BERNARD GAUDON
(1945- 2014). SA CONTRIBUTION AU
POUVOIR BIEN VIVRE ET VIEILLIR AVEC UN HANDICAP
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Juillet 2015
BERNARD GAUDON (1945-2014), UNE LEÇON DE BIEN VIVRE ET
VIEILLIR AVEC UN HANDICAP
Henri CHARCOSSET, Pierre GAUDON ,
Serge PROST, Joan L. HEADLEY, Jean-Louis JANIN, Marie SCHNEIDER
Introduction
et Témoignage, par Henri Charcosset, webmaster
Bernard Gaudon
a publié un article autobiographique en 2004, à voir à :
http://bgaudon.tetraconcept.com/
Je l’ai plus spécialement fréquenté pendant plusieurs années au début des
années 2000, pour m’initier à l’outil informatique. J’allais le chercher
chez lui, avec ma voiture, le dimanche à
14 H précises. Il revenait alors du repas pris à la maison familiale, un rite
auquel il tenait tout particulièrement.
Nous prenions bien sur, le verre de l’amitié, généralement du whisky.
Nous parlions très peu de nos
polios respective, sur lesquelles je dirai cependant que Bernard
était bien plus handicapé qu’il ne
semble l’être sur certaines photos …..mais que néanmoins, son volume d’activité était moins atteint que le mien. Bizarrerie de la polio qui affecte les gens
atteints de manière très individualisée.
Dès cette époque Bernard semblait
avoir le pressentiment qu’il « ne ferait pas de bien vieux
os ». Il n’en paraissait pas du
tout attristé, mais voulait faire vite et bien le plus possible des activités,
dont voyages, compatibles ave son niveau de
handicap.
Il y a réussi de manière
exceptionnelle, et je lui tire mon chapeau !
Noter que Bernard Gaudon a publié deux articles sur mon site :
Gaudon
Bernard(2004), Conception
de mon appartement pour une vie autonome (ou
comment se faire son petit cocon ?)
Gaudon Bernard(2006),
Handicapé, informaticien : la place
d’Internet dans mon activité associative à temps plein
Planche de
photos, choisies par la famille Gaudon, et préparée
par Pierre Gaudon
Cette planche est encore en voie de préparation finale
, à la date du 19 . 07.15
Témoignage
préparé par Serge Prost, bénévole à
l’APF, avec une amie de Bernard, pour les funérailles de ce dernier.
Toujours soucieux et
respectueux des autres, il dépassait les difficultés de la vie avec le sourire,
et toujours élégant. Pourtant, les problèmes
de santé qu’il a surmontés étaient nombreux et
handicapants, mais comme il disait : « il y a
pire ! ».
En effet, il s’était fait un
devoir de transformer ses difficultés en points positifs et, par son exemple,
il savait transmettre cette énergie.
Frappé par la poliomyélite à
l’âge de 11 ans et malgré les graves séquelles l’obligeant à recourir ensuite à
une assistance respiratoire, il menait une vie sociale et associative très
active.
Il fut élève au lycée Ampère-Saxe
puis commença une vie professionnelle dans un grand groupe informatique
international. Son handicap l’ayant obligé à cesser son activité
professionnelle il s’engagea dans la vie associative, au service des autres.
Dans son enfance, il avait connu
Mr André Trannoy, un des fondateurs de l’Association des Paralysés de France, à
laquelle il a toujours été très attaché, en tant qu’adhérent de longue date,
militant et bénévole infatigable. Il
avait été élu conseiller départemental de l’APF de 2005 à 2010.
Participant à de nombreux
congrès, salons et colloques médicaux, il s’impliqua, soit en représentant
l’APF, soit à titre personnel, dans
diverses instances.
Il fut représentant des
associations de personnes handicapées auprès de la Cotorep,
puis dès sa création en 2003, membre du CRCI ‘ « commission
Kouchner » sur l’indemnisation des accidents médicaux. Il représentait
également les usagers du centre Bayère et ceux de
Lyon-Sud.
Il participa également à de
nombreuses formations dans les écoles de travailleurs sociaux.
Il fut aussi un des
organisateurs du pèlerinage des polios et grands handicapés à Lourdes.
Dans son appartement, dont il
avait dessiné les plans pour l’adapter à ses besoins, il se consacrait à une de
ses passions : l’informatique. Pour les personnes handicapées qui le
sollicitaient, il réparait, prêtait, donnait, des ordinateurs d’occasion, tout
en assurant la formation de personnes, souvent débutantes, à l’informatique.
Alliant compétence et
sympathie, il trouvait toujours une solution aux pannes les plus ardues.
Il plaisantait souvent :
« Je suis une société de service informatique à moi tout seul, mais
toujours bénévole ! ».
Merci à toi, Bernard, pour
tout et de la part de tous !
Note : Ce témoignage ne relate pas la
totalité des activités associatives de Bernard ; je me rappelle par exemple
qu’il avait initié et animé pendant plusieurs années un Groupe
Philatélie à l’APF . Nous ne recherchons pas ici
à être exhaustifs. La page Bernard Gaudon sur Google est riche en informations. HC
Témoignage de Joan
L. Headley, Directrice de Polio Health International
Remembering Bernard
His eyes. They twinkled, and at other times, they twinkled even more.
I became acquainted with Bernard because he was a polio survivor and because
he used a ventilator, meeting at several home mechanical ventilation
conferences. He spoke about his set up for sleeping on the vent each
evening and his method of breathing during the day on his own – he stood.
He worked at his computer station and because he loved to, he
traveled. And, the stories he had to tell.
His English was only a little better than my French. He spoke with
his eyes and that worked. He expressed happiness, cleverness, agreement,
disagreement and the last time I saw him, a little tiredness. And, then a twinkle.
Rest in peace, Bernard. Your quiet dignity remains as an example for all of us.
Joan L. Headley
Executive Director
Post-Polio Health International
Traduction
par Google :
Se
souvenir de Bernard
Ses yeux. Ils brillaient,
et à d'autres moments, ils brillaient encore plus.
Je fis la connaissance de Bernard parce qu'il était un survivant polio et parce
qu'il a utilisé un ventilateur.
Réunis à plusieurs conférences sur la mécanique de ventilation
. Il a parlé de sa mise
en place pour dormir avec le ventilateur chaque soir, et de sa méthode de
respiration pendant le jour.
Il
a travaillé à son poste informatique
Et parce qu'il aimait, il a voyagé.
Et, les histoires qu'il
avait à dire.! Son anglais était
seulement un peu meilleur que mon français.
Il parlait avec ses yeux et cela marchait .
Il a exprimé le bonheur, l'intelligence, l'accord, le désaccord et la dernière fois que je l'ai vu, un peu de fatigue.
Et puis une étincelle. !
Reposez en paix, Bernard.
Votre dignité tranquille demeure un exemple pour
nous tous.
Témoignage de
Jean-Louis JANIN, l’un des
tout derniers à s’être formé à
l’informatique auprès de Bernard.
J'ai passé les 3 dernières
années avec Bernard, Je l'ai trouvé solide et occupé jusqu'au bout, Il était
disponible au téléphone pour les dépannages, Il me disait souvent que pour lui
il n'y avait pas de chômage. Il me disait toujours ! " Je suis là en cas
de problème informatique ".
Après quelques semaines de
plus ample connaissance et de partage quel bonheur d'être avec Bernard ! Je
venais de perdre mon Epouse et combien l'aide de Bernard était précieuse, Je
lui disais bien rendez Vous contre, les bienfaits que Vous me donnez ! et oui c'était une Personne formidable. Je n'ai pas
rencontré une Personne avec qui Je m'entendais aussi bien jusqu'à ses derniers
jours.
Bernard a côtoyé des
personnes comme Monsieur Raymond BARRE, Il était cofondateur de la maison des
jeunes et de la culture de MONTCHAT.
LYON
le 3 février 2015
Témoignage
de Marie SCHNEIDER, qui a vécu en proximité de Bernard pendant les dix dernières années de
sa vie/
Bernard Gaudon était le
propriétaire du studio dans lequel j’habite depuis dix ans. Les trois premières
années, durant lesquelles je suivais des études en Lettres et en Chinois, nos
contacts se sont limités à « Bonjour Bonsoir » dans le couloir et aux
formalités liées à l’entretien de l’appartement, même si j’avais conscience que
je devrais être présente pour lui en cas d’urgence, condition inscrite à mon
bail.
En troisième année (2008), j’ai perdu mon grand-père
et j’ai traversé une période difficile. Bernard a été une présence et une
oreille attentive durant tout ce temps, ce qui a fait évoluer notre relation
vers une amitié réciproque.
Après avoir obtenu mes deux diplômes de licence, mes
horaires se sont considérablement allégés tandis que je poursuivais mes études
en Master. Cela m’a laissé le temps de passer plus régulièrement chez lui. Nous
avons ainsi commencé à discuter de manière plus approfondie, sur des sujets de
plus en plus variés.
Durant l’été 2009, l’APF lui a livré toute une
cargaison d’ordinateurs professionnels mis au rebut. Je lui ai donc proposé de
l’aider à les démonter, à réparer ceux qui pouvaient l’être et à jeter les
autres. J’ai ainsi découvert le joyeux monde de l’électronique et de
l’informatique, et Bernard m’a transmis sa conception du travail :
« laisser la machine travailler ». Après avoir ouvert une soixantaine
d’unités centrales, j’étais devenue experte en bricolage et pièces détachées.
En décembre 2009, Sylvie, l’une de ses auxiliaires de
vie, a eu un grave accident de voiture. Comme j’aidais déjà régulièrement
Bernard depuis quelques mois, j’ai volontiers accepté d’assurer l’intérim, qui
s’est ensuite transformé en CDI, Sylvie ayant déménagé à l’autre bout de Lyon.
Il a été un employeur à la fois exigeant et original.
Quel autre patron suggère à ses employés de lui trouver des prétextes pour
boire du champagne au moins une fois par mois ? C’est ce que me demandait
Bernard, et mes premiers succès littéraires (je suis écrivain et écrivain
public) en ont fourni quelques uns. Il n’hésitait pas non plus à partager ses
affaires – le WiFi, la machine à laver, un peu de
place dans son congélateur, un produit surgelé en cas de réfrigérateur vide,
etc.
Après qu’il a acquis le troisième appartement de notre
palier, nous avons eu fréquemment l’impression de vivre dans une communauté
dont il était le pilier central. Les portes entrouvertes quasiment en
permanence donnaient un aspect chaleureux au couloir, de même que les multiples
allées et venues de ses amis et des personnes qu’il dépannait.
En plus de mes heures rémunérées, je n’hésitais pas à passer le voir pour discuter autour
d’une bière et de quelques chocolats. Il me racontait l’histoire de sa famille,
ses voyages avec sa complice d’aventures, Barbara ; nous débattions de
philosophie, de littérature, d’écologie,… Certains sujets, il est vrai,
faisaient naître quelques tensions car Bernard était très ferme sur ses
positions et il était difficile de lui faire admettre qu’une autre opinion
était aussi valable que la sienne.
Ces derniers temps, Bernard était très préoccupé par
sa santé. Ses ulcères variqueux aux jambes le faisaient souvent souffrir et le
contraignaient à la visite quotidienne d’une infirmière, ce qui imposait un
rythme d’habillage en deux temps le matin, parfois un peu pénible pour lui
comme pour moi. Après le décès de ses sœurs, l’une en juillet et l’autre en novembre,
il s’essoufflait plus rapidement. Il a progressivement arrêté ses activités de
conciliation sur les accidents médicaux, ne conservant plus que le dépannage
informatique à son domicile.
Il me parlait de plus en
plus souvent de la mort et il me racontait ses deux expériences de mort
imminente, puisqu’il vivait sa « troisième vie », comme il disait. Au
final, même s’il ne l’appelait pas, je peux affirmer qu’il était prêt, et je
suis sûre qu’il est parti exactement de la manière qu’il le souhaitait :
chez lui, rapidement, en douceur.
Eléments personnels de Conclusion, Henri Charcosset
De toute vie, il y a des messages à tirer. Cette
façon de voir permet à chacun de se
situer par delà sa vie terrestre, qu’il
soit ou non croyant en Dieu.
La vie de Bernard Gaudon,
est tout spécialement riche en enseignements, en particulier la façon dont il a
appréhendé la dernière partie de son existence.
Sévèrement handicapé, et très jeune à l’écart du
monde du travail rémunéré,
il a cependant su :
Ne jamais s’isoler, et auto entretenir un réseau
social personnel, d’une dimension respectable, et tout à fait à la mesure de ses aspirations.
L’isolement,
la solitude sont cités à l’heure actuelle, parmi les faits de société les plus négatifs,
Eh bien, Bernard Gaudon a
illustré pour nous que le facteur personnel, la prise en charge de soi par soi,
ont à cet égard, un rôle déterminant.
°°°°°
Nous montrer que le rôle productif de l’être humain
ne se limite aucunement au travail, salarié ou à son compte.
Comme Bernard
le soulignait justement, il a surement
été plus utile de par son bénévolat pris dan son ensemble, que s’il avait
exercé comme informaticien, à son niveau de formation.
°°°°
Tout en se situant dans la limite de ses
forces en cours de diminution, Bernard Gaudon a
tenu à rester engagé et utile, jusqu’aux derniers temps de sa vie.
Cela n’est
pas le moindre de ses mérites, et peut
constituer pour nous comme une leçon de « mourir vivant ».
°°°°°
Un point de plus
qui m’a frappé chez Bernard Gaudon, c’est la
densité et l’absolue constance de sa vie
familiale
Nous vivons avec trop souvent en idée qu’une fois
arrivée à l’âge adulte, notre
progéniture est capable de voler de ses propres ailes. Adulte non dépendant de
nous, elle aurait à être.
Tandis que nous, les ainés adultes, indépendants, nous aurions à savoir
le rester.
Mais il est
plus réaliste de penser qu’en ces temps de mutation ultra rapide de notre vie
en société, adulte pleinement indépendant, on ne l’est jamais.
Tout à la
fois formateur et élève, vis-à-vis des générations montantes, à tout jamais, on
a vocation à l’être.
°°°°°
Cet article collectif, peut être vu comme un élément
de libre réflexion apporté à qui le veut bien,
pour se situer dans sa vie, une vie intégrée dans la chaine des générations. .