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Septembre 2011
COMMENT
PEUT-ON ETRE ZEN ?
Jacques
CASTERMANE
Paru
aux Editions du Relié 2009
Jacques
Castermane a suivi durant plus de 20 ans (1967-1988)
l’enseignement et depuis 1981, il anime une école de méditation dans la
Drôme : le
centre Dürckheim. Il a publié des
entretiens avec ce maître : Le Centre de l’être
aux éd. Albin Michel et, aux éditions de la Table Ronde, La Sagesse exercée
avec une préface d’André Comte-Sponville.
Extraits de
l’ouvrage, trouvés d’une grande clarté, par Henri Charcosset
LE ZEN ET LA TRADITION SPIRITUELLE EN OCCIDENT
Si la vie spirituelle a pour but de se préparer à une autre
vie, le zen n’est pas la voie spirituelle à suivre. Si la vie spirituelle a
pour but de ne pas oublier que, ici et en ce moment, j’existe, c’est une
voie spirituelle avantageuse. Pour quel avantage ? La découverte par
l’homme lui-même de sa vraie nature et de sa vraie destinée. Lorsqu’il découvre
son être essentiel, l’homme fait l’expérience qu’au plus profond de
lui-même règne le calme, la sérénité, la confiance. Découverte d’autant plus
bénéfique pour l’homme contemporain tendu, inquiet, angoissé.
Graf Dürckheim propose l’enseignement qu’il a reçu au
Japon. Son but n’est pas de transporter en Occident une tradition spirituelle
orientale. Il sent qu’il peut intégrer son expérience japonaise dans la
guérison de l’homme qui souffre dans sa vie intérieure.
Tout en servant l’esprit du zen japonais sans la
moindre concession, il a pu différencier l’essence du zen et les apports
traditionnels, culturels et cultuels propres à l’Extrême-Orient. La Voie qu’il
va tracer, tout au long de la seconde moitié de sa vie, est un chemin de
maturation spirituelle dégagé des rites et des formes culturelles asiatiques.
Face au zen, écrit Graf Dürckheim,
deux attitudes sont possibles : « On peut soit se convertir au
Bouddhisme, soit accueillir et réaliser ce qu’il renferme d’universellement
humain. Seule m’importe la seconde attitude 1 ».
Graf Dürckheim va enseigner
la tradition du zen dans une démarche et une forme adaptée à l’homme
occidental.
1
K.G. Dürckheim, Le Zen et nous, Le Courrier du
Livre, 1961.
ZAZEN :
UNE RENCONTRE AVEC SOI-MEME
Le zazen,
exercice spirituel, ne se pratique pas afin de parvenir à une transformation de
soi-même ; un soi-même autre, que nous pourrions construire à coups
d’exercices. Le zazen est la rencontre avec soi-même.
Nous devons
être attentifs de ne pas tomber dans un piège : le désir d’une
transformation. Désir d’autant plus dangereux qu’il s’appuie sur une idée, une
conception de l’homme, un idéal. Un homme devrait être « comme
ça » ! Et je vais pratiquer afin d’être « comme ça ». C’est
la meilleure façon pour ne jamais être soi-même.
La pratique
du zazen est observation neutre de ce qui est, de ce que je rencontre
réellement à l’instant. Zazen, ce n’est pas passer son temps à vouloir que ce
qui se présente n’arrive pas et à vouloir que ce qui n’arrive pas se présente.
Dans ses leçons,
Graf Dürckheim ne visait pas à transformer quelqu’un.
Sa seule
visée était : « Deviens qui tu es ! »
Mais qui
suis-je ? « Je n’en sais rien, mais deviens-le ! »
Pas
d’idéal ! Vouloir atteindre la perfection est une erreur que ne doit pas
commettre la personne qui est en chemin. Le zazen, exercice spirituel, est la rencontre
avec notre vérité du moment. Ce qui engage chacun à l’humilité.
CONNAITRE LE FONCTIONNEMENT
DE SON PROPRE ESPRIT
Une part de notre souffrance, celle que nous créons
nous-mêmes sans toujours en être conscient, a pour cause le fonctionnement de
notre propre esprit.
Comment
entendre le concept : esprit ?
C’est la
puissance de penser à… !
Il est
incontestable que je pense ; pire, que je n’arrête pas de penser.
Je pense au
beau, au juste, au vrai. Je pense à ma belle-sœur. Je pense aux dernières
vacances. Je pense l’univers. Je pense à la prochaine conférence que je dois
faire.
Je pense…
« Whaaa ! Que cette jeune femme est belle ! »
Je pense
que cette vie n’a aucun sens.
Je pense en
m’éveillant, en mangeant, sous la douche, en conduisant la voiture, en
regardant un film, en me promenant.
A croire
que pour être, je dois penser ! Cependant, je n’ai pas commencé ma vie sur
terre en pensant. Le nouveau-né, cet être de nature, n’a pas à sa disposition
les concepts et la capacité de raisonner.
Nombreux
sont ceux qui font l’erreur de… penser que méditer ce n’est plus penser.
Méditer, ce
n’est pas s’efforcer de ne pas penser.
La méditation est un exercice qui commence
par l’observation neutre de ce qui est.
Qu’est ce que j’observe ?
Le plus
souvent, j’observe d’entrée une activité mentale autonome incessante !
Pratiquant depuis quelques jours seulement, un participant à une session me
dit : « Je crois que la méditation n’est pas bonne pour moi. Dès
que je suis assis, je me mets à penser à tout et à n’importe quoi. »
La pratique
méditative n’est pas la cause de ce bavardage intérieur intarissable. Ce qui se
passe, c’est que le fait d’être assis, sans faire autre chose que rien faire,
me met face à moi-même et m’oblige à voir le fonctionnement de mon propre
esprit.
En
étiquetant les pensées qui s’imposent, j’observe que cette activité autonome de
mon propre esprit constitue un écran qui me sépare du réel. La vérité de l’acte d’exister est que je
vis ici et maintenant. Ici, c’est par exemple le dojo du Centre.
Maintenant, c’est par exemple ce moment au cours duquel je suis en train d’inspirer.
Cependant,
j’observe que je préfère rêver ma vie au lieu de la vivre !
Comment
comprendre que je préfère penser ma vie plutôt que de vivre, en pleine
conscience, le moment présent ?
Je constate
que je préfère me promener, en pensée, dans le passé qui n’est plus. Je
constate que je préfère me projeter, en pensée, dans le futur qui n’est pas
encore.
En plus de
ces projections dans le temps, j’arrive à me projeter dans un espace que je
n’occupe pas réellement. En pensée, je peux me promener sur la Lune, comme
Tintin et Milou ou, plus sérieusement, comme le cosmonaute américain Neil
Armstrong !
Ces
projections dans l’espace et le temps ne sont pas toujours satisfaisantes.
Elles peuvent mettre en mouvement des réactions affectives aussi différentes
que le regret, la colère, l’inquiétude, la tristesse, la peur et même
l’angoisse.
N’est-il
pas stupide, d’être réellement soucieux (d’avoir le front plissé, les
épaules en l’air, les mains agitées, la respiration haute) pour une pensée qui
n’a d’autre réalité que d’être une pensée, une image mentale sans
substance ?
La pensée
souveraine et les réactions mentales, affectives et physiques qui
l’accompagnent sont à ce point habituelles que nous sommes tentés de considérer
ces processus de notre esprit comme étant naturels.
Une étape
importante, lorsqu’on pratique la méditation, est de différencier le fait que si je suis celui qui pense je ne suis
pas la pensée qui s’impose ou que je fabrique.
S’identifier
au contenu d’une pensée est une maladie de l’esprit.
Une condition pour vivre l’âme en paix, en ce
moment et pour ce moment, est de ne pas m’identifier à ce que je pense en
ce moment.
En ce
moment… pour ce moment ! Et rien de plus ?
Voilà une question
qui témoigne d’une autre maladie de notre esprit humain : le besoin de maintenir
ce qui ne peut être maintenu ; le
besoin de permanence. Je ne vous souhaite pas de maintenir votre prochaine
inspiration ! Le résultat serait la mort à court terme.
Bien
entendu, lorsque se présente une sensation, une expérience, que nous ressentons
comme étant agréable, il nous apparaît comme normal de désirer son maintien.
Méditer, c’est apprendre à se soumettre à
la loi de l’impermanence, du changement de tout ce qui est, de tout ce qui
devient. Etre, c’est devenir ; devenir, c’est être.
Sans
acceptation de l’impermanence, je ne connaîtrai jamais la sérénité.
La culture
de la paix intérieure est un chemin de guérison accessible à tous. En
pratiquant régulièrement la méditation, il est possible de guérir des
fonctionnements de notre esprit qui sont cause de beaucoup de souffrance.
Mais
n’attendez pas qu’il y ait une tempête pour apprendre à nager.
C’est ce
que j’apprécie particulièrement sur cette Voie spirituelle : on nous
invite à commencer « petit » !
Dix à cent
fois chaque jour, vivant au niveau d’être qu’est l’ego, je fais l’expérience
intérieure qu’est l’insatisfaction.
Exemple :
Je me lève, j’ouvre les rideaux et « Merde, il pleut », alors que je
me réjouissais de faire une sortie à vélo !
L’exercice ?
Faire marche arrière. Accepter ce qui est pour la seule raison que ce qui est…
est en ce moment. Se défaire immédiatement du refus de ce qui est ou du désir
d’autre chose que ce qui est. Se défaire de cette réaction mentale et des
réactions physiques et émotionnelles qui l’accompagnent.
Exemple de
faire marche arrière… « Quelle belle pluie ! Ce sont les arbres qui
vont être heureux ! »
LE ZEN : EXERCICE
SPIRITUEL OU EXERCICE PHYSIQUE ?
C’est au
moment même où nous pratiquons un exercice que s’opère la transformation de
notre manière d’être et que nous découvrons une autre qualité d’être.
Prenons
l’exemple du zazen.
La formule
de base est : « Se détendre à l’expiration, et s’ouvrir à
l’inspiration. » Pourquoi ? Parce que dans cette pratique
méditative sans objet, ce qui importe, c’est un accueil de ce qui est sans
condition ; un accueil sans référence à un savoir, sans référence au
passé ; un accueil sans conceptualisation de ce qui se présente ; un
accueil sans analyse de ce qui se présente. Je ne serai accueillant que dans la
mesure où je suis détendu et ouvert.
A l’expiration, se détendre ; à
l’inspiration s’ouvrir ! L’invitation est très concrète, il s’agit de
devenir un homme, une femme, plus détendu et plus ouvert ici et maintenant.
En exerçant
l’attitude d’accueil, la personne qui pratique régulièrement reconnaît
une confiance dans le simple fait d’être !
Cet autre
regard sur l’exercice, c’est aussi réaliser que l’expérience de la paix de
l’âme, de la sérénité, de la confiance, est une expérience physique. Un
moment pendant lequel on se sent autre, dans une autre qualité du corps
qu’on est.
L’exercice,
qui investit le corps sujet, est le moment même du passage d’un état
d’être à un autre. Nous ne pratiquons pas, chaque matin, avec l’idée que nous
connaîtrons la paix de l’âme dans quelques années. L’ataraxie (une âme sans
trouble), qu’Epictète qualifie comme étant le « plus grand bien auquel
l’homme puisse accéder dans sa vie », a son expression dans la forme
même de l’exercice que nous pratiquons à l’instant.
La personne
qui s’engage sur la Voie de l’action commence par les exercices les plus
simples, ce qui peut parfois exaspérer l’homme occidental. L’exercice sur la Voie n’est jamais assez simple. Valery
écrit : « Il y a un art de marcher, un art de respirer ; il y
a même un art de se taire. » Au cours de la pratique d’un exercice
simple, la personne qui pratique est comme devant un miroir. Un miroir
réfléchit exactement ce qui est devant lui. Ce qui fait qu’un exercice devient
une réponse à l’injonction : « Connais-toi toi-même ! » Ce
qu’apporte l’exercice, sur la Voie au projet socratique, c’est :
« Connais-toi toi-même à l’instant. »
La personne
qui s’engage sur la Voie de l’action devra se défaire de l’idée de construire
soi-même. La pratique du zen n’est pas un système de construction de soi mais
une Voie de libération du vrai soi-même. Il s’agit de se défaire de ce qu’on a
construit afin de libérer celui qu’on est déjà au plus profond de l’être.
Le plus
difficile, pour l’homme occidental qui aborde la Voie, c’est l’absence de
raisonnement dans ce travail sur soi. Lorsque vous pratiquez un exercice,
« glissez-vous dans le sentir », dit le maître zen. Souvent il
ajoute, en souriant : « Ne pas réfléchir… sentir ! C’est
difficile, n’est-ce pas ? »
Oui, au
début de la pratique c’est difficile ; une bonne raison pour s’exercer.
NOTRE ETAT DE SANTE
FONDAMENTAL ? LE CALME INTERIEUR !
La pratique
méditative sans objet est un exercice au cours duquel nous sommes invités à libérer
la respiration de l’être. Le zen, et c’est ce qui a fasciné Graf Dürckheim lorsqu’il vivait au Japon, est « l’art de
laisser se faire une action à travers laquelle se manifeste et se réalise
l’être en acte, notre propre essence ».
L’exercice
de l’attention à la respiration, qui va et vient d’elle-même, prépare les
conditions qui permettent et favorisent cette plongée au plus profond de
soi-même. Il n’est pas rare que la personne qui commence la pratique méditative
se sente saisie par cette qualité d’être : le grand calme.
La pratique
méditative sans objet est l’art d’accueillir la paix intérieure « toujours
présente dans son absence », disait Graf Dürckheim.
Lorsque je
me sens agité, inquiet et parfois même angoissé, je ne souffre pas d’un
manque ; je souffre d’ignorer ce qui ne manque pas !
Comment
perdre l’ignorance ? Le travail nécessaire est le lâcher-prise du moi.
Le
lâcher-prise du moi ? Une invitation qui fait peur ; d’autant plus
que je m’identifie à l’ego.
Lâcher-prise
n’est pas synonyme d’anéantissement. La mort viendra assez vite, il n’est nul
besoin de la désirer. Cependant, pour vivre au mieux les heures qui me restent
à vivre, je suis obligé de me libérer de l’idée d’un moi qui se veut
autonome ; contraint de me libérer des attachements du moi, de l’idée de
permanence, de la volonté propre, de l’ambition.
En
Occident, nous sommes conditionnés à l’idée que la vie spirituelle a pour but
de se préparer à une autre vie. Sur ce chemin d’expérience et d’exercice qu’est
la Voie de l’action, j’ai perçu que le dessein de ce qu’on appelle la vie
spirituelle est de ne pas oublier qu’en ce moment « j’existe »
!
Chacun peut se donner la chance d’exister,
d’instant en instant, sans être rongé par les soucis, l’inquiétude et la
méfiance.
A chacun de
vérifier par lui-même si l’accès à cette autre manière d’être est possible.
Comment ?
En pratiquant !