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JUILLET 2007
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André COMPE-SPONVILLE,
Editions Albin Michel, 2006
Extraits par Henri Charcosset
Page 9
Un combat contre la religion ? Ce serait se
tromper d’adversaire. Mais pour la tolérance, pour la laïcité, pour la liberté
de croyance et d’incroyance, l’esprit n’appartient à personne, la liberté non
plus.
J’ai été élevé
dans le christianisme. Je n’en garde ni amertume, ni colère, bien au contraire. Je dois à
cette religion, donc aussi à cette église (en l’occurrence la catholique) une
part essentielle de ce que je suis, ou de ce que j’essaie d’être. Ma morale
depuis mes années pieuses n’a guère changé. Ma sensibilité non plus…. Pourquoi
devrais-je en avoir honte ? Plus… Pourquoi devrais-je même, m’en
étonner ? C’est mon histoire, ou plutôt c’est la nôtre. Que serait l’occident sans le christianisme ? Que serait le
monde sans ses dieux ?
Page 10
Reste pour les athées, à inventer la spiritualité
qui va avec la laïcité.
PEUT-ON SE PASSER DE RELIGION ?
Page 17
Un témoignage personnel… Je n’ai pas seulement été
élevé dans le christianisme, j’ai cru en
dieu, d’une foi vive, quoique traversée de doutes, jusque vers dix-huit
ans. Puis j’ai perdu la foi, et ce fut comme une libération : tout
devenait plus simple, plus léger, plus ouvert, plus fort ! C’était comme
si je sortais de l’enfance, de ses rêves et de ses frayeurs, de ses moiteurs,
de ses langueurs, comme si j’entrais enfin dans le monde réel, celui des
adultes, celui de l’action, celui de la vérité sans pardon et sans providence.
Quelle liberté ! Quelle responsabilité !
Quelle jubilation ! Oui, j’ai le sentiment de vivre mieux. Plus
lucidement, plus librement, plus intensément, depuis que je suis athée. Cela,
toutefois, ne saurait valoir comme loi générale.
Page 23
Peut-on se
passer de religion ? On voit que la réponse d’un point de vue individuel, est à la fois
simple et nuancée : il y a des individus, j’en fais partie, qui s’en passe
fort bien, dans la vie ordinaire, ou comme ils peuvent quand un deuil les
frappe. Cela ne signifie pas que tous le puissent ou le doivent. L’athéisme
n’est ni un devoir, ni une nécessité. La religion non plus. Il ne nous reste
qu’à accepter nos différences. La tolérance, à notre question ainsi entendue,
est la seule réponse satisfaisante.
Page 29
Pas de société sans lien : pas de société sans
communion. Cela ne prouve pas que toute communion, ni donc toute société,
nécessite la croyance en un dieu personnel et créateur, ni même en des forces
transcendantes ou surnaturelles.
Page 34
La foi est une croyance ; la fidélité au sens
où je prends le mot (qui réveille et relit) est plutôt un attachement, un
engagement, une reconnaissance. La foi porte sur un ou plusieurs dieux ;
la fidélité, sur des valeurs, une histoire, une communauté : la première
relève de l’imaginaire ou de la grâce ; la seconde, de la mémoire et de la
volonté.
Page 39
C’est en
transmettant le passé aux enfants qu’on leur permet d’inventer leur avenir ; c’est en étant
culturellement conservateur qu’on peut être politiquement progressiste… du
passé ne faisons pas table rase ! Il ne s’agit pas d’inventer ou de réinventer,
une nouvelle fidélité aux valeurs que nous avons reçues, et que nous avons à
charge de transmettre.
Page 40
Récapitulons. Une société peut très bien se passer de religion au sens
occidental et restreint du terme. (La croyance en un dieu personnel et
créateur) ; elle pourrait peut être se passer de sacré ou de surnaturel
(de religion au sens large) ; mais elle
ne peut se passer ni de communion, ni de fidélité.
Il m’arrive de me définir comme athée fidèle : athée puisque je
ne crois en aucun Dieu, ni en aucune puissance surnaturelle ; mais fidèle
(parce que je me reconnais dans une certaine histoire, une certaine tradition,
une certaine communauté, et spécialement dans ces valeurs judéo-chrétiennes.
(ou gréco-judéo-chrétiennes) qui sont les nôtres.
Page 56
Sur toutes les grandes questions morales et sauf
pour les intégristes, croire ou pas en Dieu ne change rien d’essentiel. Que
vous ayez ou non une religion, cela ne vous dispense pas de respecter l’autre,
sa vie, sa liberté, sa dignité : cela n’annule pas la supériorité de
l’amour sur la haine, de la générosité sur l’égoïsme, de la justice sur
l’injustice. Que les religions nous aient aidés à le comprendre, cela fait
partie de leur apport historique, qui fut grand.
Page 63
Un athée
lucide ne peut pas échapper au désespoir… C’est ce que j’ai essayé de penser… pour
m’enfoncer dans le malheur ? Au contraire pour en sortir, pour montrer que
le bonheur n’est pas à espérer mais à vivre, ici et maintenant à vivre !
Cela n’annule pas le tragique. Mais pourquoi faudrait-il l’annuler ? Mieux
vaut l’accepter, et joyeusement si l’on peut. Sagesse tragique : sagesse
du bonheur et de la finitude du bonheur
et de l’impermanence du bonheur et du
désespoir. C’est moins paradoxal qu’il ne semble. On n’espère pas ce qu’on
n’a pas. Tant qu’on espère être heureux, c’est donc que le bonheur fait défaut.
Quand il est là, au contraire que reste-t-il à espérer ? Qu’il dure ?
ce serait craindre qu’il ne s’achève, et voilà que le bonheur déjà se dissout
dans l’angoisse…. C’est le piège de l’espérance, avec ou sans Dieu : à
force d’espérer le bonheur pour demain, nous nous interdisons de le vivre
aujourd’hui.
Page 65
Le sage est un
homme d’action,
quand le sot se contente d’espérer en tremblant. Le sage vit au présent : il ne désire que ce qui est
présent : il ne désire que ce qui est acceptation, amour, volonté, ou ce
qu’il fait… Ce n’est pas l’espérance qui fait agir (combien espèrent la
justice, qui ne font rien pour elle ?) C’est la volonté. Ce n’est pas
l’espérance qui libère, c’est la vérité. Ce n’est pas l’espérance qui fait
vivre, c’est l’amour.
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Ce qui fait la valeur d’une vie humaine, ce n’est pas le
fait que la personne en question croit ou pas en Dieu ou en une vie après la
mort… Ce qui fait la valeur d’une vie
humaine, c’est la quantité d’amour, de compassion et de justice dont on est
capable !
Page 77
Résumons-nous. On peut se passer de
religion : mais pas de communion, ni de fidélité, ni d’amour. Ce qui nous
unit ici est plus important que ce qui nous sépare. Paix à tous, croyants et
incroyants. La vie est plus précieuse que la religion ; la fidélité, plus
précieuse que la foi ou que l’athéisme, enfin c’est ce qui donne raison aux
braves gens, croyants ou non. L’amour est plus précieux que l’espérance ou que
le désespoir.
DIEU EXISTE-T-IL ?
Page 142
Six arguments principaux m’amènent à ne pas croire
en Dieu (pour les trois premiers), et même à croire qu’il n’existe pas (pour
les trois suivants) : la faiblesse des arguments opposés (les prétendues
preuves de l’existence de Dieu ; l’expérience commune (si Dieu existait
cela devrait se voir ou se sentir davantage) ; mon refus d’expliquer ce
que je ne comprends pas par quelque chose que je comprends encore moins ;
la démesure du mal ; la médiocrité de l’homme ; enfin le fait que
Dieu corresponde tellement bien à nos désirs qu’il y a tout lieu de penser
qu’il a été inventé pour les satisfaire…
Dieu
existe-t-il ? Nous ne le savons pas. Nous ne le saurons jamais, en tout cas dans cette
vie. C’est pourquoi la question se pose d’y croire ou non. Le lecteur sait
maintenant pourquoi, pour ma part, je n’y crois pas… Ce sont mes raisons, du
moins celles qui me touchent ou me convainquent le plus. Il va de soi que je ne
prétends les imposer à quiconque. Il me suffit de revendiquer le droit de les
énoncer publiquement, et de les soumettre, comme il convient à la discussion.
Qu’est ce que
le fanatisme ? C’est prendre sa foi pour un savoir, ou vouloir l’imposer par la
force… double faute : contre l’intelligence et contre la liberté. A quoi
donc il faut résister doublement : par la démocratie, par la lucidité, la
liberté de conscience fait partie des droits de l’homme et des exigences de
l’esprit.
La religion est un droit. L’irreligion aussi. Il
faut donc les protéger l’une et l’autre (voire l’une contre l’autre, si c’est
nécessaire), en leur interdisant à toutes les deux de s’imposer par la force.
C’est ce qu’on appelle la laïcité,
et le plus précieux héritage des lumières. On en redécouvre aujourd’hui la
fragilité. Raison de plus pour le défendre, contre tout intégrisme, et pour le
transmettre à nos enfants.
La liberté de l’esprit est le seul bien, peut-être,
qui soit plus précieux que la paix. C’est que la paix sans elle n’est que
servitude.
QUELLE SPIRITUALITE POUR LES
ATHEES ?
Qu’est ce que
la spiritualité ? C’est la vie de l’esprit… Qu’est ce que
l’esprit ? C’est la puissance de penser en tant qu’elle a accès au vrai, à
l’universel ou au rire… L’esprit n’est pas une substance ; c’est une
fonction, c’est une puissance, c’est un acte…
Page 147
Nous sommes des êtres finis, ouverts sur
l’infini ; des êtres éphémères, ouverts sur l’éternité ; des êtres
relatifs, ouverts sur l’absolu. Cette ouverture, c’est l’esprit même. La
métaphysique consiste à la penser ; la spiritualité à l’expérimenter, à
l’exercer, à la vivre.
C’est ce qui distingue la spiritualité de la
religion, qui n’est qu’une de ses formes.
Page 151
Quelle
spiritualité pour les athées ? Repensant aux trois vertus théologales de la
tradition chrétienne, je répondrais volontiers : une spiritualité de la
fidélité plutôt que de la foi, de l’action plutôt que de l’espérance, enfin de
l’amour évidemment, plutôt que de la crainte ou de la soumission…. Si je prends
maintenant le mot « spiritualité » en son sens strict, il faut aller
plus loin, ou plus haut : la vie spirituelle, en sa pointe extrême, touche
à la mystique..
Page 155
La spiritualité, c’est ce qui la distingue de la
métaphysique, relève de l’expérience davantage que de la pensée.
Page 156
Nous sommes dans le Tout et celui-ci fini ou pas,
nous excède de toutes parts : ses limites, s’il en a, sont pour nous
définitivement hors d’atteinte. Il nous enveloppe. Il nous contient. Il nous
dépose. Une transcendance ? Non pas, puisque nous sommes dedans. Mais une
immanence inépuisable, indéfinie, aux limites à la fois incertaines et
inaccessibles. Nous sommes en elle : l’immensité nous porte…
Page 160
Tout peut m’angoisser, sauf le Tout lui-même, qui
m’apaise… La contemplation de l’immensité qui rend l’ego dérisoire, rend
l’égocentrisme en moi, donc aussi l’anxiété un peu moins forts, un peu moins
oppressants, au point parfois de sembler les annuler, quelques instants. Quel
calme, soudain, lorsque l’ego se retire !
Page 199
Disons, pour résumer, que j’ai senti et expérimenté,
moi aussi (rarement, mais c’est assez fort pour que ce soit inoubliable) des
moments de mystère, d’évidence, de plénitude, de simplicité, d’unité, de
silence, d’éternité, de sérénité, d’acceptation, d’indépendance… Ce n’était pas
des mots, j’y insiste : c’était une expérience, et elle était individuelle
(la plénitude, la simplicité, le silence, l’éternité, etc : tout cela ne
faisait qu’un)…
Page 200
Cela faisait comme une force qui n’aurait jamais
commencé…. Comme une paix qui n’aurait pas de fin. Je n’en mourrai pas moins,
mais cela, alors n’avait aucune importance… La mort ne me prendra que l’avenir
et le passé, qui ne sont pas le présent et l’éternité. Le présent, donc
l’éternité, sont pour elle hors d’atteinte. La mort ne m’ôtera que mes
illusions.