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Juillet 2012
UNE VIE POUR SE METTRE AU
MONDE
Marie de HENNEZEL, Bertrand VERGELY
Ouvrage paru aux éditions
Carnets Nord.2010
Extraits par Henri Charcosset, webmestre
Introduction,
par Henri Charcosset
http://www.toslog.com/mariedehennezel/accueil
; http://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Vergely
Des
extraits de plusieurs des ouvrages de Marie de Hennezel
sont accessibles sur ce site, Bertrand Vergely est
également cité. Bien évidemment, il est recommandé de se procurer ces œuvres,
d’un grand intérêt dans le contexte d’un pouvoir bien vivre sa vie jusqu’à son
terme
Hennezel(de) Marie et Leloup Jean-Yves, L’art de mourir. Traditions
religieuses et spiritualiste humaniste face à la mort aujourd’hui (ouvrage,
1997)
Hennezel (de) Marie, Vers une humanité réciproque à l’hôpital
(ouvrage, 2004)
Hennezel(de) Marie, Maïla Joseph, Vergely Bertrand,
Le temps du mourir. Temps, personne et sociétés. De la vie à la mort, de la mort à la vie (ouvrage, 2006)
Hennezel(de) Marie, « La chaleur du cœur empêche nos corps de
rouiller- Vieillir sans être vieux » (ouvrage , 2008)
Hennezel(de)
Marie , Quelles sont les clés du bien vieillir? (ouvrage, 2011)
Vergely Bertrand , Chaque être humain est un secret (ouvrage, 2011)
Texte
P9 Une vie pleinement vécue jusqu'à son
terme, travaillée, mûrie, ciselée par les pertes et les lâcher prise, est
comparable à une œuvre d'art. Dans l'élaboration de cette œuvre, tout compte,
la fin comme le commencement. Et chaque étape nous invite à mûrir encore, à
descendre dans les profondeurs de notre être, et à devenir de plus en plus
conscients. L'accomplissement d'une vie se prépare très en amont. Plus on
réalise tôt que la vie même est une œuvre, mieux on vit la mutation de l'âge.
Et on a plus de chances de vivre une expérience heureuse en vieillissant. Car
l'idée même d'une œuvre à accomplir maintient éternellement jeune.
P15 Sentir que la vie nous porte à travers
les âges est la force sur laquelle s'appuient
tous ceux qui ont une expérience heureuse du vieillissement...
P16 Quels que soient l'histoire de vie, le milieu social, la profession, on
voit tout de même des constantes se dégager de tous ces portraits: les «jeunes»
de 90 ans ne se plaignent jamais de leurs maux ou de leur situation.
Ils
prennent la vie du bon côté , et vivent au présent , même s'ils
continuent d'avoir des projets. Ils sont tournés vers les autres, qu'ils
observent avec bienveillance, sans jugement, faisant preuve d'une curiosité inouie.
Ils s'intéressent au monde, aux plus jeunes
qu'ils écoutent, non pour leur faire la leçon ni tenter de leur faire part de
leur expérience, mais pour les encourager dans ce qu'ils font.
Ils restent créatifs, passionnés. Ils sont
gais, capables d'émerveillement. Ils ne
s'ennuient pas, même et surtout lorsqu'ils ne font rien car on a le sentiment
que le seul fait d'être, de respirer, de contempler, de savourer le moment
présent suffit à remplir leur existence. Bref, ce sont des personnes auxquelles
on a envie de ressembler dans le grand âge.
On se dit: comme j'aimerais être comme lui,
comme elle ! On se dit surtout que vieillir sans être
vieux, ce n'est pas une utopie.
P22 Le défi qui nous est proposé est donc
d'accepter le processus du vieillissement, d'accepter les pertes et les deuils
qui lui sont associés, mais sans «être vieux,» c'est à dire sans être tristes
et désespérés , en restant ouverts à tout ce que la
vie peut encore apporter.
P28 Le corps change, la peau se flétrit,
mais il y a des choses qui ne vieillissent pas. Si vous regardez une personne
âgée, vous remarquerez que son regard peut s'approfondir, être de plus en plus
lumineux, son sourire peut rester éclatant.
P29 La beauté des personnes âgées réside dans
l'expression de leur visage, qui parle
avant tout de ce qu'elles ont traversé. C'est ce qu'on appelle le charme qui
lui ne vieillit pas.
P30 Le stade des rides, c'est celui où une femme cesse de se regarder
et de se juger, en travaillant à
l'ouverture du cœur pour avoir quelque chose à faire rayonner, pour être séduisante du cœur.
P32-33 La faculté
d'émerveillement est donc un des grands signes de la jeunesse des personnes
âgées.
On imagine mal, quand on est jeune, le plaisir, le bonheur que cela représente
par exemple pour une personne âgée de rencontrer le sourire d'un enfant ou le
regard d'un tout-petit qui semble venir de si loin.
Si ce n'est plus le «corps que l'on
a» qui importe, mais «le corps que l'on est», cela implique un rapport
différent à la sensualité et à la sexualité.
La
sensualité s'approfondit en vieillissant, car les sens sont plus alertes, mais
la sexualité change. Elle est moins pulsionnelle et plus affective. Mais le
plaisir peut être infiniment plus profond. Le corps à corps se rapproche de la
danse, et celle qui vient souvent à l'esprit
est le tango argentin. Une danse très érotique mais qui n'implique pas
le regard, puisqu'on a les yeux fermés, front contre front. On est dans la
perception de l'autre, de son rythme, on est à l'écoute de l'autre.
Je me souviens de l'époque où j'avais appris à
danser. J'étais fascinée, émue aux larmes, par un couple âgé qui dansait dans
une concentration émouvante. Ils étaient tellement ensemble, ils dégageaient un
tel plaisir, qu'on ne voyait même plus qu'ils n'étaient plus jeunes.
Ce dont les personnes âgées souffrent c'est du regard de notre société
sur le plaisir qu'elles peuvent éprouver dans leur corps, sur les émotions
amoureuses qu'elles peuvent encore avoir, puisque le cœur ne vieillit pas. Dans
un tel contexte, ce n'est pas toujours facile d'oser vivre ce que l'on a envie
de vivre.
P37 Voici ce qui caractérise le grand âge, cet accès à une
perception beaucoup plus fine, à une sensualité beaucoup plus riche sur le plan
tactile, c'est
le passage d'une sexualité pulsionnelle qui est le propre de la jeunesse à une
sexualité affective et tendre. Les couples âgés qui osent en parler
expriment une communion d'être, un contact de peau à peau très régénérant.
P59 Il est dommage que dans notre monde
moderne la solitude soit entourée d'une aura aussi négative, on en a peur, on
la suspecte. Voyez la manière dont on réagit lorsqu'un enfant se met dans un
coin pour jouer tout seul ! On a peur qu'il s'ennuie .
On l'oblige à jouer avec les autres, on le met devant la télévision plutôt que
de le laisser seul avec lui-même, avec son imagination !
Pourtant
c'est important de laisser les enfants jouer avec n'importe quoi, un bout de
bois, un bout de ficelle. Ils construisent un monde... Il y a une manière de
vivre la solitude, qui permet justement de ne pas trop peser sur les autres.
La
solitude assumée est une des clés d'un vieillir heureux.
P78 Par peur de mourir, certains meurent
avant que d'être morts...Quand on vit,
la vieillesse n'existe pas, malgré les inconvénients. Il n'y a que de la vie.
Quand on ne vit pas , on est vieux avant même d'avoir
vieilli, malade avant de tomber malade et mort avant d'être mort.
Mûrir s'apprend...Ne pas se laisser
désarçonner par la difficulté. En faire un défi que l'on relève au lieu de se
lamenter sur soi ou sur le monde en se culpabilisant ou en culpabilisant le
monde.
On s'interroge sur le sens de la vie. On se
plaint de ne pas le trouver.
Et
pour cause. On s'y prend mal. On voudrait un sens tout fait, une fois pour toutes,
qui tombe du ciel. Comme on ne peut le trouver, on désespère et on déclare que
la vie n'a pas de sens, en passant du sens «tout fait» au sens «défait»
Il
suffit d'ouvrir les yeux. Le sens est là, devant nous. Nous sommes même dedans.
Naître,
grandir puis un jour vieillir et quitter le monde afin de laisser la place à
d'autres pour qu'ils continuent l'œuvre de propagation de la vie dans
l'univers. Voilà le sens. Le sens de la vie est dans la vie même sous tous ses
aspects. À nous de le vivre en naissant, en grandissant puis en nous détachant
du monde. À nous de transformer le sens de la vie donné en un sens construit.
À
nous de vivre ce que la vie nous offre. Elle nous offre de devenir. Devenons.
Devenons
ce que nous sommes, à savoir des vivants.
P117 Ne pas revenir en arrière est le signe
de ce qui avance et non pas simplement
de ce qui est révolu. La flèche que l'archer tire va irréversiblement
vers sa cible. Elle ne revient pas en arrière. Et c'est ce qui fait sa force.
Le
fait que le passé ne puisse pas être revécu est donc une bonne nouvelle et pas
simplement une mauvaise nouvelle. Vivons le temps de la sorte. Tout change.
La
vieillesse change de sens. Elle cesse d'être une irréversibilité dégradante en
devenant une irréversibilité ascendante.
La
vie humaine est une flèche envoyée vers l'avenir. Elle est irréversiblement
envoyée vers l'avenir et plus elle vieillit, plus cette destinée se précise.
D'où le mystère de la vieillesse. Celle-ci nous dit deux choses. Le déclin
bien sûr, mais aussi une ascension … Vieillir, mûrir c'est approcher
le grand mystère de l'existence.
P152-153 S'éveiller
au nouveau
En
vieillissant, il faut s'alléger. Renoncer à beaucoup de choses dépassées. Cela
fait de l'espace pour tout ce qui reste à découvrir. La tâche de la deuxième
moitié de la vie n'est-elle pas de s'éveiller à nouveau ? «Il est possible que
le paysage intérieur de la personne âgée, aride et glacé ,
connaisse un nouveau printemps qui ne sera pas un réveil de toutes les forces
juvéniles. Mais un réveil à une toute autre vie dans laquelle il n'est plus
question de faire mais d'être, au-delà du temps», écrivait Durkheim, le sage de
la Forêt-Noire.
On se demande alors : que peut-on
découvrir de nouveau, lorsqu'on a 80 ans ou 90 ans ? Les exemples pullulent de
personnes limitées dans leur corps, et par conséquent limitées dans ce qu'elles
peuvent faire, et qui, à cause de cette limitation, découvrent en elles des
facultés nouvelles. Elles sont assignées à un espace restreint, leur lit, leur
fauteuil, et cependant elles ont la liberté de « transfigurer » leur perception
des choses.
Benoîte
Groult parle de
« la joie des voyages immobiles».
Ram
Dass, un sage californien, immobilisé dans son fauteuil
roulant à la suite d'un accident vasculaire cérébral, dit qu'il aime qu'on le
pousse et qu'on le porte. Pourquoi l'imaginaire nous a-t-il été donné ?
Pourquoi avons-nous une capacité de voyager en pensée, de retourner en pensée
dans des endroits que nous avons aimés ?
P169 Nous sommes faits pour la vie et non
pour la mort, la vie et la mort étant non pas le fait d'une fatalité mais d'un
choix, d'une liberté. On vit dans la mesure où l'on veut vivre. On veut vivre
dans la mesure où l'on donne un avenir à la vie... Une chose est de mourir. Une
autre est de vouloir mourir. On meurt. C'est un fait. Mais ce n'est pas parce que l'on meurt que
l'on est mort.
Qui
veut vivre n'est pas mort, même s'il meurt. Qui ne veut pas vivre est mort,
même s'il ne meurt pas.