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Octobre 2013

HISTOIRE DE LA POLIO AVEC SES EFFETS TARDIFS DEPUIS L’ANTIQUITE JUSQU'A LA PERSPECTIVE DE L’ERADICATION

Par Audrey PLESSIS

Journaliste santé indépendante, Tel. : 06 22 01 27 00 ; plessis.aud@gmail.com  
https://sites.google.com/site/redactionmediap/

 

Introduction, par Henri Charcosset

Audrey Plessis vient de conduire une étude approfondie, présentée avec une grande clarté, sur l’histoire de la polio, abordée sous ses différents angles.

Elle a déjà publié sur ce site l’article à vocation médicosociale :

4e Congrès polio Paris, 04 avril 2013.  Collaboration  avec les Maisons départementales de la personne handicapée, voir à CLIC

En septembre 2013, Audrey Plessis publie dans Faire Face, le journal de l’Association des Paralysés de France, l’article :

 « Poliomyélite: affronter les complications liées à l’âge »

Tandis que chez Doctissimo.com, elle publie un dossier intitulé :

« La poliomyélite : une maladie bientôt éradiquée » d’adresse web :

 http://www.doctissimo.fr/html/dossiers/poliomyelite/15924-poliomyelite.htm

C’est ce dossier que nous reproduisons ci-dessous.

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LE POINT SUR LA POLIOMYELITE

Audrey Plessis

06 22 01 27 00

plessis.aud@gmail.com

 

Le texte  ci-après  renferme des liens hypertexte, en direction d’articles plus spécialisés ; on les consulte en cliquant sur l’adresse web juste ci-dessus.

 

Résumé : La poliomyélite ne doit pas être oubliée. Pendant que ses séquelles paralytiques font souffrir les anciens malades des pays riches, elle continue de se propager dans quelques régions du monde.

 

La poliomyélite est une maladie virale contagieuse. Le plus souvent, l'infection passe inaperçue. Mais, dans 0,5 % des cas, elle provoque des paralysies irréversibles invalidantes parfois mortelles. Jusqu'à ce que des vaccins soient mis au point et largement diffusés dans les années 60, la poliomyélite provoquait chaque année 500 000 nouveaux cas mondiaux de paralysies définitives, le plus souvent chez des jeunes enfants.

 

Aujourd'hui en France, quelques dizaines de milliers de personnes souffriraient des séquelles paralytiques de la poliomyélite. Son éradication mondiale, lancée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dès 1988, s'avère par ailleurs plus difficile que prévu. Le Pr Michel Rey*, président de la Commission nationale de certification de l’éradication de la poliomyélite en France, nous aide à faire le point sur la maladie, ses conséquences et sa situation actuelle dans les quelques pays du monde encore contaminés.

 

Les grandes épidémies avant l'avènement des vaccins contre la poliomyélite

 

La poliomyélite existe depuis des millénaires comme en témoignent les dessins retrouvés sur des fresques datant de l’Égypte antique. Elle a longtemps été considérée comme une paralysie infantile car elle atteignait surtout les jeunes enfants. Son caractère infectieux a été démontré en 1908 et le premier poliovirus identifié en 1949. Il en existe trois différents.

Le Pr Rey explique : « La poliomyélite est une maladie humaine contagieuse inoculée par voie orale. Les poliovirus se multiplient dans le tube digestif et sont excrétés dans les selles. Ils se transmettent par les mains ou, de façon indirecte, par de l'eau ou des aliments souillés. » Alors que les conditions d'hygiène s'amélioraient en Europe au début du XXème siècle, les poliovirus ont de plus en plus souvent infecté des adolescents et des adultes qui n'avaient pas eu l'occasion de les rencontrer plus jeunes, donc de s'immuniser. A ces âges, les paralysies sont plus fréquentes et plus sévères que chez l'enfant.

En France, la poliomyélite est soumise à déclaration depuis 1936. Entre 1949 et 1961, plus de 1500 nouveaux cas étaient répertoriés chaque année, avec un pic à plus de 4000 en 1957. La vaccination, rendue obligatoire en 1964, a rapidement fait chuter ce chiffre. Dix ans plus tard, la maladie avait quasiment disparu. « Le dernier cas observé en France date de 1995, précise le Pr Rey. Il s'agissait d'un jeune militaire mal vacciné qui avait contracté la maladie en Côte d'Ivoire. »

Le vaccin injectable a été mis au point en 1953 à partir d'un virus inactivé (vaccin Salk), puis le vaccin oral avec un virus vivant atténué (vaccin Sabin). Aujourd'hui, on utilise une version actualisée du vaccin injectable dans les pays industrialisés tandis que le vaccin oral est privilégié dans les pays en développement.

 

La poliomyélite paralyse 0,5 % des personnes infectées

 

L'infection par les poliovirus passe le plus souvent inaperçue ou est peu décelée. Dans 5 à 10 % des cas, elle se manifeste par des symptômes pseudo-grippaux. Après une à deux semaines, les virus sont généralement éliminés. Dans quelques cas, cependant, ils gagnent le sang puis la moelle épinière où ils se multiplient en détruisant certaines cellules nerveuses motrices. Les muscles correspondants deviennent incapables de se contracter, il en résulte une paralysie "flasque", définitive, sans perte de sensibilité.

On observe environ une paralysie pour 200 infections recensées. Elle s'installe en quelques jours et touche essentiellement les membres inférieurs, souvent de façon asymétrique. Parfois, elle atteint aussi les membres supérieurs et les muscles thoraciques, provoquant une détresse respiratoire potentiellement mortelle en l’absence de réanimation. Entre 1949 et 1989, près de 30 000 personnes ont été paralysées en France, 3200 sont décédées.

Michèle, 64 ans, a été touchée à quatre ans et demi en 1953. Elle a passé deux mois hospitalisée au pavillon des contagieux à l'Hôpital Necker à Paris : « Je n'avais droit à aucune autre visite que celle de mes parents. Certains malades étaient allongés dans des "poumons d'acier", sortes de tonneaux métalliques très bruyants qui faisaient office de respirateurs artificiels. »

 

La rééducation et les opérations pour limiter les séquelles

 

Après la phase critique, les malades étaient admis en centre de rééducation pour retrouver un maximum d'autonomie. Dans la deuxième moitié du XXème siècle, beaucoup de parents se sont sacrifiés pour payer ces soins.

Michèle est restée dix mois à l'hôpital de Garches : « Je suis arrivée sur une civière et repartie sur mes jambes. Nous faisions beaucoup de rééducation en salle ou en piscine. » Par la suite, ses parents ont appliqué à la lettre les recommandations des médecins :  « Mon père me faisait faire une heure de "gymnastique" quotidienne sur la table de la salle à manger. La nuit, je portais un corset en plâtre et une attelle à la jambe gauche pour maintenir mon pied... »

Pensionnaire à 11 ans, Michèle continuait ses exercices et baignait sa jambe dans l'eau chaude au lieu d'aller en récréation : « On m'appelait la boiteuse ». Chaque année, elle retournait à Garches pour son suivi ou subir des opérations orthopédiques. Elle se souvient d'une chirurgie particulièrement douloureuse destinée à allonger sa jambe paralysée qui, du coup, avait moins grandi que l'autre : « Il fallait tourner un pas de vis tous les jours. Chaque fois, la douleur était comparable à celle d'une amputation. »

Une fois la croissance terminée, le suivi s'interrompait et il était conseillé de rester physiquement actif. Michèle a longtemps pratiqué la marche, le vélo et la natation.

 

Les "survivants de la polio" continuent d'en souffrir

 

En France, il resterait quelques dizaines de milliers de personnes qui, comme Michèle, ont survécu à la poliomyélite qu'elles avaient contractée avant la mise en place de la vaccination généralisée. La plupart se sont battues pour réussir leurs études et obtenir une bonne situation professionnelle. Aujourd'hui âgés de plus de cinquante ans, ces "survivants de la polio" affrontent les complications liées aux paralysies (déformations articulaires, douleurs, fatigue...). Certaines articulations, initialement non touchées mais souvent très (trop) sollicitées pour masquer ou compenser le handicap, par exemple pour marcher sans canne, peuvent également lâcher.

Certains redécouvrent la poliomyélite à ce moment là, tel José que ses épaules ont brutalement rappelé à l'ordre : « La vie avec le handicap que je croyais apprivoisé a été à redéfinir. C'était la descente aux enfers. Mais le plus difficile n'est pas d'accepter les aides techniques en tant que telles. Le plus difficile, c'est le regard des autres. Accepter les aides qui vont rendre le handicap de plus en plus visible. »

Il faut alors reprendre la rééducation, idéalement dans un centre spécialisé, pour bénéficier d'une prise en charge globale et des conseils d'une équipe pluridisciplinaire (kinésithérapeute, ergothérapeute...). Parfois, un traitement orthopédique et/ou des appareillages s'imposent pour s'économiser et éviter de perdre tout autonomie (orthèse pour maintenir la cheville, fauteuil roulant...). Il est également conseillé d'adapter son domicile.

 

Le syndrome post-polio, comme une résurgence de la maladie

 

A 40 ans, Michèle, devenue médecin et mère de deux enfants, a ressenti les premiers effets de l'âge et vu son état se dégrader progressivement. Dix ans plus tard, la situation est soudainement devenue plus critique : « Alors que je marchais à peu près normalement, je ne pouvais plus faire 50 mètres sans me servir d'une canne ! Après plusieurs chutes, je suis passée en mi-temps thérapeutique puis en arrêt maladie longue durée jusqu'à la retraite. »

Les spécialistes parlent de "syndrome post-polio". Trois critères suffisent à le définir : de nouvelles paralysies ou une aggravation de paralysies qui demeuraient jusqu'alors incomplètes, des douleurs et une fatigue importante. Le tout survenant en quelques mois ou années après une longue période de relative stabilité. Pour poser le diagnostic de syndrome post-polio, le médecin doit en outre avoir éliminé toute autre possibilité.

Pour l'expliquer, certains spécialistes ont d'abord évoqué l'hypothèse d'une résurgence du virus qui aurait persisté dans l'organisme à l'état latent. Aujourd'hui, la plupart l'ont abandonnée. Le syndrome post-polio serait plutôt lié à une fatigue et/ou une inflammation des cellules nerveuses motrices résiduelles. Des essais cliniques sont en cours pour trouver un traitement capable de limiter ses conséquences.

 

L'éradication de la poliomyélite toujours repoussée

 

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé en 1975 le premier programme de lutte contre la poliomyélite en mettant en place, dans tous les pays en développement, le programme élargi de vaccination (PEV) qui associe le vaccin polio oral aux vaccins injectables contre le tétanos, la diphtérie, la coqueluche et contre la rougeole. La maladie continuant ses ravages, l'OMS s'est associée à d'autres acteurs pour créer, en 1988, l’Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP). L'objectif ? Vacciner tous les enfants en ajoutant au PEV des campagnes de vaccination de masse, et signaler toute paralysie suspecte dont l’attribution à la polio devait être confirmée (recherche positive de poliovirus dans les selles des paralysés). A l'époque, 350 000 infections étaient encore rapportées chaque année dans le monde.

Initialement prévue pour 2000, l'éradication mondiale a été repoussée à 2005, puis 2010. En 2012, on recensait encore 223 nouveaux cas. Le Pr Rey explique : « La rapide réussite de l'éradication mondiale de la variole, confirmée en 1980, avait suscité beaucoup d'espoirs pour entreprendre celle de la poliomyélite. Mais la variole était une maladie infectieuse toujours bien visible par son éruption spectaculaire, alors que la poliomyélite résulte d’une infection le plus souvent non décelée. Nous savons également que certaines personnes immunodéprimées peuvent rester porteuses de poliovirus et contagieuses des années sans déclarer la maladie. »

La vaccination reste par ailleurs insuffisante. Le vaccin oral a ses avantages, notamment son faible coût - moins de 0,10 euros - et une administration possible par n'importe quel bénévole. Mais il faut recevoir au moins cinq doses pour être immunisé. « Dans quelques pays d’Afrique et d’Asie, certaines franges de la population ont en outre décidé de la refuser suite à une rumeur disant que le vaccin polio est une invention américaine pour stériliser les femmes et transmettre le sida, poursuit le spécialiste. En 2004, cette rumeur a été reprise par les Imams intégristes, faisant naître une opposition religieuse qui s'est propagée dans le monde musulman. » Depuis fin 2012, plusieurs bénévoles ont été assassinés au Pakiskan et au Nigéria.

C’est dans ces deux pays et en Afghanistan que les poliovirus continuent aujourd’hui de circuler et de paralyser des enfants. Quand peut-on espérer l’éradication mondiale de la poliomyélite, c’est à dire la disparition définitive des paralysies dues à la poliomyélite ? Quelques années semblent encore nécessaire sachant qu'il faudra patienter deux ans après le dernier cas décelé.

 

En France, le poliovirus est toujours traqué

 

Dans les pays industrialisés, la population est a priori correctement vaccinée, donc protégée contre d'éventuels virus importés. En France 98 % des jeunes enfants ont reçu trois doses de vaccin anti-poliomyélite injectable, très efficace. Depuis le dernier cas importé en 1995, aucun nouveau cas n’a été décelé.

Le Pr Rey appelle toutefois à ne pas relâcher la vigilance : « La poliomyélite ne fait plus partie de la formation des médecins et beaucoup s'imaginent qu'elle a déjà disparu du monde. Il faut qu'ils puissent l'évoquer devant tout cas de paralysie flasque aiguë, et devant une détresse respiratoire paralytique nécessitant une réanimation chez un patient ayant récemment séjourné dans un pays encore contaminé. »

Sachant que 90 à 95 % des infections passent inaperçues, les poliovirus doivent aussi être directement surveillés. En France, ils sont en principe recherchés dans les laboratoires de virologie à partir de prélèvements effectués chez des malades hospitalisés pour des affections respiratoires, digestives ou neuro-méningées. Les stations d'épuration d'Ile-de-France - région la plus peuplée concentrant une forte proportion d'immigrés - procèdent également à des analyses spécifiques dans les boues et eaux usées d’environ dix millions d’habitants. Seuls quelques virus-vaccins atténués, donc inoffensifs, importés par des enfants vaccinés dans un pays du Sud, ont été parfois retrouvés.

 

Audrey Plessis, mai 2013

 

Sources principales

 

*Entretien avec le Pr Michel Rey, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Clermont-Ferrand, président de la Commission nationale de certification de l’éradication de la poliomyélite en France, membre correspondant de l’Académie nationale de Médecine.

 

- Le 4ème congrès sur la poliomyélite organisé le 4 avril 2013 par l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (Mission Handicap-DPM) en collaboration avec le Réseau Polio Ile-de-France et d'autres associations de personnes handicapées.

 

Des liens pour en savoir plus

 

- L'Institut national de veille sanitaire (InVS), dossier poliomyélite (décembre 2010) qui reprend l'essentiel sur la maladie, sa répartition mondiale et sa surveillance.

 

- L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), guide des vaccinations 2012, chapitre Vaccination contre la poliomyélite pour en savoir plus sur le vaccin et la politique vaccinale appliquée en France.

 

- Le volume 53, n°1 dédié à la poliomyélite des Annales de médecine physique et de réadaptation (Annals of Physical and Rehabilitation Medicine), la revue scientifique de la Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer), Elsevier-Masson, février 2010. Inscrivez-vous gratuitement, connectez-vous puis consultez et téléchargez les articles en cliquant sur leurs titres (traduction française).

 

- L'Organisation mondiale de la santé (OMS), thème de santé poliomyélite notamment la rubrique Principaux repères, correspondant à l'aide mémoire n°114 daté d'octobre 2012.

 

- L'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP) qui implique les gouvernements, l'OMS, le Rotary international, l'Unicef, les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies... Voir le document concernant le plan stratégique 2013-2018.

 

Contacts

 

- L'Espace handicap de l'AP-HP, prise en charge de la poliomyélite, pour avoir une liste des médecins qui connaissent bien la maladie en France (actualisée en 2011), une présentation du réseau polio, les actes des congrès dédiés à la maladie.

 

- Le Groupe de liaison et d'information post-polio (GLIP), association loi 1901 dont l'objectif est d'informer les personnes ayant contracter la poliomyélite et les professionnels de santé sur les suites tardives de l'infection et le syndrome post-polio.

 

- Le blog d'Henri Charcosset, lui-même touché par la poliomyélite. Il aborde tous les aspects de la poliomyélite avec des articles, des témoignages et le suivi de l'actualité la concernant. Voir aussi son post "Post-polio: Articles, Témoignages, Centres de soin, Social, Amitiés" sur le forum Doctissimo.