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Mai 2009
LA VIEILLESSE. DE QUOI AVONS-NOUS PEUR?
2. Stimuler l’adaptabilité
Véronique LE RU et Eveline BARRAL
La
partie 1.
Le vocabulaire, se
trouve à CLIC :
Nous recommandons la lecture de «
Cet article est un extrait de l’ouvrage de Véronique Le Ru,
commenté par Eveline Barral,
(60
ans, protestante, et 40 ans professionnelle du médico-social en Angleterre puis
en France), dont les
réflexions sont en rouge foncé
Simone de Beauvoir a bien analysé le
fait qu’on est vieux pour autrui et non
pour soi : c’est le regard d’autrui qui nous fait vieux… Or le rejet
des vieux conduit à une impasse très onéreuse et très dommageable pour la
société et pour chacun de nous car, en rejetant les vieux, on rejette l’idée
que la conscience de soi se construit jusqu’à la mort, que l’histoire du moi
est un processus d’individuation qui dure toute
En effet on peut dire de la démence, en un sens qu’elle est en
partie produite par le rejet et la haine des vieux, intériorisés par le sujet
dément en haine ou horreur de soi, quand il se sent vieux… Or, ne pas ou ne
plus être reconnu comme semblable, n’est-ce pas ce qui peut arriver de pire à
un être humain ? N’est-ce pas la cause d’une crise d’identité majeure qui peut conduire à la dépression, à la
dépréciation de soi et, au pire, à la dépersonnalisation ?
Qu’il s’agisse de dépendance ou de démence,
l’exclusion des vieux a un coût astronomique en termes économiques et humains.
Il est temps d’en prendre acte et de travailler à ce que (…) les vieux puissent
faire sens socialement et pour
eux-mêmes…
Une époque où l’histoire s’accélère fortement,
il serait certainement utile de mettre en place des échanges entre générations,
ne serait-ce que pour acquérir un autre sens ou un autre rythme de l’histoire.
Ce qu’on appelle le devoir de mémoire pourrait s’élargir à un devoir de l’histoire où, à partir
d’expérience singulières, on peut apprendre à reconstituer le sens de grands
évènements qui marquent la vie d’une nation et d’une société civile.
Cela pourrait concerner les lycéens et
même les étudiants : ce serait pour eux un véritable exercice de
méthodologie en histoire, en sociologie ou en économie, de construire, à
l’appui de témoignages individuels, des
grilles de lecture concernant tel problème de la société civile ou tel
évènement historique. Par exemple, on pourrait très bien, imaginer une enquête
ou des entretiens sur l’introduction de la pilule contraceptive en France…
Il
ne devrait pas être si difficile de mettre en place des entretiens dans la
mesure où les personnes âgées, pour la plupart, apprécient de parler de leur
jeunesse ou de leur passé et gardent une mémoire souvent très précise des
évènements qui les ont marqués… Pour que cela opère réellement une transformation
symbolique des rapports entre générations et du statut des personnes âgées dans
la société il faut une vive impulsion
politique…
En effet, à la maison de retraite où j’ai exercé, avec l’animatrice
nous avions organisé tous les mercredis avec le centre social, le passage d’un
petit groupe d’enfants avec un ou deux résidents. En particulier avec un
MONSIEUR, centenaire qui était heureux de leur parler de la 1ère
guerre mondiale, à laquelle il avait participé et avait été « gazé ».
Un autre Monsieur leur avait parlé de courses de vélos de son temps.
Avec les lycéens ce serait encore plus approprié, mais plus
difficile à mettre en place, du fait de leur emploi du temps chargé (ce qui relèverait
bien d’une volonté politique évidente). Cependant, dans certains cas cela
nécessiterait un accompagnement d’un professionnel de la personne âgée, en particulier des personnes
souffrant de problèmes démentiels. Ces personnes peuvent réellement faire
preuve de cohérence et de lucidité même, lorsqu’elles parlent de leur ancien
métier ; mais il faut être là au « bon » moment !
La
société aussi aurait à y gagner car il n’y aurait pas, comme c’est le cas
aujourd’hui, une inter génération principalement suscitée par la famille, et
donc limitée aux rapports familiaux et conditionnée par ceux-ci…
Cela demande de construire de nouvelles
normes et de nouvelles valeurs, cela exige de ne plus verser dans un apparent jeunisme (apparent seulement parce que
la plastique des jeunes et beaux corps, si elle est omniprésente dans la
publicité, a peu d’impact sur le marché di travail et laisse beaucoup de jeunes
sur les marges) et de faire une place au « vieillisme », conçu comme le pendant positif du jeunisme, qui
signifierait une volonté réelle de valoriser la vieillesse, de
susciter la fréquentation des personnes âgées et le respect des anciens…
Il faudrait déjà que les professionnels arrêtent de se penser, si
spéciaux simplement parce qu’ils travaillent avec des personnes âgées (c’est la
poule et l’œuf). Les professionnels ont aussi besoin qu’on leur rappelle
combien il est valorisant d’être avec des personnes âgées, presque toutes
reconnaissantes du moindre geste à leur égard et tout le temps, fortes d’une
expérience de vie, ne serait-ce que du fait du nombre des années.
Et de par leur ralentissement, une fois un minimum de temps passé
avec ces personnes, elles sont globalement peu exigeantes en attention (car
dans leur propre monde ralenti). On a trop souvent tendance à se baser sur les
rares exceptions que l’on généralise volontiers.
Cela dit, si l’image ne fait pas la
réalité, en revanche le manque complet d’image défait la réalité… Les gens de plus de 80 ans n’ont plus
aucune visibilité et tendent à disparaître corps et biens de la scène
publique…
Pourtant, pour faire de la vieillesse
autre chose qu’un impensable et un impensé de la société, ne faut-il pas la
maintenir ou la réinsérer dans le tissu
social ? En effet, c’est par le tissu
social qu’on nourrit en soi l’activité tisserande de la vie qui ne cesse de
tirer les fils entre le normal et le pathologique, surtout quand la vie ne
tient qu’à un fil. Ce qui semble en effet caractériser la vieillesse entendue
comme le grand âge, c’est peut-être principalement le changement du rapport qui
s’institue, en nous malgré nous, entre le normal et le pathologique…Au-delà, je pense que beaucoup se préparent à leur propre
départ, dans le secret de leur cœur (parce que l’entourage ne peut ou ne
veut pas l’entendre).
Mon père (confus, souvent, selon nos critères !) me l’avait
clairement signifié en mots, devant mon étonnement à propos de ses longs
silences (alors que je l’avais connu bavard et s’intéressant toujours à tout)
C’est le temps de l’acceptation, autant pour la personne âgée devant ses
changements, physiques, intellectuels, affectifs, que pour son entourage proche
et professionnel.
On serait tenté de considérer la
vieillesse comme régie par le principe d’économie
des forces qui conduit un individu à changer de normes, à ne plus affronter
dans son comportement, tel ou tel risque parce qu’il sait ne pas pouvoir en
triompher (marcher sans canne par exemple). Du coup, il instaure d’autres
normes : marcher, c’est désormais marcher avec une canne. Dans cette
perspective, vieillir signifie rétrécir
son champ d’activités. Ce qui suppose estimer et choisir ce qui est
essentiel pour soi. En effet, réduire les risques ne signifie pas les éliminer
(seule la mort les élimine). Réduire les risques signifie instaurer d’autres normes de vie de manière à ce
qu’on y trouve son compte autant que faire se peut… Désormais le principe d’économie opère en toute
conscience : il régit le choix d’activités de la personne qui y consacre
toute son énergie, mais qu’elle choisit de mener à son
rythme et à son échelle.
Beaucoup de questions se situent autour de ce choix, peu respecté
par les professionnels, comme par les proches ; les uns parce qu’on ne les
a pas formé suffisamment à ces questions (qui sommes-nous pour évaluer si la
« vraie vie » n’est pas le rythme et l’échelle de la personne
âgée ?), les autres parce que c’est très souvent insupportable d’accepter
ce qui est perçu par la famille (et la société) comme une dégradation, plutôt
qu’un changement. Et ce ralentissement signifie déjà, faire le deuil d’un
parent aimé et d’accepter son départ prochain (lâcher-prise !)
La vieillesse serait caractérisée par
un état pouvant être qualifié d’état
pathologique normal (succession de plus en plus rapide d’ordre et désordre
de la santé).
La
vieillesse serait paradoxalement proche de l’état
amoureux. (J’adore et c’est tellement JUSTE par rapport à ce que j’en ai perçu
et vis au quotidien.)
Ce
qui paraissait important devient tout à coup secondaire pace que toute notre
énergie est concentrée sur l’être qui nous fascine. La vieillesse serait un
état analogue, où ce qui paraissait important s’avère dérisoire parce qu’on est
concentré sur ce qui reste en soi de force et de vie pour faire encore sens. La
vieillesse est proche de l’état amoureux dans un autre sens encore : les
personnes qui vieillissent bien sont souvent celles qui ont maintenu en elles
un désir et une force d’aimer et qui, par conséquent, ont encore aussi le désir
et la force de jouir de la vie…
Il
est certain que les relations d’amour
(sous leur forme morale ou physique) sont essentielles pour bien vieillir. C’est
au contraire le manque d’amour (aussi bien celui qu’on donne que celui qu’on
reçoit) qui est catastrophique, à tous les âges du reste.
La vieillesse, comme l’état amoureux,
serait l’état et la période de vie où l’on
est souvent dans la lune, où une douce
rêverie emporte la conscience et l’éloigne de l’adhésion immédiate au réel…
La vieillesse serait cet état pathologique normal où l’on vagabonde les yeux
ouverts, où l’on prend justement du
recul vis-à-vis des normes sociales… Combien de fois ne fus-je pas surprise
de trouver une grand-mère dans le silence et la pénombre du crépuscule et sans
aucun désir d’allumer la lampe :
« - Mais tu n’y vois rien !
-
Mais si, je suis
bien »…
Sens
d’une vision intérieure sans nécessité de lumière, ni de chatoiement du monde,
sens d’une méditation d’être sans nécessité d’objet… Autre manière d’être au
monde, davantage en retraite, davantage
en soi ou ceux qu’on a aimés et qui ne sont plus. Le retrait ici n’est pas
imposé du dehors, il s’impose devant un monde trop vivant devant son reste de
force…
Il faut rappeler qu’un sujet dépendant ou
dément reste avant tout un sujet humain dont on doit respecter
Cela
ne signifie pas imposer aux personnes âgées un changement de rythme ou de lieu
de vie… Non, il ne s’agit pas d’imposer,
mais d’informer : de dire par exemple que l’essentiel pour bien
vieillir est de maintenir dans sa vie du
désir, du risque, de l’imprévisible… Du désir, y compris sexuel… Le corps
flétri est absent du monde de l’image et, comme les images, à l’instar des
mots, ne sont pas les choses mais finissent par les faire, les corps vieux sont interdits d’image et même d’être. Du coup, la
sexualité des vieux est tuée, c’est une chose incongrue, saugrenue, qui doit
rester inconnue.
Maintenir
dans sa vie du désir, du risque, de l’imprévisible, c’est précisément cultiver
et stimuler le terreau de
l’adaptabilité : C’est décider de ne pas regarder vers la mort dans
l’angoisse projetée de cessation de tout projet, d’annihilation de la
conscience de soi et d’arrêt de l’histoire du moi, mais de regarder vers la vie comme invention de formes et de projets et
comme apparition singulière de l’imprévisible. Cela ne veut pas dire qu’on
oblitère la mort, mais cela veut dire qu’on l’accepte comme naturelle en
acceptant d’abord de vivre… Cette acceptation de la mort peut être aidée par la
lecture d’ouvrages de littérature
(Proust, Le temps retrouvé), de philosophie (Epicure, Sénèque, Cicéron,
Montaigne ou Schopenhauer)…
Comme
le remarque Jean Maisondieu, si la mort retrouvait sa place de phénomène
naturel totalement indépendant de notre volonté, la vieillesse pourrait alors
être « recadrée » dans
Une sérénité extraordinaire se dégage
des personnes âgées qui ont accepté qu’elles doivent mourir un jour, et qui,
par cette acceptation, se libèrent de la confrontation avec