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Novembre 2011
NE POUR DEVENIR PARALYSE CERTES,
MAIS EN EXISTANT. I. DE MA NAISSANCE A MA MISE EN INVALIDITE, A 47 ANS, EN
1995. TEMOIGNAGE DE Jean-Marie GROS
Cet
article témoignage se rattache aux Sections : Etre en lien, Histoires
de vie, Donner sens à sa vie, du
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Fils unique né en 1948, dans la France profonde, à
Montdidier la cité où vit le jour le célèbre nutritionniste Parmentier.
Enfance à
Tricot un petit village de la campagne Picarde.
Maman, fille unique
également, femme au foyer puis couturière à domicile.
Papa, chauffeur
livreur dans les fermes agricoles alentour.
Ecole du village,
collège, puis lycée technique (électro-mécanique) à
Amiens.
Marié, deux enfants
et trois petits enfants.
Henri Charcosset, H.C, né en 1936,
handicapé polio // Enfance, adolescence,
chez Jean-Marie. Ce qui m’a en premier lieu surpris à la lecture, est que
personne ne se soit semble-t-il autrement inquiété des signes manifestes de
maladie, chez Jean-Marie. Lui-même les relate
dans un style assez personnel, un peu comme dans son article Humour et handicap, CLIC
Maman se
privait pour moi et travaillait toute la journée puis tard le soir parfois
jusque minuit et pendant le week-end. Le nez rivé derrière sa machine à coudre,
exclusivement pour payer mon internat, puis une chambre en ville et mes études,
je suis ingrat (mais n’était ce que de l’ingratitude ?) et j’obtins des
résultats scolaires très médiocres. Je somnole pendant les cours ou je les
sèche, je ne fais aucun effort, je redouble... Bref, je suis le parfait
cancre.
Je
connaissais une lassitude quasi permanente, je tombais fréquemment, j’étais
chétif bien que le médecin généraliste me bourrait de vitamines. J’avais
horreur de me mettre en short et de l’éducation physique. Au moindre prétexte
je m’en faisais dispenser. Une scoliose anormale chez un garçon, due à mon avis
à une déficience des muscles du tronc était également un des signes précurseurs
de la maladie dont j’étais probablement déjà porteur dans ma petite enfance.
L’efficience
intellectuelle, la curiosité, la vivacité d’esprit d’un corps fatigué sont
moindres et au grand regret de ma mère je décide de mettre prématurément fin à
mes études dès le début de la classe de terminale c'est-à-dire sans diplôme.
La
scoliose prononcée associée à une cyphose étaient dues
à une mauvaise posture sur mon siège d’école. Le fait que je demeurais le seul
élève à ne pas parvenir à grimper au sommet de la corde du gymnase alors que
d’autres la montaient par la force des bras uniquement. C’était normal. J’étais
nul au lancé de poids. Dans le meilleur des cas je le lançais à deux mètres au
maximum. C’était normal aussi. Une petite nature comme moi ne pouvait pas
prétendre faire des exploits. J’avais de nombreuses cicatrices aux genoux et
quelques fractures à mon actif suite à des chutes mais tout le monde savait que
j’étais un casse cou.
Je compensais
mon mal-être en me distinguant dans le
domaine du crash test automobile. J’ai obtenu mon permis de conduire dès l’âge
de dix huit ans et j’empruntais la Deudeuche
paternelle que je soumettais à rude épreuve. Apothéose : plusieurs
tonneaux. Certains affirmaient que c’était impossible en Deudeuche,
mais je ne le savais pas, alors je l’ai fait !
H.C.: Service Militaire, en Allemagne .Jean-Marie s’y forme aux
techniques en cours de télécommunication. Il relate sa découverte de son
insensibilité partielle au chaud/froid , et
froid/chaud…sans particulièrement s’en émouvoir, d’après son présent récit….
En
attendant d’être appelé sous les drapeaux, j’obtins un petit travail aux Postes
Télégraphes et Téléphones. C’était tranquille. En temps qu’auxiliaire, j’installais
chez les particuliers le téléphone dit automatique en remplacement du semi
manuel directement connecté à l’opératrice.
1968 :
Service militaire obligatoire. Affecté dans un régiment de transmissions à
Fribourg (Allemagne). J’ai appris le langage télégraphique morse puis j’ai été
promu moniteur d’auto école. Code de la route Allemand, code Français, cours de
mécanique auto, conduite jeep, camion de l’armée. Cette occupation me convenait
parfaitement.
Un soir
d’hiver je suis resté longuement adossé contre un radiateur de chauffage
central et je me suis gravement brûlé le haut du dos sans rien ressentir. Je ne
m’en suis aperçu que le lendemain lors de la douche. J’ai été hospitalisé dans
un établissement militaire, on a soigné les importantes plaies parallèles
causées par les brûlures des barres verticales constituant le radiateur et
c’est tout.
J’étais
certes alcoolisé, mais cette blessure révélait un dérèglement neurologique.
Bien que n’en étant pas conscient, je connaissais déjà une atteinte partielle
de la sensibilité chaud / froid dans le haut du corps et dans les mains. Aucun
médecin n’avait cru devoir pratiquer d’examen plus approfondi et ni mon
entourage ni moi même n’avions mis des mots sur cette anomalie. Ce qui par
exemple est brûlant, je le ressens tiède au niveau des mains, juste chaud au
niveau du corps etc. Je me souviens que j’avais pour habitude de porter
naturellement les objets présumés chauds ou brûlants près de ma joue pour
savoir s’ils l’étaient véritablement. En ce qui concerne le froid, c’est
pareil. Il peut paraître étonnant de ne pas m’en être aperçu et pourtant. Il
est difficile de se rendre compte soi même d’un trouble sensoriel sans moyen de
comparaison puisqu’il en a toujours été ainsi depuis ma plus tendre enfance. D’autant
plus que cette anomalie n’est pas concrète puisqu’elle se situe dans le domaine
suggestif, des sensations, donc non visible, non palpable et difficilement
quantifiable.
H.C. : Jean-Marie
travaille en électromécanique, se marie, vit un temps en SDF
A mon
retour du service militaire, après une formation dans une société privée sous
traitante des PTT, j’ai participé à l’installation ou à l’extension de centraux
téléphoniques dans la France entière. Je suis en plein dans mon domaine de
prédilection, l’électromécanique. Je travaille dans d’immenses salles pleines
de baies de relais électro magnétiques au milieu d’innombrables câbles. Je me
déplace de ville en ville et d’appartement meublé en appartement meublé au grès
des chantiers qui durent en moyenne une dizaine de mois. A chaque changement de
chantier je retrouvais une nouvelle équipe, une nouvelle ville, de nouveaux
voisins… Cette vie me plaisait.
Puis
après mon mariage nous avons investi dans une grande caravane d’habitation
genre mobil home.
Sur mes
papiers administratifs j’étais classifié SDF, c'est-à-dire sans domicile fixe
et je m’en glorifiais. La signification de ces trois lettres était peu connue
et n’avait pas la connotation actuelle.
A part
cette vie de nomade avec l’esprit bohème et le fait d’avoir les moyens
financiers pour m’acheter des petits bolides, rien d’autre ne m’intéressait.
Côté
activité professionnelle, je n’avais pas pensé à me fixer d’objectif
particulier et je m’y investissais juste ce qu’il était nécessaire.
H.C. : Jean-Marie et
son épouse s’installent à Lyon. Il se met à la maintenance informatique. Sa
santé se dégrade, et cela l’amène pour
économiser son capital en énergie, à
« se forger un comportement rationnel ». Ce type
d’approche, qui représente un gros
investissement personnel, est à peu près indispensable à la personne handicapée
voulant vivre une profession, en milieu ordinaire. Exister tout en
étant handicapé, cela s’apprend. Je vois dans l’Internet, de bonnes
opportunités, pour que des paralysés depuis un temps, et en bonne maitrise de
leur handicap, tels Jean-Marie, puissent
s’investir comme guides
auprès de nouveaux paralysés.
Nous
nous sommes posés deux ans après notre mariage, dès l’annonce du premier enfant
et avons choisi la ville de Lyon. L’électro- mécanique devenant étroitement
asservie à l’électronique, la reconversion était attractive. Mon nouveau métier
fut technicien de maintenance informatique. Je me déplaçais dans la région
Rhône Alpes et j’intervenais sur les premiers Distributeurs Automatiques de
Billets (D.A.B.) implantés en France puis j’ai glissé dans la bureautique et
les systèmes de réservation des avionneurs, des tour-opérateurs et des villages
vacances. Je rentrais pratiquement tous les soirs à mon domicile. J’appréciais
cette liberté de gérer mon temps, d’organiser mes journées, de prendre des
initiatives.
Quant à
la santé, des signes plus graves sont apparus principalement au niveau de la
marche et toujours cette fatigue récurrente. N’ayant pas l’énergie pour réagir,
ma nonchalance est feinte. Je maîtrise mes émotions et je me forge un
comportement rationnel. Je me réfugie dans ma bulle. Je ne traite que
l’essentiel et ne suis pas à l’écoute du reste. Pendant de longues périodes
j’étais exténué dès le matin et aucun repos n’était réparateur.
H.C. : Jean-Marie finit par se voir diagnostiquer une
syringomyélie, ou plutôt une syringobulbie. A propos
d’un projet d’opération, il nous fait découvrir les différences entre réparer
du matériel informatique, et remettre en bon état, en tout cas essayer, un
corps humain.
En 1976,
année de naissance de mon fils, une bizarrerie au niveau de ma langue (voir mon expérience du handicap : sa composante humour, CLIC
) m’a incité à consulter un médecin généraliste en ville. Il a diagnostiqué
une mycose (champignon sur la langue) et m’a prescrit plusieurs traitements
inefficaces puis j’ai alterné hôpital
de jour le matin et activité professionnelle l’après midi. En France c’était
les balbutiements du scanner. Bien que demeurant à Lyon, j’ai dû me déplacer à
Marseille pour subir cet examen. Après une année d’errance médicale dans
plusieurs services de l’hôpital (dermatologie, ORL…) les médecins spécialistes
ont enfin diagnostiqué une parésie de l’hémi langue et de certains nerfs
crâniens ainsi que d’autres symptômes. Ils ont mis un nom sur ma maladie. Grave
certes, rare, neurologique, probablement innée à moins que son origine soit
traumatique donc acquise. L’unique point
sur lequel ils sont unanimes: c’est une maladie orpheline portant le nom
barbare de syringomyélie dont chez
moi le siège se situe au niveau du bulbe rachidien d’où l’appellation plus appropriée de syringobulbie.
J’aurais
évidemment préféré que cette probabilité se manifeste lors du tirage de la
loterie nationale plutôt qu’une affection invalidante, d’évolution lente et
insidieuse et de cause inconnue. Malgré la méconnaissance de son origine et
sans savoir avec certitude si elle allait évoluer ou pas, les médecins me proposent de m’ouvrir (je
reprends leurs termes). Une craniectomie dans le but de décompresser la moelle
épinière avec peut- être un arrêt de l’évolution, peut- être un ralentissement
de la survenue des hypothétiques autres symptômes et en filigrane peut être
rien du tout. Ou peut être pire car on ne peut pas ignorer les risques
inhérents à l’anesthésie et au choc opératoire. Moi dont le métier était
d’établir des diagnostiques de panne, de définir la cause du dysfonctionnement
puis de dépanner en tendant vers un taux de récidive proche de zéro. Je n’ai
pas compris que j’intervenais sur des machines informatiques et eux sur du
matériel humain. Devant tant d’incertitudes
je n’ai pas pris les médecins au sérieux. J’ai demandé d’autres avis et
évidemment en cherchant bien je les ai trouvés.
H.C. L’opération a lieu, et Jean-Marie
reprend son travail « dans la foulée », Chapeau !
Quatre
ans se sont écoulés et à l’âge de 33 ans (âge du Christ) j’ai contacté
l’hôpital neurologique pour fixer la date de l’intervention chirurgicale.
Ensuite j’ai repris mon emploi, d’abord à mi-temps, puis à temps complet.
Position
à posteriori des médecins : « Ah, si vous vous étiez fait opérer
avant, vous n’en seriez pas là aujourd’hui ! ». Comme c’est facile !
Au
niveau professionnel nous ne sommes pas restés longtemps seuls sur le marché,
les précurseurs du DAB que nous étions ont été rejoints par de nouveaux
concurrents puis une décision gouvernementale a voulu que nous soyons absorbés
ainsi que plusieurs autres petites entreprises informatiques par le grand
constructeur Français qui avait la prétention de rivaliser avec le géant
Américain IBM.
H.C. Jean-Marie doit se reconvertir en technicien de gestion. Sa
santé se dégrade, lui amène à adopter des attributs des personnes à mobilité
réduite. En peu, trop peu, de mots, on
résume quelques années de sévère peine à l’ouvrage d’un homme !
A cause
de mes problèmes de santé, du changement d’entreprise et de la dévalorisation
des métiers de la maintenance informatique, je suis devenu technicien de
gestion. Pour la première fois de ma vie je me suis retrouvé entre les quatre
murs d’un bureau avec pour outils l’ordinateur, le téléphone et le fax. Je
faisais l’interface entre les techniciens et les clients toujours mécontents
car ils ne m’appelaient qu’en cas de panne de leur système informatique,
d’attente de pièce, de la supposée incompétence
du technicien, du dépassement du délai contractuel d’intervention… En plus de
l’aspect relationnel, ce poste administratif nommé coordinateur de maintenance
était très stressant. Cette fonction de management à responsabilités faisait
aussi appel à mes compétences techniques. Suite à la perte du statut réservé au
personnel itinérant du Servie Après Vente (dont je faisais toujours partie)
avec toutes les primes qui y sont rattachées, la fourniture d’un véhicule de
société, et les autres avantages, mes revenus ont une nouvelle fois été revus à
la baisse sans aucune compensation.
Cette
période fut très difficile pour moi. Réorganisations successives, compression
de personnel et ma santé qui se dégradait. La canne était devenue
indispensable, j’ai dû faire installer un frein manuel sur ma voiture. Lorsque
j’étais debout, mon unique préoccupation était de chercher un endroit où poser
mes fesses. Inutile de préciser que j’ai très mal vécu cette période.
H.C. Allant jusqu’à la limite de ses forces, au travail,
Jean-Marie n’en arrive pas moins à une mise en invalidité, à 45 ans.
Comme la plupart des personnes vivant cette
expérience cruelle, j’ai reculé l’échéance au maximum et je me suis accroché au
monde des personnes valides le plus longtemps possible. J’ai travaillé jusqu’au
bout de mes forces et même au delà. Mais les énormes difficultés dues à la
manifestation de mon handicap ainsi que le mauvais climat socioprofessionnel
(suppression de poste, réorganisations successives, entretiens répétitifs avec
le service des relations humaines, pressions de toutes sortes, menace de
mobilité, convocations chez le médecin du travail…) m’ont contraint en 1993 à mettre un terme
définitif à mon activité professionnelle avec mise en invalidité à l’âge de 45
ans.
H. C. Comme mot en final
de cette première partie de témoignage, disons que l’introduction à la deuxième
partie, à paraitre dans deux mois, va
corriger largement le côté à première vue négatif de la mise en invalidité. Jean-Marie
va décrire comment il a su rebondir. Et en notre période actuelle riche en
chômage longue durée, en retraite anticipée, eh bien tout simplement, l’exemple
de Jean-Marie illustre qu’un engagement social de qualité est réalisable en
dehors du monde du travail. Qui plus est, jusqu’à un niveau élevé de handicap
physique !
Novembre 2011
E-mail : jm-gros@orange.fr
Site web : http://pelic-hand.voila.net/
Photo N°1 : Henri Charcosset
et sa compagne, Jacqueline Gonnet, regardent sur l’écran de leur PC, l’image de
Jean-Marie Gros, placé dans une pièce à côté, devant l’ordinateur portable de
la maison
Photo N°2 : Jean-Marie Gros, tout
sourire, sur l’écran de l’ordinateur portable