Décembre 2022

 

VIEILLIR, MOURIR ET APRÈS ?.

 

Christiane BEDOUET

 

chbedouet2@orange.fr

                                                                                                              

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par Henri Charcosset, webmestre  

TEXTE DE Christiane BEDOUET

Mon attention a été retenue par l'article de Henri Charcosset sur « Les dernières semaines de la vie » (octobre 2022), avec pour point de départ le témoignage de Chantal Cambronne sur son vécu en EHPAD.CLIC

 Il se trouve qu'à ce moment-là, deux frères de mon mari sont morts à six semaines d'intervalle. J'en reviens donc à cette question récurrente : « Vieillir, mourir et après ? »

 

Vieillir

Une amie de 94 ans, vivant encore seule dans son petit appartement, me le dit souvent, à peu près dans ces termes : « La maison de retraite, non, ça donne le cafard de voir les autres résidents diminués »
Et oui, le vieillissement s'accompagne, au fil des années, de pertes plus ou moins importantes, et cela fait peur. Dans les derniers mois et semaines de vie, c'est encore plus flagrant. Alors, c'est une réaction bien humaine que d'en venir à baisser les bras puisque, de toute façon, on n'y peut rien : tout va évoluer vers de plus en plus de pertes sous lesquelles semble parfois disparaître la personnalité de celles et ceux que l'on accompagne.
Pour ma part, j'ai beaucoup souffert en constatant, jour après jour, ce que devenait maman après l'AVC qui l'avait laissée hémiplégique, voilà une vingtaine d'années. Pendant trois ans, elle a vécu paralysée. Mais le pire était de ne plus retrouver sa personnalité : elle, si aimante, était en apparence devenue une personne complètement différente de celle qu'elle était auparavant.

Mourir

Puis est venu le jour de sa mort...

Quel sens une vie peut-elle avoir si tout se termine ainsi ? Je me trouve là devant un gouffre sans fond, vertige immense devant cet abîme qui semble s'ouvrir sous mes pieds...

Cette maman que j'ai tant aimée, qui m'a tant aimée, cette femme qui a si bien su écouter et devancer les besoins de sa famille, de ses collègues, de ses amis. Dotée d'une grande force morale, elle était de celles sur qui l'on pouvait compter...

Elle était là...
Et, d'un seul coup, elle n'est plus là !

Mourir et après ?...

Que reste-t-il de nous une fois que nous sommes morts ?
Bien sûr, il restera de nous nos œuvres, le fruit de notre travail, ce que nous avons donné et transmis à nos enfants ou à ceux des autres. Et qu'ils transmettront à leur tour... Voilà qui donne du sens à une vie...

Oui, mais il n'empêche : ceux que j'ai aimés et qui sont morts, ils étaient là et ils ne sont plus là...

Je ne conçois pas que l'amour finisse avec la mort. L'amour ne peut pas finir... Il y a cette part de nous invisible, cette part immatérielle faisant de nous, sur cette terre, des êtres humains, normalement capables de surmonter les obstacles, d'aimer, de donner, de créer...

Non, l'amour ne peut pas finir...
Et je me retrouve bien dans la spiritualité chrétienne dont le Credo peut se résumer en ces points essentiels : un Dieu créateur, qui s'est fait homme en la personne de Jésus né, mort dans notre espace-temps, et ressuscité. Jésus venu apporter cette Bonne Nouvelle que chacun est aimé de Dieu, et cette promesse que la mort n'est pas une fin mais un passage, une naissance à une Autre Vie.

Amour... de Dieu, pour Dieu, reconnaissance du don de la vie, amour des autres...
De quoi bien remplir une vie... qui pourrait durer une éternité...

Pour terminer, j'aimerais partager ce texte lu au cimetière par les enfants de mon beau-frère :

« Par la mort, la famille ne se détruit pas, elle se transforme »

 

« Par la mort, la famille ne se détruit pas,
elle se transforme, une part d’elle va dans l’invisible.

On croit que la mort est une absence, quand elle est une présence discrète.

On croit qu’elle crée une infinie distance,

alors qu’elle supprime toute distance,

en ramenant à l’esprit ce qui se localisait dans la chair.

Que de liens, elle renoue, que de barrières elle brise, que de murs elle fait crouler,

que de brouillard elle dissipe, si nous le voulons bien.

Vivre, c’est souvent se quitter ; Mourir, c’est se rejoindre.

Ce n’est pas un paradoxe de l’affirmer.

Pour ceux qui sont allés au fond de l’amour :

la mort est une consécration non un châtiment….

Au fond, personne ne meurt, puisqu’on ne sort pas de Dieu.

Celui qui a paru s’arrêter brusquement sur sa route,

écrivain de sa vie, a seulement tourné la page.

Plus il y a d’êtres qui ont quitté le foyer, plus les survivants ont d’attaches célestes.

Le ciel n’est plus alors uniquement peuplé d’anges,

de saints connus ou inconnus et du Dieu mystérieux.

Il devient familier, c’est la maison de famille, la maison en son étage supérieur,

si je puis dire et du haut en bas, le souvenir, les secours, les appels se répondent». 

 

Père Antonin Sertillanges (1863-1948)

 

REFLEXIONS de Henri Charcosset 

Depuis 2008, Christiane Bedouet a publié sur ce site, 16 articles, dont le plus récent :

Bedouet Christiane (2021), Religion et anti-solitude ou isolement

La liste complète se trouve à  CLIC

Tous ces textes condensés se rapportent au vieillissement, poussé jusqu’à la mort, et à l’après de la dite.La pensée de Christiane Bedouet est d’orientation chrétienne affirmée. Avec Dieu qui s’est fait homme en la personne de Jésus.

 L’essentiel n’est pas ici de participer peu ou prou à la spiritualité chrétienne, mais de la voir comme une source de réflexion personnelle. On a là un premier facteur d’anti-solitude, thème de ce site.

Tandis qu’en complément à la relation de soi avec soi, viennent les échanges avec nos proches et autres relations, aussi avec notre monde en mutation. S’appuyer sur des textes sérieux, réfléchis, à l’orientation affirmée, est d’une aide précieuse.

Qu’en est-il donc de ma propre pensée ? Né en milieu rural catholique traditionnel, d’un côté mon attrait pour les prières et les cérémonies religieuses, n’a jamais été vivace. Disons que je pratiquais et pratique encore parfois, plus par respect de la tradition, que par conviction profonde. Mes funérailles sont prévues pour comprendre un court passage à l’église du quartier, avant d’être dirigé vers l’incinération. En direction de ma famille un peu éloignée, je souhaite qu’ils s’épargnent un déplacement fatigant et coûteux, au profit d’un chèque au bénéfice d’une association humanitaire d’inspiration chrétienne.

Je crois à la notion de vie éternelle propre à tout un chacun, sans exceptions. Quiconque souhaiterait disparaitre après sa mort, qu’il ne le pourrait pas. Au fait, quand suis-je né ? Bien avant la date officielle de ma naissance en 1936. Il m’a fallu atteindre mes 60 à 70 ans, pour acquérir la certitude de ma profonde dépendance à mon grand-père maternel. Sans doute suis-je son enfant, bien autant que de mes parents.

Plus précisément comment ma pensée se situe-t-elle, par rapport à celle de Christiane Bedouet, auteure de cet article ? Je « confesse » si l’on peut dire, ne jamais avoir eu de peine aussi intense qu’elle, après le décès d’une personne également proche. On dirait que ma capacité affective s’exprime presque en entier avant le décès de la personne aimée, plutôt qu’après. Veuf, compagnon depuis 30 ans d’une femme sans lien familial, je suis particulièrement attaché à ce que lui soient assurées des conditions matérielles et relationnelles de fin de vie, dignes.

En deux mots comme en trois, je pense qu’après la mort nous nous rejoindrons tous sans exceptions dans un jardin commun. Dieu ne manifesterait sa présence qu’au-delà de ce stade propre à l’humanité en son entier. Henri Charcosset, 07.12.2022