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Octobre 2013

 

ECRIRE DES POEMES, UNE AIDE AU BIEN VIEILLIR. CONTRIBUTION D’UN OCTOGENAIRE EX INSTITUTEUR

 

Jean POMMATAU, né en 1931

 

 

Introduction, Par Henri Charcosset

 

Jean Pommatau nous  a déjà fait bénéficier de deux articles, dont le premier avec son épouse, Claudia, également ex maitre d’école :

 

Pommatau Jean et Claudia (2007), Vocation instituteur. Maitre d’école au service des enfants

 

Pommatau Jean, né en 1931(2012), Histoires d’école 

 

Cette contribution-ci est faite d’une série de poèmes, par l’auteur, qui peut être joint au travers du webmestre, d’adresse mail : henri.charcosset@neuf.fr

 

 

 

Vieux lavoir

 

Nous n’irons plus au vieux lavoir

Où l’on s’embrassait sur la bouche

Où les grenouilles s’effarouchent

Sous les feux rougeoyants du soir

 

Nous n’irons plus au vieux lavoir

Où la femme en tablier bleu

Bat le linge de son battoir

Et met sa lessiveuse au feu

 

Nous n’irons plus au vieux lavoir

Que je couvrais de graffiti

Où je sortais mon écritoire

Rimant ma romanche infinie

 

Nous n’irons plus au vieux lavoir

Son toit a croulé sous le ciel

Son eau dans le vallon ruisselle

S’en est fini de mon miroir

 

Nous n’irons plus au vieux lavoir

Les ans nous ont tous deux blanchis

Mon poème je le laisse choir

Et mes longs souvenirs aussi

 

Il pleut

 

Il pleut doucement sur la France

Comme il pleuvait dans mon enfance

Il pleut comme le lait dans le seau du berger

Il pleut comme le vin pendant la pressurée

Il pleut sur les narcisses

Il pleut sur les génisses

Qui paissent dans les champs

La pluie frappe le sol comme tambour battant

Il pleut sur les étangs, les landes et les bois

Il pleut dans les jardins, les cours, sur les toits

Il pleut sur ton visage, tes cheveux et tes mains

Ton corsage mouillé laisse entrevoir tes seins

Il pleut sur mon passé, sur ma riante enfance

Il pleut tout doucement sur le pays de France

Les seniors

 

J’aimais les personnes âgées

Leur regard n’a jamais vieilli

Ni leur sourire ni leur âme

La vieillesse est parfois un drame

La mort qui approche un souci

 

Elles vivent de souvenirs anciens

De petits soucis quotidiens

D’amour et de fidélité

Se chamaillent parfois

Mais c’est futilité

 

Leur amour ne devient pas tendresse

Au seuil de la vieillesse

Leurs baisers ne sont plus que caresse

Leurs pensées ne sont jamais perverses

 

Les anciens parlent à mi-voix

Du temps qui a passé

Ils parlent avec émoi

De printemps prometteur

D’étés ensoleillés

D’automnes enchanteurs

Et d’hivers enneigés

 

Ils parlent à mi-voix

Ils n’ont rien oublié

Leur regard est tourné

Là bas vers le passé

Leur futur est bien limité

Leur départ a déjà sonné

 

Ils parlent lentement

Pour retenir le temps

Leurs gestes sont très lents

Ils vont tout doucement

Inexorablement

Vers le trépas qui les attend

 

Mon pays

 

Mon pays fleure bon le bois et le fumier

Mon pays fleure bon le lait et le gruyère

Que l’on s’en va quérir là-bas à la fruitière

Mon pays fleure bon les cochons égorgés

Tout au fond de la cour par le vieux charcutier

Mon pays fleure bon les choux de la chaudière

La crêpe qui croustille, les flambées de bruyère

Mon pays fleure bon les narcisses et fritillaires

Mon pays fleure bon la froidure de l’air

Mon pays fleure bon les comptines d’autrefois

Qu’on chantait en cadence en montrant le doigt

Mon pays fleure bon la chaleur des étables

Mon pays fleure bon les amours enfantins

Qu’elles s’appelaient Léa, Isabelle ou Martine

Mon pays fleure bon mon enfance passée

Là bas dans mon village tout en haut du Bugey

 

Pouvoir des mots

Je crois au pouvoir des mots, des mots justes
Détonants, déstabilisateurs du pouvoir en place
Et de la justice des classes

 

Je crois au pouvoir apaisant des mots, ceux

Qu’on prononce au chevet d’un mourant

Ou d’un enfant malade

Mots liberté fraternité laïcité

 

Je crois au pouvoir des mots, mots de Baudelaire

Zola, Jaurès ou bien Rimbaud

Je crois au pouvoir des mots face à l’injustice

L’intolérance, la domination de l’argent

L’imposture, l’ingratitude et l’ennui

 

Ces mots qui redonnent, mots tendres et mots durs

Mots vrais et illicites mots cruels et mots rites

Mots qui disent que la terre est ronde

Mots qui ont décidé de transformer le monde

 

Je crois au pouvoir des mots face à l’argent

La corruption, les collabos

Des mots grossiers des mots vulgaires

Des mots puissants et libertaires

Des mots au dessous de la ceinture

Des mots amour des mots luxure

Des mots je hais, des mots je t ‘aime

Mots parfumés de cyclamen

Des mots qui chassent l’imposture

Mots qui s’effacent mots qui perdurent

 

Des mots criant la liberté

Des mots criant l’égalité

Des mots gavroches

Des mots bien moches

Des mots liberticides

Des mots qui poussent au suicide

 

Des mots poulbot des mots d’assaut

Des mots qui naissent

Des mots qui meurent

Des mots d’enfant 

D’instituteur ou d’adjudant

 

Mots qui bourdonnent autour de l’endormie

Mots qu’on fredonne pendant la nuit

Mots que l’on crée avec succès

Des mots nouveaux

Néologismes ou bien argot

 

Indignés

 

Ceux qui n’ont pas de tort

Ceux qui galèrent en fin de mois

Ceux qui s’endorment sous les ponts

Enveloppés dans des cartons

Ne vont-ils pas se révolter

Gagner le camp des insurgés

 

Ceux qui mangent aux restos du Cœur

Ceux qui faute de soins se meurent

Ceux qui sont tout bourrés de dettes

Ceux qui n’ont rien pour leurs emplettes

Ne vont-ils pas se révolter

Gagner le camp des insurgés

 

Ceux qui sont seuls bardés de gosses

Ceux qui n’ont jamais fait la noce

Ceux qui n’ont jamais vu la mer

Ceux qui galèrent ceux qui misèrent

Ne vont-ils pas se révolter

Gagner le camp des insurgés

 

Celles qui se prostituent

Pour travailler leurs diplômes

Celles que le sida tue

Celles qui dorment dans les rues

Celles qui demandent l’aumône

 

Vont-elles enfin se révolter

Gagner le camp des insurgés

 

Ceux qui ont perdu tout espoir

Dont la vie n’est que chagrin

Qui va leur tendre la main

Pour les sortir de leur mouroir ?

 

Vont-ils enfin se révolter

Gagner le camp des insurgés

 

Jésus là bas en Galilée

Etait du camp des insurgés

 

Il est temps

 

Il est temps aujourd’hui de relire l’Évangile

Expurgés des scories des différents conciles

Débarrassé enfin des prêtres pédophiles

Des ayants droits, des dévots imbéciles

Des bigots tournant autour du bénitier

Marmonnant patenôtres et multiples ave

Généraux décédés au cœur des cathédrales

Sabres et goupillons épousailles fatales

 

Il nous faut oublier

Ces faits de l’église et sa morbidité

Fini toutes richesses du Vatican

Des tables.. couvert d’or et de diamant

De chasubles bourrées de fils chatoyants

 

Fini l’impunité, le bûcher de sciences

Qu’on regardait brûler en lisant son bréviaire

Ce sont l’abbé dénommé Pierre

Sœur Thérèsa sous le faubourg de Calcutta

Soulageant tous les maux de trop nombreux paria

Sœur Emmanuelle la catho-libertaire

Distribuant capotes dans la banlieue du Caire

 

L’église retrouvera-t-elle la pauvreté d’antan

La solidarité sans le parfum d’encens

Les valeurs de l’amour les valeurs du pardon

Renonçant à jamais aux fastes du démon

 

Je ne sais plus…

Je ne sais plus filer la laine

L’haleine douce d’un poème

Je ne sais plus tailler le sabot

Pour Isabelle ou bien Margot

 

Saurai-je une prière encore

Le jour où s’en viendra la mort

 

Je ne sais plus conter fleurette

Le long des quais du vieux Lyon

À la si belle Marinette

À la si douce Madelon

 

Saurai-je…

 

Je ne sais plus conter d’histoire

Oui j’ai cassé mon violon

Ma contre basse et mon basson

Sur un lit de marbre et d’ivoire

 

Saurai-je…

 

Je ne sais plus essuyer larmes

Au coin d’un œil compatissant

Je ne sais plus hisser les armes

Du CRS ou du sergent

 

Saurai-je…

 

Ravitaillerai-je un jour ma plume

Pour conter mes amours d’antan

À l’heure où les grands prés s’embrument

Où les oiseaux taisent leur chant

 

Saurais-je…

 

Retrouverai-je mon fuseau

Pour refiler un jour la laine

Au bord du Rhin au bord du Seine

Au bord du chant des matelots

 

Tant de vers

 

Je voudrais écrire tant de vers

Qui changent la couleur du ciel

Qui fassent rêvasser les belles

Qui change le cours des rivières

 

Je voudrais écrire tant de vers

Disant mon amour pour la terre

Pour tes yeux noirs et ton sourire

Pour le passé, les souvenirs

 

Je voudrais écrire tant de vers

Pour ceux qui triment dans la misère

Pour le soleil qui ne luit pas

Contre maladie et trépas

 

Je voudrais écrire tant de vers

Pour les coteaux ensoleillés

Pour les bourrasques de la mer

Pour les montagnes enneigées

 

Je voudrais écrire tant de vers

Pour consoler tout ton chagrin

Pour trouver l’oubli dans le vin

Pour monter château pierre à pierre

 

Je voudrais écrire tant de vers

Qui apportent un peu de lumière

À tous les gens qui désespèrent

Aux gueux vivotant sur la terre

 

Je voudrais écrire tant de vers

Apporter de belles chimères

Dans l’étendue de vos malaises

Beaucoup de mots qui vous apaisent

 

Je voudrais écrire tant de vers

Contre les larmes de tes yeux

Contre les longs soirs malheureux

Pour les mirages du désert

 

Je voudrais écrire tant de vers

Pour faire palpiter les cœurs

Pour que ta joie toujours demeure

Dans les palais ou les chaumières

 

Le vieux pion

 

Le vieux pion pédéraste à l’haleine un peu rance

Promenant sa myopie parmi les permanences

Il rêve d’un éphèbe aux cheveux blonds qui danse

 

O vieux pédéraste je plains ta solitude

Qui rêve d’amour grec et de mers du sud

Ta vie à l’internat confinant à l’absurde

Ta vie dans le collège à l’ombre des études

 

Il traduit tout le jour Virgile et Cicéron

Rêvant d’un amour fou à perdre la raison

Il restera pour moi le douloureux pion

Ne provoquant chez tous que de la dérision

 

Rose

Il était une fois une rose

Si je vous disais son parfum

J’en oublierai la rose éclose

Si je disais sa robe rose

J’en oublierai son parfum

Il était une fois la rose parfumée

Née de rameaux ensoleillés

 

Phare

 

Le grand phare balaie

mon enfance si sage

la falaise et la plage

roulent les galets

 

Le grand phare balaie

Les dunes de la mer

L’entrée de l’estuaire

Et les bateaux à quai

 

Le grand phare balaie

L’étable d’un autre âge

Le clocher du village

La terre des jardinets

 

Le grand phare balaie

Passé noyé de brume

Chagrin et amertume

Et mille et un regrets

 

Le grand phare balaie

Les amours de seize ans

Les baisers les serments

Ton cœur et ses secrets

 

Le grand phare balaie

La pauvreté des jours

La saison des amours

Eglise et minaret

 

Le grand phare balaie

Ma jeune adolescence

D’alors réminiscence

Et d’amours à jamais