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                                                        JUILLET 2007

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L’ESPRIT DE L’ATHEISME

Introduction à une spiritualité sans Dieu

 

André COMPE-SPONVILLE, Editions Albin Michel, 2006

 

                                           Extraits par Henri Charcosset

 

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Un combat contre la religion ? Ce serait se tromper d’adversaire. Mais pour la tolérance, pour la laïcité, pour la liberté de croyance et d’incroyance, l’esprit n’appartient à personne, la liberté non plus.

J’ai été élevé dans le christianisme. Je n’en garde ni amertume, ni colère, bien au contraire. Je dois à cette religion, donc aussi à cette église (en l’occurrence la catholique) une part essentielle de ce que je suis, ou de ce que j’essaie d’être. Ma morale depuis mes années pieuses n’a guère changé. Ma sensibilité non plus…. Pourquoi devrais-je en avoir honte ? Plus… Pourquoi devrais-je même, m’en étonner ? C’est mon histoire, ou plutôt c’est la nôtre. Que serait l’occident sans le christianisme ? Que serait le monde sans ses dieux ?

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Reste pour les athées, à inventer la spiritualité qui va avec la laïcité.

 

                           PEUT-ON SE PASSER DE RELIGION ?

 

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Un témoignage personnel… Je n’ai pas seulement été élevé dans le christianisme, j’ai cru en dieu, d’une foi vive, quoique traversée de doutes, jusque vers dix-huit ans. Puis j’ai perdu la foi, et ce fut comme une libération : tout devenait plus simple, plus léger, plus ouvert, plus fort ! C’était comme si je sortais de l’enfance, de ses rêves et de ses frayeurs, de ses moiteurs, de ses langueurs, comme si j’entrais enfin dans le monde réel, celui des adultes, celui de l’action, celui de la vérité sans pardon et sans providence.

Quelle liberté ! Quelle responsabilité ! Quelle jubilation ! Oui, j’ai le sentiment de vivre mieux. Plus lucidement, plus librement, plus intensément, depuis que je suis athée. Cela, toutefois, ne saurait valoir comme loi générale.

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Peut-on se passer de religion ? On voit que la réponse d’un point de vue individuel, est à la fois simple et nuancée : il y a des individus, j’en fais partie, qui s’en passe fort bien, dans la vie ordinaire, ou comme ils peuvent quand un deuil les frappe. Cela ne signifie pas que tous le puissent ou le doivent. L’athéisme n’est ni un devoir, ni une nécessité. La religion non plus. Il ne nous reste qu’à accepter nos différences. La tolérance, à notre question ainsi entendue, est la seule réponse satisfaisante.

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Pas de société sans lien : pas de société sans communion. Cela ne prouve pas que toute communion, ni donc toute société, nécessite la croyance en un dieu personnel et créateur, ni même en des forces transcendantes ou surnaturelles.

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La foi est une croyance ; la fidélité au sens où je prends le mot (qui réveille et relit) est plutôt un attachement, un engagement, une reconnaissance. La foi porte sur un ou plusieurs dieux ; la fidélité, sur des valeurs, une histoire, une communauté : la première relève de l’imaginaire ou de la grâce ; la seconde, de la mémoire et de la volonté.

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C’est en transmettant le passé aux enfants qu’on leur permet d’inventer leur avenir ; c’est en étant culturellement conservateur qu’on peut être politiquement progressiste… du passé ne faisons pas table rase ! Il ne s’agit pas d’inventer ou de réinventer, une nouvelle fidélité aux valeurs que nous avons reçues, et que nous avons à charge de transmettre.

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Récapitulons. Une société peut très bien se passer de religion au sens occidental et restreint du terme. (La croyance en un dieu personnel et créateur) ; elle pourrait peut être se passer de sacré ou de surnaturel (de religion au sens large) ; mais elle ne peut se passer ni de communion, ni de fidélité. 

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Il m’arrive de me définir comme athée fidèle : athée puisque je ne crois en aucun Dieu, ni en aucune puissance surnaturelle ; mais fidèle (parce que je me reconnais dans une certaine histoire, une certaine tradition, une certaine communauté, et spécialement dans ces valeurs judéo-chrétiennes. (ou gréco-judéo-chrétiennes) qui sont les nôtres.

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Sur toutes les grandes questions morales et sauf pour les intégristes, croire ou pas en Dieu ne change rien d’essentiel. Que vous ayez ou non une religion, cela ne vous dispense pas de respecter l’autre, sa vie, sa liberté, sa dignité : cela n’annule pas la supériorité de l’amour sur la haine, de la générosité sur l’égoïsme, de la justice sur l’injustice. Que les religions nous aient aidés à le comprendre, cela fait partie de leur apport historique, qui fut grand.

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Un athée lucide ne peut pas échapper au désespoir… C’est ce que j’ai essayé de penser… pour m’enfoncer dans le malheur ? Au contraire pour en sortir, pour montrer que le bonheur n’est pas à espérer mais à vivre, ici et maintenant à vivre ! Cela n’annule pas le tragique. Mais pourquoi faudrait-il l’annuler ? Mieux vaut l’accepter, et joyeusement si l’on peut. Sagesse tragique : sagesse du bonheur et de la finitude du bonheur et de l’impermanence du bonheur et du désespoir. C’est moins paradoxal qu’il ne semble. On n’espère pas ce qu’on n’a pas. Tant qu’on espère être heureux, c’est donc que le bonheur fait défaut. Quand il est là, au contraire que reste-t-il à espérer ? Qu’il dure ? ce serait craindre qu’il ne s’achève, et voilà que le bonheur déjà se dissout dans l’angoisse…. C’est le piège de l’espérance, avec ou sans Dieu : à force d’espérer le bonheur pour demain, nous nous interdisons de le vivre aujourd’hui.

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Le sage est un homme d’action, quand le sot se contente d’espérer en tremblant. Le sage vit au présent : il ne désire que ce qui est présent : il ne désire que ce qui est acceptation, amour, volonté, ou ce qu’il fait… Ce n’est pas l’espérance qui fait agir (combien espèrent la justice, qui ne font rien pour elle ?) C’est la volonté. Ce n’est pas l’espérance qui libère, c’est la vérité. Ce n’est pas l’espérance qui fait vivre, c’est l’amour.

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Ce qui fait la valeur d’une vie humaine, ce n’est pas le fait que la personne en question croit ou pas en Dieu ou en une vie après la mort… Ce qui fait la valeur d’une vie humaine, c’est la quantité d’amour, de compassion et de justice dont on est capable !

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Résumons-nous. On peut se passer de religion : mais pas de communion, ni de fidélité, ni d’amour. Ce qui nous unit ici est plus important que ce qui nous sépare. Paix à tous, croyants et incroyants. La vie est plus précieuse que la religion ; la fidélité, plus précieuse que la foi ou que l’athéisme, enfin c’est ce qui donne raison aux braves gens, croyants ou non. L’amour est plus précieux que l’espérance ou que le désespoir.

 

                                                      DIEU EXISTE-T-IL ?

 

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Six arguments principaux m’amènent à ne pas croire en Dieu (pour les trois premiers), et même à croire qu’il n’existe pas (pour les trois suivants) : la faiblesse des arguments opposés (les prétendues preuves de l’existence de Dieu ; l’expérience commune (si Dieu existait cela devrait se voir ou se sentir davantage) ; mon refus d’expliquer ce que je ne comprends pas par quelque chose que je comprends encore moins ; la démesure du mal ; la médiocrité de l’homme ; enfin le fait que Dieu corresponde tellement bien à nos désirs qu’il y a tout lieu de penser qu’il a été inventé pour les satisfaire…

Dieu existe-t-il ? Nous ne le savons pas. Nous ne le saurons jamais, en tout cas dans cette vie. C’est pourquoi la question se pose d’y croire ou non. Le lecteur sait maintenant pourquoi, pour ma part, je n’y crois pas… Ce sont mes raisons, du moins celles qui me touchent ou me convainquent le plus. Il va de soi que je ne prétends les imposer à quiconque. Il me suffit de revendiquer le droit de les énoncer publiquement, et de les soumettre, comme il convient à la discussion.

Qu’est ce que le fanatisme ? C’est prendre sa foi pour un savoir, ou vouloir l’imposer par la force… double faute : contre l’intelligence et contre la liberté. A quoi donc il faut résister doublement : par la démocratie, par la lucidité, la liberté de conscience fait partie des droits de l’homme et des exigences de l’esprit.

La religion est un droit. L’irreligion aussi. Il faut donc les protéger l’une et l’autre (voire l’une contre l’autre, si c’est nécessaire), en leur interdisant à toutes les deux de s’imposer par la force. C’est ce qu’on appelle la laïcité, et le plus précieux héritage des lumières. On en redécouvre aujourd’hui la fragilité. Raison de plus pour le défendre, contre tout intégrisme, et pour le transmettre à nos enfants.

La liberté de l’esprit est le seul bien, peut-être, qui soit plus précieux que la paix. C’est que la paix sans elle n’est que servitude.

 

 

QUELLE SPIRITUALITE POUR LES ATHEES ?

 

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Qu’est ce que la spiritualité ? C’est la vie de l’esprit… Qu’est ce que l’esprit ? C’est la puissance de penser en tant qu’elle a accès au vrai, à l’universel ou au rire… L’esprit n’est pas une substance ; c’est une fonction, c’est une puissance, c’est un acte…
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Nous sommes des êtres finis, ouverts sur l’infini ; des êtres éphémères, ouverts sur l’éternité ; des êtres relatifs, ouverts sur l’absolu. Cette ouverture, c’est l’esprit même. La métaphysique consiste à la penser ; la spiritualité à l’expérimenter, à l’exercer, à la vivre.

C’est ce qui distingue la spiritualité de la religion, qui n’est qu’une de ses formes.

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Quelle spiritualité pour les athées ? Repensant aux trois vertus théologales de la tradition chrétienne, je répondrais volontiers : une spiritualité de la fidélité plutôt que de la foi, de l’action plutôt que de l’espérance, enfin de l’amour évidemment, plutôt que de la crainte ou de la soumission…. Si je prends maintenant le mot « spiritualité » en son sens strict, il faut aller plus loin, ou plus haut : la vie spirituelle, en sa pointe extrême, touche à la mystique..

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La spiritualité, c’est ce qui la distingue de la métaphysique, relève de l’expérience davantage que de la pensée.

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Nous sommes dans le Tout et celui-ci fini ou pas, nous excède de toutes parts : ses limites, s’il en a, sont pour nous définitivement hors d’atteinte. Il nous enveloppe. Il nous contient. Il nous dépose. Une transcendance ? Non pas, puisque nous sommes dedans. Mais une immanence inépuisable, indéfinie, aux limites à la fois incertaines et inaccessibles. Nous sommes en elle : l’immensité nous porte…

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Tout peut m’angoisser, sauf le Tout lui-même, qui m’apaise… La contemplation de l’immensité qui rend l’ego dérisoire, rend l’égocentrisme en moi, donc aussi l’anxiété un peu moins forts, un peu moins oppressants, au point parfois de sembler les annuler, quelques instants. Quel calme, soudain, lorsque l’ego se retire !

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Disons, pour résumer, que j’ai senti et expérimenté, moi aussi (rarement, mais c’est assez fort pour que ce soit inoubliable) des moments de mystère, d’évidence, de plénitude, de simplicité, d’unité, de silence, d’éternité, de sérénité, d’acceptation, d’indépendance… Ce n’était pas des mots, j’y insiste : c’était une expérience, et elle était individuelle (la plénitude, la simplicité, le silence, l’éternité, etc : tout cela ne faisait qu’un)…

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Cela faisait comme une force qui n’aurait jamais commencé…. Comme une paix qui n’aurait pas de fin. Je n’en mourrai pas moins, mais cela, alors n’avait aucune importance… La mort ne me prendra que l’avenir et le passé, qui ne sont pas le présent et l’éternité. Le présent, donc l’éternité, sont pour elle hors d’atteinte. La mort ne m’ôtera que mes illusions.