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Avril 2015
RECONCILIEZ-VOUS AVEC
VOTRE MEMOIRE !
Catherine
MERAT
Novembre 2O13 NOTRE TEMPS 59
On pourra voir aussi, notamment : Cyrulnik Boris,
Mémoire et vieillissement (extrait
ouvrage, 2006)
Vous
perdez régulièrement vos clés ou votre voiture sur un parking ? N'accusez pas
trop vite votre mémoire, car elle résiste plutôt bien au temps ! En revanche,
il existe des stratégies pour préserver son cerveau.
Catherine
MERAT
"J'ai la mémoire qui
flanche", "Mes facultés déclinent", "Je perds la
tête". Saviez-vous que la crainte d'oublier suffit à altérer la mémoire ?
Les stéréotypes attachés au vieillissement
sont si
tenaces qu'ils peuvent affecter les performances à des tests de mémoire ! C'est
ce que vient de démontrer une équipe de psychologues de l'université de
Poitiers. Il est grand temps de déconstruire clichés et idées reçues, et de
faire taire sans attendre les mauvaises langues évoquant Alzheimer au moindre
prétexte. Pour commencer, ce n'est pas tant la mémoire que l'attention qui faiblit
avec le temps. Or "l'attention, c'est le carburant du cerveau,
explique Bernard Croisile (1), neurologue aux
Hospices Civils de Lyon. Pour faire du calcul mental, vous devez vous
concentrer. Mener plusieurs tâches simultanément demande des ressources dites
attentionnelles. En vieillissant, les structures cérébrales qui supportent ces
ressources, les régions dites frontales, s'altèrent". Faire plusieurs
choses à la fois devient plus compliqué.
UNE
MEMOIRE MULTIFORME
Nous n'avons pas une mais plusieurs
mémoires qui évoluent différemment avec l'âge. La plus sensible au
vieillissement est la mémoire de travail, celle qui utilise précisément le plus
de ressources attentionnelles. C'est elle qui nous permet de garder quelques
secondes en tête un numéro de téléphone, de prendre des notes en écoutant un
orateur... Les autres mémoires résistent plutôt bien dans le temps. "Non,
la mémoire ne diminue pas forcément avec l'âge, martèle le Dr Croisile. Certaines mémoires s'améliorent, au
contraire". C'est le cas de la mémoire procédurale, celle des gestes :
vous avez plus de chances d'être un bon joueur de golf à 60 ans qu'à 30 ans. Et
de la mémoire sémantique, celle des connaissances. "Culturellement, la
mémoire des personnes âgées était considérée comme exceptionnelle. L'adage ne
dit-il pas : "Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui
brûle" ? Mais aujourd'hui, nous agitons sans arrêt le spectre de la
maladie d'Alzheimer", regrette le neurologue. Pourtant, les altérations de
la mémoire observées dans cette maladie n'ont rien à voir avec celles du
vieillissement normal. Chez les personnes malades, c'est la mémoire épisodique
qui s'étiole, celle qui permet de se rappeler ce qui a été fait la semaine
dernière. Les structures cérébrales permettant d'enregistrer de nouvelles
informations sont atteintes. "Chez une personne normale, il manque un peu
de carburant, mais le moteur, le cerveau, fonctionne. Dans la maladie
d'Alzheimer, le moteur est cassé", résume le Dr Croisile.
DES
OUBLIS ? C'EST BANAL !
Une distinction qui dédramatise bien
des oublis du quotidien. Vous ne retrouvez plus vos clés ? Vous doutez d'avoir
éteint la lumière ? Ce que vous êtes venu faire dans cette pièce vous échappe ?
Ces situations n'inquiètent pas les neurologues, qui notent que ces oublis surviennent
à tout âge, surtout chez des personnes anxieuses ou inattentives. Alain Lieury (2), professeur de psychologie cognitive à
l'université de Rennes II, observe : "La différence, c'est qu'à 30 ans,
nous ne nous inquiétons pas d'oublier une réunion, alors qu'à 60 ou 70 ans,
nous pensons tout de suite à Alzheimer !"
De même, rien ne sert de se faire du
souci si les souvenirs de vos dernières vacances diffèrent sensiblement de ceux
de votre conjoint. Car non seulement nous sélectionnons ce qui nous a le plus
marqué, mais nous reconstruisons nos souvenirs. Nous les façonnons à l'aune de
notre personnalité, de notre sensibilité, de nos intérêts propres. "Notre
mémoire n'est pas une caméra enregistreuse ! Elle est sélective. Des
informations vont plus ou moins nous intéresser, plus ou moins nous
motiver" observe le Dr Croisile.
Quant à cette incapacité récurrente à
retrouver un mot "sur le bout de la langue", là encore, rien de plus
banal. L'explication nous est donnée par les neurosciences, cette discipline
qui étudie le fonctionnement du cerveau. Lorsque vous cherchez le nom d'un
personnage célèbre, vous connaissez souvent l'époque où il a vécu, les
événements dans lesquels il a joué un rôle. Ces connaissances sont stockées
dans la mémoire dite sémantique. Mais le nom du personnage se niche, lui, dans
une autre mémoire, la mémoire lexicale. Et ces deux mémoires sont distantes de
5 cm dans le cerveau. "A l'échelle du neurone, c'est Paris-Tokyo !"
précise Alain Lieury.
Si ces petites défaillances s'amplifient
avec l'âge, elles n'ont rien d'alarmant. C'est quand des épisodes de la vie
manquent, surtout s'ils sont récents, qu'il faut s'inquiéter. "Avoir perdu
sa voiture sur le parking du supermarché n'est pas symptomatique, mais ne pas
se souvenir d'y être allé doit être pris au sérieux", résume le neurologue
Didier Deffond, du Centre mémoire de
Clermont-Ferrand. Bien souvent, c'est l'entourage qui alerte. Le principal
intéressé, lui, "oublie qu'il oublie" et a tendance à minimiser ses
problèmes. Si les inquiétudes sont fondées, le médecin généraliste le dirigera
vers une consultation spécialisée (lire encadré).
Avant d'en arriver là, il est tout à
fait possible de préserver sa mémoire en protégeant son cerveau. De nombreuses
études l'ont montré : les anxieux, les dépressifs se plaignent beaucoup de leur
mémoire, même parfaitement normale. Ils ruminent, ce qui consomme beaucoup de
ressources attentionnelles. Premier conseil, donc : se détendre et prendre
plaisir aux activités quotidiennes.
DES
ACTIVITES VARIEES
"Un cerveau heureux est un cerveau qui résiste à
beaucoup de maladies", affirme Bernard Croisile.
La bonne santé du cerveau est liée à l'hygiène de vie. Depuis une dizaine
d'années, il est établi que ce qui est bon pour le coeur
-notamment une alimentation variée, basée sur le régime méditerranéen- est bon
pour le cerveau. "D'où l'intérêt de traiter son hypertension, de ne pas
fumer et, le plus important peut-être, de faire de
l'exercice physique régulier", insiste Didier Deffond.
L'activité intellectuelle est également
capitale. Il est acquis que les gens ayant des loisirs riches et variés
retardent l'émergence d'une maladie d'Alzheimer. Si les jeux et exercices
intellectuels ne sont pas inutiles, ils ne sont pas suffisants. "Jouer au
scrabble stimule la mémoire sémantique, cela n'aide pas à retrouver sa
voiture", précise Bernard Croisile. Le simple
fait de vivre dans un environnement actif préserve les neurones et développe de
nouvelles connexions cérébrales : "Fréquenter des amis, discuter, lire son
journal, visiter une exposition, cultiver son jardin... C'est par des activités
variées que le cerveau est le mieux entraîné", conclut Didier Deffond. En vivant normalement en somme.
(1)
Bernard Croisile, auteur de Tout sur la mémoire, éd. Odile Jacob, 2009. (2) Alain Lieury, auteur du Livre
de la mémoire, éd. Dunod, 2013.
QUI
ET QUAND CONSULTER ?
TROIS
QUESTIONS AU Dr DIDIER DEFFOND, DIRECTEUR DU CENTRE MEMOIRE DE RESSOURCES
ET DE RECHERCHE (CMRR) A CLERMONT-FERRAND
QUE
FAIRE FACE A
DES TROUBLES QUI
NOUS INQUIETENT ?
Consulter
le médecin généraliste. Il pourra orienter vers une consultation en CMRR, où
des neuropsychologues font passer des tests. Les personnes viennent
accompagnées, ce qui permet de recueillir aussi l'avis d'un proche. A ce stade,
nous rassurons d'emblée les patients n'ayant aucun problème pathologique. Ce
qui est très fréquent.
QUEL
AUTRE EXAMEN PEUT
ETRE PROPOSE ?
Une
imagerie cérébrale, une IRM, pour vérifier l'absence d'accident vasculaire ou
d'une autre lésion. Nous identifions aussi parfois des zones cérébrales
atrophiées, ce qui est parfois le cas chez un malade Alzheimer.
A CE
STADE, UN DIAGNOSTIC EST-IL
POSE ?
Pas
toujours. Si l'histoire est atypique et/ou les résultats aux tests ambigus,
nous pouvons proposer une ponction lombaire afin de doser les biomarqueurs, qui sont les signatures biologiques de la
maladie d'Alzheimer.
AMIS ET
ENNEMIS DE LA
MEMOIRE
ILS PRESERVENT
LA MEMOIRE |
ILS ALTERENT
LA MEMOIRE |
Le maintien
d'un réseau social, familial, amical |
L'excès
d'alcool |
L'activité
physique chaque jour |
L'isolement
social |
Des menus
variés, riches en fruits et légumes, sans excès de graisses animales |
L'hypertension,
le diabète, le cholestérol |
Des loisirs
et activités intellectuelles variés |
Le tabac |
Des
activités de détente : relaxation, marche, lecture... |
Les
neuroleptiques |
Se faire
plaisir, être curieux, avoir des projets |
Le stress |
QUE
PENSER DES PROGRAMMES
D'ENTRAINEMENT CEREBRAL ?
Présentés sous forme de jeux
sur console ou ordinateur, ces programmes promettent de stimuler, voire de
rajeunir notre cerveau. Qu'en est-il vraiment ? En 2010, une équipe britannique
concluait que la gym-cerveau n'augmente pas les capacités de mémoire ou de
raisonnement. L'étude fut critiquée pour des faiblesses méthodologiques :
candidats trop jeunes (40 ans en moyenne), durée trop courte (six semaines)...
Pour le neurologue Bernard Croisile, cofondateur du
site www.happyneuron.fr (accès payant), l'intérêt de ces programmes est
réel, "à condition de pratiquer au moins trois mois, à raison de 2 ou 3
séances de 30 à 45 minutes par semaine".