MARS 2008
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VIEILLESSE ET MORT DANS LA LITTERATURE
Christiane BEDOUET
Texte
suivi d’un échange avec Henri Charcosset
« La
vieillesse m’est légère, pas seulement facile à supporter, elle est aussi
agréable ». C’est ainsi que, au 1er siècle av. J-C., l’auteur
latin Cicéron concluait son
"De Senectute" (La
Vieillesse).
De tout temps, la question de la
vieillesse et de la mort – liée à celle du sens de la vie – fait partie des
interrogations essentielles de l’homme. Les écrivains sont là pour en
témoigner. Nous en prendrons quelques exemples parmi les auteurs des siècles
passés et contemporains.
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En parcourant l’histoire de la
littérature, on voit que les écrivains ont donné une image tantôt positive,
tantôt négative de la vieillesse. Ils ont souvent exprimé cette nostalgie,
que nous éprouvons tous à cause du temps qui passe.
Ainsi Ronsard, au 16e siècle,
par exemple dans le poème « Mignonne allons voir si la rose »,
avertit la femme aimée : « Comme à cette fleur la vieillesse fera
ternir votre beauté ».
Perte de la beauté physique …
… Perte des forces physiques. Ainsi,
au 17e siècle, Corneille fait dire à Don Diègue dans "Le
Cid" le célèbre « Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse
ennemie ! »
… Accentuation des travers moraux.
Ainsi dans les pièces de Molière – toujours au 17e siècle –
rencontre-t-on bon nombre de vieillards non seulement égoïstes et ridicules
comme monsieur Jourdain dans "Le Bourgeois gentilhomme", mais aussi
bougons, aigris et méchants tel Harpagon dans "L’Avare".
Toujours à la même époque, La Fontaine
écrivait : « La vieillesse est impitoyable » dans sa fable
"Le vieux chat et la jeune souris".
Et dans les contes, les sorcières sont des
vieilles effrayantes à l’aspect repoussant.
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Pourtant les écrivains n’ont pas toujours brossé
un tableau aussi noir de la vieillesse.
Cicéron, dans le discours cité en
introduction, témoigne – ayant lui-même atteint les quatre-vingt-trois ans –
que cette étape de la vie réserve du bonheur et des joies à qui sait l’assumer
avec bon sens : si les forces physiques diminuent, l’expérience
et la sagesse forcent le respect et permettent d’éduquer la jeunesse. Et,
indiquant quelques règles de comportement, il dit : « Si l’on se plie
à cela, on pourra être vieux dans son corps, jamais dans son esprit ».
Dans les "Essais" de Montaigne,
au 16e siècle, on retrouve la préoccupation de la vieillesse et de
la mort. Pour échapper à l’angoisse de la mort, il préconise d’accepter et
d’apprivoiser l’idée de notre propre mort : « N’ayons rien si
souvent en tête que la mort […] Le savoir mourir nous affranchit de toute
contrainte. Il n’y a rien de mal en la vie pour celui qui a bien compris que la
privation de la vie n’est pas mal ». Et ceci n’empêche pas de bien vivre
le temps présent.
Au 19e siècle, Victor Hugo, à
peine la trentaine, fait dire à Hernani : « Et vieux, on est jaloux,
on est méchant, pourquoi ? Parce que l’on est vieux ». Mais,
septuagénaire, ce même Victor Hugo écrira "L’Art d’être
grand-père" où il se décrit plein de bonheur face à ses deux
petits-enfants : « En me voyant si peu redoutable aux enfants, les
hommes sérieux froncent leurs sourcils mornes ; un grand-père échappé
passant toutes les bornes, c’est moi […] Je ne suis rien qu’un bon vieux
sourire entêté ».
Bien d’autres écrivains, au fil des
siècles, ont exprimé toutes sortes de sentiments – crainte, joie, dégoût,
respect – à propos de la vieillesse que, disait Cicéron « tout le monde
souhaite atteindre mais qu’on rejette quand on y est ».
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Ce paradoxe « résultat [toujours selon
Cicéron] de l’inconséquence et de l’extravagance de notre faiblesse
d’esprit » existe toujours aujourd’hui. Les écrivains contemporains
montrent que nous n’avons guère changé.
Ainsi Jean Dutourd dit-il :
« L’inconvénient de vivre longtemps est que la dernière image de soi que
le monde ait vue est celle d’un vieillard » ("Dutouriana")
La vieillesse, nous en sommes tous là,
on la redoute tout en se félicitant d’une augmentation considérable de
l’espérance de vie au cours des dernières décennies.
Ce que l’on redoute, ce sont toutes les
pertes (beauté, forces physiques, facultés mentales), mais il y a aussi
la peur de la mort.
Ionesco confiait ainsi qu’il avait
« toujours été obsédé par la mort. La mort, c’est la condition
inadmissible de l’existence ». Et l’on retrouve cette préoccupation dans
son œuvre. Par exemple, dans "Le Roi se meurt", cette pièce
tragi-comique où il évoque la vieillesse, la maladie, la mort à travers le
personnage de Béranger 1er : ce vieux roi, qui se croyait
immortel, va pourtant mourir et il se révolte contre le fait de devoir tout
quitter.
Mais ne redoute-t-on pas aussi, une fois
vieux, d’être marginalisé et méprisé ? Simone de Beauvoir,
dans "La Vieillesse ", se demandait : « Les vieillards
sont-ils des hommes ? A voir la manière dont notre société les traite, il
est permis d’en douter ».
En effet – sans vouloir généraliser – la
société, bien souvent, maltraite ses aînés, les parquant dans des
"ghettos" où l’on a bien du mal à trouver la place de l’humain.
Pourquoi en est-on arrivé là alors que,
dans d’autres cultures, les personnes âgées sont respectées et gardent une
place importante auprès des autres membres de la communauté ?
COORDONNEES.
ADRESSE DE Christiane BEDOUET
http://pagesperso-orange.fr/grands-parents/
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ECHANGES AVEC
LE WEBMESTRE
En guise d’introduction(
H.Ch)
Christiane, ton texte est riche ; il demande une lecture
lente et beaucoup de réflexion ; dans ce qui suit, nous allons nous
rattacher à ce que tu rapportes de Montaigne : ACCEPTER ET APPRIVOISER
L’IDEE DE NOTRE MORT. Oui, tant que l’on fuit devant cette idée, on repousse à
tort un véritable enseignement à bien vieillir et mourir !
Nous avons appris à nos enfants à devenir
adulte, autonome, responsable de soi-même. Nous avons à prolonger par nous- même, pour nous- même
cet état d’être, aussi longtemps que faire il se pourra !
La vieillesse débute vers 65-70 ans pour
les hommes, quelques années plus tard pour les femmes. Pour bien longtemps
encore tu te situes dans l’Avant-vieillesse, là où je suis entré en Vieillesse.
La
Vieillesse se traduit par un tassement des capacités à assimiler, en tout cas
de vouloir le faire, ce qui pour soi est vraiment nouveau. On peut prendre en
exemple l’informatique couplée Internet : très peu d’hommes de 65-70 ans et
plus, non formés pendant leur vie
professionnelle, s’y mettent vraiment.
C’est bien dès l’Avant-vieillesse, que la
personne, encore proche de son maximum de possibilités, doit anticiper et
préparer sa Vieillesse, sa Mort, et son
Après-mort. Sans se limiter à des intentions de principe, mais en se plaçant
dans le champ du concret. Voyons quelques exemples.
Question( H. Ch ), sur la mort de l’un des deux dans un couple
T’es-tu déjà arrivé de penser sur un plan
général ou plus personnel, que la probabilité est minime pour que ton mari et
toi mouriez quasiment le même jour ? Avec les implications que la mort du
premier entraîne pour le second.
Pour ma part, fort de l’expérience de mon père, qui
a commencé à penser et encore, à organiser sa succession une fois qu’il n’a plus eu le tonus nécessaire, je
n’ai pas attendu d’entrer en Vieillesse pour m’en occuper. Je suis usufruitier
de l’appartement où nous vivons avec ma compagne, mes deux enfants étant
propriétaires nus. Par bail signé entre nous quatre devant notaire, et dans la
bonne entente, si je meurs en premier ma compagne gardera jusqu’ à sa mort, les mêmes
avantages que j’ai moi..
Réponse ( Ch. B)
Question ( H.Ch),
sur le moment de notre passage de l’Avant à
l’Après Mort ?
As-tu déjà eu l’occasion d’y
réfléchir en général, voire pour toi-même ? Je ne vais pas me torturer le
cerveau sur ce point-là. J’ai bien pensé être sur le point de mourir ;
j’avais 17 ans, et étais sous le coup d’une attaque foudroyante du virus de la
polio ; je me suis vu allant à ce tunnel de lumière, dont parlent les
personnes ayant vécu une Expérience de Mort Imminente, EMI. Elles en gardent,
une non frayeur affirmée rapport à ce qui sera cette fois leur réel grand
Passage.
Réponse ( Ch. B)
Question( H. Ch), sur l’organisation de notre immédiat après-mort
T’es-tu déjà occupée au plan associatif
ou/et familial, pour la préparation des funérailles de quelqu’un du temps de
son vivant ? J’ai souhaité dans mon testament être incinéré. Sauf demande
particulière auprès de la mairie, l’incinération du corps, vers
le
temps de s ‘échapper à son rythme du corps physique du défunt, avant
carbonisation de ce dernier.
Réponse( Ch.B
Question( H.Ch),
sur la nécessité d’un enseignement à bien préparer sa Vieillesse, sa
Mort , son Après-Mort
C’est la population des jeunes retraités,
celle de l’Avant-Vieillesse comme je dis ici, qui est vraiment prioritaire en
besoin. Hier soir sur un forum, une toute nouvelle retraitée voulant se lancer
en bénévolat, décrit son arrivée dans un club de retraités de sa ville. Quasiment la honte, de s’être fourvoyée dans
un cercle de braves gens n’ayant somme toute que 15 à 25 ans de plus qu’elle.
Faire que tout stage
de préparation à la retraite, sensibilise au besoin pour soi-même de s’investir auprès des aînés ; il
s’agit de préparer sa propre entrée en Vieillesse, préalable naturel à sa mort et Après- Mort .
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De Christiane Bedouet
Accepter de vieillir et de voir les siens vieillir
http://bien.vieillir.club.fr/accepter_de_vieillir.htm