Atelier, 2006

 

 

p. 8 – « Le satanisme capte une jeunesse rebelle », « Jeunes séduits par le paranormal », « Engouement des adolescents pour le spiritisme » (…) Comment ne pas s’inquiéter à la lecture de ces titres parus au cours des derniers mois dans la presse nationale ? (…) L’intérêt, voire la fascination que certains ados nourrissent pour ces univers de croyances ne peuvent être comprises que dans le contexte plus large de leur quête de sens, des attirances et des tendances qu’ils manifestent dans ce domaine, des valeurs qu’ils expriment.

 

p. 16 – Pour éprouver jusqu’où il peut aller, pour mieux voir où sont ses limites, l’adolescent cherche à les dépasser par des prises de risque excessives et auto-initiées : fugues, tentatives de suicide, dépassements de la loi, conduites dangereuses, transgressions de l’autorité (…). Son attirance, voire même sa fascination pour le paranormal, le satanisme, le spiritisme, le gothisme et les croyances parallèles en général, révèle à quel point il a besoin de se démarquer de son environnement familier pour exister par lui-même, fût-ce sous le mode de l’opposition ou de la provocation.

 

p. 38 – De moins en moins porté par des traditions et des institutions, situé dans une société précaire et mouvante, où de nombreux repères disparaissent ou se transforment, il [l’individu] est désormais conduit à choisir son identité, ses relations, ses appartenances, sa morale. Vivre sa vie, tracer sa voie, assumer ses choix, est-ce si facile dans un monde où les repères ne vont plus de soi ? Les adultes peuvent en avoir les ressources, les adolescents sont évidemment beaucoup moins armés.

 

p. 43 – Les identités sont bousculées et les individus questionnés tant à propos de leurs rôles et de leurs appartenances que de leur singularité précisément et jusqu’au plus intime d’eux-mêmes. Les certitudes disparaissent, les repères sont brouillés, les règles deviennent floues et instables, les normes deviennent problématiques et perdent leur autorité. Chez les adolescents, elles laissent place aux quêtes individuelles, quête d’authenticité, quête de limites, quête de sens. Quant à l’héritage des générations passées, ils ne le rejettent pas systématiquement mais ils se réservent davantage le droit d’en faire le bilan et d’en adopter uniquement ce qui les intéresse.

 

p. 44 – En quelques décennies, nombre de religions instituées sont passées, dans leur pays d’implantation traditionnelle, d’une position de religions prédominantes à un statut de religions parmi d’autres (même si privilégiées du fait de l’histoire et de l’empreinte qu’elles ont laissée dans les cultures, les modes de vie, les représentations) ; chacune, sur son territoire, se présentait comme le pôle unifiant des valeurs, des opinions et des comportements, or ces religions ne représentent plus aujourd’hui qu’un des secteurs de la vie humaine parmi d’autres. C’est le processus de sécularisation, de « sortie » de la religion établie.

 

 

 

       Les adolescents ne sont pas les seuls à chercher une réponse en dehors des religions établies dans leur pays (le christianisme, chez nous). De plus en plus d’adultes vont chercher ailleurs car ils ne se satisfont plus de l’héritage de croyances des générations passées, comme nous le montre cet extrait de l’ouvrage suivant :

 

La Quête du sens 
Plusieurs auteurs - Éd. Albin Michel, 2000

 

Le goût de l’Orient chez les chrétiens occidentaux ( Jean-Paul Guetny)

 

p. 85 – Ce qui caractérise l’Occident, constate Morin [Edgar], c’est d’abord une tendance instinctive à séparer les réalités : l’âme et le corps, l’homme et le monde, l’intelligence et la sensibilité, la science et la spiritualité, la sphère personnelle et l’espace politique. Ces séparations sont parfois utiles, mais elles peuvent aboutir à des divorces regrettables. Le monde occidental a de plus en plus conscience du caractère nocif des oppositions que j’ai indiquées. Il pense qu’on a trop coupé les choses. Il réclame une « approche holistique ». Pour la mettre en œuvre, il se tourne tout naturellement vers l’Orient, réputé unir ce que l’Occident sépare.

Deuxième caractéristique de l’Occident : il connaît une espèce de frénésie de l’action, privilégie le faire au détriment de l’être, de la « présence », selon le terme employé par Christiane Singer. Face à l’Occident menacé d’activisme, l’Orient apparaît comme le continent méditatif. Or, on ressent le besoin de réconcilier les deux dimensions.

 

p. 88 – Face à cet Occident en procès, quels sont les atouts de l’Orient ? À une pensée de séparation et d’exclusion, il oppose la complémentarité des contraires. Plutôt que de dominer la nature, il préfère vivre en symbiose avec elle. Au culte de l’individu, il substitue le décentrement par rapport à l’ego. Face au réductionnisme de type positiviste, il nourrit le sentiment que la réalité est plus vaste, plus complexe qu’on ne veut bien l’affirmer.

 

Du christianisme au bouddhisme : de l’activisme à l’intériorité

 

p. 92 – L’intérêt pour des religions autres que la sienne apparaît à beaucoup comme l’un des avatars du syncrétisme, lui-même considéré comme un des vices religieux modernes. Personnellement, je n’analyse pas les choses ainsi. Je pense que toute religion a ses forces et ses faiblesses, des points sur lesquels elle insiste avec beaucoup de pertinence et d’autres, qu’elle laisse plus ou moins dans l’ombre. Je crois à une certaine complémentarité de l’expérience spirituelle, une notion que, selon moi, on va voir se développer au cours des prochaines décennies.(…) Je pense qu’on va vers un monde de métissage et d’influences réciproques entre les traditions spirituelles. Quand je discute avec des amis bouddhistes, je constate combien un certain sens chrétien de l’engagement leur parle. Mais j’observe aussi, à l’inverse, que le langage bouddhiste sur le « lâcher-prise » et la nécessité de pratiquer la méditation semble très bien convenir à un certain nombre de chrétiens.

 

Dans le même ouvrage, Stan Rougier, prêtre catholique, écrit sa contribution intitulée « Des jeunes à la recherche du sens de leur vie ». Voici comment il termine :

 

J’en découvre tous les jours un peu plus sur Dieu. Cela m’embêterait de faire trop tôt ma petite synthèse et mettre sur ma porte : « Dépositaire exclusif des secrets de Dieu. Visite de 5 à 7 heures… » Ce n’est pas sérieux. Je veux rester en recherche toute ma vie. C’est pour cela que j’aime le dialogue inter-religieux. « Raconte-moi, lama Denys, dis-moi ce que tu penses de l’ultime réalité. Raconte-moi, Swami Ramdas, qui est l’absolu pour toi ? Raconte-moi, Bentounès, qui est Dieu pour l’islam ? » C’est fascinant, non ? Dieu est au-delà de tous ces chemins et nous aurons tous de sacrées surprises ! Vous ne croyez pas ?