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Juillet 2013                                              

 

                                                                             L'ÉMERGENCE  D'UNE SPIRITUALITÉ  LAÏQUE : UNE QUETE DE SENS

 

                                                                                                                         Virginie LAROUSSE

 

- Le Monde des Religions, Janvier -février 2013

 http://www.lemondedesreligions.fr /

 

Note : A partir de ce même numéro du Monde des Religions, nous avons déjà  publié l’  article de André Comte-Sponville :

 

-         L’émergence d’une spiritualité laïque : « Une spiritualité de l’immanence », Entretien, Propos recueillis par Fabien Trécourt, CLIC

 

-         Tandis que précédemment , de  André Comte-Sponville, on lira sur ce site :


 Introduction à une spiritualité sans Dieu (ouvrage, 2006), CLIC

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                                              La méditation et le yoga, mais aussi l'étude de la philosophie ont le vent en poupe. Comment expliquer leur si vif succès ?  

 

            Nietzsche, en 1882, écrivait: « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'estnous qui l'avons tué ! »

 C'est qu'au XIX ème siècle, la religion n'est plus en odeur de sainteté. Après avoir régenté pendant des siècles  la vie des hommes, après avoir modelé l'Europe occidentale au point qu'on nommait cette dernière  « Chrétienté », elle apparaît comme une expression culturelle désuète-pour ne pas dire dangereuse.

 

 Assimilée par Freud à une illusion collective, par Auguste Comte et Ludwig Feuerbach à une aliénation de l'homme, la religion est fustigée par Marx qui voit en elle « l' opium du peuple ».

 Nombre d'intellectuels préconisent une désintoxication de la société. L'ère de la sécularisation, qui vise à libérer les individus et les institutions de son emprise, a sonné.

 

 En France, elle se concrétise par l'adoption de la loi de séparation de l'Église et de l'État en 1905. Désormais, ce sera chacun chez soi: reléguée au rang de croyance personnelle, la religion ne doit plus s'immiscer dans une société qui se veut ouvertement laïque.

 La Sainte Trinité des anciens est remplacée par une autre triade. Raison, science et progrès vont, pense-t-on alors, débarrasser les hommes du joug religieux et leur ouvrir les portes de la liberté.

De fait, le XX ème siècle semble donner raison à ceux qui prophétisaient la mort de Dieu : les églises se vident, les vocations se font rares. La modernité paraît avoir sonné le glas de la religion.

                                                

                                                                                            LE  NOUVEAU  VISAGE  DE  DIEU

 

 Aujourd'hui, pourtant, les questions religieuses s'invitent constamment à la une de l'actualité : voile islamique, sectes, intégrismes, fondamentalismes … Loin d'avoir éradiqué la religion, notre monde, observe le sociologue Peter Berger, est « aussi furieusement religieux qu'il l'a toujours été ; il l'est mêmedavantage dans certains endroits.» Dieu semble bien avoir ressuscité.

 

 Entre-temps, en effet, les grandes idoles de l'Occident, se sont effondrées. Alors qu'ils pensaient s'acheminer vers un monde meilleur, les hommes constatent avec effroi que la modernité peut aussi engendrer l'horreur. Celle des guerres mondiales, des idéologies totalitaristes, des génocides, de la bombe atomique, de la crise écologique. L'utopie cède la place au désenchantement, à l'angoisse et surtout au vide. Vide de la question du sens de la vie de la mort. Vide de la solitude  qui mine notre siècle. L'inquiétude métaphysique guette ceux qui ont perdu la foi.

 

 Inquiète, Marie-Laurence , 48 ans, l'a été. « En donnant la vie à mes enfants, j'ai compris que, d'une certaine façon, je donnais la mort en même temps. Cela m'a beaucoup impressionnée » ,confie-t-elle.

 Mais la pratique de la méditation lui a apporté « un soulagement énorme ». « Tout ce que je fais a plus de sens. Je me sens intégrée dans un grand mouvement de vie. Je me rends  compte que tout continue par le biais de mes enfants, de ce que j'accomplis au travail. Je n'ai plus la peur vissée au ventre », résume cette femme dynamique et volontaire.

 

D'inspiration bouddhiste ou non, la méditation connaît depuis quelques années un succès sans précédent dans les pays occidentaux, tout comme nombre d'autres pratiques. Yoga, reiki, néochamanisme, médecines dites douces, développement personnel, New Age et autres spiritualités orientales sont venus combler le vide que peuvent ressentir ceux qui ne se reconnaissent ni dans le cartésianisme à tout cran, ni dans les religions instituées.

 

Car si Dieu est toujours bien vivant, il a changé de visage. C'en est fini du Dieu autoritaire des monothéismes : les adeptes des nouvelles spiritualités lui  préfèrent l'idée d'un absolu ineffable, qu'ils souhaitent approcher par leur expérience  personnelle, plutôt qu'en récitant un credo. Quand ils ne rejettent pas purement et simplement l'idée de Dieu, préférant parfois rechercher le divin en eux-mêmes.

 

 Un sondage récent ( Du Parisien- Aujourd'hui en France )montre que seuls 36% des Français affirment croire en Dieu... ce qui n'empêche pas les autres de vouloir donner une profondeur à leur existence.

 On peut par exemple rencontrer ces «quêteurs de sens », pour reprendre l'expression du théologien  Jean Vernette, aux cours de philosophie donnés dans certaines universités populaires.

Albert, 67 ans , en est un auditeur assidu. « Pour l'agnostique que je suis, explique-t-il, la philosophie est une formidable école de vie. Elle délivre un enseignement concret qui fait sens ; cela m'aide à mieux me connaître et à comprendre le monde.»

 

 Hissée au rang de spiritualité laïque, la philosophie a le vent en poupe.

En témoigne notamment le succès des livres d'André Comte-Sponville et de Luc Ferry – dont leur ouvrage La sagesse des modernes paru chez Robert Laffont - ,qui s'efforcent d'élaborer une spiritualité  pour notre époque.

 

 À l'image de notre époque, la spiritualité d'aujourd'hui est métissée, la mondialisation permettant à tout un chacun d'accéder au patrimoine culturel de l'humanité.

 Elle occupe d'ailleurs une place de choix dans les librairies. Des collections lui sont consacrées : Albin Michel Spiritualités, Points sagesses au Seuil ou encore L'Esprit d'ouverture chez Belfond ; des maisons d'édition comme Dervy traitent même exclusivement  d'elle.

 Elle inspire aussi cinéastes et écrivains, ainsi qu'en atteste le succès du film Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, et de certains romans – L'Alchimiste  de Paolo Coelho ou L'Ame du monde de Frédéric Lenoir.

 

 Le phénomène est encore plus marqué pour les ouvrages relatifs au développement personnel.

 

Chacun peut donc se forger sa propre religion, dans un joyeux syncrétisme. Alice, qui se définit comme néopaïenne, se nourrit également des enseignements bouddhistes et taoïstes. Elle pratique le chamanisme traditionnel « Cela me correspond parfaitement . J'ai besoin d'inspiration et de liberté dans mes croyances, car je pense que notre esprit critique et notre intuition sont nos meilleurs guides », se réjouit -elle.

 

Lorsqu'on demande aux sympathisants des spiritualités alternatives pourquoi ils ne sont pas allés étancher leur soif spirituelle à la source de religions plus traditionnelles – judaïsme, christianisme ou islam -, la critique de l'institution et du dogme n'est  jamais bien loin.

 « Les messes catholiques peuvent m'émouvoir aux larmes, admet Alice, mais le côté très patriarcal de la religion fait que ses enseignements ne vibrent pas en moi. Le terme de péché, par exemple, ne me parle pas. »  

Un point de vue partagé par Élisabeth, qui pratique depuis des années la guérison chamanique : « L'Église dit que l'homme est à l'image de Dieu. Pourtant, nous sommes constamment mis au banc des accusés. Il faut sans cesse demander pardon, faire pénitence  pour avoir accès au paradis... Cet aspect culpabilisant est terrible.»

 

                                                                                         UNE  VÉRITABLE  RÉVÉLATION

 

 L'ouverture d'esprit est, néanmoins , souvent présente. Fabrice Midal  pratique la méditation depuis plus de 25ans. Il s'attache à  transmettre l'enseignement qu'il a reçu de grands maîtres occidentaux et orientaux dans un cadre laïc – celui de l'École occidentale de méditation.

 L'auteur de la Pratique de la méditation ( Poche, 2012 ) est catégorique :« Il n'y a pas, de mon côté, la moindre critique ou l'idée d'un manque dans les autres traditions . Je peux d'ailleurs  me sentir plus proche de certains juifs, chrétiens ou musulmans que de certains bouddhistes ! Du reste, plus les années passent, plus je pratique la méditation et plus je comprends, en profondeur, les traditions  monothéistes. Simplement, quand j'ai découvert la méditation, j'ai su que j'étais appelé à cela, à faire ce chemin. J'ai senti que c'était ma vocation.»

 Une révélation, c'est ainsi que ces quêteurs de sens de tous horizons décrivent leur rencontre avec tel ou tel courant de pensée ou pratique. Y adhérer ne relève pas de la simple affinité élective. C'est une évidence, un appel inéluctable.

 

Lorsque  Claudine évoque sa première séance de reiki, c'est en termes quasi amoureux: « J' ai tout de suite été attiré. À la fin de la séance, je ne pouvais plus hésiter.»

Même impression pour Alice : « Ce que j'y ai découvert allait bien plus profondément que ce je pensais de prime abord : j'y ai retrouvé mes propres croyances, ma philosophie, une partie de ce que je fais de façon innée depuis toujours. Je me sentais parfaitement épanouie et à mon aise. Même les années de difficultés et de solitude trouvaient un sens.»

 

            C'en est fini du Dieu autoritaire des monothéismes : les adeptes des nouvelles spiritualités lui préfèrent l'idée d'un absolu ineffable, qu'ils veulent approcher par leur expérience personnelle, plutôt que par un credo.

 

Alors qu'ils avaient l'impression, jusque-là, d'être  « en recherche », « en questionnement  » sur  eux-mêmes et sur le monde, une dimension nouvelle  de la vie s'ouvre à eux. Comme une petite flamme qui ne demandait qu'à être allumée, et qui va éclairer, guider leur existence. C'est fréquemment l'ancrage avec la nature proposé par nombre de spiritualités nouvelles qui vient réanimer – au sens propre du terme – ces chercheurs spirituels.

 

 À une époque où l'être humain, coupé de son environnement au nom de l'argent et du matérialisme effréné, peine à se positionner dans l'univers, ils ont le sentiment de retrouver  un supplément d'âme au contact de la nature.

 

                                                                                           EN  CONTACT  AVEC  LA  NATURE

 

 Élisabeth s'étiolait dans le béton de la banlieue parisienne où elle a grandi. À l'âge de 21 ans, elle décide de s'installer dans le bassin d'Arcachon,où elle a trouvé l'écho de sa foi intérieure dans la nature. Une nature vibrant d'une force de vie, d'une énergie qu'elle affirme être en mesure de percevoir et de canaliser. Une nature généreuse, dont il faut prendre soin.

«Reconnaître que nous ne sommes pas des créatures perdues dans un immense univers hostile, mais que nous interagissons sans cesse avec lui en actes, paroles et pensées, que nous sommes partie d'un grand tout naturel, rend à la nature un sens sacré, plein de densité, d'êtres et d'énergie. Le monde prend soin de nous infiniment aussi », considère Alice, qui illustre par ces paroles, la pensée des adeptes de l'écologie spirituelle.

 

Une nature guérisseuse, également : la spiritualité se fait alors thérapie, tant du corps que de l'esprit. À l'inverse, estime Élisabeth, des religions instituées, qui ne s'attacheraient selon elle qu'à approfondir la foi et non à guérir les blessures. On retrouve d'ailleurs cette dimension soignante avec la méditation, dont la pratique est préconisée par des psychiatres, tel Christophe André, pour les personnes atteintes de troubles anxieux, dépressifs ou phobiques.

 

Les  adeptes des nouvelles spiritualités en sont convaincus : grâce à elles, ils ont pu construire une nouvelle relation  avec eux-mêmes et avec les autres. Alice le confirme : « Croire me permet d'avoir le courage de me regarder en face : mes qualités uniques, mes victoires, mes mensonges, mon ombre.

Croire en ces dieux si divers, si humains, en quelque sorte, dans leur profondeur, me donne la force de m'accepter. Et plus je m'accepte, plus je m'aime.»

 

D'ailleurs une critique revient régulièrement à l'égard des spiritualités alternatives : leur conception utilitariste; les adeptes ne cherchent qu'à se réaliser eux-mêmes, leur démarche est finalement individualiste et s'inscrit même dans une forme de matérialisme spirituel. « Deviens ce que tu es », écrivait Nietzsche.

 

Ce reproche pourrait toutefois être formulé à l'encontre des religions en général : celui qui croit espère souvent, consciemment ou inconsciemment, tirer quelque bénéfice ou réconfort de sa foi. La spiritualité doit déboucher de toute façon sur une ouverture réelle et désintéressée à l'autre-et cela sera d'autant plus facile que l'on est en accord avec soi-même.

 

Un idéal élevé qui ne doit cependant pas occulter que des risques de dérives sectaires existent bel et bien. Ils sont certainement davantage marqués dans la nébuleuse des mouvements spirituels qu'au sein des religions instituées, où l'encadrement est plus soutenu. Il convient donc de savoir faire preuve de discernement et de prudence.

 

                                                                  Virginie Larousse.

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         Pour Aller Plus Loin :

 

            Charles Taylor , L'Âge séculier ( Seuil, 2011 ).

 

             Frédéric Lenoir, Les Métamorphoses de Dieu, des intégrismes aux nouvelles

spiritualités ( Pluriel, 2010 ).

 

              Jean Vernette,  Nouvelles spiritualités et nouvelles sagesses, les voies de

l'aventure spirituelle aujourd'hui ( Bayard / Centurion, 1999 ).

 

              Harvey Cox,  Retour de Dieu, voyage au pays pentecôtiste ( DDB, 1995 ).

 

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