L’INFIRMITE MOTRICE D’ORIGINE CEREBRALE.
II. Aspects éducatifs et relationnels :
L’enfance et l’adolescence
Témoignage
de MATHILDE(Pseudonyme)
Mère d’une fille IMOC
de 36 ans avec 2 enfants
Dans
le 1° article, CLIC,
je décrivais les divers troubles que peut provoquer une IMOC. Dans ce
2° article, je décris comment les troubles se sont manifestés dès la naissance (les plus caractéristiques étant écrits en bleu),
comment ils ont évolué. Et comment nous n’y avons rien compris durant
toutes ces années.
Blog : http://munchausenparprocuration.over-blog.com
Pour trouver l’article cité, une fois dans la page d’accueil
du blog, taper dans « rechercher par titre » le code écrit en bleu
vif dans cet article : A.[numéro indiqué]- sans
espaces, et cliquer sur «Rechercher ».
Juline avait souffert
à la naissance (blog : A.5- Ca commence
Bien ! - A.6- Ca commence vraiment). On nous a montré que
l’enfant avait « les réflexes archaïques » : marche automatique,
ramper. On a passé sous silence que la menotte ne
s’agrippait pas au doigt ; décrété que si elle
tétait mal, c’est parce qu’elle était rondelette (3,7 kg). Quand je
demandais pourquoi elle ne se blottissait pas dans
les bras, on répondait « C’est dans votre tête », et pourquoi
elle ne réagissait guère aux stimuli,
« Elle dort ! Laissez-la tranquille ! ». J’y ai cru.
Les premières semaines, Juline tétait mal. Elle ne grossissait pas. « Les
gros bébés mangent et grossissent peu au début » me disait-on. Elle
entendait bien, mais sursautait très violemment aux bruits inattendus, même
très modérés. Elle louchait légèrement, mais cela arrive aux nouveaux nés.
Elle restait généralement totalement molle dans les bras, membres lâches, tête non tenue.
Parfois, elle réagissait très fort, trop fort aux
stimuli, sursautant, agitée un instant de secousses
ou de courts tremblements, ses jambes pliées
résistant aux changements de position. On la couchait à un bout de son
lit sur le dos ou le côté, et on la retrouvait souvent sur le ventre un mètre
vingt plus loin, à l’autre bout, tête coincée contre les barreaux. Elle ne
pleurait quasiment pas, gémissant plus que
pleurant, dormait beaucoup plus que les autres nourrissons.
Elle ne se
blottissait toujours pas, réagissant peu, comme indifférente aux stimuli,
au contraire des autres bébés. Ce qui rendait très difficile la communication.
Comment créer un lien avec qui paraît ne pas répondre ? Alors « je suis partie à la conquête
de ma fille », comme j’ai dit plus tard (Blog : A.22- Le premier lien avec le bébé).
Et j’ai signalé tous ces faits aux médecins.
En vain. Soit on ne répondait pas, soit on me disait « c’est dans votre
tête, madame », soit on affirmait que c’était l’une des réactions
possibles des nourrissons : « Ca s’arrangera ! » J’y
ai crû.
Et puis elle nous reconnaissait, nous
souriait dès 6-7 semaines.
Juline commençait à avoir un appétit normal.
Jusqu’à 4-5 mois, elle ne tenait toujours pas sa
tête et il fallait la lui maintenir avec soin car elle pouvait la
rejeter en arrière. Mais toutes ses autres « particularités »
continuaient, devenaient de plus en plus évidentes.
En outre, ses
jambes restaient le plus souvent pliées, même pour dormir, y compris
quand on la soulevait et, si on tentait de les lui
déplier, elles résistaient, se repliaient automatiquement.
Elle a commencé tard à saisir les objets, les laissait souvent tomber.
Parfois, elle restait
assise, inerte, sans réagir, comme absente durant
plusieurs secondes.
Quand elle s’est mise à ramper, assez tard, on aurait dit une otarie : elle tenait les
pieds croisés en l’air, ne se halant qu’avec les bras.
Elle restait
molle, lourde dans les bras. Et elle
réagissait toujours peu aux stimuli affectifs. J’avais pris l’habitude de
la bisouter sur ses jolies épaules rondes, ses cheveux blonds, hésitant à lui
imposer des câlinous qui, à la différence de sa sœur, de la plupart des bébés
que je connaissais, semblaient l’indifférer.
Mais elle manifestait déjà des qualités rares
de ténacité. Un jour, elle a foncé en rampant vers le fil du fer à repasser,
agité par le va et vient de l’appareil. J’ai dû plusieurs fois placer de plus
en plus d’obstacles avant qu’elle ne finisse par renoncer. Elle ne pleurait
pas. Et à la moindre faille dans le rempart, elle fonçait de nouveau. Cette
réaction nous a rassurés… en partie.
Juline a fini par se tenir debout. Elle a
marché passé dix-huit mois. Elle ne babillait guère.
Mais
elle observait tout. Parfois les objets tombaient
inexplicablement de ses doigts. Et elle faisait des chutes tout
aussi inexplicables. Elle bavait encore un peu, gardait presque toujours
la bouche entrouverte. Elle a mis les dents
tard et sans aucune douleur. Elle avait encore des moments où elle paraissait inerte. Ca durait si peu, on
croyait qu’elle rêvassait.
Elle a parlé très tard. Elle n’a commencé à
dire quelques mots que vers trois ans. A cinq ans,
on ne la comprenait encore que mal. Et elle restait peu réactive affectivement.
Mais dès un an, elle a commencé ses séries de catastrophes (Blog : 7 articles sur
« Betty Bêtises » A.8- A.10- A.11- A.12-
A13- A.14- A.15-). Et elle tombait, se faisait des quantités d’écorchures. Elle était
célèbre dans toute ma pléthorique famille aux nombreux enfants dont certains
très turbulents. Je ne la quittais pas des yeux. Tout ce qui était dangereux
était sous clé et en hauteur. Et malgré cela, il ne se passait pas une semaine
sans catastrophe. Ses déboires ne lui servaient
même pas de leçon. Je n’osais la confier à personne. Je l’emmenais
partout avec moi.
Quand j’en parlais aux médecins, ils ne
répondaient pas.
La femme d’un voisin médecin me proposa de la
garder une ou deux heures : elle était si jolie, « un vrai
Jésus ! » Quand je revins, une heure et demie plus tard, elle me
la tendit en disant : « Plus
jamais ! ». Par la suite nous sûmes que le mari avait vu
que Juline était neurologiquement touchée. Mais il ne nous en a rien dit. Les relations
se refroidirent. Des années plus tard, leur fille rejeta violemment notre
aînée, son amie pourtant depuis longtemps « à cause de Juline et de
nous » (Blog :
A.90- Un fantôme du passé). Notre aînée refusa d’en
dire plus.
Les ennuis
scolaires ont commencé dès la grande maternelle. On m’avait signalé en
moyenne section qu’elle suivait mal les consignes et le groupe. En grande
section, elle fut prise en grippe par l’une
des deux enseignantes qui la considérait comme
attardée. Je compris quand Juline se mit à faire des cauchemars, à
pleurer pour aller en classe et surtout à la réaction très agressive et
méprisante de l’enseignante. « Convoquée » par la psychologue
scolaire, je découvris que ma fille jouait à se faire plus bête qu’elle n’était
(Blog : A.20- La grande maternelle : 1° traumatisme). Quant à l’orthophoniste, elle se déclara dépassée.
Ce fut le début d’une
errance scolaire jusqu’au CE2 inclus. Juline ne semblait pas parvenir à
apprendre. A sept ans, elle ne faisait que des
bâtons, et encore pas sur la ligne, déchiffrait mal. Pourtant elle
donnait d’incontestables preuves d’intelligence
avec une réelle finesse. Du CM1 à la 5°, elle alla dans une école privée « à petits effectifs » non
conventionnée. Elle progressa enfin, lentement. Et elle se fit des amis
à vie. Juline est fidèle en amitié. Nous la faisions travailler, chacun son
tour. C’était difficile, épuisant pour elle et nous. Le pire est que nous ne comprenions pas pourquoi elle ne comprenait pas,
ne retenait pas. D’autant qu’elle est dotée d’un bon sens, d’humour,
preuve d’intelligence.
Sa démarche
flottante, semblable à celle d’un de mes neveux victime d’épilepsie
suite à des convulsions (fièvre), me fit tiquer. J’insistais auprès de notre
généraliste pour faire un EEG. Il finit par accepter « pour me rassurer ».
L’examen, expédié en moins de 5 minutes, fut négatif.
Mon mari a demandé au voisin médecin, comme à
un ami (les relations entre nos deux filles aînées semblant encore correctes,
nous n’avions toujours pas compris le rejet dont nous étions l’objet), s’il
savait ce dont souffrait Juline. Elle avait dix-onze ans. Il répondit,
gêné : « Elle a le petit mal (forme
d’épilepsie infantile)». Et, sur notre demande, il nous a envoyé… à un
psychiatre qui nous a envoyé au CMPP de notre ville. Nous y avons été reçus
comme des coupables, nous ne savions de quoi. Mais, conseillés par une amie,
nous avons exigé que notre fille soit suivie par une certaine psychologue qui
fit un assez bon travail durant une année. Seulement « elle tomba
malade ». Comme elle ne revenait pas, n’était pas remplacée au bout
d’un an, à force de questionner, je finis par savoir d’une secrétaire gênée
qu’elle était en réalité dans un autre centre. Juline accepta de la revoir
trois fois, puis refusa définitivement.
A huit-neuf ans, notre fille s’était mis en
tête de prendre seule le RER malgré nos recommandations, interdictions et
surveillances. A la deux ou troisième fois, elle y
rencontra un violeur. Elle ne m’en parla que des mois plus tard. Le
médecin me déconseilla de porter plainte pour ne pas la choquer encore plus. A
l’époque, hélas, il avait raison. Juline mit longtemps à accepter ses règles,
quand elles arrivèrent (Blog : A.21- Du CP à la 4°
techno – A.16- Le viol).
L’école privée changea de direction, baissa
de niveau. Et nous commencions à nous endetter sérieusement. Nous avons mis
Juline dans le CES voisin en 4° techno. Ce fut rude pour elle. Elle finit par
se faire respecter, mais suivait mal. Puis, au bout de quelques mois, elle eu
une crise aigüe d’appendicite. Il fallut l’opérer d’urgence. Et
tout bascula.
Je parlais à l’anesthésiste des « voiles noirs » dont Juline se plaignait à la
patinoire, des chutes qui s’en suivaient. Il répondit : « Si on
n’a rien trouvé à l’EEG, c’est qu’il n’y a rien ! » Et il
pratiqua une anesthésie ordinaire. Juline mit des
heures à revenir du bloc. Elle avait eu des convulsions. Mais on ne nous
en dit rien, sinon : « Tout va bien ».
Deux jours après, elle téléphonait terrifiée
à son père qu’un « copain » de la
patinoire voulait venir la tuer avec un couteau. Son père y alla. Aucun
« copain » ne vint. Juline affirma ensuite que c’était « arrangé ».
Mais ne put dire comment, refusa d’en reparler. Et dans les mois qui suivirent,
Juline commença à ne pas aller en classe, à découcher, à piquer des crises de
fureur contre nous, nous accusant de choses
insensées et délirantes. Ses gentillesses envers nous se retournèrent en
haine. Finis les « Souvenirs lumineux »
(Blog : A.23-) dont je parle dans mon blog, ces moments de joie et d’harmonie
familiale partagées par tous. Puis nous fûmes « convoqués »
par sa professeur principale : Juline avait eu un malaise en gymnastique.
Pourquoi n’avions-nous pas fait faire d’EEG. Je réclamais un mot qui nous
permette enfin d’être pris au sérieux.
Et Juline subit enfin un EEG correct qui
révéla une épilepsie. Mais on ne parla encore que de « petit
mal », qui disparaît en grandissant. Elle fut mise sous Tégrétol puis,
comme elle découchait de plus en plus et prenait la pilule, sous Dépakine.
Hélas, la Dépakine était sans effet sur son comportement. Et elle ne la prenait
pas toujours. Juline faisait des
« fugues » dont elle était incapable de dire pourquoi ni où.
La police nous la ramenait. Parfois des « copains » venaient
nous accuser sous nos fenêtres de la séquestrer, de la battre. Il arrivait
qu’on nous téléphone pour que nous venions la
récupérer après « un malaise », dans une chambre ou à
l’hôpital. Je demandais à un médecin
hospitalier si elle n’avait pas été droguée. Il ne m’a pas répondu mais m’a
regardée comme si j’avais proféré une obscénité (Blog : A.25-
L’épilepsie enfin officiellement diagnostiquée »).
Une enseignante nous re-convoqua et, sous
l’œil triomphant de notre fille, m’accusa de maltraitance. Je suis partie pour
ne pas pleurer en public. J’ai fait ma valise et j’ai fui. Je suis restée
terrée trois jours, ne sachant pas si je reviendrais. Et je suis revenue (Blog : A.26- Accusée de maltraitance – A.29- Juline va mal).
Les choses empirant, nous sommes allés
dans un « service pour adolescent ». A notre insu, le
traitement de Juline a été arrêté d’un coup et on nous a directement accusés,
l’un d’inceste, l’autre de maltraitance. C’est seulement à ce moment que nous
avons compris l’incompréhensible. Nous avons retiré Juline de là (Blog : A.30- Accusé d’inceste » - A.31- L’EEG de 24h perdu).
Puis nous avons essayé un autre service.
On nous a juste donné le numéro des urgences de l’hôpital psychiatrique. Nous
nous sommes tournés alors vers une personne de notre famille éloignée qui nous
a recommandés pour pratiquer un EEG dans
notre ville de naissance. Il a duré 20 mn. Et révélait une épilepsie partielle complexe avec atteinte temporale due
à une « encéphalopathie de l’enfance » (l’anoxie néonatale en
est l’une des causes) (Blog : A.36- l’EEG rassurant et
inquiétant à la fois »). Enfin, un jour, elle avala toute sa
Dépakine. Urgences, lavage d’estomac. Le lendemain, elle souriait,
détendue. « C’est le plus inquiétant », dit le médecin.
Et ce fut tout ! (Blog : A.37- Tentative de
suicide).
Nous avons demandé une protection juridique pour notre fille car, depuis
quelque temps, apparaissait un « copain » plus âgé dont l’influence
semblait dangereuse. Des vêtements avec leur antivol apparaissaient. En outre,
elle a une vraie séduction naturelle, redoutable tant qu’elle ne savait pas la
gérer. Il y eu une enquête et un suivi fut effectué dans un centre. Le 1°
service hospitalier y fit, je ne sais comment, part de ses soupçons à notre
encontre. Mais nous avions appris à mieux nous défendre et surtout ces gens se
montrèrent plus clairvoyants. Le « copain » plus âgé disparut.
De plus, cette autorité extérieure contribua à cadrer Juline un certain temps.
(Blog : A.33- Et si on allait voir le juge pour enfant – A.34- Devant la juge Liliane – A.35- Le Centre d’Observation en Milieu Ouvert)
Puis, elle commença à moins les craindre. Des
portes furent cassées. Elle se mit à me menacer de la main. Je demandais
conseil à l’inspectrice spécialisée dans la jeunesse. Elle me
répondit : « Si votre fille vous frappe, frappez aussi.
C’est à vous d’avoir le dessus, quitte à vous battre comme des chiffonniers.
Sinon elle vous maltraitera ». Par chance, si j’ose dire, quand Juline
passa à l’acte, son père était là. Une paire de claque paternelle suffit à
régler le problème, du moins pour des années (Blog : A.38- La
paire de claque).
Mais Juline grandissait et ne faisait toujours
rien. Elle refusait de plus en plus tout soin, y compris pour ses dents (prognathisme), ses yeux (strabisme),
son dos (scoliose). Nous avons menacé de ne
pas la garder après sa majorité si elle n’étudiait ou ne travaillait pas. Nous
ne l’aurions pas jeté à la rue. Mais elle le crut. Et puis les 40 mois que
duraient, je l’appris des années plus tard, ses
« crises-post-anesthésie-sans-précautions », étaient passées.
Juline s’apaisa. Elle chercha et trouva de
petits boulots. Elle devenait adulte.
3°
article prévu : De la jeune fille à la femme, compagne, épouse et mère.
Me
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