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Novembre 2012
COMMENT DEVENIR ZEN. « NOUS VIVONS
SEPARES DE
NOTRE ETRE ESSENTIEL »
Jacques CASTERMANE
http://www.centre-durckheim.com
/
Propos recueillis par Anne Laure Gannac
In Psychologies Magazine Mars 2010
Jacques
Castermane, né en 1934, est kinésithérapeute lorsqu’il rencontre Karl Graf
Dürkheim, en 1967. Il le suit dans la Forêt-Noire, en Allemagne, où le
philosophe et psychologue allemand enseigne le zen, et devient l’un de ses
élèves et collaborateurs, jusqu’à la mort du maître, en 1988. Depuis 1981, il
dirige le centre Dürkheim[1], dans
Des extraits de cet ouvrage « Comment être zen ? »
sont publiés sur ce site, CLIC
Psychologies : Pour être plus serein,
il faut être capable de « prendre du recul ». Que signifie cette
notion pour le zen ?
Jacques
Castermane : C’est faire marche arrière pour revenir à notre vraie nature.
Car c’est lorsqu’il découvre son être essentiel, au plus profond de lui-même,
que l’homme fait l’expérience du calme, de la sérénité, de la confiance ;
qualités d’être qui manquent cruellement à l’homme actuel.
Qu’est-ce que notre « vraie
nature » ?
J.C. :
Regardez un nouveau-né. Dans la mesure où ses besoins fondamentaux sont
assurés, il vit son existence de manière sereine, dans la simple joie d’être.
Mais ce niveau d’être, le moi naturel, va petit à petit laisser place à un
autre niveau d’être : l’ego, le moi conditionné.
Si nous sommes stressés, c’est à cause de
notre ego ?
J.C. :
A cause de notre « identification » à l’ego, nous vivons séparés de
notre être essentiel. Il est la source de l’angoisse et des états qui
accompagnent l’angoisse –appréhension, stress, désarroi. Prendre du recul a
pour but de retrouver notre être essentiel, à l’origine de la paix intérieure
qui est l’état de santé fondamental de l’être humain. Identifié à son ego,
l’homme a toujours la sensation d’un manque intérieur – que la société de
consommation n’arrive pas à combler. En réalité, nous ne souffrons pas de ce
qui manque ; nous souffrons d’ignorer ce qui ne manque pas : notre
vraie nature.
Comment se manifeste cet autre niveau de
notre être ?
J.C. :
A travers une expérience intérieure, un vécu. Ce sont ces moments de notre
existence au cours desquels nous ne nous posons plus la question du sens de la
vie, parce que notre vécu donne sens. Ce peut-être en regardant un coucher de
soleil, en écoutant un concert de musique classique ou en dansant sur un rythme
techno. Ces moments au cours desquels chacun vit la plénitude de l’être, se
sent tout simplement en ordre.
Mais ce sont des moments que nous ne
choisissons pas de vivre, et sûrement pas lorsque nous avons la tête sous
l’eau !
J.C. :
En effet, nous ne choisissons pas ces moments, ils nous trouvent. Sans trop
savoir ni pourquoi, ni comment, nous sommes saisis. C’est ici que se pose une
question importante : « que dois-je faire pour devenir cette femme,
cet homme, confiant, serein, qui s’est révélé le temps d’une
expérience ? » La réponse du maître zen est : « Pratiques
un exercice ! Le zen propose la Voie de l’action[2], banale
en Extrême-Orient et encore insolite en Occident.
Être « zen » au quotidien, cela
paraît simple, mais dans les faits…
J.C. :
Rien n’est plus difficile d’accès à l’homme contemporain que le tout simple.
Qu’y a-t-il de plus simple que de s’asseoir et de « ne rien faire, mais à
fond », comme l’écrit mon ami André Comte-Sponville[3] ?
Chaque jour pendant une vingtaine de minutes, prendre du recul par rapport à
nos activités ordinaires et ne rien faire, si ce n’est exercer son attention
sur le moment présent. « C’est l’attention qui guérit », disait le
Bouddha à ses disciples. Elle guérit, par exemple, de cette maladie propre à
l’être humain et qui consiste à courir, en pensée, dans le passé qui n’est plus
ou dans le futur qui n’est pas encore. Apprendre à « momentanéiser » chaque action de la vie quotidienne est un
chemin de guérison.
N’est-ce pas une façon de fuir la
réalité ?
J.C. :
Non, c’est apprendre à vivre au cœur de ce qui est réellement dans
l’ « espace-vécu ». Je ne demande à personne d’oublier le passé
ou d’ignorer l’avenir ; je demande de ne pas oublier le présent.
Est-ce réellement compatible avec notre
rythme d’aujourd’hui ?
J.C. :
A chacun de décider s’il veut continuer à vite se lever… pour vite aller au
boulot… pour vite être hospitalisé pour infarctus ou dépression !
« Si tu ne trouves pas le calme ici et maintenant, où le
trouveras-tu ? Et quand ? » C’est une question que je me pose
fréquemment au cours d’une journée. D’autant plus si je suis derrière une
dizaine de personnes à la caisse du supermarché ou arrêté à cause d’un bouchon
sur l’autoroute.
Mais notre agitation est aussi liée à notre
environnement, aux autres. Cela ne dépend pas que de nous…
J .C. : Certes, mais dépend de moi le fait que je
m’identifie à un ego constamment impatient, agité, agressif, réactif… Cette
quête d’un mieux-être personnel peut sembler égoïste. Cependant, quel cadeau,
pour l’enfant qui rentre de l’école, d’être accueilli par une maman qui lui
offre du temps ! Quelle chance pour une entreprise si ceux qui la dirigent
retrouvent leur propre humanité à travers un exercice de méditation
quotidien ! Si je prends chaque jour un moment de recul, c’est pour offrir
aux autres ces qualités d’être qui manquent le plus à nos contemporains :
la tranquillité du corps, la sérénité de l’esprit et la paix de l’âme.
Vous-même, avez-vous encore des moments où
vous vous emportez ?
J.C. :
Chaque jour ! Mais autrefois ces réactions m’emportaient parfois pendant
des heures… voire des jours. Aujourd’hui, l’ego reprend son règne pour quelques
secondes ! je me permets de voir là un mieux,
tant pour moi-même que pour mon entourage.
Et que faites-vous dans ce cas ?
J.C. :
Je fais attention ! J’observe : « Tiens, voilà une
émotion », « Tiens, voilà un jugement. » Il y a peu, je me lève,
j’ouvre les volets et ma première réaction mentale est : « Mince, il
pleut ! » Puis j’éclate de rire : « Tu médites depuis plus
de trente ans et c’est tout ce que tu trouves à te dire ! Regardes
les arbres comme ils sont contents, tu pourrais te réjouir ! Et quand tu
sortiras, tu prendras un imperméable. » Si je n’avais pas été attentif à
cette réaction, elle m’aurait sans doute plongé dans un état de mauvais humeur
latente.
La psychanalyse que vous avez faite ne vous
a-t-elle pas aussi aidé dans ce travail d’apaisement ?
J.C. :
J’ai eu la chance d’être accompagné, pendant huit ans, par un élève et ami de
Carl G. Jung, le docteur Ignace Tauber. J’ai ainsi
porté un regard analytique sur ma manière d’être au monde et d’exister. J’ai
reconnu et accepté d’être introverti. J’ai pu découvrir que je suis à la fois
perceptif et intuitif. Aussi que la sexualité n’est pas un problème, mais que
la sexualité avait un problème avec moi. Ce fut un magnifique travail de
déculpabilisation. La psychanalyse, médecine de l’âme, soigne « le »
moi qui souffre ; le zen, science de la guérison de l’âme, invite la
personne à guérir « du » moi qui est la cause de sa souffrance.
[1] Plus d’infos sur centre-durckheim.com .
[2] Jacques Castermane définit la Voie de l’action comme un chemin d’expérience et d’exercice qui prépare les conditions favorisant la mise en accord, en résonance, avec notre vraie nature.
[3] André Comte-Sponville, philosophe, initié à la méditation zen, anime régulièrement des conférences au Centre Dürkheim. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Le Bonheur, désespérément (Librio, « philosophie », 2009)