MARS 2009
MOURIR
VIVANT – 2 – À propos de la loi Leonetti
Christiane BEDOUET
temps-grands-parents@wanadoo.fr
a
Cet article-ci fait suite à -1- : Réflexions et Point de vue, CLIC
Très clair, ce texte va aider notre réflexion sur le sujet à ne pas
fuir, de notre Mourir vivant, en final
d’un Vieillissement réussi !
Une façon parmi d’autres de l’aborder n’est-elle pas
de repenser aux Morts de proches et autres connaissances,
dont nous avons suivi la survenue ?
Les personnes
intéressées de réaliser ce travail de mémoire, et désireuses de mettre
en partage cette réflexion, peuvent l’adresser à Christiane Bedouet.
Penser qu’un texte susceptible d’être publié gagne à
satisfaire les indications données à la page CLIC . H.C.
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Le 22 avril 2005 était votée la loi Leonetti relative
aux droits des malades et à la fin de vie. Après de nombreux débats et
consultations, la mission parlementaire présidée par Jean Leonetti, praticien
hospitalier et député-maire d’Antibes, avait mis au point ce texte précisant
les droits des patients et les pratiques à mettre en œuvre lorsque la
fin de vie se fait proche. En 2008, la mort de Chantal Sébire suscite une
vive émotion et relance le débat sur l’euthanasie : nombreux sont ceux qui
réclament une évolution de la législation. Cependant beaucoup - dont le
ministre de la santé - considérant qu’il ne faut pas légiférer sous le coup de
l’émotion, la loi n’a pas été fondamentalement modifiée ni remplacée par une
autre.
Après quelques définitions indispensables, nous
nous arrêterons sur les principaux points de cette loi, puis nous
verrons si elle a un rapport avec le « mourir vivant ».
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Il convient d’abord de définir les mots ou expressions
souvent employés lorsque l’on traite de ce sujet. Certaines erreurs peuvent en
effet prêter à confusion.
Tout d’abord, l’étymologie du mot
euthanasie qui vient du grec :
« eu » : bien et « thanatos » : mort.
L’origine du mot indique donc l’idée d’une bonne mort, d’une mort douce.
Aujourd’hui, on entend par euthanasie le geste
délibéré par lequel un soignant ou un proche abrège la vie d’une personne
atteinte d’une maladie incurable et souffrant de douleurs insupportables.
L’intention est donc de donner la mort.
Peut-on faire une distinction entre « euthanasie
passive » et « euthanasie active » ? L’ « euthanasie
passive » consiste en un geste ou en l’omission d’un geste qui va
hâter le moment de la mort sans vouloir intentionnellement faire mourir.
L’ « euthanasie active » consiste en un acte volontaire
dont le but est d’abréger la vie du patient.
L’emploi, dans les deux cas, du mot euthanasie risque
de créer des malentendus et il vaudrait mieux renoncer à l’expression
« euthanasie passive », alors que celui qui la
« pratique » n’a pas l’intention délibérée de donner la mort.
En 2000, le CCNE ( Comité consultatif national
d’éthique ) a défini le mot « euthanasie » comme suit :
Celle-ci consiste en « l’acte d’un tiers qui
met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre un
terme à une situation jugée insupportable ».
Le « suicide assisté » consiste en
l’aide du médecin qui montre au patient comment se suicider.
Dans la Charte des soins palliatifs, l’ « acharnement
thérapeutique » est l’ « attitude qui consiste à poursuivre
une thérapeutique lourde à visée curative qui n’aurait comme objet que de
prolonger la vie sans tenir compte de sa qualité, alors qu’il n’existe aucun
espoir raisonnable d’obtenir une amélioration de l’état du malade ». C’est
ce que l’on appelle encore « obstination déraisonnable ».
On trouvera aussi les expressions « euthanasie
directe » : acte dont l’intention est de donner la mort, « euthanasie
indirecte » : acte dont l’intention est le soulagement de la
douleur par l’administration à hautes doses de produits comme la
morphine ; dans ce cas, la mort est un effet secondaire, mais non
recherché, du traitement.
On parle aussi du « du double effet »
lorsqu’ un traitement peut avoir deux effets, l’un bon (soulagement de la
douleur), l’autre mauvais (anticipation de la mort). On ne confondra donc
pas « effet prévu » et
« effet voulu » : l’effet prévu peut parfois être
voulu, mais il peut ne pas l’être.
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Voyons maintenant ce que dit la loi Leonetti, qui
renforce les droits du patient et instaure des droits spécifiques au patient en
fin de vie. L’objectif est de préserver la dignité de la personne et la qualité
de la fin de vie, ainsi que de réconforter son entourage.
Le médecin doit informer le patient, faire en sorte de
soulager sa souffrance et l’assister moralement. Lorsque les soins semblent
inutiles et qu’ils n’ont pour but que le seul maintien artificiel de la vie,
ils peuvent être suspendus ou ne pas être mis en œuvre.
Par contre, le refus de l’acharnement thérapeutique
ne signifie pas que tous les soins sont arrêtés. L’équipe doit, au contraire,
accompagner le patient et lui prodiguer des soins adaptés à la fin de vie. Des soins
palliatifs doivent donc être mis en place.
Le droit au refus de l’obstination déraisonnable est
donc reconnu, et les modalités de ce refus sont définies.
Le médecin, en effet, n’a pas le droit de provoquer
délibérément la mort du patient. Mais, dans le but de soulager la souffrance,
et même si cela doit avoir pour effet secondaire d’abréger la vie, la loi
Leonetti l’autorise à administrer des antalgiques à haute dose ou, dans
certaines situations exceptionnelles, à pratiquer la sédation, qui
provoque la perte de conscience. Le but recherché est le soulagement de la
douleur du patient.
Comment décide-t-on s’il y a ou non acharnement
thérapeutique ? C’est d’abord le patient qui doit répondre, s’il est
conscient. Sinon, en respectant une procédure collégiale, il y a
consultation de l’équipe soignante et d’un autre médecin sans lien hiérarchique
avec le médecin du service et n’appartenant pas à l’équipe qui prend en charge
le patient.
Cette procédure doit être notée dans le dossier
médical, et le patient, la personne de confiance ou la famille doivent être
informés.
Comment respecter au mieux les souhaits du malade s’il
est inconscient ? Lorsqu’une personne se trouve en phase avancée d’une
maladie grave et incurable, elle peut choisir une personne de confiance et
rédiger des directives anticipées.
Toute personne majeure a donc le droit de désigner une
personne de confiance (parent, proche ou médecin traitant) qui
sera consultée si elle se trouve dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté.
Cette désignation se fait par écrit et elle est révocable à tout moment. La
personne de confiance peut accompagner le malade dans ses démarches et
l’assister lors des entretiens médicaux pour l’aider dans la prise de décision.
Pour que l’on connaisse ses volontés au cas où, le
moment venu, il serait inconscient ou incapable de s’exprimer, le patient peut
rédiger des directives anticipées. Il s’agit d’un document écrit, rédigé
par une personne majeure et indiquant nom, prénom, date et lieu de naissance du
patient. Si celui-ci est dans l’impossibilité d’écrire, deux personnes (dont la
personne de confiance) attestent que le patient ne peut rédiger le document
mais que celui-ci est bien l’expression de sa volonté libre et éclairée.
Les directives anticipées sont modifiables et
révocables à tout moment dans les mêmes conditions. Elles ont une validité de
trois ans, renouvelables par un document daté et signé.
Voilà donc, en résumé, le contenu de la loi Leonetti.
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En quoi cette loi favorise-t-elle ou ne
favorise-t-elle pas le « mourir vivant » ?
On pourrait dire qu’en refusant au malade le droit à
l’euthanasie ou au suicide assisté, elle lui impose de continuer à vivre même
s’il ne se juge plus digne de rester dans la communauté humaine parce
qu’il est diminué, dépendant, plus regardable. Tandis que, si la loi permettait
euthanasie ou suicide assisté, la personne pourrait partir avant d’avoir trop
honte d’elle-même, laissant ainsi à sa famille et à ses proches une image plus
décente, ressemblant à ce qu’elle était avant la maladie.
Mais « où commence l’altération
de l’image de soi ? Quand devient-elle insupportable ? Aux yeux
de qui ? L’ami véritable n’est-il pas aussi celui qui accueille la
détresse et la vulnérabilité de l’autre ? » ( Jacques Ricot, Dignité
et euthanasie – Ed. Pleins feux, 2003 )
Est-ce parce que je suis atteint d’une
maladie, que je n’ai pas demandée, et qui me diminue, me défigure ou me rend
dépendant, est-ce pour cela que je n’ai plus aucune dignité aux yeux de mon
entourage ? Si l’on répond affirmativement, n’est-ce pas faire bien peu de
cas d’un être humain – même diminué – et de notre capacité à être solidaires
les uns des autres et à nous soutenir mutuellement ? Ce raisonnement peut se comprendre chez celui
qui a peur d’être un poids pour les autres. Mais cela peut-il être le raisonnement
de l’entourage ?
Et puis, qu’est-ce que la dignité ?
Consisterait-elle seulement à ne pas donner une mauvaise image de soi ?
Alors on devrait juger indignes de vivre tous ceux qui continuent à vivre
malgré une image dégradée ? Et que fait-on de la dignité de celui à qui
l’on réclame l’euthanasie ? Ne l’instrumentalise-t-on pas en lui demandant
de commettre un geste meurtrier ? Que fait-on de sa liberté d’être
humain ?
Et c’est au nom de cette même liberté
que l’on demande le droit de mourir. Mais mourir n’est ni un droit ni un devoir
puisque, de toute façon, notre condition humaine est d’être mortels.
Reste la question de la douleur. Est-il
humain de laisser quelqu’un attendre la mort dans des souffrances
épouvantables ? La loi Leonetti se trouve aussi éloignée de l’acharnement
thérapeutique que de l’euthanasie : on ne laisse pas souffrir le malade,
on peut lui administrer de très fortes doses d’antalgiques, même si la mort
doit s’ensuivre. Et, si ce n’est pas suffisant, on peut pratiquer la sédation,
qui endort le patient.
Hypocrisie, dira-t-on, puisque de toute
façon on aboutit au même résultat, la mort. Mais peut-on mettre au même plan
« droit de mourir ou de faire mourir » et « droit de
laisser mourir » ? Dans le premier cas, on supprime la douleur en
supprimant le malade. Dans le deuxième cas, on supprime la douleur et le
maintien artificiel de la vie ( alimentation par sonde, etc. ). On laisse
mourir, on permet de mourir à celui que l’on a cherché avant tout à accompagner
et à soulager jusqu’à la mort, celle-ci étant la conséquence du traitement de
la douleur, et donc de la maladie.
Nous sommes des êtres de relation. Si
nous ne sommes plus en relation, sommes-nous vraiment vivants ?
Celui qui est malade meurt-il plus vivant si l’on accède à sa demande de
mourir ? Cette demande veut dire : « Je ne veux plus vivre avec
vous car je ne vaux plus rien ». Et l’on répond :
« D’accord » ?
Celui qui
refuse l’acharnement thérapeutique fait aussi un choix digne d’un
être humain lucide, il exerce sa liberté, et point n’est besoin pour
cela de demander l’euthanasie ou le suicide assisté. De plus, il reste en
relation avec les siens, aussi longtemps qu’il est conscient. Et, même
inconscient, que sait-on de ce qu’il perçoit ?… N’est-ce pas mourir vivant
que de pouvoir encore communiquer avec les siens, leur transmettre un message,
recevoir ou donner un pardon permettant de partir en paix ? Et si le
malade est inconscient mais que les siens sont près de lui, lui permettant de
mourir, mais l’accompagnant jusqu’au bout, n’est-il pas plus vivant ?
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La loi Leonetti
propose une voie qui respecte et le malade, et son entourage, et les
soignants. Elle permet au médecin de ne pas se trouver seul face à la décision
et d’agir dans la transparence. Elle renforce les droits du malade,
le rôle de la personne de confiance, de la famille et des proches, tout en
ne passant pas par la dépénalisation de l’euthanasie. On est là dans une
réponse on ne peut plus humaniste à la question de la fin de vie.
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L’hebdomadaire « La Vie » a réalisé, sur ce
sujet, une brochure « Droits des malades et fin de vie ». On peut
l’obtenir :
- sur Internet : http://www.lavie.fr ( lien vers fichier PDFen bas à droite de la
page d’accueil )
- par courrier : La Vie – Droits des malades et
fin de vie
8 rue Jean-Antoine-de-Baïf 75012
PARIS CEDEX 13