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                                                        MAI 2007

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VIVRE AVEC LA MALADIE D'UN PROCHE

20/03/2007
Propos recueillis par Isabelle Delaleu, journaliste santé

Fondamental N° 113 / Psychologie, article validé par A. Roquand, E. Jouve, E. Debray, A. Lewkowicz, J. Raynaud, P. Pautier

http://www.e-sante.be/magazine/article.asp?idarticle=6820&idrubrique=302&&urlnew=0&IdTis=XTC-IPN-H7K3J-DD-LP959-AOQG    

 

Apprendre que quelqu'un qu'on aime est atteint d'un cancer provoque un choc violent. Comment vivre avec la maladie de l'autre, l'aider à la surmonter, l'accompagner même dans ses moments de découragement ? Marie-Armelle Roquand, psychologue clinicienne et psychanalyste au Centre Régional de Lutte contre le cancer Paul Papin à Angers (France), nous explique comment traverser, ensemble, cette épreuve

Quand une personne qu’on aime est touchée par la maladie, c’est un véritable choc…

Le diagnostic de cancer, pour l’un des siens, ébranle la cellule familiale et touche également les amis intimes. Mais pour les proches, cette épreuve est vécue à un niveau différent. L’angoisse de se sentir atteint dans son corps « contraint » à un cheminement de pensée où l’idée de la mort (à tort ou à raison) se fraie une voie, sera éprouvée par l’entourage « en bonne santé ». Mais il peut s’en défendre avec plus de force. La maladie de l’autre renvoie à des interrogations sur soi. Chacun peut se demander « si ce cancer m’arrivait à moi ? » « Pourquoi est-ce l’un des miens qui est touché ? » C’est un temps trouble, pendant lequel les émotions des uns et des autres surgissent violemment, et ne sont pas forcément identiques. Elles dépendront du vécu de chacun, de son histoire personnelle avec la maladie, de son lien avec le patient atteint.

Quel est le rôle du proche tout au long de la maladie et de ses traitements ?

Il est multiple: sa principale fonction est l’accompagnement, et plus encore, le soutien, l’appui, tant affectif que matériel et administratif. Mais il devient aussi fréquemment un repère face à la maladie. Ainsi lors de l’annonce du diagnostic, la personne concernée, souvent en état de choc, voit ses capacités intellectuelles momentanément paralysées, l’empêchant d’entendre véritablement et de comprendre le discours du médecin. La personne qui l’accompagne retiendra mieux les informations données, elle devient alors transitoirement l’intermédiaire, pour redire ce qu’il en est de la maladie et des traitements. Et surtout, par la parole instaurée autour de cet « inacceptable », elle permettra à la personne malade de s’approprier ce qui a été dit. Parfois la fatigue est grande, et le malade peut décider qu’un proche devienne son relais et son interprète, « la personne de confiance », auprès du milieu médical et infirmier.

Vivre avec une personne gravement malade est extrêmement difficile

C’est une tâche délicate. Il faut savoir comprendre les angoisses du malade, supporter sans jugement la tristesse, les grandes fatigues, accepter les sautes d’humeur, l’aider à vivre avec les changements physiques et les effets secondaires des traitements, s’inquiéter parfois de réactions inhabituelles. Souvent, le proche gère également les contraintes extérieures (sociales et professionnelles), en les adaptant à la vie de la famille, désormais rythmée par les soins, les examens, les périodes d’hospitalisation. La difficulté est d’accepter que pendant un temps, l’être aimé ait un fonctionnement différent de celui qu’il avait avant la maladie, « on ne le/la reconnaît plus…et si il/elle restait ainsi… ? » On peut se demander si accepter le changement ne serait pas faire le lit de la maladie

Parfois, face à la personne malade, on a l’impression de « ne jamais faire ce qu’elle attend de nous », d’être en permanence « à côté de la plaque ». C’est difficile et culpabilisant…

Il existe un décalage entre le vécu du malade et celui du proche. Supporter dans son corps l’atteinte, les traitements, éprouve l’être, affaiblit la personne touchée, mais non l’entourage, qui peut « trop en faire »: par exemple en maternant le patient, ou en le stimulant : « toi si fort, tu ne vas pas te laisser abattre…» alors que l’épuisement est très présent. Trop souvent l’idée de « protéger » l’autre aboutit à taire son ressenti profond: peur et découragement, parfois perte d’espoir. Tout l’enjeu est de parler de ces incompréhensions, de susciter le dialogue, pour que dans cette épreuve qui érode le caractère de l’un et l’autre, le soutien reste permanent, adapté le plus possible aux attentes de la personne soignée

Comment ne pas craquer doucement, au fil des mois, quand on porte et supporte autant, sans souvent être soutenu soi-même ?

Il est vrai que si le patient reçoit souvent soutien et appui, le ressenti de l’entourage est parfois négligé, il ne focalise pas l’attention. Aussi est-il essentiel de savoir se préserver, de ne pas tout consacrer à la maladie. Cela demande forcément des aménagements, éventuellement une aide matérielle. Conserver ses activités de loisirs (et son travail), savoir s’échapper quelques heures, sortir de la pathologie, sont des impératifs qui permettent de récupérer et de reprendre des forces. Il faut pouvoir continuer à penser un peu à soi égoïstement, c’est nécessaire pour mieux soutenir l’autre. Et puis, il ne faut pas hésiter à se faire aider psychologiquement si besoin. Des consultations spécialisées sont proposées pour l’entourage par certains centres de soins, et par les associations en lien avec le cancer. Des groupes de parole sont mis en place, qui permettent de partager et de se rendre compte que l’on n’est pas tout seul à éprouver ces tourments… Le proche aide, mais il a parfois besoin d’être épaulé, d’être écouté, de se confier.

Comment être un soutien efficace quand on est soi-même bouleversé par la maladie de celui ou celle auquel on tient, et auquel on ne veut pas communiquer ses propres angoisses ?

Chacun peut connaître des moments d’intense découragement, d’épuisement physique ou moral, qui sont légitimes. Le cancer est une affection « de longue durée », face à laquelle il faut tenir bon. Mais il ne faut pas pour autant se couper de ses émotions et sentiments, masquer son chagrin ou ses angoisses, juste pour ne pas inquiéter le malade. En effet, on risque alors de s’isoler dans sa souffrance, et l’on voit des êtres très liés se refermer sur soi comme s’écarter l’un de l’autre. Or, l’enjeu de la maladie, de l’épreuve, c’est de la partager, de la traverser ensemble. Cela demande que l’on accepte d’entendre les craintes de l’être touché, l’idée de la mort qui rôde: écouter, mais aussi oser dire son ressenti, même si c’est dans les larmes et les émotions fortes. Rien n’est tabou, tout peut être verbalisé, même sa peur, même ses difficultés personnelles, et même ses envies de fuir la maladie… Il faut éviter les non-dits, libérer ce que l’on a sur le cœur, pour ne plus être encombré par ses émotions, quitte à le faire dans un lieu spécifique (le cabinet d’un spécialiste par exemple, ou un groupe de parole). Enfin, il faut admettre de ne pas pouvoir tout faire ni tout prendre en charge. On n’a pas toujours la bonne réponse optimiste.

Difficile d’imaginer que la relation (conjugale, amicale, affective…) ne « bascule » pas quand l’un des deux tombe malade

Oui, mais il faut essayer, le plus possible, de maintenir la relation avec le malade, individu à part entière, telle qu’elle était auparavant. On ne doit pas devenir la « mère » ou « l’infirmière » alors qu’on est le conjoint, le frère ou la meilleure amie. On peut être un soutien par sa seule et fidèle présence, privilégier la parole, qui fera se resserrer les liens. C’est là tout l’enjeu de l’accompagnement: être ensemble, vivre ensemble dans l’épreuve, comme on l’a fait avant celle-ci, et comme on le fera après cette difficile traversée.