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Novembre 2011

        QUELLES SONT LES CLES DU BIEN VIEILLIR ?

 

Marie de HENNEZEL

 

Mutualistes n° 311, octobre – novembre – décembre 2011

 

Propos recueillis par Isabelle Delaleu

 

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Nous avons déjà sur site des extraits des ouvrages suivants de Marie de Hennezel :

 

Hennezel(de) Marie et Leloup Jean-Yves, L’art de mourir. Traditions religieuses et spiritualiste humaniste face à la mort aujourd’hui( ouvrage, 1997)

 

Hennezel (de) Marie, Vers une humanité réciproque à l’hôpital (ouvrage,  2004)

 

Hennezel(de) Marie, Maïla Joseph, Vergely Bertrand, Le temps du mourir. Temps, personne et sociétés. De la vie à la mort, de la mort à la vie( ouvrage, 2006)

 

Hennezel(de) Marie, « La chaleur du cœur empêche nos corps de rouiller- Vieillir sans être vieux » ( ouvrage , 2008)

 

Tandis que les titres et auteurs(en particulier Christiane Bedouet), d’un certain nombre d’articles sur ce site, portant  sur ces sujets, sont regroupés à l’adresse web : CLIC  

 

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Nous vivons plus vieux et plus longtemps en bonne santé, sans pour autant éviter les difficultés liées au grand âge. Que faire de cette « vie en plus », de cette nouvelle étape de l'existence ? A mille lieues du jeunisme ambiant, Marie de Hennezel, psychologue, nous donne des clés pour une vieillesse digne d'être vécue.

 

Mutualistes   - Vos différents ouvrages sur le bien vieillir ont un succès colossal. Il faut dire que votre discours est à la fois lucide et extrêmement optimiste.

 

Marie de Hennezel  - Vieillir soulève en chacun de nous des inquiétudes légitimes : peur de la solitude, de la maladie et de la dépendance, angoisse de devenir une charge pour nos enfants (alors que l'on héberge de moins en moins les aïeuls vieillissants), peur de la souffrance et bien sûr de la mort. Pourtant, s'il ne s'agit pas d'éviter ces questions, on peut aussi voir le vieillissement comme une étape essentielle, qu'il faut vivre avec joie et en conscience malgré les difficultés inéluctables. C'est une passionnante aventure humaine et spirituelle. Vieillir, c'est tout simplement avancer dans la vie.

 

Pourtant, vieillir n'est pas très à la mode : aujourd'hui, tout le monde veut arrêter le temps, être jeune et le rester.

 

 C'est tout le problème : vieillir implique de nager à contre-courant, car toute notre société pratique la discrimination et l'exclusion à l'égard des personnes vieillissantes et plus encore à l'égard du grand âge. Les termes utilisés, souvent durs et angoissants (naufrage, désastre, débâcle...), traduisent notre peur et notre dégoût. Dans d'autres cultures, au contraire, les personnes âgées restent au cœur de la vie sociale, et comme par hasard ce sont ces pays où l'on compte le plus de centenaires bon pied, bon œil ! Dans la célèbre île d'Okinawa, par exemple, les anciens sont considérés comme des bienfaits, de véritables « porte-bonheur », des sages, ils tiennent un vrai rôle et ont toujours leur place. Ils possèdent un dynamisme incroyable, une forte dimension spirituelle, le courage de vivre et de rester optimiste. Chaque matin, ils chantent ce refrain, qui est devenu le titre d'un de mes derniers ouvrages : « La chaleur du cœur empêche nos corps de rouiller. »

 

 Beaucoup de seniors, et même des personnes plus âgées, refusent pourtant de voir les années passer. Quels sont les risques d'une telle attitude ?

 

On peut, avec de bonne raisons, vouloir retarder son vieillissement, notamment par une vie saine, une activité physique régulière, un suivi médical, des soins..., mais refuser formellement de voir le temps passer est dangereux, car cela s'apparente à un déni du vieillissement. Le corps s'use et l'on ne peut que ralentir cette usure, jamais la stopper. Du coup, vers 80 ou 85 ans, ces « vieux qui ne voulaient pas l'être » sont brutalement confrontés au grand âge et à ses aléas, auxquels ils n'ont absolument pas été préparés. Le choc, brutal, peut leur faire baisser les bras et ils risquent de devenir rapidement dépendants ou dépressifs. L'une des meilleures préventions de la dépendance réside dans le fait de ne pas nier son vieillissement, mais au contraire de le prendre en compte et même de l'anticiper.

 

 Comment, justement, faire que la vieillesse ne soit plus considérée comme un handicap ?

 

Même si notre société ne valorise que la jeunesse et l'individualisme, il importe de parvenir à se dégager de ce regard collectif, de se reconstruire sa propre image de soi, positive, en y travaillant le plus tôt possible. J'en parle d'autant plus aisément que je fais partie de la génération des « papy-boomers » qui se doit de changer les choses au lieu de refuser de regarder la réalité en face. C'est un vrai défi, mais il nous faut le relever et faire bouger les mentalités. C'est le travail des jeunes retraités d'aujourd'hui que de faire passer le message, de montrer ce qu'il y a de positif dans le vieillissement, de faire évoluer le regard de la société. Bien évidemment, cela exige de ne pas éluder certaines difficultés : la nécessaire évolution des établissements médicalisés, la question du financement de la perte d'autonomie..., mais on peut le faire en valorisant le marché que cela représente et les personnes qui y travaillent.

 

 Comment, selon vous, faut-il aborder sa propre avancée en âge ?

 

La vieillesse n'a rien d'un naufrage quand on la vit bien et que l'on se prépare à ses bonheurs, mais aussi à ses douleurs inévitables, qu'il ne faut pas nier. Elle n'est ni une débâcle ni un âge d'or, mais simplement une étape, aussi passionnante que les autres. Je vois la vie comme une œuvre d'art propre à chacun : pleinement vécue jusqu'à son terme, travaillée, mûrie, ciselée par les pertes et les lâcher-prises, traversée du souffle de la vie intérieure. Dans son élaboration, tout compte, la fin comme le commencement, et chaque étape nous invite à mûrir encore, à descendre dans les profondeurs de notre être et à devenir de plus en plus conscients. C'est ce que l'on appelle accomplir sa vie, et cela se prépare très en amont. Plus tôt on réalise que la vie est une œuvre, mieux on vit la mutation de l'âge. La vieillesse devient alors une expérience heureuse d'accomplissement, vécue en toute lucidité.

 

Mais comment progresser et travailler sur soi pour bien vieillir ?

 

Je crois qu'il importe de faire un vrai travail d'introspection sur sa vie : il faut y mettre de l'ordre, faire le tri, s'alléger. Remords, regrets, vieilles rancunes, culpabilités, tout doit disparaître, pour se réconcilier avec le passé, avec les autres et avec soi-même. Trouver la paix en soi et autour de soi est une des grandes clés qui permettent d'aborder l'âge avec sérénité. Une autre clé est de ne pas laisser de côté la question de sa mort. Plus on vieillit, plus il faut méditer sur cette réalité et se confronter à cette peur viscérale – pas pour se morfondre, mais au contraire pour mieux définir ses priorités, apprendre à davantage profiter de la vie, savoir l'apprécier à chaque instant. Enfin, il faut mobiliser ses propres ressources, ce qui implique de repérer en soi tout ce qui ne vieillit pas (les qualités, les compétences, les goûts...) et de le développer. A tout âge on peu apprendre, progresser, s'initier et se stimuler.

 

Hélas, le corps nous rattrape souvent pour nous rappeler à l'ordre.

 

Certes, il est plus fragile et perd progressivement certaines des ses aptitudes, même sans être affecté par la maladie. Mais à l'inverse, certaines ressources, spirituelles notamment, permettent de développer d'autres qualités essentielles, comme la disponibilité, la bienveillance, la générosité... Même plus faible physiquement, on sert encore à quelque chose ! Il s'agit de miser sur ses capacités, toujours intactes, d'aimer, de désirer, de se réjouir... C'est cela, la chaleur du cœur, et c'est elle qui peut nous aider à dépasser nos peurs et nous soutenir dans la vieillesse, même dans ses épreuves les plus difficiles.