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Mai 2010
Dossier Le Monde des
Religions
Nous
en reproduisons ici les deux extraits : Ancêtres et esprits, 32-33 et NDE,
pp 47-48
SOMMAIRE
22 L’art de bien mourir, penser
le passage
26 La pesée de l’âme, répondre
de ses actes
29 Les Livres des morts,
passeports pour l’éternité
32 Ancêtres et esprits, le
royaume des ombres
34 Réincarnation, le cycle des renaissances
38 Vers une autre vie dans
l’au-delà
42 Entretien avec Jacques Le
Goff : le purgatoire, un « enfer provisoire »
44 Peut-on dialoguer avec les morts ?
47 NDE, aux frontières de la
vie et de la mort
48 Trois questions à Jean
Delumeau sur la fin des temps
ANCETRES ET
ESPRITS,
LE ROYAUME
DES OMBRES
Dans l’Antiquité ou aujourd’hui encore dans les cultures africaines et asiatiques traditionnelles, un rapport étroit est entretenu avec le monde des défunts. Garants de la continuité de la lignée, les morts doivent être honorés pour que se perpétue le grand cycle vital.
Les Hébreux des temps bibliques, avant que n’émerge l’idée de résurrection, ne croyaient pas en l’existence d’une âme immortelle. L’être humain, comme tous les êtres vivants, retournait fatalement à la poussière.
Les morts rejoignaient ainsi le Shéol lieu sombre et silencieux où ils reposaient à jamais, définitivement retranchés du monde des vivants.
Quand les juifs d’Alexandrie, peu avant le début de notre ère, ont traduit leur Bible en grec, ils ont employé le terme de « Hadès » pour évoquer le Shéol. Les anciens Grecs pensaient aussi que les morts étaient voués, sans espoir de retour, à l’errance dans un monde souterrain. Ils ne rendaient aucun culte à son souverain maître Hadès, un dieu « invisible » comme le signifie son nom. Seuls quelques personnages illustres, promus au rang quasi divin de héros, échappaient au sort funeste du royaume des ombres.
Les Romains plaçaient, eux aussi, le monde des morts
dans les profondeurs de la terre. A Rome, comme dans bien d’autres villes, le mundus manifestait cette croyance. On
posait, sur ce trou rempli de terre, une large pierre symbolisant la porte des inferni, ces « lieux
souterrains » aussi lugubres qu’inquiétants. Car les Romains craignaient le retour des défunts dans le monde des vivants.
Différents rituels visaient donc à s’en protéger, comme les libations
auxquelles on se livrait sur les tombes en apportant boissons et nourritures. Cette pratique s’est
longtemps perpétuée dans le monde romain, comme en témoigne sa condamnation par
saint Augustin au IVe siècle de notre ère.
Mais les morts, chez les Romains, ne représentaient
pas seulement des ombres inquiétantes. « Leur culte des ancêtres avait une dimension avant tout sociologique, souligne
l’historien Michel Meslin. On conservait
leur portrait et on les promenait lors des principales fêtes de l’année car ils
rappelaient ceux qui ont porté les valeurs sur lesquelles fonctionnait la
société. Garants d’un ordre qui a fait ses preuves, ils marquaient aussi la
continuité de la famille lors de la fête annuelle de la cara cognatio (la
« chère parenté »). Cette fête a très certainement influencé le culte
des saints et des martyres, institué par le christianisme dans le cadre de la
Toussaint. »
Aujourd’hui encore, les cultures africaines
traditionnelles ont conservé un rapport très étroit avec le monde des défunts. «Le clan n’existe qu’inscrit dans une lignée
ancestrale qui remonte parfois jusqu’à huit générations, explique
l’anthropologue Jean-Pierre Dozon. Les
morts structurent ainsi le monde des vivants, qui reste en dette à leur égard.
De plus, selon ce mode de pensée animiste, les humains sont inscrits dans une
totalité où n’existe pas de véritable séparation entre les mondes, y compris
ceux des ancêtres, des génies ou des divinités. D’une certaine manière, les
ancêtres contrôlent les vivants. Un accident, maladie ou sécheresse par
exemple, est ainsi compris comme la manifestation de l’esprit d’un ancêtre
courroucé par la négligence des vivants à l’égard des rituels qui lui sont dus.»
Mais tous les défunts ne deviennent pas des ancêtres méritant d’être honorés. Beaucoup, notamment les femmes, basculent dans le néant. C’est aussi le destin promis à ceux qui ont commis des fautes graves, la sorcellerie en particulier. Il arrive que certains, estimant avoir été condamnés à tort, reviennent troubler les vivants. Pour se faire une idée de ces manifestations, il faut garder à l’esprit que l’être humain n’est pas ici perçu comme la réunion d’un corps et d’une âme, mais comme le résultat d’une pluralité de composantes : la force vitale, le souffle, le double ou l’ombre, le destin, bon ou mauvais… C’est la combinaison singulière de ces composantes qui meurt, alors que certaines d’entre elles, comme le double ou la force vitale, continuent de vivre et peuvent se manifester dans le monde des vivants.
Le culte des ancêtres reste encore très vivace en
Extrême-Orient. En particulier en Chine, où on le qualifie de « piété
filiale ». « Cette expression traduit
la sensation profonde de n’être que le maillon d’une chaîne dont le premier
devoir est d’assurer une descendance à ses ancêtres, souligne le sinologue
Cyrille Javary. En fait, il ne s’agit pas
vraiment d’un culte car il n’y a ni prêtres, ni dogmes, ni temples. C’est un
hymne à la vie.»
Dans cette
tradition animiste, toujours très populaire, les défunts ne sont pas vraiment morts ; ils vivent ailleurs, dans
un monde invisible, le monde des esprits. La manifestation la plus
importante de cette croyance est sans conteste la « fête du nettoyage des
tombes », au mois d’avril, lors du renouveau printanier.
Cette fête familiale très gaie porte davantage du
côté de la continuité de la vie que de la mort. La tombe est décorée d’une
nappe sur laquelle on dispose aliments et boissons. On fait brûler de l’encens
dont la fumée a le pouvoir de traverser les mondes et l’on raconte aux ancêtres
les faits marquants de l’année écoulée. Ainsi fortifié par les vivants, leur
esprit peut s’en retourner poursuivre en toute quiétude son cycle de vie dans
le monde invisible. Un monde qui ressemble par bien des points à celui des
vivants. Lors des funérailles, les morts sont ainsi dotés d’un viatique pour
l’au-delà comprenant, notamment, de l’argent sous forme de billets estampillés « Banque
du monde invisible », sur lesquels sont aussi reproduites des
images incarnant le confort moderne : réfrigérateur, télévision et
magnétoscopes. Des « coffrets pour l’au-delà » viennent parfois
compléter la panoplie. On y trouve des reproductions de bijoux et même de
téléphones portables.
Ce n’est
pas vraiment un culte, il
n’y a ni
prêtres, ni dogmes,
ni temples, c’est
un hymne à la
vie.
Pour les Chinois, cette vie dans l’au-delà n’est pas
éternelle, mais la phase invisible du grand cycle vital. Ils ont ainsi eu
l’idée d’une sorte de « réincarnation familiale ». Dans le panthéon
de la famille, l’ancêtre le plus ancien ne dépasse pas la cinquième génération.
Au-delà, il se doit de laisser place au nouveau défunt. Son image est alors
brûlée et son nom est donné au prochain nouveau-né. Ainsi, se trouve maintenu
le quantum de l’énergie vitale dévolu à la famille. Energie vitale dont chaque
individu n’est, ici-bas, qu’un support transitoire.
Serge
Lafitte
Si les témoignages
d’expériences de mort imminente sont légion, et étrangement concordants, la
majorité des scientifiques se dit encore réticente à reconnaître l’intérêt de
ces phénomènes et à les étudier en profondeur.
La vie de Sylviane Wrazen a basculé il y a un peu
plus de trente ans. La jeune femme, alors âgée de 23 ans, perd les eaux
prématurément. Urgences, césarienne. L’accouchement vire au cauchemar : à
la suite d’une hémorragie interne, elle fait un arrêt cardiaque. « C’est alors qu’a eu lieu le dédoublement, se
souvient-elle. Sans souffrir le moins du
monde, je me suis sentie sortir de mon corps, et me suis retrouvée au plafond,
assistant à ma réanimation. »
Très vite, cette auxiliaire de vie, résidente d’un petit
village de l’Hérault, se sent transportée dans un autre lieu : « J’ai été projetée dans un tunnel entouré de
lumière au sein duquel j’avançais sans peur, flottant dans une espèce
d’apesanteur. J’étais irrésistiblement attirée par une lumière orange et jaune,
beaucoup plus grosse que le soleil. On aurait dit un être de lumière. »
Sensation
magique proche de l’indicible, de sérénité, d’ « amour absolu ». « Je ne voulais pas revenir. J’étais si bien.
Mais la lumière m’a projetée en arrière et j’ai réintégré mon corps. »
Le retour à la vie sera d’autant plus brutal que ce
voyage, Sylviane Wrazen n’osera en parler à personne, sinon à des proches
tentés de la ramener à la « raison ».
La raison… comme rempart à l’ineffable, à
l’inexplicable, à l’inaudible. Combien sont-ils à avoir vécu ces
expériences ? Environ 4 % de la population générale des pays développés,
selon les estimations les plus fiables. « L’étude
la plus complète, réalisée par le cardiologue Pim Van Lommel, a été publiée
dans la revue médicale The Lancet, rappelle le journaliste Patrice Van
Eersel, un prophète de la cause(1). Elle
a montré que sur un panel de 282 survivants à un arrêt cardiaque, 18 % ont
connu une expérience de mort imminente. »
Pour en finir avec les récits anecdotiques de perceptions « hors du corps », fascinants mais non-probants scientifiquement, le docteur Sam Parnia a lancé en 2008 une vaste étude baptisée « Aware », qui se déroule dans 25 hôpitaux en Amérique du Nord et en Europe. Elle doit durer trois ans et inclure au moins 1500 personnes ayant subi un arrêt cardiaque. Il s’agit, dans les salles de réanimation, de placer des images en hauteur et seulement visibles « du dessus ». D’autres études ont démarré en France, notamment à l’hôpital de Sarlat, mais cette fois, la « cible » est cachée dans une boîte hermétiquement close.
Jocelin
Morisson
Pionnier en la matière, le docteur Raymond Moody est
l’auteur du premier ouvrage sur la question, La Vie après la vie (Robert Laffont, 1997), sorte de « carnet
d’ethnologue » vendu à 20 millions d’exemplaires.
Ce que rapporte ce philosophe également
psychiatre ? Les 150 premiers récits de comas ou de morts cliniques ayant
entraîné des visions, inconnues du commun des mortels. Autant d’histoires qui
rivalisent de splendeurs.
Fait
captivant, selon Moody, les « expérimenteurs »,
s’ils ont bien du mal à communiquer en mots leurs visions, racontent tous, plus
ou moins, le même cheminement : le mourant s’entend déclarer mort. Une
sensation de paix et de calme l’envahit. Il se sent alors sortir de son corps,
se voit de l’extérieur, flotte avec une vue panoramique à 360 degrés, a
l’impression de pouvoir se déplacer à une vitesse infinie. Il est ensuite
attiré par un tunnel où d’autres êtres apparaissent parfois et le guident. Au
fond, une lumière brille, plus puissante que tout ce que l’esprit humain peut
concevoir, qui répandrait de l’amour avec une intensité incommensurable. Son
parcours de vie remonte à sa conscience dans les moindres détails. Mais quelque
chose le stoppe dans sa progression. C’est l'heure du retour. A la lourdeur, à
la limitation, à la souffrance. Avec une certitude : il n’est plus question pour les visionnaires rescapés d’avoir peur de
la mort.
Dès le début des années 1970, en marge des travaux
de Raymond Moody, des indices de plus en plus précis avaient mis des chercheurs
américains sur la piste des expériences de mort imminente. « Grâce à l’amélioration extraordinaire des techniques de
réanimation, la population des survivants à une mort clinique, et donc capables
de témoigner, s’est alors brutalement accrue. Mais il était particulièrement
difficile d’en parler à l’époque », constate le médecin britannique
Sam Parnia.
A l’époque ? Plus de quarante ans après ces
premiers témoignages, la situation a peu évolué. Bien qu’il ait été analysé,
disséqué par des chercheurs (souvent isolés) du monde entier, le phénomène
relève toujours de l’interrogation. Une majorité de scientifiques, voulant
protéger la raison contre le flot noir de l’irrationnel, reste sceptique. Ils
rejettent a priori l’idée même d’une approche rationnelle des phénomènes dits
paranormaux. Certaines de leurs hypothèses réduisent même ces récits au rang
d’hallucination…
Un délire provoqué, selon certains, par l’arrêt des
fonctions vitales, à même d’entraîner des visions, qui seraient, pour d’autres,
le fruit d’une sécrétion massive d’endorphines par le cerveau, au moment de la
mort. Ces substances voisines de la morphine, produites par le cerveau en
période de stress, et qui masquent la douleur immédiate, seraient responsables
de la sérénité décrite dans les témoignages.
Les NDE pourraient enfin, pour les plus sceptiques,
relever d’un phénomène pathologique de dépersonnalisation, proche de la
schizophrénie. En somme, il s’agirait d’un mécanisme de défense de l’esprit
humain contre la peur de mourir.
Ainsi, trente ans après la découverte des NDE,
l’étude scientifique du phénomène démarre seulement (lire encadré ci-dessus).
Face à la permanence de cette interrogation sur la survie de l’âme, les
philosophes se gardent de prendre part au débat. L’église a, quant à elle,
tranché depuis longtemps : rien n’empêche de chercher… en sachant que l’on
ne prouvera pas dans ce monde ce qui est au-delà de ce monde. Où allons-nous
donc ? La réponse se trouve, peut être, nulle part ailleurs que dans le
silence.
J.
S.
(1) Il est l’auteur de La Source noire (LGF, 1987)