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                                                                     Juillet  2007

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MADAME OU MADEMOISELLE ? ADIEU MADEMOISELLE !

 

Claire LAVENIR 

 

Née en 1953, passionnée de randonnée pédestre et de cyclisme urbain, je m'intéresse un peu à l'archéologie et à la peinture. Un parcours professionnel éclectique, toujours dans des professions tertiaires à cause de mon handicap (polio), m'ont permis de connaître des secteurs très divers tels que le commerce, le bâtiment, l'assurance maladie, le secteur associatif et la presse (depuis 1995, au magazine Science & Vie). Journaliste secrétaire de rédaction depuis 2004 (formée à l'Ecole des métiers de l'information EMI-CFD), je réalise par télétravail, en free lance, correction, révision et édition de textes (articles de presse, mémoires, tapuscrits). Je peux aussi proposer des articles dans mes domaines de prédilection ou traiter des sujets à la demande. L'article ci-dessous, réalisé à titre amical sur proposition du webmestre, peut donner un aperçu de mon travail. Quelques textes sont aussi consultables en se connectant à l'adresse suivante : http://holographite.blogspot.com

 

Contact :  holographite@yahoo.fr

 

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Résumé « On devrait réserver le vocable « mademoiselle » aux toutes jeunes femmes de moins de quinze ans puisque c'est l'âge légal du mariage. Ensuite, toutes devraient être appelées « madame », quel que soit leur statut matrimonial » C.L.

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Les codes de politesse sont-ils aussi innocents qu'il y paraît ? Pourquoi les hommes sont-ils appelés « monsieur » alors qu'on différencie les femmes en « madame » ou « mademoiselle » ? Ce que l'on nous présente comme une habitude charmante relève de la discrimination. Nommer toutes les femmes de la même façon serait un pas vers plus d'égalité entre les sexes.  

 

 

« Madame, Mademoiselle, Monsieur ». Ainsi débutaient toutes les allocutions de Valéry Giscard-d'Estaing lorsqu'il était président de la République. S'adresser d'abord aux dames était si nouveau[1] qu'on l'applaudit.

 

Voulait-il ainsi réhabiliter celles qui lui avaient accordé leurs suffrages ? Entendre divulguer leur statut matrimonial en public et à haute voix au moment de mettre un bulletin dans l'urne (« Mlle Y a voté »), puis disparaître au profit de la masse des électeurs (le masculin l'emporte en grammaire et en politique) au moment de l'annonce des résultats du scrutin, n'y voyez-vous rien d'étrange ?

 

Pour ma part, je m'interrogeais. Y aurait-il, pour l'Etat, deux sortes d'électrices, les dames et les demoiselles ? Cette distinction me choquait. Pourquoi faudrait-il différencier les jeunes filles, qui n'ont donc pas le statut de femme, des femmes mariées, qui du coup perdent un peu de jeunesse au passage ? Alors que les hommes, eux, ne sont désignés que par le terme générique de « monsieur ».

 

Je me suis battue contre l'Administration[2], les banques, la Sécurité Sociale, mes employeurs, pour obtenir d'être appelée « madame ». Cela m'a valu des railleries sans fin puisque je ne me suis jamais mariée. Elles n'ont fait que me conforter dans l'idée qu'il y avait là quelque chose à comprendre dans l'inconscient collectif.

 

Si vous trouvez qu'il s'agit d'un sujet bien futile, au regard de l'urgence à améliorer le sort des femmes dans le monde, je vous répondrai que le langage a autant d'importance que les actes. Parler, désigner quelqu'un, est un acte qui révèle ce que les usages nous ont inculqué par mimétisme depuis des siècles. Il met au jour, souvent à notre insu, nos pensées profondes, comme l'ont expliqué Freud et ses successeurs. D'ailleurs, les fondements de notre société ne sont-ils pas issus des religions du Livre, le Coran, la Torah et la Bible qui dit « le Verbe s'est fait chair » ?

 

Demoiselle[3] désignait, au Moyen-Age, « une jeune fille de rang social élevé », nous dit le centre de ressources sur la langue française. L'évolution jusqu'au français moderne étend l'application du mot à l'ensemble de la société et désigne « une femme non mariée, quel que soit son âge ». « On insiste donc sur la notion de célibat ». Mais il a aussi une autre signification qui comprend la notion de service. Une jeune fille attachée au service d'une dame (demoiselle de compagnie, demoiselle d'honneur), ou femme attachée à un établissement (demoiselle du téléphone). La demoiselle n'était-elle donc qu'une personne au service de quelqu'un en attendant de se mettre au service de son époux ?

 

On y trouve également la notion de jeunesse, sous-entendant que, passé un certain âge (mais lequel ?), une femme se devrait de convoler. Jeunesse sans doute flatteuse pour les comédiennes à qui il est de tradition de donner du « mademoiselle », comme notre célèbre Jeanne Moreau qui, à près de quatre-vingts ans, affectionne cette dénomination.

 

Quoi qu'il en soit, celles qui tiennent à l'appellation sont de plus en plus rares, même parmi les très jeunes femmes, comme Lilette sur le forum Doctissimo [4]: « Moi voyez-vous j'ai dix-sept ans et le terme "madame" ne me pose aucun problème d'ordre psychologique. Quand on est capable d'enfanter c'est fini la petite jeune fille ! Ce n'est pas une question de beauté et de jeunesse de se faire appeler "mademoiselle", ce qui sous-entendrait que les femmes de dix-sept ans qui se font appeler "madame" sont toutes laides et vieilles ; ça me fait rire ! "Madame" ne se dit pas forcément quand on est mariée mais quand on a l'âge pour l'être. A quinze ans ça peut se faire, selon la loi. Ont peut dire aussi "madame" à quinze ans et c'est pas nouveau. »
Je trouve Lilette très sensée. On devrait réserver le vocable « mademoiselle » aux toutes jeunes femmes de moins de quinze ans puisque c'est l'âge légal du mariage. Ensuite, toutes devraient être appelées « madame », quel que soit leur statut matrimonial.

 

En effet, le mariage n'est plus la pierre angulaire de notre société. Et comme le dit  Reiyel sur le forum Mademoizelle.com[5]: « Aujourd'hui, ne plus être mariée ne veut pas dire être célibataire, même à quarante ans. Donc "madame" ou "mademoiselle" c'est super subjectif, c'est selon le ressenti de la personne qui l'utilise et de celle qui est concernée. »

Il nous faudrait donc soumettre notre identité au ressenti de chaque interlocuteur, quelles que soient les circonstances. Au nom de quoi ?

 

Pas au nom de la loi en tout cas. Car aucune, en France, ne donne de directive dans ce sens, bien au contraire. Une des plus récentes questions au Gouvernement à ce sujet émanait de Dominique Voynet, députée du groupe Les Verts, « sur la persistance dans les documents administratifs d'une appellation différenciée pour les femmes,[...] que bien des intéressées jugent discriminatoire. Maintes fois évoquée au cours des trente dernières années, cette discrimination a été condamnée dans au moins trois circulaires ministérielles ».[6] En 1972, une décision du garde des sceaux autorise explicitement toute femme de plus de vingt et un ans[7], mariée ou non, à être appelée « madame ». Les logiciels administratifs ne sont pourtant toujours pas adaptés en 2007. Certains même demandent qui est le « chef de famille »[8]. Ce serait à mourir de rire si cela ne recouvrait pas des notions profondément imprégnées d'un paternalisme hors de propos. « Que deviennent dans cette configuration les femmes pacsées, [...] les femmes qui vivent en concubinage, les femmes homosexuelles et, plus largement, toutes les femmes qui ont envie de garder pour elles leur vie privée», demande alors Dominique Voynet. « Cette distinction, peut en outre avoir un caractère douloureux ou vexatoire pour les intéressées ».

 

En effet ! Surtout lorsqu'elles sont divorcées, et que la caisse d'allocations familiales persiste à utiliser « mademoiselle » sous prétexte qu'aucun nom d'époux n'est associé à celui de la dame. Myrza nous le raconte dans une discussion sur le forum Viveles rondes.com[9] : « Personnellement, je trouve ridicule qu'une femme divorcée (c'est mon cas) soit de nouveau appelée "mademoiselle", surtout à mon âge avec cinq enfants, dont trois majeurs. Ce n'est pas une question de choix personnel mais c'est l'Administration qui, d'office, vous appelle comme cela ! Je rectifie le tir systématiquement ».

 

La réponse du ministre de la justice, publiée au J.O. du Sénat le 7 décembre 2006[10], confirme que « l'emploi de [ces termes] ne repose sur aucune disposition législative ou réglementaire. Plus largement, il est recommandé aux différentes administrations d'éviter toute précision ou appellation susceptible de contraindre la divulgation de l'état matrimonial de l'intéressée, dans ses relations avec les tiers. »

Tout comme pour l'usage du nom marital pourtant toujours imposé illégalement[11]  par l'Administration, imitée comme un seul homme[12] par les commerçants, les employeurs et autres hôpitaux.

 

Il s'agit donc bien là d' une persistance fondée seulement sur une mentalité archaïque. On accorde une identité aux femmes, non pas pour elles-mêmes, mais uniquement en fonction des hommes. Car c'est bien eux qui déterminent, soit par le mariage, soit par leur perception - plus ou moins intéressée - de la jeunesse de leur interlocutrice, l'appellation qui leur paraît adéquate.

 

Certaines demandent qu'on leur laisse le choix de se faire appeler « madame » ou « mademoiselle ». Pourquoi pas, si elles se reconnaissent dans la servante en attente du mariage ou de la sanctificatrice maternité ? Mais, dans les documents officiels, la République, elle, se doit de respecter le principe d'égalité gravé dans le marbre de la démocratie française, en gommant cette survivance discriminatoire, par l'adoption d'une seule et même désignation pour toutes les femmes.

 

La polémique a fait rage dans la presse[13] en 2006, à la publication sur le Net d'une pétition[14] , initiée par une femme en colère contre son notaire. Puis plus récemment, avec le livre de Laurence Waki[15] . Espérons que cette fois-ci sera la bonne.

 

Les mentalités, auraient, paraît-il, évolué. C'est le cas aux Etats-Unis, où l'on dit «Ms»[16] - contraction de «Miss» et «Mrs» - et en Allemagne, « Frau » remplace le «Fraülein» considéré comme désuet.

 

Alors, pourquoi attendre plus longtemps pour désigner toutes les femmes sous le même vocable « madame » ?  La poésie n'y perdra pas, qui depuis longtemps connaît la langue de l'amour courtois où la dame est synonyme de femme aimée. Au fait, je peux vous le dire à vous, mon eau de toilette, de chez Chanel, s'appelle Coco Mademoiselle. Je jure que je ne l'ai pas choisie pour son nom !

 

 

 

 

 

 

 


[1]   C'était en 1974, lors de son premier mandat présidentiel.


[2]   Le site propose des modèles de lettres dont on peut s’inspirer   (http://lobby.matronyme.free.fr/article.php3?id_article=3).


[3]   Définition complète sur http://www.etudes-litteraires.com/damoisele.php


[4]   Forum « Psychologie » dans la rubrique « Bien vieillir » sur Doctissimo : http://forum.doctissimo.fr/psychologie/vieillir/nouveau-madame-mademoiselle-sujet_71_1.htm#


[5]    http://www.madmoizelle.com/forums/lactu-en-france/2636-suppression-du-terme-mademoiselle-par-les-chiennes-de-garde.html


[6]   Circulaires FP 900 de 1967, FP 1172 de 1974, circulaire CNAF n° 1028 - 410 de 1978.


[7]   C'est-à-dire à la majorité qui était encore à vingt et un ans.


[8]   « Doutagogo », le blog d'Agnès Lenoire ( http://doutagogo.over-blog.com/article-6673173.html ).


[9]    http://www.vivelesrondes.com/forum/viewtopic_43150.htm


[10]  J.O. du Sénat : http://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ060924509


[11]  La loi du 6 fructidor an II (23 août 1794) : http://64.233.183.104/search?q=cache:oEbSMD_DJr0J:www.senat.fr/rap/l02-231/l02-2311.html+usage+du+nom+loi+code+civil+fructidor&hl=fr&ct=clnk&cd=2&gl=fr


[12]  L'Académie penche invariablement en faveur du masculin comme dans cette expression censée représenter le genre humain. Hélas, nombre de femmes perpétuent aussi cette tradition d'un autre âge, principalement dans les administrations, se croyant autorisées à rectifier « madame » en « mademoiselle » sans autre raison que leurs certitudes.


[13]  Le Monde du 21 avril 2006 ( http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=942067&clef=ARC-TRK-G_01


[14]  http://www.lapetition.com/sign1.cfm?numero=1099 )


[15]  Chez Max Milo Editions : http://www.maxmilo.com/product_info.php?products_id=98


[16]  Prononcer « Miz ».