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Janvier 2013
A L'USAGE DES ORGANISATEURS DE CONTERIES : QUELQUES TRUCS POUR GACHER LE PLAISIR DES
AUDITEURS" Accès
direct au Texte
Hélène LOUP –
conteuse professionnelle – http://heleneloup.canalblog.com
Introduction
Hélène Loup a
-publié l’ouvrage : Conter
aux adolescents : Une merveilleuse aventure , Hélène
Loup, Chantal Ferdinand, Brigitte Breyton et
Anne-Marie Tropet (Broché - 1 novembre 2005)
Sur ce site, elle a déjà publié successivement les
articles :
Loup Hélène (2010), Contes et
conteurs d’hier et d’aujourd’hui….
Loup Hélène(2010),
Un fonctionnement de conteur
Loup Hélène ( 2010), La sorcière
et la fée, deux personnages à la fois bons et mauvais
Loup Hélène (2011),
Les mille et un visages du Petit
Chaperon Rouge
Loup
Hélène (2011), Mémé, Bonne-maman, Mamy,
raconte-moi une histoire
Loup Hélène
(2012), « Contes de paroles », ou quand les conteurs s’interrogent
sur la force de la parole à travers le
monde
Loup Hélène
(2012), Les contes, ou
l'apprentissage de la vie... ensemble
Il y a bien des façons pour un organisateur
de gâcher le plaisir du public. On pourrait les regrouper en trois grands types
de pratiques qui peuvent se superposer et qui concernent l’objet de la
prestation (ici le conte), la prestation en elle-même (la conterie),
les artistes (conteur[s] et/ou conteuse[s]) et le public (les auditeurs) :
dévaloriser, perturber, empêcher. Comme en tout, il y a de véritables experts,
pleins de fantaisie inventive. Les prix du Hérisson d’Or, d’Argent et de Bronze
ont récompensé les plus performants. Des exemples à étudier pour les candidats.
Cette année, le prix du Hérisson d’Or toutes
catégories revient à une maison de retraite dite médicalisée de la banlieue
parisienne. Appelons-la la Résidence Tourtourine.
Judicieusement, ces gens ont confié la
recherche de « l’animation » prévue cet après-midi-là à une de ces
agences, de plus en plus nombreuses, qui proposent de
« l’évènementiel », plus précisément à l’une de celles qui est plus
experte en création de site sur la toile qu’en prestation de qualité. Cette
agence a contacté directement le conteur (en réalité, une conteuse) en
demandant une conterie pour le 24/12 de 15h à 16h15.
La conteuse a signalé que 1h de contée suffisait en général, quitte, si elle en
sentait la possibilité, à donner encore un conte, une chanson. Mais le
responsable de l’agence a bien insisté : 1h15, de 15h à 16h15 ! En
outre, cet appel téléphonique a eu lieu le 23/12 pour le 24/12, donc très tard,
trop tard pour que, en cette période chargée, l’agent artistique de la conteuse
puisse établir un contrat préalable en ordre à temps. De plus le public annoncé
était sensé être composé des résidents de la « maison de retraite »
et de leurs familles, donc un public de tous âges et majoritairement sans
soucis neurologiques. En réalité, il s’agissait surtout d’une maison
« médicalisée », et les familles n’avaient pas été conviées. Il a
donné aussi le nom de la « chargée des animations » à la résidence Tourtourine, à contacter. Sans dire, sans savoir peut-être,
que cette personne était en vacances.
Quand la conteuse a téléphoné à la résidence,
afin d’organiser avec celle-ci les modalités concrètes de son intervention, la
responsable qui a répondu a rétabli ces deux vérités, et s’est montré
coopérative. Elle a donné des informations claires, et confirmées plus tard par
les recherches de la conteuse prudente, concernant le trajet de une heure et
demi à deux heures en transports en commun (un soir de réveillon, la conteuse
craignait les embouteillages), moins précises à pied, mais la conteuse ne
devait s’en apercevoir qu’une fois sur place. Et elle a promis la fourniture
d’un micro, d’un paper-board
et d’une petite table, ainsi que la présence de personnes responsables des
résidents dans la salle durant la contée comme demandé. Pour la conteuse, la
confiance était donc de mise.
Mais à l’arrivée, elle a dû sonner un long
moment dans un petit vent humide et frisquet, du genre nocif pour une voix qui
va servir, avant de se faire ouvrir la porte du jardin situé devant le
bâtiment. Elle commençait à composer le numéro de la résidence (elle avait eu
la prudence de le noter dans son agenda) sur son portable quand enfin on a
parlé dans l’interphone. Mais le portillon était coincé par la rouille.
Finalement on lui a ouvert, depuis le bureau, le portail destiné à laisser
passer les voitures. La conteuse avait tout de même perdu une dizaine de
minutes de préparation.
Il faut toujours battre le fer quand il est
chaud : la personne qui, en l’absence de la responsable des « animations »,
reprenait ce rôle, a annoncé à la conteuse que « le conte » devait
avoir lieu dans la salle à manger mais que, les résidents n’ayant pas tous fini
de déjeuner, le lieu n’était pas prêt, que le paper-board était disponible (et on l’a en effet apporté) ainsi
que la petite table, mais qu’il ne fallait pas compter sur le micro : on
ne pouvait pas « le changer de côté » (à quoi bon expliquer ce que
cela pouvait vouloir dire concrètement ?), et que de toutes façons il
grésillait et serait plus une gêne qu’une aide à l’audition pour les résidents.
D’ailleurs, la pièce n’était pas grande (à peine près de dix mètres de large et
presque le double en longueur, avec des piliers au milieu qui cachaient l’autre
partie, mais n’étouffaient pas les bruits de conversation), les résidents pas
nombreux (seulement quatre-vingt dix-sept !), et la conteuse était bien
capable de faire sans !
Et, bien entendu, on a omis de proposer une
boisson chaude de bienvenue, une petite bouteille ou un verre d’eau pour la
contée, un lieu pour se changer, chauffer sa voix, se concentrer, et d’indiquer
les toilettes. Mais on a continué à gagner du temps en demandant à la conteuse
comment elle voulait installer la salle. On ne lui a évidemment pas dit que
cette salle à manger communiquait de l’autre côté avec une autre partie du
bâtiment et constituait donc un lieu de passage permanent. La conteuse a
indiqué une disposition qui permette d’éviter d’être face aux baies vitrées
(qui font résonner les sons) ou mal placée par rapport aux endroits (couloirs,
escaliers, décrochés de plafonds…) par où le son peut « s’échapper »,
et au public de se trouver assez près d’elle donc plus en largeur qu’en
profondeur pour être vu-entendu. D’après la conteuse, sans estrade, dès le
quatrième rang, les auditeurs ne voient plus bien un(e) conteur(se)
ou un(e) comédien(ne) même debout.
Comme on servait tranquillement, pourquoi se
presser, il n’était guère que 14h25 (curieusement, la conteuse ne cessait de
regarder sa montre !), le café aux résidents, la conteuse a eu le culot
d’en demander un. Difficile de lui refuser ! Puis elle a réclamé un lieu
où se changer et se préparer. On lui a demandé si les sous-sols, cela lui
convenait. C’est dans les sous-sols que se trouvent généralement divers lieux utilitaires
comme la buanderie et la morgue, appelée parfois « la chapelle »,
dans les endroits médicalisés. En fait, il s’agissait d’un sous-sol semi
enterré. On lui a ouvert une salle de réunion, tranquille, mais avec des
fenêtres sans rideaux ni volets donnant sur la rue, et peu de recoins. Pas de
miroir bien entendu, même dans les toilettes, d’ailleurs mal éclairées, que la
conteuse a fini par se faire indiquer par une aide-soignante qui passait par
là. Mais la conteuse en avait apporté un. Pas étonnant qu’elle ait été très
chargée.
A 14h 50, changée, maquillée, voix travaillée
(une vingtaine de minutes, ce qui est peu, surtout en période d’épidémie de
trachéite et quand il va falloir vraiment porter la voix pour se faire entendre
de gens à l’audition souvent défaillante), la conteuse est remontée pour
installer son matériel, une collection de marionnettes à doigts, des ficelles,
un grand carton à dessin avec des feutres et de grandes feuilles de papier
Canson pour dessiner et faire des pliages, quelques instruments de musiques
(flûte à bec, bâton de pluie, crapaud, boules de détente,…). C’est alors
qu’elle a découvert la disposition de la salle. Il faut dire qu’un passage
large de trois mètres au moins traverse la pièce dans toute sa longueur. Les
résidents avaient été installés d’un côté, à plus d’un mètre du passage, la
conteuse de l’autre côté, à bien deux mètres du passage. Elle s’est avancé,
réduisant un peu ce vide entre public et elle, mais n’avait pas le temps
matériel de tout réinstaller. D’autant qu’il n’y avait pas de personnel dans la
salle sauf une ou deux aides-soignantes qui ont rapidement marché dans le
passage, visiblement occupées à autre chose.
A 15h, la conteuse s’apprêtait à débuter la conterie. Déjà des résidents s’énervaient et réclamaient
qu’on commence. C’est alors qu’une kinésithérapeute est venue depuis l’entrée
(la salle à manger donnait sur l’entrée-accueil de la résidence par une double
porte restée grande ouverte et située juste sur la gauche de la conteuse, à un
ou deux mètres d’elle) et s’est accroupie, dos tourné à la conteuse, pour
prendre rendez-vous avec un résident, puis avec un autre, puis un autre encore.
Au bout de cinq minutes, les résidents s’énervaient de plus en plus et la
conteuse a demandé à la kiné de bien vouloir la laisser commencer. La kiné est
sortie, sans un mot, et la conteuse a pu commencer.
Cependant les aides-soignantes et femmes de
service allaient et venaient de façon intermittente mais fréquente dans le
passage, entre conteuse et auditeurs qui se tordaient le cou pour voir quand
même. Certaines parlaient entre elles. Un portable a sonné. Et, accroché haut
sur le mur au-dessus des auditeurs et face à la conteuse, un haut-parleur en
effet grésillant lançait toutes les cinq minutes un appel à tel ou telle pour
aller dans tel ou tel autre endroit faire ceci ou cela. Dans l’autre partie de
la salle, vers le fond, des conversations continuaient. Et de l’accueil
provenaient des sonneries téléphoniques.
Cependant le personnel ne s’occupait
absolument pas de ceux qui écoutaient. Même pas quand une femme s’est mise à
crier. La conteuse, voyant que la personne commençait à s’en prendre à ses
voisins, a fini par s’interrompre pour aller chercher quelqu’un. Elle a dû
s’interrompre encore pour une personne qui gémissait, puis pour une autre qui
suppliait et ne cessait de répéter « s’il vous plaît », sans que le
personnel empruntant le passage et passant à côté d’elle, n’y prête la plus
petite attention.
Pourtant la conteuse, têtue, tenait bon,
arrivait même à intéresser les résidents présents, à obtenir réactions,
sourires et quelques rires. C’est alors que, vers 15h40 un très gros aspirateur
industriel sur quatre roues, un parallélépipède rectangle haut comme une table,
de 70-80cm sur 50cm environ, s’est mis en route dans l’accueil dont la double
porte restait grande ouverte, à quelques mètres de la conterie.
La conteuse a tenté quelques regards. Mais l’aspirateur s’est rapproché d’elle,
à moins de deux mètres, lui projetant une bonne quantité de poussières très fines.
Car il n’était évidemment pas filtrant. La conteuse, prise de toux, s’est de
nouveau interrompu pour aller demander de faire cesser ce bruit. La dame de
service n’a pas compris : c’était l’heure où elle devait passer
l’aspirateur à cet endroit, c’est tout ce qu’elle savait. Par la suite, on
n’hésitera pas à reprocher à la conteuse d’avoir « traumatisé cette pauvre
dame » ! Mais la responsable, l’air agacé, a finalement enjoint de
passer l’aspirateur plus loin et a fermé la porte donnant sur l’accueil. Quant
à la conteuse, décidemment très prudente, elle s’était munie d’une mini
bouteille de lait au miel et a fini par retrouver sa voix, un peu enrouée cependant par ses toux
violentes. Mais on n’allait tout de même pas la laisser s’en tirer à si bon
compte.
A 16h précises, le gros chariot du goûter,
aussi gros que celui utilisé dans les trains encore récemment, poussé et
encadré par trois ou quatre personnes, est arrivé, s’arrêtant devant chaque
résident, tandis que le personnel proposait boissons et gâteaux. La conteuse en
est restée incrédule. Elle a demandé si cela pouvait attendre la fin de la
contée, soit dix à quinze minutes. On lui a répondu que l’on n’allait quand
même pas priver les résidents de manger ! La conteuse est alors allée voir
la responsable à l’accueil.
Mal lui en a pris. On lui a reproché
d’empêcher le travail de se faire, le personnel d’accomplir sa tâche, et
d’avoir « traumatisé » la « pauvre » passeuse
d’aspirateur, bref, de ne pas connaître le fonctionnement de ce genre de lieu
(et donc son travail). La preuve : elle a osé demander un peu de respect
non seulement pour elle mais pour les auditeurs, disant (quel culot !)
qu’on n’avait pas réagi quand l’un ou l’autre criait, gémissait ou réclamait.
La directrice est alors sorti de son bureau, furieuse qu’on ose insinuer que
l’on s’occupait mal des résidents ! Non, vraiment, cette conteuse ne
connaissait rien à ce genre de travail ! Quant à retarder de 10-15 minutes
le goûter, il ne pouvait en être question !
Alors la conteuse est descendue, s’est
changée rapidement, est revenue récupérer son matériel, a salué le public en
lui exprimant son regret de devoir cesser si brutalement et elle est partie.
Elle avait conté 1h.
L’agence de prestations artistiques contactée
était sur messagerie et n’a jamais répondu, évidemment, ni aux messages, ni au
courrier. Et la conteuse devra engager une action juridique si elle espère être
payée. Action qui lui coûterait nettement plus que son cachet (brut), surtout
amputé de la part de l’agence.
Mais la résidence peut se prévaloir auprès
des « familles » de résidents présents et futurs, de faire des
« animations » fréquentes et en faire état dans son site.
Et, cerise sur le gâteau, la conteuse a fait
une violente allergie à la poussière qui l’a beaucoup fatiguée et lui a cassé
la voix complètement pour une quinzaine de jours, interdit de « travailler
sa voix » durant un mois et sensibilisée à la poussière, et cela malgré le
traitement de choc donné par un médecin. On peut donc espérer que d’autres
auditeurs auront leur plaisir gâché.
Le prix du Hérisson d’argent revient de droit
à une école primaire. La commande de conterie émanait
non de la directrice mais d’une association de parents d’élèves et concernait
deux classes. Le concierge n’était pas au courant. La directrice trop occupée.
La conteuse a dû se débrouiller dans l’école pour trouver seule lieu, table,
chaises. Une estrade avait été amenée sur demande des commanditaires. Elle
était grande, lourde, et dressée verticalement contre le mur. Il a été demandé
au concierge de s’occuper de l’installer, ce qu’il a fait. Il faut dire qu’une
responsable de l’association d’élèves était arrivée entre temps. Le lieu était
le préau, autrement dit la partie couverte mais non fermée de la cour, là où se
trouvaient les deux WC grands ouverts. La conteuse avait apporté son micro. Les
haut-parleurs et le câble étaient fournis comme prévus. Sauf que la prise se
trouvait si loin que, finalement… l’estrade a dû être installée entre les deux
WC que la conteuse a fait fermer. Le public n’avait pas de siège, seulement le
sol dur, froid et sale de la cour. Mais le soleil parvenait à faire cligner des
yeux la plupart des enfants sans parvenir à faire oublier le petit vent
frisquet. Et il y avait des travaux avec marteaux piqueurs en action dans le
coin. Tout de même, la directrice, devant l’insistance de la conteuse, finit
par lui concéder une « réserve » à livres et matériel pour se
préparer et laisser ses affaires.
Quant au Hérisson de bronze, c’est un centre
de loisirs de Picardie qui l’a obtenu : l’adresse donnée tant à l’agent
qu’à la conteuse était celle du centre, pas de l’endroit où devait se tenir la
contée, et cela dans une cité HLM à l’agencement compliqué et dont les
« allées » ne figuraient pas sur les cartes ni dans les GPS. Arrivée
donc avec une demi-heure de retard sur l’horaire prévu pour le début de la conterie, la conteuse a commencé tout de suite sans prendre
le temps de se changer. Ce qui lui fut vertement reproché par la suite. Durant
la contée, des animateurs conversaient à haute voix devant la porte du lieu,
empêchant les enfants placés de ce côté d’entendre. Et les animateurs présents
interpelaient vertement tout gamin qui bougeait un doigt, de préférence au
moment où il y avait un silence intense. Ils n’ont fait que cela durant toute
la séance et ont reconnu ne pas avoir écouté les histoires : ils n’étaient
pas là pour ça. Enfin l’agent artistique de la conteuse dû se battre et en
appeler à la mairie pour que la prestation soit payée.
Voici donc quelques bons trucs pour gâcher le
plaisir des auditeurs. A vous de faire à présent. Du moins si vous êtes de ceux
qui trouvent leur plaisir à gâcher celui des autres ! ! Et pas de cette grande majorité d’organisateurs pour qui
l’important est que les auditeurs se réjouissent !
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