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Novembre  2010

ATELIER D’ECRITURE ET PERSONNES AGEES.

AUX VENDANGES DE LA VIE

UNE CONTRIBUTION AU BIEN VIEILLIR

 

Monique JANVIER

 

Editions Chronique Sociale, 2007, 150 pages

 

Introduction

 

Sur ce site est déjà paru un article de René Alise, octogénaire : « En atelier d’écriture, l’imagination se débride... », CLIC

Monique Janvier, infirmière en santé publique, a d’abord contribué à la formation des infirmières et des cadres infirmiers. Depuis 1989, elle a conçu et animé des ateliers d’écriture en établissement d’hébergement de personnes âgées, dans la région de Genève. Elle assure également la formation d’animateur d’ateliers d’écriture. Cet ouvrage fait le point de sa belle expérience. Il est très riche, au sens où il illustre toute la potentialité de nos aînés... laquelle est très largement sous-utilisée !

Nous reprenons ici des extraits qui nous ont personnellement fait réfléchir sur le sens du bien vieillir.

 

 

Sur le déroulement des ateliers

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Comment « s’écrit » l’écriture ?... Dans les ateliers avec les personnes âgées, les participants n’écrivent jamais, la plupart ayant une vision diminuée et une mobilité réduite de la main. Néanmoins, cela donne à certains, qui peuvent encore écrire, l’envie de le faire par la suite.

Je (Monique Janvier) suis « l’oreille attentive », puis « la plume fidèle »... Je relis à haute voix une fois, deux fois, trois fois si nécessaire. Ainsi, sans pouvoir lire leur textes, les participants gardent le fil...

 

 

Les tâches de la deuxième partie de la vie

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A chaque âge de la vie, il existe des tâches particulières à remplir. Une psychanalyste jungienne américaine de San Francisco, Jane Weehlwright, active au-delà de sa 80e année, fait part de ses senti­ments dans plusieurs articles.

Le vieillissement, dit-elle, est un long processus de maturation, un jeu alterné de retrait et d’activité qu’il faut savoir accepter.

Accepter positivement cette phase de la vie et ses changements phy­siques, passer au travers des pertes, des deuils, des moments dépres­sifs, permet d’en ressortir souvent avec des forces nouvelles. En dépit des inconvénients de l’âge, à la suite de ces périodes de transition tardives, il est possible de ressentir un sentiment d’intégrité et de liberté.

 

Elle décrit sept tâches qui seraient le propre de la deuxième partie de la vie:

 

I. La première des tâches concerne la confrontation avec l’idée de la vieillesse et de la mort.

Elle commence habituellement lorsque la personne se trouve dans la cinquantaine. Celle-ci avait déjà pensé à cette idée, mais elle se sent subitement davantage concernée, bien que l’échéance paraisse encore éloignée. Parfois, c’est un incident banal qui la met face à cette réalité qui s’approche.

 

2. La deuxième tâche consiste à faire le bilan de sa vie.

 

Prendre conscience de sa propre histoire, en accepter les zones d’ombre et de lumière. Pouvoir la raconter à quelqu’un. Quelqu’un qui s’intéresse à son histoire avec empathie, quelqu’un qui, par son écoute extérieure, propose un nouveau regard. Cette écoute, ce regard permettent de renforcer ce sentiment d’identité qu’il faudrait avoir avant de pouvoir le lâcher. C’est l’époque où ceux qui sont doués pour l’écriture écrivent et souvent publient leur biographie.

 

3. La troisième tâche est la prise de conscience des limites de la vie.

 

Des projets doivent être abandonnés, des voeux ne seront jamais réalisés. Souvent, l’abandon de ces projets nécessite un travail de deuil. Il est nécessaire de ne plus papillonner, d’aller à l’essentiel, d’entreprendre encore ce qui peut être fait.

 

4. La quatrième tâche est le lâcher prise.

 

Le Moi cède peu à peu du terrain pour se soumettre au Soi. C’est le passage du Moi existentiel préoccupé des petits problèmes de la vie quotidienne au Moi essentiel se tournant davantage vers des préoccupations qui transcendent le temps. Cela suppose une cer­taine maturité, une autonomie intérieure.

 

5. La cinquième tâche est la reconnaissance du Soi.

 

L’être essentiel retourne vers sa source, vers le fond archétypique dont il est issu. Jane Weehlwright dit avoir fait elle-même ce che­min. Elle se rend compte alors, en relativisant les problèmes, com­bien de misères inutiles elle a endurées au cours de sa vie. L’attitude de ne pas se presser, de laisser les choses advenir, lui est devenue familière et confortable.

 

 

6. La sixième tâche est la découverte du sens.

 

Jung pensait que si une personne suit consciemment son destin, en accord avec sa vie intérieure, tout en étant bien présente au monde, elle découvrira le sens de sa vie. La découverte du sens de la vie donne un sentiment de continuité, une inscription dans la chaîne des générations.

 

7. La septième et dernière tâche serait de mourir créativement - mourir en vie.

 

Il est nécessaire pour cela d’être en contact avec l’archétype de l’enfant, symbole de renaissance. Les personnes qui vieillissent le mieux sont celles qui ont une approche ludique de la vie, comme un artiste qui crée ou un enfant qui joue. « C’est lorsqu’on accepte l’idée de la mort que l’on devient vraiment vivant. » dit Jung.

 

Ces tâches peuvent avoir lieu simultanément ou dans le désordre. Ce sont là les tâches du processus d’individuation.

 

L’atelier d’écriture - à la place qui est la sienne dans la résidence - offre des opportunités pour l’accomplissement de certaines de ces tâches, tout spécialement les 1, 2, 6 et 7 :

- la confrontation avec l’idée de la vieillesse et de la mort ;

- faire le bilan de sa vie ;

- la découverte du sens ;

- mourir créativement - mourir en vie.

 

 

La satisfaction des besoins de l’être humain.

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En référence à la pyramide de Maslow utilisée dans les milieux sanitaires et sociaux, l’institution a pour mission de répondre aux besoins de base, physiologiques et de sécurité. Elle peut favoriser également les autres besoins.

Je pense que l’atelier d’écriture offre aux participants une ressource possible pour favoriser tout particulièrement l’appartenance, l’es­time de soi-même et des autres, le développement de son potentiel et la croissance personnelle.

J’ai (Monique Janvier) observé dans les bilans/évaluations qu’il s’agit vraiment de satisfaction de ces quatre besoins lorsque, entre autres, la personne âgée participant à l’atelier décide de rédiger son histoire de vie pour la transmettre à sa famille.

De plus, l’intérêt de la lecture et de l’expression écrite est mis en évidence par la fiche action de Stella et Jacques Choque (Intérêt de la lecture et de l’expression écrite).

        

 

 

Intérêt de la lecture et de l’expression écrite

 

Communiquer

 

- Expression personnelle de soi, de ses sentiments, émotions, idées,

et les partager avec l’autre.

- Aide à clarifier la pensée.

- Ouverture du monde, maintien de la curiosité.

- Lien avec la famille, les soignants.

Eliminer

 

- Aide à diminuer les tensions psy­chiques.

- Outils pour résoudre un problème. exprimer une préoccupation.

 

Dormir et se reposer

 

- Préambule à un sommeil de qualité.

- Outil simple, occupation enrichis­sante et distrayante en cas d’in­somnie et de réveils nocturnes.

 

S’occuper en vue de se réaliser

 

Activité permettant à la per­sonne à la fois de satisfaire ses aspirations, de se valoriser et d’être utile (participation à une revue, lecture à voix haute pour les non-voyants par exemple).

 

Apprendre

 

- Entraînement à la concentration.

- Sens de l’observation.

- Permet l’accès à l’information (connaissance de son environ­nement, de ses droits...).

- Outil presque indispensable pour avoir accès à d’autres apprentissages.

 

 

La démarche de remémoration.

 

Par expérience, j’ai (Monique Janvier) constaté qu’aller à la recherche de son enfance, de ses racines, permet de mieux comprendre le sens du grand âge, l’origine des sentiments négatifs. Puiser dans les bons souvenirs, fait du bien en permettant d’évoquer des personnes, des lieux et des objets aimés, mais aussi des ambiances, des odeurs, des sensations de toucher qui émanent de l’être profond de chacun. Avoir puisé dans ces espaces de bien-être permet d’oser aborder les moments les plus douloureux de la vie et parfois réussir à continuer de se projeter dans sa vie.

L’atelier d’écriture doit permettre aux participants d’éprouver du plaisir, tout en demandant à l’animateur de rester attentif aux souf­frances qui peuvent surgir. Certains événements, qui paraissent sans gravité ou sans connotation négative, s’avèrent parfois être l’objet de chagrin ou de culpabilité chez la personne âgée (ex : orphelinat, secret de famille). Cela suppose une vie d’atelier avec une ambiance respectueuse, des exigences et des valeurs.

 

 

Cinéma d’antan

 

« Dans les petits villages, il n’y avait pas de cinéma. On allait plutôt à l’église. » (1920)

 

« Les images allaient très vite. Le film se déchirait souvent. Il fallait recoller en urgence. On allumait alors dans la salle et les gens attendaient. Puis quand le film était réparé, ça repartait ! » (1920/21)

 

« Quand nous étions amoureux à 18 ans, pendant la mau­vaise saison nous allions au cinéma, le dimanche après-midi, pour être « à l’ombre » des regards indiscrets. Enfin tran­quilles pour flirter. Enfin seuls ! » (1925)

 

« Il n’y avait pas de musique de film à l’époque. J’ai tenu le piano dans un cinéma de quartier. J’avais quinze ans. Je regardais de côté ce qui se passait sur l’écran et j’improvi­sais. Si l’image présentait des gens qui marchaient, je jouais une marche. Si l’image représentait des amoureux, je jouais une valse lente. Si l’image représentait des événements tra­giques ou tristes, j’improvisais des accords pathétiques. La lumière était éteinte, je ne voyais rien. Je devais à la fois regarder l’écran et jouer du piano. Quelle concentration, mais c’était rigolo ! » (1925)

 

« C’était toujours une récréation d’aller au cinéma. À l’en­tracte, des jeunes gens habillés de petits costumes rouges ou noirs, avec des tabliers blancs et des petites corbeilles attachées autour du cou, passaient dans les rangs pour vendre des esquimaux glacés, des chocolats, des petits bis­cuits et autres friandises. » (1950)

 

Extrait du dossier:

1895 1995, un siècle de cinéma.

 

 

Vieillir une maille à l’envers une maille à l’endroit

 

Une maille à l’envers...

 

Etre isolés des enfants et petits-enfants éparpillés dans lu monde entier.

 

Devenir dur d’oreille.

 

Changer de repères et d’habitudes à l’entrée en établisse­ment et devoir accepter les autres.

 

Manquer de force physique pour faire ce qu’on faisait autrefois facilement.

 

Perdre l’adresse et l’habileté des doigts pour boutonner son chemisier, se maquiller et tenir une aiguille.

 

Etre forcé de se mouvoir en fauteuil roulant ou « traî­ner la patte ».

 

Demander de l’aide et en souffrir quand on a été très indé­pendant.

 

Avoir peur d’être grabataire et d’être à la charge des autres.

 

Avoir des pertes de mémoire et ne plus se rappeler les noms si bien connus.

 

Voir mourir les gens qu’on aime et assumer les deuils.

 

Se replier sur soi-même, se mettre une carapace pour ne pas être vulnérable.

 

Regarder les gens, les choses, la télévision de plus en plus dans le flou.

 

Refuser les diminutions et les pertes des facultés physiques et psychiques, les petites misères du vieillissement.

 

Perdre de la vitesse dans les activités de la vie quoti­dienne.

 

Se parer de hanches en plastique et d’organes de rechange.

 

Ressentir la crainte de l’inconnu, de l’au-delà.

 

 

Une maille à l’endroit...

 

Se tenir au coin du feu avec le chat sur les genoux.

 

Voir ses enfants grandir et devenir adultes.

 

Fumer la pipe en évoquant les souvenirs du service militaire.

 

Tricoter des mitaines et des chaussettes pour les petits-enfants.

 

Prendre du recul avec une éducation parfois trop rigide et remettre la réalité à sa juste place.

 

Accepter limites et difficultés avec sérénité.

 

Espérer que la santé accompagne chacun longtemps.

 

Continuer à s’intéresser chaque jour aux nouvelles du monde.

 

Etre curieux des progrès de la science et des nouvelles tech­niques.

 

Profiter de la présence de son conjoint avec amour.

 

Apprendre à être grands-parents et arrière-grands-parents tolérants, à l’écoute des jeunes.

 

Entretenir des relations chaleureuses avec ceux que l’on aime.

 

Savourer les belles choses et les beaux gestes offerts par les petits et arrière-petits-enfants.

 

Evoquer avec indulgence et tendresse le temps passé.

 

Respecter la vie d’aujourd’hui avec des valeurs différentes des nôtres.

 

Se regarder dans le miroir avec bonté.

 

« Conserver ses beaux restes » et prendre la peine de soigner son apparence.

 

Promener son chien pour un plaisir commun.

 

S’intéresser aux autres, être là et rester sensible aux joies et peines de ses voisins.

 

Etre conscient du Souffle de Vie et regagner confiance.

 

Le matin, se réveiller content de voir le soleil levant.

 

Etre en paix avec soi-même.

 

S’approcher de la mort et mettre ses affaires en ordre.

 

S’ouvrir son propre chemin de bonheur.

 

Regarder fuir le temps avec humour.

 

 

A la fin des séances de tricot sur le vieillissement, les par­ticipants se sont posé la question de savoir si le nombre de mailles à l’endroit était plus important que le nombre de mailles à l’envers : il s’avère que les mailles à l’endroit sont plus nombreuses et que la laine de l’ouvrage est aux cou­leurs de la sagesse.

 

 

Notes du webmestre

 

        - A voir aussi sur ce site : Alise René (2006), En Atelier d’écriture l’imagination se débride

 

-         Notre section «  Histoires de vie en condensé », CLIC, se situe dans le même sens que les Ateliers d’écriture ici décrits. Donner sens à sa vie, en mettant par écrit les éléments clé de son expérience de vie. Nous contribuons ainsi à l’histoire de l’humanité en mouvement. HC.