Décembre
2025
DEBORDES,
ASPHYXIES ?
RESPIRER POUR SE
RETROUVER
Nathalie RAPOPORT-HUBSCHMAN
(Psychologies
- Décembre 2025)

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Médecin
psychothérapeute spécialisée en psychologie de la santé, elle dirige
l’Institut de médecine corps esprit et forme des professionnels de santé.
Elle est l’autrice de : Vivre en accord
avec soi (Odile Jacob, 2024). |
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T |
out
va trop vite. Les mails s’accumulent, les notifications clignotent, les
imprévus se bousculent. On a parfois une impression d’« asphyxie »,
le sentiment d’être pris dans un tourbillon où l’on ne s’appartient plus. Le
corps se tend, le souffle se bloque, l’esprit se disperse. On ne sait plus par
où commencer ni ce qui compte vraiment.
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C |
ette
impression n’est pas un signe de faiblesse : c’est une réaction naturelle
au stress. Notre cerveau a tendance à anticiper le pire, et notre corps, à
passer en mode alerte. Dans cette zone rouge, tout devient urgent, la moindre
parole semble critique, on se sent débordé avant même d’avoir commencé.
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L |
e
problème n’est pas de s’y trouver – c’est inévitable – , mais d’y rester. Car
dans cette zone rouge, nous perdons tout recul. L’esprit tourne plus vite, mais
pense moins juste. Et plus nous nous sentons tendus, plus nous cherchons à tout
contrôler, jusqu’à nous couper de nous-mêmes.
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L |
e
psychologue Paul Gilbert a décrit ce basculement entre la « zone
rouge », liée au système de menace, et la « zone verte », celle
de l’apaisement et de la sécurité intérieure. Nous passons sans cesse de l’une
à l’autre, mais dans nos vies modernes, la zone rouge tend à prendre de plus en
plus de place.
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L |
a
tendance au perfectionnisme entretient ce cercle vicieux : vouloir que
tout soit parfait, ne rien laisser passer, rester performant en toutes
circonstances. Cette exigence, souvent invisible, nous enferme dans la tension.
Elle nous fait oublier que nous ne sommes pas des machines, et que la vie ne se
gère pas comme un tableau Excel.
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À |
l’opposé, viser la
zone verte, c’est revenir à un corps qui respire, à un esprit qui se pose, à
une perception plus claire des priorités. Revenir en zone verte ne demande pas
de tout changer : il suffit souvent d’une minute.
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P |
renez un instant pour respirer lentement : inspirez par le
nez pendant trois secondes, expirez doucement par la bouche pendant un temps
plus long. Au moins trois fois. Le coeur se calme,
les épaules se détendent, le mental s’éclaircit. Ce petit espace du souffle
suffit à dire au cerveau : je ne suis plus en danger.
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C |
es
micro-pauses ne sont pas du temps perdu : elles sont du temps retrouvé.
Dans cet espace, nous redevenons capables de choisir, de ressentir, d’agir sans
précipitation. Etre en zone verte n’est pas un luxe,
c’est la base de notre équilibre.
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S |
ortir
de l’asphyxie, c’est accepter d’être imparfait, de ne pas tout maîtriser, et de
retrouver ce mouvement simple : inspirer, expirer, recommencer. C’est
ainsi que l’on retrouve un espace intérieur apaisé, celui qui permet de tenir
dans la durée sans se perdre en route. ●
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S |
ources : The Compassionate
Mind, a New Approach to Life’s Challenges de Paul Gilbert
(Constable & Robinson, 2009) ; The Perfection Trap, Embracing the Power of Good Enough
de Thomas Curran (Scribner,
2023) ; « Effect of breathwork
on stress and mental health : a meta-analysis of randomised-controlled trials » de G.W. Ficham, C. Strauss, J. Montero-Martin et al. (Scientific
Reports, 13, 432, 2023).