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Avril  2015

 

L'EXPÉRIENCE DE MORT IMMINENTE (EMI)

 

Extrait (PP 83–93) de l'ouvrage SCIENCE ET VIE : LA MORT − LA COMPRENDRE LA VIVRE LA REPOUSSER, Éditions TÉLÉMARQUE, 2012.

 

Introduction

 

On verra aussi avec intérêt l’article : Le Monde des Religions (2010), La vie après la mort. Ce que les religions nous disent de l’au-delà.

 

Texte

 

La mort est paradoxale...

 

P 84

..peut-être la dernière pensée générée par des neurones moribonds ? Certaines personnes ayant subi un arrêt cardiaque sont parfois sauvées in extremis par la médecine. Et parmi ces miraculés, (6 à 20 % (selon les rares études sur le sujet) reprennent conscience avec le souvenir de ce qu'il est convenu d'appeler une expérience de mort imminente ou EMI.

 

Alors que les neurosciences sont à la mode, les articles scientifiques sur les états de mort imminente sont pourtant étonnamment rares. S'agit-il d'un tabou ? La science serait-elle mal à l'aise avec les récits déroutants de personnes ayant approché la mort ? Pourtant, d'après Steven Laureys, directeur du Groupe de sciences du coma au centre de recherche Cyclotron et chef de clinique au service de neurologie du CHU de Liège, les récits d' EMI sont très intéressants pour documenter les états cérébraux proches de la mort. Pour ce chercheur, le peu d'intérêt apparent manifesté par la communauté scientifique pour les EMI serait essentiellement dû à la difficulté de les étudier. Pour se faire, il faudrait en effet pouvoir observer le cerveau de personnes en train de vivre une EMI avec les outils les plus modernes des neurosciences, tels le scanner ou l'IRM, Or ces personnes, forcément mourantes, nécessitent des soins incompatibles avec les contraintes d'une étude scientifique. Du reste, une EMI survient sans prévenir, tout comme l'arrêt cardiaque qui en est à l'origine. Et ne dure probablement qu'une poignée de secondes... Les témoignages restent donc les sources d'information les plus précieuses sur le sujet.

 

Les EMI

mettent

au défi les

neurologues.

 

Impression de sortie du corps ou « décorporation », sensation d'extase, intégration de détails ahurissants sur l'environnement par des personnes censément inconscientes... Disons-le sans détour, les EMI mettent au défi les neurologues. Elles apportent néanmoins des informations précieuses pour élucider la manière dont sont ressentis les derniers instants. Et qui sait si leur analyse précise ne débouchera pas, un jour, sur une conception radicalement nouvelle des mécanismes de la conscience et de l'esprit , et peut-être sur une conception nouvelle de la mort ?

 

La plupart des scientifiques en sont persuadés, les expériences de mort imminente trouvent leur origine dans le substrat neuronal. Pour autant, elles laissent les personnes qui les ont subies avec la sensation d'avoir vécu une expérience transcendante, voire mystique. Étonnamment, la plupart des témoignages d' EMI partagent des descriptifs communs : il y est question souvent d'un amour qui dépasse tout ce que l'on a pu connaître avant, d'êtres de lumière ou d'une compréhension globale et totale de l'Univers. Au point que les personnes qui les rapportent se taisent souvent longtemps avant d'oser parler, parfois des années. Et lorsqu'elles se décident enfin à partager leur expérience, c'est avec des sanglots dans la voix qu'elles voient leurs souvenirs refaire surface. L'EMI est plus souvent vécue de manière positive que négative. L'expérience est si bouleversante qu'elle a même ultérieurement d'étonnants effets sur la vie des personnes. Elles en ressortent plus altruistes, plus détachées des valeurs de pouvoir. D'autres cependant deviennent plus fragiles, se sentent en perte de repères et éprouvent des difficultés à « se retrouver ». Mais la plupart restent obsédées par le besoin de comprendre ce qui leur est arrivé. Sans y parvenir.

 

Une expérience

transcendante,

voire mystique.

 

Depuis la publication en 1975 du best-seller Life After Life (La Vie après la vie), où Raymond Moody, médecin et docteur en philosophie, livrait pour la première fois les récits des personnes ayant vécu une EMI, des milliers de témoignages ont été recueillis à travers le monde. Et une chose frappe : les « symptômes » sont toujours à peu près les mêmes, au point que l'on peut dresser un schéma type de l'EMI.

Tout commence par une subite « reprise de conscience » accompagnée de l'impression de percevoir depuis l'extérieur son corps et l'environnement. La perception de l'environnement est d'ailleurs démultipliée, atteignant des intensités bien plus élevées que chez une personne consciente. Les individus qui ont vécu une EMI parlent aussi de tunnels obscurs au bout desquels ils ont aperçu une intense  lumière, celle-ci se confondant avec la sensation d'un amour bien plus fort de tout ce qu'elles avaient pu ressentir au cours de leur vie. Une vie qui est d'ailleurs revisitée, soit dans son entier, soit dans ses moments clés, mais souvent en adoptant des points de vue nouveaux. Pour beaucoup, cette partie de l'expérience se fait en compagnie d'un guide bienveillant ou d'un être de lumière dont la description peut dépendre de la religion ou, plus généralement, du contexte culturel. C'est, enfin, l'impression d'avoir accédé à un savoir absolu mais dont on ne conserve aucun souvenir une fois redevenu conscient.

 

On peut

dresser un

schéma-type

de l'EMI.

 

Certaines personnes, qui ont bien cru leur dernière heure arrivée, racontent même qu'au moment de leur mort supposée, elles ont vu toute leur vie défiler dans leur tête, parfois avec un luxe de détails. Comment expliquer une telle rétrospective ? Les mécanismes cérébraux de la mémoire sont encore loin d'avoir été élucidés. Mais les spécialistes du cerveau ont constaté que certains stimuli, telles une peur extrême et, plus généralement, une décharge émotionnelle particulièrement intense, avaient le pouvoir de faire ressurgir des souvenirs que l'on croyait enfouis. Plus précisément, ces émotions auraient la propriété de « réveiller » les neurones associés aux structures mémorielles, les faisant libérer l'information qu'ils contiennent. Il n'est pas donc impossible qu'en cas de mort violente, toute notre vie ressurgisse dans le dernier instant.

Relevant les similitudes entre ces manifestations et certaines représentations religieuses du passage de vie à trépas, certains ont interprété les  EMI comme la preuve de l'existence d'une vie après la mort. Bien évidemment, la science est incompétente sur cette question. Mais de toute façon, si un patient reprend conscience après un arrêt cardiaque, c'est qu'il n'était pas mort, car personne ne revient de la mort. Les sujets d'une EMI sont bien vivants et leurs souvenirs renvoient à une activité cérébrale qu'il reste à élucider.

 

Certains ont

interprété les

EMI comme

la preuve de

l'existence

d'une vie

après la mort.

 

Alors, comment la science explique-t-elle tous ces phénomènes communs et convergents ?

Pionnière dans la domaine, Susan Blackmore, au département psychologie du collège Saint-Matthias (Bristol), observe en 1996 que l'arrêt de l'oxygénation du cerveau peut entraîner une désinhibition du cortex visuel. Normalement chargé de former des images à partir des informations transmises par la rétine, celui-ci fonctionne alors en roue libre : les neurones transmettent des messages électriques de manière anarchique. La moitié de ces neurones étant dédiée à la vision centrale, il n'est pas absurde d'imaginer que cette désinhibition se manifeste d'abord par un point lumineux centré sur un fond sombre. Ensuite, l'activité de plus en plus intense du reste du cortex générerait d'autres points lumineux en périphérie, d'où l'impression d'avancer dans un tunnel.

En cas de mort, cet effet de désinhibition touche également les structures de l'audition. Alors que le patient se rapproche de la fin, on voit donc paradoxalement l'activité des voies auditives multipliée par deux ou trois. Il est donc tout à fait envisageable qu'une partie des manifestations des EMI soit liée à une libération des fonctions sensorielles. Par ailleurs,  Susan Blackmore note que le système limbique, une région cérébrale liée aux émotions et aux souvenirs, est particulièrement sensible au manque d'oxygène. D'où, peut-être, un phénomène de désinhibition neuronale entraînant une sensation de voir défiler sa vie et une décharge émotionnelle exceptionnelle. De plus, cette région du système du système limbique baigne dans un flot d'endorphine, une substance naturelle proche de la morphine. Cette molécule sécrétée par le cerveau en cas de choc est connue pour bloquer les mécanismes de la douleur et provoquer une intense sensation de bien-être. Quant à la sensation de décorporation, il semble qu'elle ait trouvé un début d'explication en 2001.
Olaf Blanke, au département de neurologie du CHU de Genève, prépare alors une femme épileptique de 43 ans pour une opération en stimulant différentes parties de son cerveau par de faibles charges électriques. Or, au moment où le chirurgien atteint le gyrus angulaire droit (une zone cérébrale séparant le globe temporal et le globe pariétal), la patiente aurait eu l'impression de s'élever horizontalement à deux mètres au-dessus de son lit et d'observer ses jambes et son buste. Elle se serait alors écriée : « Je me vois d'en-haut ! »

Il est donc

tout à fait

envisageable

qu'une partie des

manifestations

des EMI soit liée

à une libération

des fonctions

sensorielles.

Pour autant, les  EMI, et donc la façon dont le cerveau se voit vivre ses derniers instants, sont encore loin d'avoir livré tous leurs secrets. Pour certains spécialistes, des explications parcellaires juxtaposées concernant diverses caractéristiques ne peuvent rendre compte de la totalité de l'expérience. Dans les expériences de Blanke, il y a perception d'une  partie de son corps par le patient, alors que dans le cas d'une  EMI, les témoins se voient en entier. Par ailleurs, ils perçoivent depuis cette position des éléments objectifs de la scène où ils sont plongés.

 

On sait que l'on peut provoquer n'importe quelle illusion en stimulant la bonne zone cérébrale, mais il y a dans certaines  EMI une perception objective et vérifiée par la suite qui pose de réelles questions. Il existe des témoignages de patients qui, à leur réveil, décrivent parfaitement certains détails de l'environnement ou d'une conversation (à la stupéfaction des proches et des médecins), alors qu'ils étaient inconscients et censés ne rien percevoir. Or, d'après les données neurologiques connues à ce jour, on est incapable d'expliquer comment une personne dont le cerveau est sérieusement désordonné et dans un état de choc sévère peut se souvenir de détails objectifs précis mieux que ne le pourrait une personne consciente. Il a bien là un paradoxe et une énigme. Jusqu'à preuve du contraire, aucun état de conscience n'existe sans activité cérébrale. Et un électroencéphalogramme plat ne signifie pas absence d'activité. Ces témoignages et ces expériences d' EMI font-ils exception à la règle ? Sont-ils des exemples possibles d'états de conscience sans activité cérébrale ? C'est une hypothèse originale, mais elle n'est pas partagée par toute la communauté scientifique. La science, on le sait, avance par hypothèses multiples qu'elle teste une  à une, jusqu'à la validation d'une démonstration qui fait preuve ou autorité par consensus. Il est possible que les témoignages d' EMI indiquent que des états de conscience peuvent perdurer alors que le cerveau ne fonctionne plus. Qui sait si cela n'implique pas de repenser la question du corps et de l'esprit dans un cadre totalement différent, celui de la mécanique quantique par exemple ? Ce qui pourrait expliquer comment la conscience peut perdurer de façon délocalisée par rapport au cerveau.

En fait, on sait encore trop peu de choses sur le fonctionnement du cerveau lors des  EMI. Malgré la similitude des témoignages et les hypothèses plausibles qu'apportent la neurologie et les neurosciences, il reste pas mal de zones d'ombre autour des  EMI. Certains chercheurs, par exemple, ont fait l'expérience de disposer des chiffres dans les salles de réanimation de plusieurs hôpitaux afin qu'ils soient visibles uniquement par quelqu'un qui regarderait du plafond. Des patients sujets à une  EMI ont été ensuite interrogés. Verdict : personne jusqu'à aujourd'hui n'a manifestement prêté attention à ces chiffres..

Ces descriptifs communs et ces explications font-ils des EMI une expérience objective, une perception, un « quelque chose », un « aperçu » de la mort ou du moins d'un « aller-retour » entre la vie et la mort ? Ou bien les  EMI sont-elles des expériences éminemment subjectives influencées par le fonctionnement ultime du cerveau ? Il est trop tôt pour se prononcer et les sciences ont encore besoin de se pencher sur le phénomène pour en éclaircir le mystère.

 

Il existe des

témoignages

de patients qui,

à leur réveil,

décrivent

parfaitement

certains

détails de

l'environnement

ou d'une

conversation.