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 Janvier 2010

 

 MES ANIMAUX DE COMPAGNIE ET MOI.

 V. PAPRIKA, CHIEN TECKEL. 2. Paprik dans toute sa grandeur

 

                                             Juliet HAAS, h.juliet1@rambler.ru  

 

Noter que  Juliet se verrait bien être l’auteur d’un ou plusieurs ouvrages autour de vaste thème de notre relation à l’animal de compagnie, tout au long de la vie. Qui aurait des connaissances intéressées dans le monde de l’édition, serait très aimable d’établir le contact avec Juliet.

 

Nous poursuivons le cheminement depuis sa petite enfance, de Juliet avec ses animaux de compagnie. A ce stade de son récit, Juliet est étudiante pianiste concerttiste :

Haas Juliet(2009), Mes animaux de compagnie et moi .I. Enfance et frustration. Simon. Témoignage de Juliet à la cinquantaine 

Haas Juliet (2009), Mes animaux de compagnie et moi. II. Adolescence et découverte : les poissons et les oiseaux ont des sentiments très semblables à ceux des humains. Témoignage       

Haas Juliet (2009), Mes animaux de compagnie et moi. III. Héraclite et Andromaque , mes chères tourterelles rieuses  

Haas Juliet(2009), Mes animaux de compagnie et moi. IV. Paprika, chien teckel.1. Je fais connaissance

Haas Juliet (2009), Mes animaux de compagnie et moi. V. Paprika, chien teckel.2. Paprik dans toute sa grandeur     

                                                                                                                                      

En fait,mes relations avec mes parents se dégradaient de jour en jour,autant que ma passion pour Paprik grandissait en même temps.D'autant qu'à l'époque,je travaillais dur pour devenir pianiste concertiste: j'allais à l'Ecole Normale de Musique pour préparer des examens difficiles,et j'avais besoin de calme pour me concentrer.

 

Un jour,j'étais dans la salle à manger avec mon père,et je vis un tapis.

Mon père me dit:

''Ce tapis vient de chez ta grand-mère,et je te préviens,si ton chien pisse dessus,je le tue.''

Je sentis une telle poussée d'adrénaline que je lui répondis cette phrase terrible:

''Si tu touches à un seul poil de Paprik,je te tue,et je te préviens que je ne plaisante pas!!!''

Il devint blême,car il comprit instantanément que je pensais réellement ce que je disais,et il arrêta net en se taisant,ne sachant plus où se mettre.Il était extrêmement intelligent,cultivé et plein de charme,mais d'une nature excessivement despotique,se faisant un malin plaisir de gueuler en traitant tout le monde d'imbécile,et cela m'énervait terriblement,mais je me tenais.

Mais ce jour-là,il menaça directement ce que j'avais de plus cher au monde,et là,il vit ce que j'ai dans le ventre.

J'en avais marre d'être sa chose,il m'empêchait de vivre en me tenant cloîtrée,et Paprik représentait pour moi la tendresse et une porte de sortie,les promenades étant le meilleur prétexte.Nous allions boire des pots tous les deux,et,ça,ça lui plaisait,car je le mettais sur mes genoux,lui donnant des friandises et le couvrant de baisers,qu'il me rendait.

 

 

Je parle ici,depuis le début de mon récit,surtout du côté diabolique de Paprik,parce que c'est amusant-rétrospectivement.

Mais Paprik était mi-ange,mi-démon.Il savait se montrer aussi d'une sensibilité à fleur de peau,et d'une tendresse inouie.C'est pourquoi je l'aimais tant,car il fondait d'amour pour moi.

En même temps,j'aime les personnalités fortes,et Paprik en était une:il refusait purement et simplement d'obéir,et,quand je lui demandais quelque chose,c'est par amour et non par soumission qu'il le faisait.En fait,Paprik me comprenait sans avoir besoin de mots,il connaissait ma force et mes faiblesses.Nous avions un rapport passionné,mais un rapport de force.C'était lui mon maître,et non l'inverse.Il me protégeait contre l'adversité et la tristesse,mais il me protégeait aussi physiquement,n'hésitant pas à me défendre s'il le fallait,au péril de sa petite vie fragile!

 

 

Un dimanche,j'attendais mon amie Katherine pour le thé.Elle arrivait toujours à quatre heures tapantes.Donc,à quatre heures,la porte sonne,et je vais ouvrir,sans regarder dans l'œilleton .

Oh,surprise,ce n'était pas Katherine,mais un individu à la mine patibulaire,qui chercha à s'introduire dans la maison, malgré les aboiements intempestifs de Paprik,qui,curieusement,avait une voix impressionnante de gros chien.

Mais,lorsque l'individu vit la taille de mon molosse,teckel nain de son état,il crut bon de vouloir forcer le passage.

En une fraction de seconde,tout alla très vite,je le vis rebrousser chemin en grimaçant de douleur,et il repartit-sans prendre le temps de retourner à l'ascenseur-par l'escalier,tentant de dévaler les marches avec un puissant chien de chasse accroché solidement à son tendon d'Achille!

Paprik ne lâcha prise qu'au bout de quelques marches,laissant fuir l'intrus terrorisé,ses crocs toujours dehors,puis il revint vers moi,avec un air satisfait.Il reçut toutes les félicitations de sa maman!

Quelques instants plus tard,on resonna,je regardai par l'œilleton,ouf,c'était Katherine.

Je lui racontai l'héroïsme de Paprika.Elle fut très étonnée qu'un si petit chien pût se montrer si efficace à la défense!Elle le félicita pour son intelligence et son courage,et Paprika fit un gros câlin charmeur à mon amie,qu'il aimait beaucoup.

 

 

Pour son premier été-Paprik avait neuf mois-nous avions loué une maison dans un village au pays basque.Paprik était ravi,comme tout chien qui se respecte,de pouvoir fouiner dehors.

Dès les premiers jours,il commença à fuguer,et rentrait après quelques heures,l'air triomphant.

Inutile de vous dire dans quel état j'étais lorsqu'il disparaissait!

Je ne sais pas comment il s'y prenait,d'autant que je croyais avoir l'œil sur lui. Une seconde d'inattention,et le voilà parti pour des aventures solitaires.Mais le jardin était clos et la porte fermée.Je ne trouvai aucun trou sous le grillage,je n'y comprenais rien; je me dis que,peut-être,il avait le don de s'aplatir totalement,comme les souris!

Un jour qu'il était là,un monsieur passa devant le jardin où j'étais en train de jouer avec Paprik.Le voyant,le monsieur s'arrêta et m'adressa la parole de l'autre côté du grillage:

''Ah!C'est donc à vous,ce petit monstre!''

Je répondis:

''En quoi est-il un petit monstre?''

Et là,la surprise:

''Tout le village cherche désespérément à le chasser de chez nous!Il rôde pendant des heures,et il a déjà engrossé toutes les chiennes du pays!C'est comme ça tous les jours!Nous appréhendons de le voir arriver,on a jamais vu un phénomène pareil par ici!Quel obsédé,ce n'est pas croyable!Que va-t-on faire des petits?Surveillez-le,à l'avenir!''

Je me sentis honteuse devant les ennuis que Paprik provoquait,et ne savais que répondre,à part des ''excusez-le,je suis désolée,navrée...''

Je promis d'essayer de le surveiller,mais tentai d'expliquer qu'il me filait entre les doigts,comme un poisson;mais le monsieur me regardait toujours sévèrement.

 

C'est ainsi que Paprik commença sa carrière de Don Juan,alors que je ne le croyais même pas pubère!

Je tentai de l'attacher,mais son air lamentable m'était insupportable,alors,je décidai de ne plus le laisser seul dans le jardin,même pour répondre au téléphone,au cas où il aurait sonné intempestivement.

Il se mit à creuser des trous partout,jusqu'à se mettre la truffe et le museau en sang et terre mélangés!

Bonjour le nettoyage!

Devant ma peine à le voir faire toutes ces bêtises,il décida de lui-même de ne plus sortir.Il passait ses journées langoureusement allongé sur le canapé,à me faire du charme,et à demander des câlins.

Il sortait quelques minutes pour faire ses besoins et se rouler dans l'herbe,et rentrait aussitôt.

Je relâchai un peu la surveillance,devant tant de bonne volonté.En plus, je lui avais expliqué et seriné que le monsieur qui était venu me faisait peur,et que l'on pourrait lui faire du mal s'il repartait seul à l'aventure.

Une fois,il rentra et se précipita pour m'embrasser,et il puait,mais puait littéralement le purin.Je me demandai où se trouvait l'endroit puant,je n'y comprenais rien; je le mis dans la baignoire,pour le laver,en le suppliant de ne plus recommencer.Il ne recommença pas,et le séjour se finit sans encombres.

C'est lors de ce séjour que je vis qu'il comprenait tout ce que je disais,et qu'il avait la notion abstraite des choses-telles que ne plus fuguer,ou ne pas se rouler deux fois dans le purin-sans dressage,uniquement sur ma demande insistante.

Il avait encore la naïveté de l'enfance,et n'était pas encore devenu trop égoïste.

Un jour,une amie m'invita à déjeuner,pour la première fois,chez ses parents.

Je demandai si je pouvais amener mon petit chien.Mon amie me dit que oui,mais alla demander à sa mère,qui prit le téléphone et se montra réticente,craignant qu'il ne fît ses petits besoins chez elle.

Je connaissais Paprik,et je savais qu'il n'avait jamais pissé chez personne;il ne se permettait cela que chez moi,pour m'embêter,mais il avait compris que,s'il était sale à l'extérieur,je ne l'emmènerais plus,et il ne pouvait pas supporter que je sorte sans lui.

Par souci de précaution,je partis à pied,nous marchâmes trois quart d'heure environ,et il s'était ''vidé''.

Je sonnai à la porte,et une femme de chambre en costume,avec sa jolie petite robe noire et son tablier blanc,nous ouvrit.

L'appartement était très vaste,très haut de plafond,meublé avec un goût très ''high society'',et les immenses fenêtres étaient habillées de rideaux de satin en soie naturelle bleu ciel;de splendides tapis persans recouvraient une moquette claire.

Je compris mieux les craintes de la maîtresse de maison,et je pris d'office Paprik sous le bras,avant de saluer cette dernière.

D'emblée,elle me dit:

''J'espère qu'il ne va pas faire de saletés!''

Je répondis que ça ne risquait rien,et que je le tiendrais sur mes genoux,qu'il y resterait couché sans bouger,et qu'il ne mettrait pas les pieds par-terre.

Cela ne sembla la rassurer qu'à moitié,je la sentais très nerveuse.

Pendant l'apéritif,nous étions tous dans le salon,et elle disait de temps à autre:

''Vous êtes sûre qu'il ne va pas descendre et faire des saletés?''

Sans me départir de mon calme,tout en étant enervée,je lui disais à chaque fois que non,qu'il adorait être sur mes genoux,qu'il en avait l'habitude,et qu'il ne bougerait pas.

Paprik était couché sur moi en ''soya-bean'',mais je savais qu'il écoutait la conversation et qu'il en était agacé.Il poussa un soupir,et je le caressai,doucement,pour lui dire sans mots de ne pas y faire attention.

La double porte s'ouvrit,et la femme de chambre dit:

''Madame est servie''.

Tout le monde se leva,et pénétra dans une vaste salle à manger,parée des mêmes rideaux que le salon. J'avais Paprik sous le bras,l'on se placa selon les indications de la maîtresse de maison,et je placai Paprik sur mes genoux,puis le cachai sous ma serviette,comme je faisais au restaurant.

La dame reposa encore la question!

Tout en pensant que j'avais rarement vu une névrosée pareille,je la rassurai de nouveau.

Puis le déjeuner commença,et je me préoccupai plus de ne pas salir la nappe que de Paprik.

Nous étions servis par la charmante femme de chambre,qui allait vers chaque convive par ordre bien établi au préalable.

La conversation était empreinte d'un certain ennui qui se reflétait dans les rayons estompés du soleil à travers les voilages opalins.La dame semblait tout à fait calmée.

Il y eut entrée,plat de résistance,salade,fromage et dessert,et tout se passa sans encombre.Ouf,je n'avais pas fait de taches,je n'avais pas éparpillé de miettes de pain,et Paprik s'était fait totalement oublier.

Mais l'heure fatidique du café sonna,et nous sortîmes de table,pour retourner au salon.

La dame,que la torpeur du déjeuner avait momentanément rassérénée,sembla redevenir nerveuse en le revoyant sous mon bras,et me pria néanmoins poliment de prendre place.

Je repris le même fauteuil que pour l'apéritif,Paprik toujours sur mes genoux;la dame servit le café déjà prêt,son ruisseau noir et parfumé s'écoulant avec délicatesse du bec d'une cafetière en argent ciselé,dans des tasses en porcelaine fine de Limoges.

La dame me servit en premier,me tendant la petite tasse et sa soucoupe sur laquelle était posée une petite cuiller à moka,en argent massif,assortie aux couverts avec lesquels nous avions déjeuné.

Le service terminé,la dame s'assit,et elle recommença:

''C'est sûr,il ne va pas...''

L'éternelle rengaine.

,je m'échauffai vraiment,mais répondis encore courtoisement,en me disant que c'était la dernière fois,d'autant que je sentis chez Paprik qu'il perdait patience pour de bon,lui aussi.

Je le regardai dans les yeux,en lui disant de ne pas bouger.

Je n'avais pas envie de me brouiller avec la fille de cette dame,que j'avais rencontrée en vacances,où nous avions sympatisé.Mais j'étais loin de me douter qu'elle avait une mère pareille!Comme elle était très gentille,je m'étais tenue jusque là,et Paprik aussi.

Mais Paprik connaissait mon caractère,et il attendit la prochaine remarque,qui ne manqua pas d'arriver après quelques minutes.

J'avais heureusement terminé le délicieux café-c'eût été dommage de le laisser-lorsque retentit:

''Vous êtes sûre qu'il ne va pas...''

Je n'écoutais plus sa litanie,et j'eus une telle poussée d'adrénaline,que Paprika se dit que c'était le moment. Il s'assit sur mes genoux,me regarda,et je lui fis ''oui''de la tête. Alors il sauta,resta immobile en fixant la dame si fortement qu'elle semblait hypnotisée. Je jubilais. Puis,il s'avança lentement,son regard implacable planté dans celui de sa victime,vers les rideaux de satin bleu,il leva la patte et pissa sur le rideau.Après,il se précipita vers moi en trottinant et me sauta sur les genoux. Et là,sur un ton ferme,je dis à la dame qui était essoufflée d'émotion:

''ça vous apprendra à le prendre pour un imbécile'',

puis,je lui proposai de lui payer le nettoyage,voire un autre rideau,ce à quoi elle répondit :

''Non,non....'',etc.,etc.

Je saluai l'assistance et m'éclipsai en vitesse.

Une fois dans la rue,Paprik se retourna vers moi en me faisant des hochements de tête joyeux. Je le remerciai chaleureusement d'être aussi intelligent,et nous rentrâmes à la maison de fort bonne humeur. Il va sans dire que nous ne fûmes jamais réinvités.