Octobre 2022

 

 LES DERNIERES SEMAINES DE LA VIE

I.              UNE VUE EN DIRECT, d’accès ci-dessous à Témoignage

Chantal CAMBRONNE -DESVIGNES

 chantal.cambronne@orange.fr

II. REFLEXION ET PROSPECTIVE, d’accès direct à CLIC

 Henri CHARCOSSET,

  charcosset.henri@orange.fr ; https://anti-solitude.pagesperso-orange.fr/

 

INTRODUCTION, Henri Charcosset

Avec Chantal Cambronne, née comme moi en 1936, professeure de lettres retraitée, nous sommes en relation Net amicale depuis 2008.

 Début 2021, elle en était à 23 articles autobiographiques parus sur ce site.

 La totalité alors, de ces références a été alors rapportée dans l’article :

Cambronne-Desvignes Chantal  et Charcosset Henri (2021) :

 De la vie à l’écrit, de l’écrit à la vie. Du réel au virtuel, du virtuel au réel

 

 Je conseille vivement d’ouvrir ce lien, et de vous arrêter sur les bouts de témoignage de Chantal qui vous intéressent le plus. HC 

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Ce parcours de recherche associative de Chantal Cambronne se situe dans le contexte d’une évolution vers la Société inclusive, pour laquelle il n’existe pas de vie (on pourrait même dire d’expérience forte de la vie), qui soit «minuscule». Pour une définition claire voir à CLIC ; Pour une documentation  sur : Société inclusive pour les personnes âgées, voir à CLIC .

 

TEMOIGNAGE, Chantal Cambronne’

 Ces derniers temps, j’ai été très soucieuse, et plus d’une fois triste, mal à l’aise, désemparée devant les fins de vie. Me trouver devant ces situations n’a pourtant rien de surprenant puisque je vis dans une maison de l’autonomie, dernière étape avant l’entrée en EHPAD, ou le dernier séjour à l’hôpital.

Le problème, c’est que je ne m’habitue pas à ces situations :

 D. vient presque chaque jour jouer au Scrabble avec moi. C’est un bon joueur, inventif et agréable, et, quoique nous n’ayons guère de points communs, nous sommes, comme on dit, en bonne intelligence, complices. Et voilà qu’en quelques semaines je le vois, presque d’un jour à l’autre, s’affaiblir, se plaindre d’être constamment fatigué. Enfiler sa veste, prendre sa canne pour repartir lui est de plus en plus difficile. Il a de plus en plus de mal à venir jusque chez moi   ( un étage à monter, en ascenseur).Il continue à m’emprunter des livres, mais il m’avoue qu’il n’arrive plus à lire, bien qu’il choisisse des lectures de plus en plus faciles. Et puis, il tombe en sortant du réfectoire et me dit : c’est le commencement de la fin. On l’emmène à l’hôpital et il meurt là-bas quelques jours plus tard.

 Avant lui, il y a eu J. qui, frappait à ma porte plusieurs fois par jour : elle ne sait plus quel jour on est, elle croit que sa télé ne marche plus, elle n’a plus rien dans son frigo…Et surtout, elle est complètement désemparée, s’excuse, pleure, une femme qui était pleine d’énergie… Très vite, elle a du mal à marcher, elle qui était plutôt sportive, à se lever le matin. Là aussi départ à l’hôpital et, très vite, elle meurt.

Aujourd’hui, c’est G. ma voisine de chambre, qui s’intéressait à beaucoup de choses, me racontant, avec force détails par exemple, le documentaire qu’elle venait de voir à la télé. C’est aussi une grande marcheuse. Et puis, tout à coup, elle ne sait plus jouer à la belote, elle oublie de manger, maigrit. Examens médicaux : elle n’a pas eu un AVC, mais quelque chose de cet ordre. D’un seul coup, son regard a changé, elle semble un peu perdue, communique avec difficulté, ne parle plus de la télé. Pour la première fois cet été, elle n’a pas eu le courage de partir en vacances.

Deux centenaires, toujours à mon étage, ont fêté leur siècle avec toute leur famille, dans la joie, et ne perdaient nullement la tête. La première, d’un seul coup, a commencé à tomber sans arrêt, à perdre son autonomie. Ses enfants n’ont eu d’autre solution pour elle que l’EHPAD. Et, là -bas, elle a refusé de se nourrir et est morte très vite, tandis que la seconde, une adorable A. toute fière et heureuse de fêter ses cent ans, a perdu pied et est décédée très rapidement.

Bien sûr, nous savons tous que nous sommes à la merci d’une chute, d’un accident. Et nous ne serons pas tous centenaires. Ce qui me fait mal encore, ce que je vois, c’est que cette dernière étape, ces dernières semaines, ces derniers jours sont vécus le plus souvent dans une grande anxiété. C’est dur de sentir que tout échappe, sans savoir ce qui va se passer, combien de temps on va se sentir ainsi hors de la vie, tout en étant encore là.

Alors j’en parle à tout le monde. Je me dis que, puisqu’on a trouvé tant de choses pour aider les prématurés, les handicapés, les malades mentaux…on doit bien trouver quelque chose pour la fin de vie., pour aider à franchir cette frontière entre la vie et la mort.

Aujourd’hui je n’ai pas abandonné ce souci. Mais je le vis avec plus de sérénité. Parce qu’un autre événement est arrivé qui m’a conduit à d’autres réflexions.

J’avais tout de suite remarqué M. à son arrivée il y a quelques mois, peu après le décès de son mari : une très jolie dame, très fine, très déprimée aussi. Elle a une amie ici qui venait la voir chaque jour et jouait avec elle au triomino.  Moi, je venais aussi très souvent et je voyais bien que M. souhaitait que je reste le plus longtemps possible. Alors je regardais un peu la télé avec elle, mais je voyais bien qu’elle ne regardait rien, qu’elle voulait seulement ne pas rester seule.

Finalement, elle a bien voulu venir à quelques activités : un atelier mémoire, le loto. Petit à petit je l’ai vue évoluer changer, parler à plusieurs personnes, sortir, j’ai vu son regard s’éclairer, j’ai entendu son rire…Et puis, elle est tombée, s’est fait mal, marche maintenant avec un déambulateur, comme plusieurs ici. Et elle est retombée aussitôt dans sa dépression. Les relations avec elle sont devenues plus difficiles : elle aurait voulu sans cesse quelqu’un à côté d’elle, qui lui tienne la main, ne la quitte pas, suppliant… Son amie, elle-même très fatiguée, a fini par cesser d’aller la voir. J’ai compris que, moi aussi, je ne pouvais pas entrer dans ce jeu- là.

 Je devais me préserver, prendre du recul, ne pas me laisser dévorer. Alors, si je n’ai pas oublié cette préoccupation de la fin de vie des personnes autour de moi, je suis devenue un peu plus sereine. Déjà, bien des choses ont été accomplies pour rendre les dernières années de vie plus agréables, plus créatives. Certainement d’autres personnes que moi sont préoccupées par cette frontière entre la vie et la mort. Des structures, des aides seront trouvées.

 Ce que je me dois à moi- même et que je dois aux autres, c’est de vivre au maximum de mes possibilités, jouir de chaque rencontre, de chaque bon moment. Et, pour le reste, pour toutes ces choses dures, eh bien, je ne suis pas seule. Chaque avancée a toujours été une aventure commune. Et je crois aussi à cela. Si je peux apporter une petite pierre, je le ferai. Si je ne peux pas le faire, d’autres le feront. 
Chantal Cambronne. Septembre 2022

 

REFLEXION ET PROSPECTIVE, Henri Charccosset

J’apprécie le fond de ton propos Chantal, et plus particulièrement la conclusion que tu en tires pour toi-même, pour le temps qu’il te reste à vivre. Lequel temps devrait en principe être supérieur au mien. Passons, nous avons les deux 86 ans.

 

Témoignage d’insertion en étant âgé, doublement handicapé

Eh bien, il est 22 H 30, j’ai été mis au lit à 19 H par une auxiliaire de vie. Je suis installé dans un lit médicalisé, dont le grand intérêt pour ce qui nous concerne ici, est qu’il comporte une installation informatique, avec accès à l’Internet. D’où la  possibilité d’activer mes mails, d’agir sur mon site Internet, de me mettre en lien avec  des participants aux forums de Doctissimo.com, d’accès depuis CLIC .

Depuis quelques années je ne marche plus du tout, mais mets à profit un lève- personne manipulé par une auxiliaire de vie pour m’installer le matin sur un scooter électrique, et m’en extraire le soir. Sur le scooter, je peux circuler jusqu’en ville, en prenant les transports en commun.

Je suis doublement handicapé, urologique cette fois, en conséquence d’un déjà lointain cancer à la prostate. D’où le port nuit et jour, de protections adaptées, nécessitant de nouveau l’intervention d’auxiliaires de vie.

Mon autonomie, que je trouve très acceptable, fait intervenir douze intervenants à mon domicile, où j’habite seul, par semaine. Ce sont sept auxiliaires de vie, deux infirmières, deux aides ménagères, un kiné. Je m’entends raisonnablement bien avec ce petit monde, presque en totalité d’origine autre que métropolitaine !

Mon domicile, j’’y suis venu en 1967, marié avec deux enfants de 4 et 3 ans. Mon épouse y est décédée en 1990. Je souhaite pouvoir y décéder aussi. Je sais déjà que je pourrais vivre et exister en étant grabataire, si ma tête « tient », me permettant de m’exprimer avec l’Internet.

La relation à mes enfants mariés, et petits-enfants (4 d’âge entre 23 et 29 ans), très régulière, se fait sans incidence notable de mes problèmes physiques sur leurs projets de vie.

 Au-delà du cas personnel, la relation des âgés avec leurs enfants, de vers 30 ans plus jeunes. Trop souvent, on entend l’ainé se plaindre qu’on ne lui demande pas de ses nouvelles. Réaction passéiste, car c’est bien à lui, plus disponible, de conserver son rôle de parent, et de rester moteur dans cette relation.   

La relation aussi l’entraide, de voisinage, se font agréablement. A l’autre qui vous demande, à vous âgé ou/et visiblement handicapé, de vos nouvelles, toujours savoir demander « Et vous, vous allez bien ? » avec la variante, souvent préférable, « Et chez vous, tout va bien ? »

Ce témoignage est à voir comme un appui à l’insertion sociale active de tout être, de tout âge, même handicapé et résidant seul en domicile privé. Un « Télé bénévolat social en indépendant », tel qu’appliqué ici, tend la main pour contribuer à s’identifier. Si nécessaire, l’assistance pratique d’un proche sera mise à profit.  

 

Les EHPAD, comme lieu de fin de vie socialement active

Je m’appuie sur l’accompagnement au jour le jour que je m’efforce d’apporter à ma compagne depuis 1993 qui, suite à une maladie mentale à évolution lente, vit en EHPAD depuis quelques années.                                                                                       On élabore d’autres structures, ayant pour constante semble-t-il, de ne pas garder leurs résidents jusqu’au bout de leur vie. C’est pourtant sécurisant pour la personne avec son entourage, que de se savoir en lieu stable et sûr, jusqu’au terme de son parcours sur terre.

Une amélioration importante de nos EHPAD peut et a à venir, du renforcement de l’introduction de l’Internet, y compris auprès des résidents eux-mêmes. Chacun y a sa boite postale, et y aura bientôt sa boite mail.

 Le sujet Internet et EHPAD est un peu documenté, avec par exemple à CLIC l’objectif de « Conserver le lien avec les proches en garantissant des appels vidéo et audio   de qualité en dehors des visites physiques ».

. A chaque résident serait associé un correspondant par mail, généralement de sa famille. Un membre du staff professionnel assurerait le lien pratique entre le résident et son correspondant familial. A titre d’exemple, une grande joie c’est certain, pour une personne très âgée, que de recevoir, en fichier joint de mails, des photos familiales.

Il est bien tentant de penser plus avant. Ce que je fais depuis chez moi, en télé bénévolat, la plupart des personnes   en Résidence Seniors, ceux en EHPAD aussi, plus souvent en étant aidés, sont capables de le faire. Tout simplement pour créer du lien social, en particulier intergénérationnel.

L’EHPAD est une base solide pour l’accompagnement, jusqu’en fin de vie, des aînés ne voulant pas ou/et ne pouvant pas rester à leur domicile. Beaucoup est à faire pour maintenir voire renforcer le lien avec l’extérieur, et déjà la famille. C’est déjà à nous autres les proches, de nous investir activement et régulièrement. Toute vision de la part d’un Etablissement consistant à dire « On s’occupe de tout » serait passéiste.

 

 Les personnes de grand âge, une des forces vives du monde de demain   

Il importe de voir dans les personnes très âgées, jusqu’à la frontière de leur mort, des agents de production. Aux adultes jeunes, la production en priorité des biens et services. Aux plus âgés de pouvoir, savoir, rester agents de production de lien social.

Catholique très peu pratiquant, je n’en appuie pas moins le fruit des travaux du conseil permanent de la Conférence des évêques de France. Pour lequel, à l’approche de la mort : « Le besoin essentiel du plus grand nombre est d’être considérés, respectés, aidés, accompagnés, non abandonnés », Source : Le Monde du 27.09.2022, P30.

Sans attendre le besoin d’être aidé pour pouvoir être considéré, agir soi comme participant pour plus de lien social. A titre d’exemple, l’expérience de Bienvieillir73 (pseudonyme), qui va au-delà de la simple anecdote.

Agé de 75 ans, veuf, habitant seul dans un joli chalet à la montagne, il se montre ouvert à des échanges tant lors de visites sur place que sur le Net. A voir, belles photos comprises, depuis CLIC.  Au fait quelle serait sa vie s’il n’y avait pas introduit la dimension du télé bénévolat autogéré. Elle serait toujours faite de bénévolat, mais au niveau bien plus réduit de son hameau.

Et puis, quelle serait mon existence si je n’avais pas un clavier d’ordinateur avec accès à l’Internet, sur mon lit médicalisé ? je n’y pense jamais. 

Le télé bénévolat social en indépendant -ou autogéré-est un moyen potentiellement majeur de contrer le manque d’attention généralisé pour les autres en difficulté. Les réserves de forces sont très grandes, allant de populations adultes jeunes, au grand âge, même vécu en Etablissement.

 

Tous handicapés, tous chercheurs, sans exceptions, en vue d’une Société plus juste et plus humaine (Devise introduite sur l’Internet, par Henri Charcosset, le 1er Janvier 2001)

Dès lors qu’on considère l’homme en société plutôt que simplement l’homme physique, nous sommes tous handicapés, Et gagnons à mettre à profit les possibilités de de compensation.

Dans cette contribution par exemple, Chantal Cambronne apporte le fruit d’une expérience que je n’ai pas du tout, de trois années de vie sociale active, tout en étant en Résidence Autonomie (Appellation parmi d’autres de Résidence Personne Agée RPA) d’Olèrron.

°°°°

A mes 17 ans, les 13-15 septembre 1953, alors qu’à la fin des vacances scolaires je travaillais à la ferme de mes parents, j’ai été atteint par le virus de la polio. En moins d’une semaine, paralysie très étendue sauf respiratoire.

La vaccination contre la polio a été découverte aux USA en 1955, rendue obligatoire en France en 1961. Le nombre maximum de cas en France a été de 7000 en 1957. Le calendrier des vaccinations et des rappels est donné sur le lien CLIC

Après deux mois, j’entrais à l’Hôpital Raymond Poincaré de Garches, un haut lieu en France de la rééducation des polios, le plus souvent des enfants. J’y ai passé deux années pleines en dortoir à 22 lits, tous occupés par des polios d’âge entre 16 et 60 ans, issus de tout milieu social. Le lycée intégré à l’hôpital était naissant, manquant de professeurs. Alors m’ont aidé à me propulser vers des études supérieures, des polios adultes confirmés, diplômés.

Je dois largement à ce milieu d’avoir fait ma carrière de chercheur au CNRS, en Sciences physiques. La base de la base c’est que recevant un sujet à étudier, nous commençons par analyser l’état du sujet, puis nous nous y investissons pendant la durée d’une thèse, parfois d’une carrière en son entier. Comme on va laisser le sujet incomplètement traité, on va faire des suggestions pour que l’avancement du sujet se poursuive. Il en va bien ainsi dans la recherche contre les cancers, etc., etc.

 

Mais en tout cas potentiellement dans notre vie courante, sans exception, chacune et chacun est chercheur. Le sujet est d’apporter sa contribution, indispensable quand bien même pense-t-on qu’elle ne l’est pas du tout, à l’avancement de notre société. L’historique du sujet, c’est l’histoire de celles et ceux à qui nous devons la vie. Et l’équivalent du travail du chercheur en fonction, c’est notre pratique de la vie courante en son entier.

 

 Me prenant à titre d’exemple, je sais que j’ai à suivre, autant que faire se peut, l’exemple de mes ascendants pour le vécu du grand vieillissement. En clair, ils travaillaient de moins en moins certes, mais rendaient des petits services jusqu’au bout de leurs forces. C’était dans la petite agriculture. Moi, cela devrait être sur les forums que je pratique déjà. Mettre encore des messages (on dit posts) pour encourager des jeunes en difficultés à prendre ou reprendre confiance en eux, pour aller de l’avant.      

Référence : Charcosset Henri (2022), Internet et société. Tous chercheurs. Urne approche personnelle propre à généralisation

 

En hommage à Edgar Morin, sociologue, philosophe, né en 1921, auteur en 2022 de l’ouvrage « Réveillons-nous »

Edgar Morin — Wikipédia (wikipedia.org) a une œuvre immense. Cela nous concerne plus spécifiquement qu’à ce grand âge, il ne se contente pas de survivre, mais continue de vivre. Ce qui pour lui, veut dire en particulier Ecrire et publier des livres. Son ouvrage paru cette année : « Réveillons-nous », a pour référence Google  CLIC. Une très vaste et féconde réflexion !

A notre très petite échelle en comparaison, de l’utilisation personnalisée de l’Internet pour s’identifier comme collaborateur de recherche pour l’évolution de notre société, nous pouvons faire nôtre le « réveillons-nous » !

A nous autres les vieux de croire davantage en nous pour faire ressortir que tous milieux confondus, on pourrait avancer plus vite dans le sens où personne ne puisse être isolé et traité comme étant sans intérêt.

 

Quelle suite à notre collaboration ?

 Net amie conscrite Chantal, pourrais-tu faire phosphorer ton cerveau sur le sujet de la survivance de notre existence au-delà de notre mort terrestre ? Il me semble à première vue qu’une fois né on l’est pour l’éternité ? Qu’on le veuille ou bien pas. HC

  

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