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Janvier
2014
LE DEUIL , UN CHEMIN
SINGULIER .
Christine
ANGIOLINI
L’expérience de la perte nous concerne tous. Dans une
société individualiste, le tabou de la mort reste très présent
Le Monde , mercredi 31
octobre 2012
Introduction
On pourra voir en particulier
sur ce site les articles :
Dreyer Pascal, directeur de publication, Faut-il faire son deuil? Perdre un être cher et vivre le deuil du conjoint (ouvrage, 2009)
Hennezel(de) Marie et
Leloup Jean-Yves, L’art de mourir. Traditions
religieuses et spiritualiste humaniste face à la mort aujourd’hui (ouvrage,
1997)
Hennezel(de) Marie, Maïla Joseph, Vergely Bertrand,
Le temps du mourir. Temps, personne et sociétés. De la vie à la mort, de la mort à la vie (ouvrage, 2006)
Jurgensen Geneviève (2012), Dans
le deuil trouver un peu de douceur
Kübler-Ross Elisabeth (en
mémoire de)(2005), Le décès,
passage obligé. Le deuil, une étape naturelle de la vie
Trecourt Fabien et Le Marois Marie (2012)
Pourquoi est-il si difficile de parler
de la mort ?
Henri Charcosset
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Psychologie
Nous avons conscience d’être mortels. Mais qu’un proche , qu’un être aimé disparaisse et le monde semble
s’effondrer . L’intensité de la douleur est à la mesure de l’attachement pour
le disparu . Il y a douze ans, Philippe
, 55 ans, perd son épouse âgée de 46 ans des suites d’un cancer
incurable. « J’ai mis plusieurs semaines à réaliser que je ne la
verrais plus. J’ai bien compris la mort,
mais dans un déni subtil, j’en ai occulté les conséquences .
Sa disparition m’a jeté sur une plage inconnue et austère ,
un lieu à découvrir ,dont il fallait apprivoiser les formes et les
règles. »
« La chronologie du
deuil est corrélée aux circonstances de la perte : mort annoncée ou brutale… »
Alain Soutereaud,
psychiatre
°°°°°°°
Une plage inconnue où se
côtoient souvent tristesse et colère , désespoir et
culpabilité , ainsi qu’une terrible sensation d’abandon…
Au tournant des années 1990,
la psychiatre suisso-américaine Elisabeth Kûbler-Ross modélise les étapes psychologiques qui se
succèdent chez un malade dont la mort est annoncée : dénie, colère,
négociation, dépression et acceptation . Un modèle repris pour baliser les différentes
étapes du deuil, mais qui ne fait pas l’unanimité chez les psys.
« Je ne crois pas à
ces étapes, tranche la psychothérapeute Nadine Beauthéac,
auteure de 100 réponses aux questions sur le deuil et le chagrin ( le livre de poche , 224 p ; 6,10 euros ). Je préfère parler des temps du deuil: le premier est celui du
choc , le deuxième celui de la grande souffrance , qui peut durer de plusieurs
mois à plusieurs années. Enfin, le troisième est celui du deuil cyclique et
intermittent, lorsque l’endeuillé parvient à retrouver du bonheur et du plaisir
dans la vie , ce qui n’exclut pas les moments de
désespoir , de colère et de culpabilité ».
De son coté , le docteur
Alain Sauteraud , psychiatrie et auteur de Vivre
après ta mort , psychologie du deuil (Odile Jacob , 296 p., 22,90 euros) ,
cite une étude parue dans le journal of the American Médical Association (
JAMA) en 2007, portant sur le suivi pendant 24 mois de 233 personnes en
deuil .
« Ce document montre
clairement qu’il existe un chevauchement des états émotionnels, et non pas des
étapes distinctes. Selon moi, la
chronologie du deuil est parfaitement individuelle et essentiellement corrélée
aux circonstances de la perte annoncée ou brutale, sujet jeune ou plu âgé
… » ,
estime-t-il
Par-delà ces désaccords, une
certitude :
l’endeuillé doit apprivoiser la douleur de l’absence.
Valérie , dont la
sœur de 33 ans s’est suicidée il y a cinq ans , a choisi de partir à l’étranger
« comme s’il fallait délocaliser la douleur , qu’elle n’ait plus ses
repères pour que ce soit moins
féroce », confie-t-elle .
D’autres s’investissent corps
et âme dans le travail, pour tenir le coup Dans cette phrase de grande souffrance , les pensées autour du disparu mobilisent toute l’énergie psychique . Avec parfois une étrange
impression que l’autre dont on partageait
l’intimité nous échappe . Il s’est envolé avec sa part de mystère . Ce dont témoigne la romancière Joyce Carol Oates , qui perd son mari en 2008, après presque un
demi-siècle de vie commune : « Plus on est prêt , moins on voit . Car
il y a chez nous tous, peut être plus-
chez certains d’entre nous, sûrement -quelque chose d’inconnaissable, d’inaccessible . Une altérité têtue, intraitable
, intransigeante »,écrit-elle dans J’ai réussi rester en vie (
Philippe Rey , 2011) un carnet de bord des mois qui ont suivi la mort de
l’aimé.
On oublie souvent : le deuil
met aussi le corps à rude épreuve . A la fatigue
s’ajoute parfois l’épuisement des années d’accompagnement du proche malade . Que la mort
soit annoncée ou pas , un état de stress chronique
peut s’installer , entraînant des perturbations biologiques , dont une baisse
transitoire des défenses immunitaires , qui peut faire le lit d’une
maladie . « Le deuil est un marathon qui s’étend sur plusieurs années , aussi est-il essentiel de prendre soin de
soi », indique le docteur Christophe Fauré, psychiatre et auteur de vivre
Le deuil au jour au jour ( Albin
Michel, 338 p. 19 euros).
Dévasté par le chagrin, l’endeuillé
doit affronter le monde extérieur.. Lui qui a quitté le temps
chronologique, se sent souvent en décalage avec ses semblables. D’ autant que certains ne brillent pas par
leur délicatesse. Il n’ est pas rare que voisins et
relations changent de trottoir pour ne pas croiser son regard . Comme si le malheur était contagieux. « On
vit dans une société où on ne nous apprend pas comment agir face à la fin de
vie, la mort et le deuil ,
ajoute Nadine Beauthéac. Du coup
celui qui n’a jamais connu cela est gêné , ne
sait pas quoi dire. Il a peur que ses paroles ne déclenchent des larmes chez l’autre , alors
que ces dernières peuvent être libératrices , il faut instaurer une
éducation ».
Il existe encore beaucoup de clichés . Ainsi ,Dominique , 30
ans, s’entend dire par une amie : « je crois que tu fais un deuil
pathologique », parce qu’elle
pleure encore beaucoup un an après la mort brutal de sa mère , à 52 ans .
« Cela m’a révoltée et j’avais envie de lui mettre une claque »,
dit-elle .
Alors , finalement. « faire
son deuil », ça veut dire quoi ? « Si le temps de la grande
souffrance a une fin, le deuil en tant que Tel n’en a pas »,insiste Nadine Beauté . Toute la vie
, on doit se confronter à l’absence , mais on se transforme et on
parvient à trouver un nouveau sens à sa vie, à mettre le défunt à sa juste
place : ni trop loin , pour ne pas sombrer dans l’évitement, ni trop prés , au
risque de ne pouvoir poursuivre son chemin. « Beaucoup de
personnes disent que le processus de deuil chamboule leur identité
. Il s’ agit aussi d’un certain deuil de soi »,
précise Karine Roudaut , sociologue, et auteure
de Ceux qui restent , sociologie du deuil de soi », (
Presses universitaires de Rennes , 306 p 18 euros).
Les valeurs et les priorités changent: on peut
vouloir aller à l’essentiel et vivre intensément le moment présent. Malgré la
cicatrice de la douleur , qui peut se rouvrir à chaque instant: « Alors
oui, je ris, j’écris, je vois mes ami « e »s, ma vie est riche de
rencontres et de temps forts ; je suis attentive aux changements de saison et
de lumière , témoigne Claire, 65 ans dont le fils a mis fin à ses jours il
y a plus de cinq ans .Et partout ,toujours dans un espace spécialement
aménagé , une fine présence lumineuse : celle de l’absent.
Christine
Angiolini
UN LIEU OU
EXPRIMER SES EMOTIONS
Pour se sentir moins seuls.
Face au chagrin
, certains franchissent la porte d’une association d’endeuilles . Il
existe des associations pour les veufs et veuves , les
parents d’enfants décédés …
Fondée en 1995 par le
psychiatre Michel Hanus , Vivre son deuil propose des groupes de parole ( de 10 personnes maximum pour 12 séances ). Ces
groupes sont animés par deux bénévoles , pour la
plupart non psychologues, mais ayant reçu une formation sur les
spécificités du deuil. Ce sont des
groupes fermés, on n’arrive pas en cours de route, ce qui suppose un engagement de la part des endeuillés , tous d’âges différents, qui évoquent ici leurs
émotions sous le regard bienveillant des autres participants et des animateurs
. Et ce même plusieurs années après la mort d’un être cher. Car tout deuil
peut-être réactivé par une perte récente : licenciement ,
divorce, décès d’un proche …
« Ces groupes
permettent de briser la solitude , explique
Marie-Dominique, animatrice . Des participants nouent des liens d’amitié et
se revoient sans pour autant se focaliser sur la souffrance de leur deuil
respectifs ».
Se réconcilier avec la vie
Vivre son deuil propose des
groupes de parole consacrés aux personnes dont un proche s’est suicidé: « Dans
de telles circonstances , ceux qui restent sont
obsédés par la quête du pourquoi et sont en proie à une culpabilité massive ,
qui s’accompagne souvent d’un sentiment de honte , car ils craignent que les
autres ne les jugent comme ‘’ un conjoint défaillant’’ ou une ‘’mauvaise
mère’’ », dit le docteur Christophe Fauré.
La psychothérapeute Nadine Beauthéac propose quant à elle des suivis de deuil, en face
à face . L’objectif pour la personne endeuillée est d’intégrer cet événement dramatique dans
son histoire et de se réconcilier avec la vie .
Que la mort de l’être cher soit récente ou pas . « J’ai ainsi reçu une femme dont la sœur
s’était suicidée quarante ans auparavant , dans la
pièce d’à côté , et qui n’avait rien vu venir , en l’espace de trois mois ,
elle a pu se réconcilier avec son passé »,ajoute-t-elle . S’il ne
s’agit pas d’une psychothérapie au sens strict du terme, les bénéfices sur le
plan psychologique n’en sont pas moins évidents.
Il existe aussi des thérapies
cognitivo-comportementales spécifiques au deuil , enrichies par le modèle de l’attachement, qui
ciblent les pensées et les émotions. Encore peu nombreuses en France, elles
sont réservées aux personnes au deuil compliqué, et pour lequel on identifié
les facteurs de risques :
mort brutale , notamment par suicide , mort d’un enfant …
Selon le psychiatre Alain Sauteraud , certains symptômes témoignent d’un tel deuil:
le fait d’éprouver en permanence , au bout d’une année après la perte d’un
proche , des émotions pénibles , d’avoir des pensées accablantes ( culpabilité,
colère , idées suicidaires …) et des
comportements délétères ( désinvestir le
monde extérieur). « Ces
thérapies, qui durent de quelques semaines à un an selon les cas
, permettent de fluidifier le processus de deuil qui s’est enrayé à un
moment donné », précise le psychiatre.
ch. A