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Janvier 2009

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LA VIEILLESSE : DE QUOI AVONS-NOUS PEUR ? Le vocabulaire.

 

Véronique  LE RU. Article mis en forme par Henri Charcosset

 

L’ouvrage de Véronique Le Ru, philosophe, au titre écrit ci-dessus en majuscules, publié en 2008 chez Larousse,, vaut d’être lu en entier.

 

Simone de Beauvoir, quand elle publie « La vieillesse » en 1970, a encore trois ans devant elle avant d’entrer dans la catégorie des vieillards, mot qu’elle utilise sans scrupules pour désigner des personnes de plus de 65 ans… Peut-on imaginer aujourd’hui une femme  ou un homme politique parler des conditions d’hébergement ou des résidences de vieillards ? No, désormais, on prend des gants.

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Prenons le mot  « senior ». Il désigne en réalité des catégories d’âge très différentes : dans la Rome antique, les seniors sont les citoyens « de réserve », qui ont entre 46 et 60 ans. Quand l’usage du mot en français, apparaît vers 1890, le terme de « senior » désigne un sportif de plus de 18 ans, qui ne joue plus en

« junior »… Plus tard, le senior est relégué dans l’équipe des vétérans (ce qui peut varier considérablement d’un individu à un autre).

Puis le terme de « senior » a pris deux sens différents dans le registre économique et commercial. Il s’agit déjà de désigner des « plus de 50 ans » qui sont  soit relégués dans des fonctions subalternes, soit au chômage ou sans perspective d’emploi. Il a par ailleurs conquis ses lettres d’or pour désigner « les plus de 60 ans » qui ont droit à des réductions dans le prix des billets de train, par exemple, grâce à la fameuse carte du même nom. En effet, depuis 1998, la cartes Vermeil est devenue Senior, appellation jugée bien plus commerciale en raison sans doute de son origine sportive.

 

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Quant à l’expression « personne âgée », si elle est politiquement correcte,  elle ne veut rien dire littéralement, car nous sommes tous des personnes âgées… Ce que signifie proprement l’expression de personne âgée, à savoir une personne inscrite dans le temps, est gommé en même temps que la personne, pour ne laisser subsister qu’une qualité chosifiée : l’âge. Cette classification de l’âge ne laisse pas d’interroger, car une personne, du moment qu’elle est dite âgée, n’a plus d’âge : « octo », « nono » peu importe, on l’a mise dans une case. Cette mise en âge ressemble à une mise en cage… Transformer les vieux en une catégorie empêche la question de savoir vieillir et de savoir mourir aujourd’hui… Toutes les études faites sur les  personnes âgées (…) convergent : elles considèrent les  « vieux » comme un groupe social déterminé qu’il faut traiter spécifiquement en termes de soins, de coût, de lieu de vie, etc. mais jamais en terme de philosophie.

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La vieillesse est souvent pensée en terme de perte (perte de vitalité, perte d’énergie, perte de mémoire)…La vieillesse fait peur, parce qu’elle est associée, dans nos imaginaires, au déclin, à la décrépitude, à la mise en quarantaine quand on a précisément doublé la quarantaine.

 

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Depuis 1945, l’Etat et la société ont mis en place une politique sociale concernant les personnes âgées, et engagé des dépenses importantes et efficaces qui ont amélioré considérablement les conditions de vie et la santé des personnes âgées. Les politiques-vieillesse, les dépenses-vieillesse, ou encore le minimum-vieillesse ont contribué à renforcer la construction sociale de la vieillesse comme temps de la dépendance et de la ségrégation sociale.

 

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Notre hypothèse  (Véronique  le Ru) est qu’il faut substituer à une catégorisation de la vieillesse une conception de la vieillesse qui en fait une étape incontournable dans l’histoire  du moi et dans le processus d’individuation et le devenir d’un être humain.

 

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Au sens strict, le terme « vieux » comme le terme « jeune » ou le terme « aîné », « cadet », etc. ne devrait prendre sens que pour exprimer une comparaison d’ordre temporel entre deux personnes, deux êtres ou, par extension, deux choses…

L’apparition de la catégorie de personne âgé ou de l’objet « vieux » tient donc en premier lieu à une traduction de la durée de la vie en termes de quantité d’années. L’âge est quantitatif, parce qu’on pense le temps en termes d’espace, de longueur, d’accumulation. Du coup, la relativité du mot « vieux disparaît…

Cependant nous ne nions pas le fait que cette quantification a permis l’émergence de sciences nouvelles, comme la gérontologie ou encore la démographie et la réflexion sur la pyramide des âges…

Reconnaissons que les politiques sociales qui ont pu émaner de cette quantification ont eu pour principal succès de défaire les chaînes qui liaient irréductiblement vieillesse et pauvreté.

Prenons acte du fait que transformer des êtres humains en catégorie quantifiable représentant telle « population à risque, pathogène ou psychologique » permet de les traiter correctement… En traitant la vieillesse comme une maladie qui exige une médecine (une formation en internat) et un service de soins spécifiques (service de gériatrie ou de gérontologie à l’hôpital), en lui conférant le statut paradoxal d’état pathologique, on a considérablement amélioré les conditions de vie des vieux ;

 

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Mais n’est-il pas temps maintenant de permettre  à ceux qui vieillissent (nous tous) de construire le sens de leur vie ? Il en va de la liberté de chacun, et donc de tous…

Face à la question du savoir vieillir et du savoir mourir dans la société, on peut apprendre de l’histoire, on peut comprendre la grande disparité du sens, suivant les époques et les civilisations, du mot « vieux ».

On peut surtout apprendre de soi-même. Le vieillissement commence à la naissance. Chacun d’entre nous, par son histoire individuelle, construit un style propre d’être au monde.

A la question du savoir vieillir et du savoir mourir dans la société, on peut déjà répondre que tout est une question de savoir vivre. Savoir vivre, ou vivre en conscience c’est d’abord ne pas vivre par procuration, qu’elle soit conjugale, familiale, médicale ou sociale.

Personne ne peut mourir pour moi, personne ne peut vieillir pour moi, personne ne peut vivre pour moi.  Plutôt que de vouloir conjurer la vieillesse et la mort (…) on devrait peut-être se rappeler plus souvent que vivre c’est vieillir et que vivre c’est mourir. Se rappeler aussi, comme le souligne Pascal dans ses 

 « Pensées » (éd. Seuil, 1962) que l’on mourra seul.