Juin 2025
VIVRE AU PRESENT. REMEDE A L’ANGOISSE DE LA MORT
Violaine GELLY, psychopraticienne
Article paru
dans Psychologies de Juin 2025
« Si tu veux entendre Dieu rire, confie-lui tes projets », dt un proverbe juif. Pour autant, une vie sans projets
serait-elle celle d’une pierre au bord du chemin ? Vivre le présent ne
signifie pas mépriser le passé et insulter l’avenir ; c’est savourer ce
que nous vivons en essayant de ne pas nous laisser submerger par des pensées
négatives nées de nos expériences terminées et nos projections imaginaires.
Cela porte le joli nom d’« acceptation ». Vivre le présent, c’est accepter
l’incertitude, accepter que nous ne sachions pas, accepter que nous ne maîtriions pas. Sinon, comme le résumait cyniquement
Frédéric Moreau, le héros de Flaubert : « La vie se résume à voir
venir et voir passer1. »
Vivre le présent, c’est accepter
le risque de nous ouvrir à d’autres opportunités, de pousser de nouvelles
portes, imaginer des issues que nous n’avions pas envisagées. Vivre au présent,
c’est être flexible, souple, créatif. Vivre au présent, c’est aussi se poser la
seule question qui vaille au regard de toutes les sagesses : hier, j’étais
ceci, demain, j’aimerais cela ; et aujourd’hui, qui suis-je ?
Le présent est donc identitaire, c’est moi qui le vis et personne
d’autre à ma place. Il est également unique : si je ne l’habite pas
maintenant, je n’aurai jamais l’occasion de le faire. Ce que sous-entend notre
présent, c’est le plus jamais… Voilà sans doute la principale difficulté :
accepter que le temps nous soit compté, accepter que la mort approche et que
nous n’en connaissions pas l’heure.
En fuyant le présent dans des
nostalgies passées ou des projets rêveurs, nous fuyons cette réalité-là. Et
nous nous privons du seul réconfort qui nous permette de mettre la mort à
distance : aujourd’hui, ici et maintenant, je suis vivant, rien d’autre
n’existe.
Appuyez-vous sur ces mots du philosophe, et quelque peu poète, Vladimir
Jankélévitch : « Il n’est rien de si précieux que ce temps de notre
vie, cette matinée infinitésimale, cette fine pointe imperceptible dans le
firmament de l’éternité, ce miniscule printemps qui
ne sera qu’une fois, et puis jamais plus2. »
●
1. Dans L’Éducation sentimentale
de Gustave Flaubert (Folio, "Classique", 2005).
2. Dans Le-Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, tome
I de Vladimir Jankélévitch (Points, "Essais", 1981).
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