Accueil
– Sujets – Ajout – Le Webmestre – Publier – Post-Polio
L'aide à domicile-Internet et Handicap- Etre en lien – Histoires
de vie
Liens
- Auteurs
et titres - Synthèse
http://bien.vieillir.club.fr/index.htm
, initié en 09.2005;
aide à pouvoir bien vivre de 45 à 105 ans, même handicapé ; tous sujets.
bien.vieillir@club-internet.fr : pour proposition
d’articles et autres contacts.
Juillet 2007
°°°°°°°°°°°°°°°°°
MADAME OU
MADEMOISELLE ? ADIEU MADEMOISELLE !
Claire LAVENIR
Née en 1953, passionnée de randonnée pédestre et de cyclisme
urbain, je m'intéresse un peu à l'archéologie et à la peinture. Un parcours
professionnel éclectique, toujours dans des professions tertiaires à cause de
mon handicap (polio), m'ont permis de connaître des secteurs très divers tels
que le commerce, le bâtiment, l'assurance maladie, le secteur associatif et la
presse (depuis 1995, au magazine Science
& Vie). Journaliste secrétaire de rédaction depuis 2004 (formée à
l'Ecole des métiers de l'information EMI-CFD), je réalise par télétravail, en free lance, correction, révision et
édition de textes (articles de presse, mémoires, tapuscrits). Je peux aussi
proposer des articles dans mes domaines de prédilection ou traiter des sujets à
la demande. L'article ci-dessous, réalisé à titre amical sur proposition du
webmestre, peut donner un aperçu de mon travail. Quelques textes sont aussi
consultables en se connectant à l'adresse suivante : http://holographite.blogspot.com
Contact : holographite@yahoo.fr
°°°°°°°°°°°°°°°°
Résumé : « On devrait réserver le vocable « mademoiselle » aux toutes
jeunes femmes de moins de quinze ans puisque c'est l'âge légal du mariage.
Ensuite, toutes devraient être appelées « madame », quel que soit
leur statut matrimonial » C.L.
°°°°°°°°°°°°°°°°
Les codes de politesse sont-ils aussi innocents qu'il y paraît ? Pourquoi les hommes sont-ils appelés « monsieur » alors qu'on différencie les femmes en « madame » ou « mademoiselle » ? Ce que l'on nous présente comme une habitude charmante relève de la discrimination. Nommer toutes les femmes de la même façon serait un pas vers plus d'égalité entre les sexes.
« Madame, Mademoiselle, Monsieur ».
Ainsi débutaient toutes les allocutions de Valéry Giscard-d'Estaing lorsqu'il
était président de
Voulait-il
ainsi réhabiliter celles qui lui avaient accordé leurs suffrages ?
Entendre divulguer leur statut matrimonial en public et à haute voix au moment
de mettre un bulletin dans l'urne (« Mlle Y a voté »), puis
disparaître au profit de la masse des électeurs (le masculin l'emporte en
grammaire et en politique) au moment de l'annonce des résultats du scrutin, n'y
voyez-vous rien d'étrange ?
Pour ma part, je
m'interrogeais.
Y aurait-il, pour l'Etat, deux sortes d'électrices, les dames et les
demoiselles ? Cette distinction me choquait. Pourquoi faudrait-il
différencier les jeunes filles, qui n'ont donc pas le statut de femme, des
femmes mariées, qui du coup perdent un peu de jeunesse au passage ? Alors
que les hommes, eux, ne sont désignés que par le terme générique de
« monsieur ».
Je me suis battue contre l'Administration[2], les banques,
Si
vous trouvez qu'il s'agit d'un sujet bien futile, au regard de l'urgence à
améliorer le sort des femmes dans le monde, je vous répondrai que le langage a autant d'importance que les
actes. Parler, désigner quelqu'un, est un acte qui révèle ce que les usages
nous ont inculqué par mimétisme depuis des siècles. Il met au jour, souvent à
notre insu, nos pensées profondes, comme l'ont expliqué Freud et ses
successeurs. D'ailleurs, les fondements de notre société ne sont-ils
pas issus des religions du Livre, le Coran,
Demoiselle[3] désignait, au Moyen-Age,
« une jeune fille de rang social élevé », nous dit le centre de ressources
sur la langue française. L'évolution jusqu'au français moderne étend
l'application du mot à l'ensemble de la société et désigne « une femme non mariée, quel que soit son
âge ». « On insiste donc sur la notion de célibat ». Mais il
a aussi une autre signification qui comprend la notion de service. Une jeune
fille attachée au service d'une dame (demoiselle de compagnie, demoiselle
d'honneur), ou femme attachée à un établissement (demoiselle du téléphone). La
demoiselle n'était-elle donc qu'une personne au service de quelqu'un en
attendant de se mettre au service de son époux ?
On
y trouve également la notion de jeunesse,
sous-entendant que, passé un certain âge (mais lequel ?), une femme se
devrait de convoler. Jeunesse sans doute flatteuse pour les comédiennes à qui
il est de tradition de donner du « mademoiselle », comme notre
célèbre Jeanne Moreau qui, à près de quatre-vingts ans, affectionne cette
dénomination.
Quoi
qu'il en soit, celles qui tiennent à
l'appellation sont de plus en plus rares, même parmi les très jeunes
femmes, comme Lilette sur le forum Doctissimo [4]: « Moi voyez-vous j'ai
dix-sept ans et le terme "madame" ne me pose aucun problème d'ordre
psychologique. Quand on est capable d'enfanter c'est fini la petite jeune
fille ! Ce n'est pas une question de beauté et de jeunesse de se faire
appeler "mademoiselle", ce qui sous-entendrait que les femmes de
dix-sept ans qui se font appeler "madame" sont toutes laides et
vieilles ; ça me fait rire ! "Madame" ne se dit pas forcément
quand on est mariée mais quand on a l'âge pour l'être. A quinze ans ça peut se
faire, selon la loi. Ont peut dire aussi "madame" à quinze ans et
c'est pas nouveau. »
Je trouve Lilette très sensée. On
devrait réserver le vocable « mademoiselle » aux toutes jeunes femmes
de moins de quinze ans puisque c'est l'âge légal du mariage. Ensuite,
toutes devraient être appelées « madame », quel que soit leur statut
matrimonial.
En
effet, le mariage n'est plus la pierre
angulaire de notre société. Et comme le dit Reiyel sur le forum
Mademoizelle.com[5]: « Aujourd'hui, ne
plus être mariée ne veut pas dire être célibataire, même à quarante ans. Donc
"madame" ou "mademoiselle" c'est super subjectif, c'est
selon le ressenti de la personne qui l'utilise et de celle qui est
concernée. »
Il
nous faudrait donc soumettre notre identité au ressenti de chaque interlocuteur,
quelles que soient les circonstances. Au nom de quoi ?
Pas
au nom de la loi en tout cas. Car aucune, en France, ne donne de directive dans
ce sens, bien au contraire. Une des plus récentes questions au Gouvernement à
ce sujet émanait de Dominique Voynet,
députée du groupe Les Verts, « sur la
persistance dans les documents administratifs d'une appellation différenciée
pour les femmes,[...] que bien des intéressées jugent discriminatoire. Maintes fois évoquée
au cours des trente dernières années, cette discrimination
a été condamnée dans au moins trois circulaires ministérielles ».[6] En 1972, une décision du
garde des sceaux autorise explicitement toute femme de plus de vingt et un ans[7], mariée ou non, à être
appelée « madame ». Les logiciels administratifs ne sont pourtant
toujours pas adaptés en 2007. Certains même demandent qui est le « chef de
famille »[8]. Ce serait à mourir de rire
si cela ne recouvrait pas des notions profondément imprégnées d'un paternalisme
hors de propos. « Que deviennent dans cette configuration les femmes
pacsées, [...] les
femmes qui vivent en concubinage, les femmes homosexuelles et, plus largement,
toutes les femmes qui ont envie de garder pour elles leur vie privée», demande
alors Dominique Voynet. « Cette
distinction, peut en outre avoir un caractère douloureux ou vexatoire pour les
intéressées ».
En
effet ! Surtout lorsqu'elles sont divorcées, et que la caisse d'allocations
familiales persiste à utiliser « mademoiselle » sous prétexte
qu'aucun nom d'époux n'est associé à celui de la dame. Myrza nous le raconte
dans une discussion sur le forum Viveles rondes.com[9] : « Personnellement, je
trouve ridicule qu'une femme divorcée (c'est mon cas) soit de nouveau appelée
"mademoiselle", surtout à mon âge avec cinq enfants, dont trois
majeurs. Ce n'est pas une question de choix personnel mais c'est
l'Administration qui, d'office, vous appelle comme cela ! Je rectifie le
tir systématiquement ».
La
réponse du ministre de la justice, publiée au J.O. du Sénat le 7 décembre 2006[10],
confirme que
« l'emploi de [ces termes] ne repose sur aucune
disposition législative ou réglementaire. Plus largement, il est recommandé aux
différentes administrations d'éviter toute précision ou appellation susceptible
de contraindre la divulgation de l'état matrimonial de l'intéressée,
dans ses relations avec les tiers. »
Tout
comme pour l'usage du nom marital pourtant toujours imposé illégalement[11]
par l'Administration,
imitée comme un seul homme[12]
par les commerçants,
les employeurs et autres hôpitaux.
Il
s'agit donc bien là d' une persistance
fondée seulement sur une mentalité archaïque. On accorde une identité aux
femmes, non pas pour elles-mêmes, mais uniquement en fonction des hommes.
Car c'est bien eux qui déterminent, soit par le mariage, soit par leur
perception - plus ou moins intéressée - de la jeunesse de leur interlocutrice,
l'appellation qui leur paraît adéquate.
Certaines
demandent qu'on leur laisse le choix de se faire appeler « madame »
ou « mademoiselle ». Pourquoi pas, si elles se reconnaissent dans la
servante en attente du mariage ou de la sanctificatrice maternité ? Mais, dans les documents officiels,
La
polémique a fait rage dans la presse[13] en 2006, à la publication
sur le Net d'une pétition[14] , initiée par une femme en
colère contre son notaire. Puis plus récemment, avec le livre de Laurence Waki[15] . Espérons que cette
fois-ci sera la bonne.
Les
mentalités, auraient, paraît-il, évolué. C'est le cas aux Etats-Unis, où l'on dit «Ms»[16]
- contraction de «Miss» et «Mrs» - et
en Allemagne, « Frau »
remplace le «Fraülein» considéré
comme désuet.
Alors,
pourquoi attendre plus longtemps pour désigner toutes les femmes sous le même
vocable « madame » ? La poésie n'y perdra pas, qui depuis
longtemps connaît la langue de l'amour courtois où la dame est synonyme de
femme aimée. Au fait, je peux vous le dire à vous, mon eau de toilette, de chez
Chanel, s'appelle Coco Mademoiselle.
Je jure que je ne l'ai pas choisie pour son nom !
[1] C'était en 1974, lors de son premier mandat présidentiel.
[2] Le site propose des modèles de lettres dont on peut s’inspirer (http://lobby.matronyme.free.fr/article.php3?id_article=3).
[3] Définition complète sur http://www.etudes-litteraires.com/damoisele.php
[4] Forum « Psychologie » dans la rubrique « Bien vieillir » sur Doctissimo : http://forum.doctissimo.fr/psychologie/vieillir/nouveau-madame-mademoiselle-sujet_71_1.htm#
[5] http://www.madmoizelle.com/forums/lactu-en-france/2636-suppression-du-terme-mademoiselle-par-les-chiennes-de-garde.html
[6] Circulaires FP 900 de 1967, FP 1172 de 1974, circulaire CNAF n° 1028 - 410 de 1978.
[7] C'est-à-dire à la majorité qui était encore à vingt et un ans.
[8] « Doutagogo », le blog d'Agnès Lenoire ( http://doutagogo.over-blog.com/article-6673173.html ).
[10] J.O. du Sénat : http://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ060924509
[11] La loi du 6 fructidor an II (23 août 1794) : http://64.233.183.104/search?q=cache:oEbSMD_DJr0J:www.senat.fr/rap/l02-231/l02-2311.html+usage+du+nom+loi+code+civil+fructidor&hl=fr&ct=clnk&cd=2&gl=fr
[12] L'Académie penche invariablement en faveur du masculin comme dans cette expression censée représenter le genre humain. Hélas, nombre de femmes perpétuent aussi cette tradition d'un autre âge, principalement dans les administrations, se croyant autorisées à rectifier « madame » en « mademoiselle » sans autre raison que leurs certitudes.
[13] Le Monde du 21 avril 2006 ( http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=942067&clef=ARC-TRK-G_01
[15] Chez Max Milo Editions : http://www.maxmilo.com/product_info.php?products_id=98
[16] Prononcer « Miz ».