JANVIER 2008

                                            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

ACCEPTER DE VIEILLIR ET DE VOIR LES SIENS VIEILLIR

Texte suivi d’un échange avec Henri Charcosset

 

Christiane BEDOUET

 

 

A notre époque où augmente de plus en plus le nombre de personnes âgées dans la société, il nous faut changer notre regard sur la vieillesse, dont on ne retient trop souvent que les côtés négatifs même si l’on sait que, à moins de mourir jeune, on n’y échappera pas. Il s’agit d’apprendre à « bien vieillir », sans se tromper sur le sens de cette expression.

 

            A tout âge, quand on vit des moments très durs, on peut s’en sortir grâce à une grande force de caractère, ou bien on peut sombrer.
 « L’homme porte en lui l’enfant qu’il a été et le vieillard qu’il sera un jour ». J’aime cette phrase parce qu’elle nous dit que, quel que soit l’âge, ce dernier n’efface pas la personnalité de chacun.

 

          Ce qui est grave, c’est que dans notre société « jeuniste », on a encore des chances, si les apparences physiques sont sauves et les activités « branchées », d’être considéré comme un senior dynamique. Mais, lorsque les marques du temps se voient de plus en plus sur le visage, la silhouette, la démarche, et que certaines activités doivent être réduites ou abandonnées, on risque de glisser peu à peu dans la catégorie des marginalisés : on est à l’étape de la vieillesse avec ses pertes et son inéluctable issue, à plus ou moins long terme, qu’est la mort.

 

          Cette vieillesse donc, la société, l’entourage proche, parfois, ne veut pas la voir : on se bouche les yeux, on met tout cela dans un coin car, finalement, on ne veut pas entendre parler de la mort. Et c’est naturel, on n’a pas à culpabiliser d’avoir ces réactions premières, c’est humain.

 

          La question est de parvenir à admettre que la mort est inévitable et qu’elle peut frapper à tout âge. Il ne nous faut pas « faire l’autruche », la mort fait partie de la vie. Si nous parvenons à admettre cela, je crois que nous pourrons, en face de la vieille personne diminuée, voir non plus uniquement la dégradation apparente, mais ce que cette personne est au fond d’elle-même : quelqu’un qui, comme nous, a peur de mourir, quelqu’un qui, comme nous, a vécu une enfance, une jeunesse, un âge adulte, quelqu’un qui, comme nous, a besoin d’être en relation, d’être aimé et compris. Nous serons deux êtres humains l’un face à l’autre, celui qui est en face de moi est mon frère en humanité.

 

          Et alors la vieille personne qui, parfois, ne pouvait plus se voir non plus elle-même parce qu’elle se sentait en quelque sorte exclue de la communauté humaine, alors cette personne, peut-être, aura moins tendance à se réfugier dans son monde qui n’est déjà plus le nôtre, elle se sentira reconnue comme l’un de nous, partageant la même humanité. Même si elle ne peut plus vivre comme avant, elle aura l’essentiel, la communication toujours possible, même si elle est non verbale, avec des frères en humanité. Ainsi, si l’état de la personne le permet, elle pourra peut-être, alors que le physique diminue, faire grandir en elle le spirituel et apporter beaucoup de sagesse à son entourage.

 

          C’est un long cheminement, cela ne se fait pas d’un coup de baguette magique et il est normal que cela n’aille pas de soi. Il y aura, au cours de ce cheminement, des hauts et des bas, mais celui-ci ne se fera pas sans la personne concernée ni sans l’empathie de l’entourage.

 

          Aussi faut-il faciliter le rapprochement intergénérationnel : il s’agit de vivre tous ensemble avec ce que chacun, à la place qui est la sienne, peut apporter aux autres et recevoir des autres. Il est important de ne pas creuser le fossé entre les générations, il est important de faciliter leurs échanges. Non seulement pour que les personnes « âgées » ne soient pas isolées, mais aussi parce qu’elles peuvent apporter beaucoup aux jeunes, comme les jeunes peuvent leur apporter beaucoup.

 

          Il est urgent de ne plus cacher la maladie, la vieillesse, la mort : il faut en parler, les jeunes en ont besoin pour se construire, pour faire face aux épreuves qu’ils pourront rencontrer quand ils seront adultes, pour accepter notre condition humaine, pour accepter la vieillesse lorsque, pour eux, elle viendra aussi. Il s’agit, si les facultés le permettent, de vivre jusqu’au bout ce que l’on a à vivre. Ainsi, plus il avance en âge, plus l’homme est appelé à ne garder que l’essentiel (et c’est beaucoup !) : ce qui le différencie de l’animal.

 

          En conclusion, accepter de vieillir n’a rien à voir avec la résignation. « Vieillir c’est grandir, et grandir c’est vieillir ». Plus on grandit et plus on sait que « l’essentiel est invisible pour les yeux » , et plus on rencontre l’Humain dans toute sa profondeur. L’important est de rester ouvert à la relation.

 

 

Sur ce sujet, on pourra visiter le site, très intéressant, de Jérôme Pellissier, formateur et chercheur en psycho-gérontologie et auteur, entre autres, de « La nuit tous les vieux sont gris » et de « Humanitude » :

 

http://jerpel.fr/

 

Egalement un ouvrage de Jean Maisondieu, psychiatre : « Le Crépuscule de la raison » présenté sur la page « Vieillir » de mon site « le temps des grands-parents »

 

COORDONNEES. ADRESSE DE MON SITE INTERNET

 

http://pagesperso-orange.fr/grands-parents/
         

 

ECHANGES AVEC LE WEBMESTRE

 

Question(H.Ch). Christiane, tu exprimes des idées intéressantes avec beaucoup de clarté ; quel métier exerçais-tu avant ta récente retraite? Faisais-tu déjà du bénévolat ?

 

Réponse(Ch.B) Tout d’abord merci, Henri, de l’intérêt que tu portes à ma modeste contribution. Mais je suis nourrie des apports de mes maîtres…
          Pour répondre à ta question, j’étais prof de français en collège. Ayant trois enfants, j’avais suspendu mon activité professionnelle pendant plusieurs années. Au cours de cette période, j’ai fait du bénévolat à la bibliothèque municipale en tant qu’animatrice de « L’Heure du conte » pour les petits, une fois par semaine. Ensuite j’ai fait de la catéchèse auprès d’enfants du primaire dans le cadre paroissial, puis auprès de collégiens lorsque j’ai repris mon activité professionnelle.

 

Question(H.Ch) Tu es lancée à fond dans le bénévolat associatif maintenant ?avec certaines au moins de tes orientations se rapportant au sujet de cet article ?

 

Réponse(Ch.B) Maintenant je suis toujours engagée dans le bénévolat.
          En 2003 j’ai été confrontée à la maladie de ma mère qui, restée hémiplégique suite à un accident vasculaire cérébral, avait opté pour le maintien à son domicile. Dans le même temps, j’ai eu moi-même deux opérations chirurgicales en 4 mois. Ensuite congé de longue maladie avec perspective de mise à la retraite à l’issue de ces trois ans.

          Je n’étais pas du tout préparée : ni à ce qui était arrivé à ma mère, ni à ce qui m’arrivait…
          C’est là que je me suis adressée au CLIC (Centre d’information et de coordination pour les personnes âgées et leurs familles), afin d’obtenir un soutien à un moment où j’en avais bien besoin. Et puis, peu à peu, j’y suis intervenue comme documentaliste bénévole. Aujourd’hui, j’ai rejoint aussi l’équipe des bénévoles intervenant auprès des personnes âgées.

          Mes soucis de santé, la peur de la mort et tout le travail de réflexion que cela a engendré m’ont amenée à m’engager ensuite dans l’équipe d’aumônerie de l’hôpital, où je visite les malades du service cardiologie une fois par semaine. C’est avant tout une visite fraternelle et un temps d’écoute. Si la personne en manifeste le désir, on peut alors répondre aux demandes religieuses comme temps de prière ou communion.
Je peux dire aujourd’hui que je ne regrette en rien ce choix : on rencontre, dans la personne malade ou mourante, l’humanité dans toute sa profondeur. Car, là, les masques tombent…
  

 

 

Question(H.Ch). Parles-nous un peu plus de ton site Internet ? Par exemple, comment fais-tu ta sélection de livres présentés (si possible rajouter leur année de parution) ? Il paraît tellement de livres qu’il est difficile de s’y retrouver et de choisir? Pas mal d’ouvrages nouvellement parus ne se démodent-ils pas assez vite ?

 

Réponse( Ch.B) Tout d’abord la raison d’être de mon site Internet, c’était la possibilité de partager, avec le plus grand nombre possible, ce qui m’avait soutenue (services d’aide à la personne, lectures…), dans les circonstances que j’ai décrites plus haut… et ce qui m’aide toujours. C’était aussi une façon de garder une place dans la société à cette période où je me sentais isolée. Je faisais mon chemin de vie tout en essayant d’aider les autres à faire le leur.

          - Comment je sélectionne les livres présentés ?
             Par exemple, dans la partie « Littérature de jeunesse », on trouve des romans que j’avais fait lire à mes élèves et qu’ils avaient aimés. Je les avais choisis parce qu’ils montraient combien peut être riche la relation grands-parents/petits-enfants ou parce qu’ils permettaient d’aborder, avec les enfants, la question de la vieillesse, de la maladie, de la mort. Je me tiens au courant de l’actualité de la littérature de jeunesse en fréquentant la bibliothèque municipale qui offre un espace jeunesse très riche.
          Dans la partie « Pêle-mêle », je présente des ouvrages qui m’intéressent et qui m’aident à poursuivre le chemin. J’y ai trouvé des éléments pour m’y nourrir. J’espère que chacun puisse y trouver aussi quelque chose de bon pour lui. J’ai connaissance de ces ouvrages, souvent par des références bibliographiques et critiques de magazines auxquels je suis abonnée, ou en discutant avec des amis.
          C’est vrai également pour la partie « Vieillir ». Là, je dois beaucoup aux ouvrages que j’ai empruntés au CLIC. J’ai repéré quelques auteurs qui m’ont tellement apporté que j’ai envie de lire d’autres livres d’eux. Je consulte également les bibliographies présentées dans des revues comme « Gérontologie et Société » de la Fondation Nationale de Gérontologie.

          Il y a, bien sûr, des ouvrages qui risquent d’être plus vite dépassés que d’autres. Si c’est le cas, je les supprime et les remplace par d’autres plus récents si leur apport correspond à mes objectifs.

 

Question(H.Ch).  Comme tu le sais, un objet principal de mon  site est de contribuer pour la mise à profit de l’Internet en vue de la prolongation  d’une insertion sociale active par tout un chacun sans limites d’âge ni de niveau de handicap. Sauf là où le handicap mental devient par trop conséquent.

Tous mes ascendants ont été agriculteurs et  participaient au travail de la ferme jusqu’ à leur fin. Pas de rupture du lien intergénérationnel dans ces conditions. L’être humain s’identifie largement par ce qu’il fait, reflet de qui il est. Il fait selon ce qu’il peut, ce qui peut-être peu, chacun  le comprend. Ce faire n’a pas à être manuel, ce peut aller jusqu’au  spirituel. A une vieille amie religieuse paralysée, je lui dis la chance qu’on a de l’avoir, encore,  dans cet état  propice à la méditation, et à la prière par  exemple  pour la paix..

D’après les approches existant  de la part de jeunes adultes paralysés, il est  certain que le maintien ou le rétablissement d’un lien intergénérationnel sont très possibles depuis une résidence pour personnes âgées. Pensons par exemple au télé-bénévolat de soutien scolaire.  

Deux références sur mon site , pour la mise à profit de l’Internet par des personnes très âgées :1/ Nouhad Reudet 2/ Nouhad Reudet et Henri Charcosset.

 

Christiane, peux-tu nous dire ce qu’il en est pour toi de ce domaine, d’après tes connaissances bibliographiques et autrement documentaires, éventuellement d’après

ta pratique associative ( Activités en cours et en projet), ta réflexion personnelle encore ?

 

Réponse(Ch.B) Pour ce qui est du lien intergénérationnel, je suis persuadée qu’il faut tout mettre en œuvre pour le maintenir ou le rétablir. Ce ne sera sans doute plus de la même façon qu’avant car les familles sont dispersées et les femmes travaillent, pour la plupart. Mais on doit pouvoir inventer, si ce n’est déjà fait, des façons d’y parvenir, comme les maisons de retraite couplées avec une crèche, par exemple.

          Côté nouvelles technologies, je constate que mes beaux-frères et sœurs déjà grands-parents se sont mis à l’internet pour communiquer plus facilement avec les enfants et recevoir des photos des petits-enfants. C’est d’autant plus appréciable que l’on est éloigné à cause du travail qui se trouve en Angleterre, à l’autre bout de la France ou plus loin encore…

          L’internet est un moyen intéressant et pratique de garder un lien et de rester socialement inséré. Quand on fréquente les forums de discussion, on peut constater que se forment des communautés où les gens aiment se retrouver et s’apporter mutuellement conseils et réconfort.

          Les sites perso sont un moyen de communiquer, de façon plus détaillée et approfondie, sur ce qui nous tient à cœur et d’apporter notre pierre dans la construction du monde. Je connais un site intitulé « Bien vieillir », dont le webmestre est un certain Henri Charcosset, et qui est très intéressant à ce titre. Merci, Henri, pour ta façon d’y faire participer les gens et de mettre en valeur ce qu’il font. C’est une mine de renseignements et d’éléments propices à favoriser la réflexion ou même à favoriser l’activité professionnelle de certains, comme Nouhad Reudet. Ça doit être un peu cela le levain dans la pâte…

          A part mon site et ma fréquentation des forums, je n’ai pas, actuellement, d’autre exemple particulier.
          Le CLIC avait expérimenté la visiophonie mais n’a pas donné suite, trouvant les essais peu concluants pour le moment. Je sais que l’on parlait d’une possibilité de cahier de transmissions électronique entre les familles éloignées et les intervenants au domicile d’une personne âgée seule. Cela mériterait d’être mis au point et de se développer car ce serait un outil sécurisant pour tout le monde. On avait proposé cela à ma mère mais elle n’a pas voulu. Il est vrai qu’elle n’était pas initiée aux nouvelles technologies et n’avait pas envie de s’y mettre, n’arrivant pas à accepter son état.

           Pour terminer, j’ai envie de reprendre ce que tu disais à propos de ton amie religieuse. C’est vrai que quand on ne peut plus rien matériellement, on peut encore spirituellement. Et ce n’est pas rien, c’est notre spécificité d’êtres humains !..