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NOVEMBRE 2008

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PROLONGER SON COUPLE AVEC ENFANTS JUSQU’AU BOUT DE SA VIE A-T-IL ENCORE UN SENS ? TEMOIGNAGE. ECHANGES

Christian BERNADOU et Henri CHARCOSSET

Résumé

Echange à distance entre Christian Bernadou, 60 ans, marié à 25 ans, parent avec son épouse de quatre filles, et Henri Charcosset, 72 ans, deux fois père, quatre fois grand père, veuf avec compagne.

Ce dialogue prend la forme de remarques de Henri au long d’une lettre ouverte de Christian adressée à son épouse.

Là où Christian avance l’idée qu’un couple formé entre adultes jeunes ne devrait pas durer au-delà de l’approche du vieillissement, Henri avance des arguments contraires.

C’est Christian qui avait contacté Henri, pour avis. Henri lui conseille de ne surtout pas rompre son couple, mais d’innover en direction d’un couple moderne, moins fusionnel qu’auparavant, où chacun puisse prendre appui sur l’autre pour avancer d’ici la fin de sa vie sur terre, en direction de son être profond.

Lettre ouverte de Christian à son épouse. Remarques de Henri

Chère J.

En fait, je suis malheureux car tu es encore très belle ! Je m’en rends compte en te voyant de retour.

Mais, bien sûr, çà dépend des jours. Je comprends que l’on puisse paraître plus séduisant, plus rayonnant, lorsqu’on est reposé. Après une journée de travail, tu peux même paraître plus vieille que ton âge ! Je suppose que c’est pareil pour moi.

Or, je ne supporte pas le vieillissement du couple. J’accepte pourtant que la personne vieillisse…..mais vieillir en couple est absurde, puisque l’essence même de ce qui justifie le couple, s’est consumée. Un couple âgé qui se regarde ensemble dans le miroir peut se demander : mais qu’est-ce que nous faisons là encore ensemble à ce jour, et qu’est-ce qui nous motive à vouloir ainsi vieillir ensemble ? Quel type de relation peut-on encore avoir, à notre âge ?

Henri : Ce que tu ne supportes pas, Christian, c’est l’idée de ton propre vieillissement ; à 50-60 ans, qui ne passe-t-il par là ? Mais arrivé vers 70 ans ou plus, on est déjà bien content d’être toujours sur terre et pas encore disparu !

Pour ce qui est de vieillir en couple, tu es bien en droit de penser et agir comme il te convient pour ton propre couple, mais bien moins d’en tirer une règle générale.

Ayant eu quatre filles avec ton épouse, tu es de toute façon amené à souvent la voir, à l’occasion des rencontres familiales. Et tu seras ainsi condamné si je puis dire à la voir vieillir, avec effet retour instantané vers ton propre vieillissement !

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Christian Je ne donne donc pas raison à l’état de mariage au-delà de la jeunesse, voire de l’âge mûr. Pour la vieillesse, mieux vaut l’isolement, la solitude (les oiseaux se cachent pour mourir !) Pour moi, mariage = beauté = jeunesse = famille, mais une fois tout cela passé, fané, mieux vaut rentrer chez soi, à la maison : c'est-à-dire disparaître ! Pas facile, puisque chez soi est en fait en même temps chez moi et chez toi, et que trouver deux habitats distants est une affaire d’ordre économique. Quant à scinder un pavillon en deux logements distincts et indépendants est chose aussi compliquée si non plus que vouloir en chercher deux !

Que peut bien se dire d’intéressant un couple qui ne peut plus faire de projet de vie, de projet d’avenir ? Or, nous en sommes rendus là aujourd’hui. Pourquoi se le cacher ?

Henri : Veuf à 54 ans, j’avais choix entre vieillir seul et me lancer vers une seconde expérience de couple stable. Mon choix était clair et net, c’est celui d’un vieillir en couple plutôt que seul. Je vis avec compagne, la même depuis 16 ans. Vraiment pas de regret. Tu me diras qu’il est peut-être plus facile de vieillir avec une nouvelle compagne qu’avec la mère de ses enfants ? Je crois surtout que chacun est chacun, que chaque couple est unique, et qu’il nous faut savoir apprécier cette diversité des vécus humains. J’ai deux enfants, quatre petits enfants. Avec quatre filles, vous serez bien mieux pourvu encore en descendance ! Cette expérience-là, fruit le l’osmose ayant existé entre ton épouse et toi, est déjà propre à réveiller un amour entre vous, pour un temps un peu endormi ! Et puis la vieillesse à deux est faite de projets, bien sûr. Plus on sort de soi, plus on reste soi, quand on vieillit. Aider l’autre du couple à mieux se réaliser que s’il, elle était seul(e), est une satisfaction pour son propre ego, il me semble !

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Christian : Et puis, nous avons un problème insoluble à résoudre : celui de la parité homme-femme dans le couple et du rôle de chef de famille (dont même nos filles disent que je ne le suis pas !) L’égalité, la parité, dans le cas conjugal qui nous occupe, pose un problème de fond. Si chacun peut diriger chez soi, c’est personne qui décide, d’où la situation de blocage que l’on rencontre aujourd’hui : plus aucune décision n’est prise (marasme, immobilisme total, absence d’initiatives) et c’est le cas pratiquement pour tout. Télé, jardin, maison, promenades, sorties ; tout a été abandonné chez nous, faute d’un vrai décideur !

Henri : Tu touches là à une question délicate, mais pourquoi faudrait-il qu’il y ait un chef dans un couple ? On décide comme on peut ; chaque dispute n’est-elle pas source d’agréable réconciliation ? Crois-tu que tout seul comme un grand face à soi-même pour prendre ses décisions, on ne se dispute pas ? On se fait alors reproche à soi pour ses hésitations, ses indécisions et autres non décisions. Comme je dis en forme de boutade, l’avantage de vivre et plus encore vieillir en couple, c’est au moins d’avoir quelqu’un d’autre que soi, immédiatement sous la main, avec qui se disputer !

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Christian : Nous nous trouvons maintenant (du fait des nouvelles lois de reconnaissance du statut de la femme et de codirection du ménage) dans une situation nouvelle de concurrence au sein de notre propre foyer et cela ne permet pas de progresser. Moi, je te propose une idée nouvelle pour répondre à cet esprit démocratique et égalitaire qui doit aussi pouvoir se réaliser dans les familles. Un seul de nous deux décide, un seul chef de famille donc, mais au nom de l’égalité, chacun le sera à tour de rôle ! Chacun le sera pour une période de 6 mois, par exemple. Ainsi, le principe d’égalité homme-femme est reconnu et respecté, mais dans l’absolu, dans l’instant, il n’y aura en réalité qu’un seul et unique chef de famille. Celui qui détient ce rôle en assume seul la responsabilité pendant son temps d’exercice. C’est la seule solution pour sortir de la crise de façon juste et équilibrée. Faut se mettre d’accord pour savoir qui commence, qui sera le premier chef, tout simplement !

Henri : Je ne crois pas cette formule durablement viable ; si l’entente n’est pas bonne dans le ménage, la première tâche de la personne devenant à son tour chef de famille va être de « démolir » ce qu’a fait, fait faire ou initié le précédent chef de famille !

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Christian : Si tu n’es pas d’accord avec ce système, suggères-en un autre de différent et qui serait mieux.

Henri : Les couples à l’ancienne étaient, pour une bonne part par suite de contingences économiques, hyper très fusionnels. Je me souviens de mes grands parents paternels qui ont dormi ensemble jusqu’en fin de vie de mon grand père à 85 ans, dans un lit de 90cm de large, au sommier et matelas plutôt usés. Vaillants ils étaient nos ancêtres ! De nos jours, chacun dans le couple, bien plus encore après la retraite professionnelle, doit, autant que possible, avoir sa pièce à lui, dans laquelle l’autre vient seulement sur invitation ! Et puis pourquoi devrait-on avoir toutes activités et autres sorties ensemble, dormir toutes les nuits dans le même lit ? A chacun, chacune de pouvoir se construire et reconstruire dans son couple, autant que possible cela va sans dire !

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Christian : S’il n’y a vraiment pas de compromis possible, alors on en tire la leçon et l’on engage une procédure de divorce à l’amiable pour ce seul motif de discorde, mais qui est capital. Comment voir différemment et quelle autre issue possible ? Crois-moi, je suis désemparé.

Henri : Ton positionnement est celui de quelqu’un qui anticipe son vieillissement. Lorsque cela se produira vraiment, tu apprécieras davantage d’être à deux pour faire face. Bien entendu avec la mère de tes enfants, grand mère de vos petits enfants ! Pour votre couple, la question est simplement de s’adapter, toujours et encore ! Trop d’unité voulue pour son couple, dictée par la tradition, contribue à le faire se dépérir ! Saches alors être évolutif, mais en fidélité de lien à la Femme qui t’aura permis d’éterniser ta vie, en même temps que la sienne !

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Article déjà paru sur ce site

Communiquer  dans  le  couple. Amour, Handicap et Vieillissement

Henri Charcosset, Claire Claudel Riotte, Jacqueline Gonnet

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Coordonnées

Christian Bernadou : cph-bernadou@cegetel.net

Henri Charcosset: bien.vieillir@club-internet.fr