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Juillet  2014

LA BIBLIOTHÉRAPIE EN MÉDECINE GÉNÉRALE. II. MODALITES DE PRESCRIPTION

 Pierre-André BONNET

 

Sauramps Médical 2013,  www.livres-medicaux.com

 

 

Réflexion, par Henri Charcosset

 

En guise d’introduction générale, on se  reportera à la première partie de la contribution de P-A Bonnet, ayant pour titre : « La bibliothérapie en médecine générale .I. Introduction »  , CLIC

 

L’approche décrite de P-A Bonnet  se comprend bien et  elle est apparemment séduisante, si l’on précise : Bibliothérapie en Médecin générale, option psy.

La plupart des ouvrages qu’il conseille en fin d’article  peuvent être utiles y compris à des bien portants, qui, après tout, sont éventuellement  malades sans le savoir,  ou en tout cas sont généralement de futurs malades. 

 

Là mise à profit par un médecin généraliste en cabinet, de la bibiothérapie  pour des pathologies physiques, est cependant rendue  difficile par la diversité des pathologies. Pour s’en  tenir au courant jusqu’au point de conseiller des lectures, il faudrait que le médecin  puisse consacrer beaucoup de temps à son travail bibliographique personnel. La question mérite en tout cas d’être posée.

 

A cela il se rajoute que le patient se documente de plus en plus sur l’Internet. Avec entre autres intérêts de pouvoir échanger avec les milieux traitant de son problème partout de par le monde. Et entre autres inconvénients de pouvoir être ainsi orienté vers de faux diagnostics ou/ et modes de traitement ; Le médecin traitant aurait  potentiellement dans son rôle d’orienter le choix par  son patient de sites web pouvant lu convenir.

 

  H C.   

 

TEXTE

Dans le cadre d'une consultation médicale, je propose trois modalités de prescription selon le degré d'implication souhaité.

 En premier lieu, le conseil de lecture non spé’cifique. La lecture est ici conseillée comme un moyen de s'extraire des difficultés, on joue sur l'effet « voyage » et ludique qui va simplement permettre au patient de se concentrer sur autre chose que son anxiété et ses problèmes, l'amenant à se sentir moins envahi par ses émotions négatives. Ceci ne demande pas, pour le « prescripteur », de connaissances littéraires particulières. Le praticien puise dans ses propres lectures pour conseiller le patient, de la même manière qu'il demande au patient s'il a déjà pensé à arrêter de fumer. Ce mode d'intervention n'a pas fait l'objet d'une évaluation et nous avons vu qu'il n’existe que très peu de publications concernant l'utilisation du répertoire littéraire en général. Mais on peut penser que si la consigne est suivie, le patient peut en tirer un bénéfice. Proposer un livre c'est tenter d'amener le patient vers un questionnement, une explication, un soutien : c'est déjà agir et soigner.

 

En deuxième lieu, le conseil orienté sur la résolution d'un problème. Le problème à résoudre est suffisamment important pour devenir le motif du recours au médecin. Par exemple, les problèmes familiaux. Le sujet n'est ni dépressif, ni délirant, ni phobique, il vit très mal une situation familiale. Cette souffrance diffuse est difficile à aborder car le patient a souvent l’impression de ne pas voir de solution. Problème d'estime de soi, impression d'être jugé, peur de ne pas être à la hauteur, confusion entre attitude empathique et sympathique, etc. combien de mécanismes invente-t-on inconsciemment tous les jours pour se gâcher le quotidien ? A titre personnel je conseille souvent la lecture de « Imparfait , libre et heureux » de C. André. Mais devant l'expression de difficulté dans la discussion avec le patient, on peut simplement et rapidement conseiller un livre  « pour avancer », pour « comprendre ». cela permet de prendre en compte la personnalité du patient tout en lui laissant le temps et la liberté d'agir ou non. Le rendement de ce type d'intervention est à évaluer, mais le retour des patients qui ont suivi la consigne est positif. Ce conseil de lecture est un acte empathique qui reconnaît au patient la capacité de se sortir seul de son problème. On retrouve là le principe d'autonomie. Ce type d'intervention courte nécessite de connaître quelques ouvrages. Les livres « grand public » de psychologie sont adaptés à ce cas de figure. Explications sur les émotions, sur l'affirmation de soi, les pensées automatiques négatives. En inoculant par la lecture des notions théoriques, on agit sans surmédicaliser un problème mineur mais en prenant en compte la plainte du patient.

 

Enfin, lorsque les troubles sont marqués soit par leur gravité soit par leurs conséquences dans la vie quotidienne, on s'approche de la bibliothérapie telle qu'elle a été étudiée dans les essais cliniques. Le traitement doit être clairement expliqué et on doit obtenir le consentement du patient pour s'assurer d'une bonne observance. Les phobies spécifiques sont un bon exemple. Les médecins généralistes n'ont pas toujours le temps ni la formation pour pratiquer une thérapie en consultation de médecine générale, et les patients ont souvent ni les moyens ni l'idée de consulter un psychothérapeute clinicien pour traiter leur problème. La bibliothérapie encadrée à l'aide d'un « self-help book » est alors indiquée : elle permet l'accès au contenu de la thérapie tout en laissant au patient son autonomie. Les consultations permettent le suivi du traitement médicamenteux éventuellement associé, elles permettent aussi de répondre aux questions et de suivre le cheminement du patient, de l’encourager à appliquer dans sa vie ce qui est expliqué dans le livre. Il faut bien sûr avoir connaissance du contenu pour pouvoir en discuter avec le patient. Le livre est un pont thérapeutique entre deux consultations, délivrant un enseignement au cours d'une psychothérapie à libération prolongée et encadrée pa des entretiens de renfort lors des consultations.

 

PRESCRIRE QUEL LIVRE ?

 

Nous avons vu que les livres de type « self-help books » sont largement utilisés dans les essais cliniques car leur contenu répond à un mode structuré et reproductible d'un patient à l'autre. Ils sont le prolongement écrit d'une thérapie qui ne laisse que peu de place à l’interprétation et au questionnement. Le livre n'est qu'un canal de diffusion comme un autre pour administrer au patient la connaissance de la méthode. Ces livres peuvent être utilisés avec de forts arguments quant à leur efficacité. Il est plus difficile d'évaluer la place des ouvrages et du répertoire général : romans, fictions, voire poésie ou biographies. Mais nous avons vu dans l'enquête qualitative qu'il existe des effets bénéfiques liés à la lecture indépendamment du contenu du livre. Je vous propose une liste non exhaustive des livres qu'il m'arrive de conseiller, puisés dans mes lectures personnelles.

 

C. ANDRÉ. Imparfait, libre et heureux. Eds Odile Jacob.

L. AUGER. S'aider soi-même. Eds de l'Homme

C.CUNGI. Savoir s'affirmer. Eds Retz

C.CUNGI. Faire face à la dépression. Eds Retz.

C. ANDRÉ. Psychologie de la peur. Eds Odile Jacob.

L. GOUNELLE. L'homme qui voulait être heureux. Eds Broché.

R. POLETTI, B. DOBBS. L'estime de soi. Eds Jouvence.

M. GRAY. Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus. Eds Poche.

P. COELHO. L'alchimiste. Eds Poche.

C. ANDRÉ.  Les états d'âme. Eds Odile Jacob

D. SERVANT. Ne plus craquer au travail. Eds Retz.

F. LELORD ET C. ANDRÉ. L'estime de soi. Eds Odile Jacob.

S. ROYANT-PAROLA. Comment retrouver le sommeil par soi-même. Eds Odile Jacob.

C.CUNGI. Savoir gérer son stress. Eds Retz.

T. D’ANSEMBOURG. Cessez d'être gentil, soyez vrai ! Éditions de l'homme.

S. HAHUSSEAU. Comment ne pas se gâcher la vie. Éditions Odile Jacob.

S. HEEN. Comment mener une discussion difficile avec son patron, sa femme, son mari, ses enfants, ses voisins. Eds Seuil.

I. NAZARE-AGA. Les manipulateurs sont parmi nous. Eds de l'Homme.

D. PLEUX. De l‘enfant roi à l’enfant tyran. Eds Odile Jacob.

D. PLEUX. Manuel d'éducation à l'usage des parents d'aujourd'hui. Eds Odile Jacob.

J. COTTRAUX. La répétition des scénarios de vie. Eds Odile Jacob.

 

CONCLUSION

 

La bibliothérapie est un néologisme visant à décrire l’effet bénéfique de la lecture. Elle est plus qu’un outil de développement personnel et ne sert pas qu’à répondre à un mal être existentiel. Nous avons vu qu’elle peut être utilisée en tant que traitement non pharmacologique de pathologies sévères, et c’est à ce titre que le corps médical peut et doit s’emparer du livre. Des études seront encore nécessaires en France avant que la bibliothérapie ne rentre dans les habitudes de prescription. Les médecins sont déjà amenés à écrire sur leurs ordonnances des consignes concernant la diététique ou l’exercice physique. Pourquoi ne pas imaginer prescrire un livre qu’on irait emprunter dans une bibliothèque thérapeutique, comme cela commence à se voir en Angleterre ? Le médecin est devenu le principal dépositaire des souffrances sociales, ayant souvent comme seule arme la prescription de médicaments. C’est pour cette raison que les Français sont d’importants consommateurs de psychotropes. Mais cette solution est souvent incomplète et superficielle. En face de ce constat, il y a le fait que la culture est très facile d’accès en France. Une ouverture entre le monde biomédical et celui du livre est à construire afin de mieux aider nos patients. Le médecin n’a pas le monopole du bien être des personnes : ce bien être est avant tout une démarche personnelle qui doit être encouragée et facilitée par la société civile.