Aout 2025
L’ALLER
VERS. À LA RENCONTRE DES PUBLICS ISOLES
Pascale LEMAIRE-TOQUEE
(Les
Apprentis d'Auteuil - Août - Septembre 2025)
Depuis
plusieurs années, Apprentis d’Auteuil a fait de « l’aller vers » une
des priorités de sa politique d’insertion. Pourquoi ? Comment ?
Les explications de Pascale Lemaire-Toquec, directrice Ressources éducatives Études et
Accompagnement métiers.
Pascale
Lemaire-Toquec
Directrice Ressources éducatives
Études et Accompagnement métiers
Qu’est-ce que « l’aller
vers » ?
Cette démarche qui n’est
pas nouvelle dans le champ social, consiste à aller à la rencontre des
personnes éloignées de l’emploi ou de l’insertion, que l’on ne parvient pas à
toucher si l’on se contente de rester derrière un bureau en attendant qu’elles
viennent vers nous. Cela concerne les jeunes ou des familles qui ne savent pas comment faire
pour être accompagnés ou qui ne demandent pas les prestations sociales
auxquelles ils et elles ont droit. Parmi les jeunes ni en emploi, ni en
formation (NEETS), qui représentent 12 % des 16-29 ans, certains ne
sortent plus de chez eux, restent dans leur quartier, dans leur environnement
très proche. Ils n’ont plus confiance dans les institutions censées les aider.
Ils ont aussi beaucoup de mal à effectuer des démarches administratives et tout
ce qui est formel. Aller vers eux, de façon informelle, permet de créer une
relation de confiance et de leur montrer qu’il est possible d’être accompagné
autrement.
Nous avons donc fait de
« l’aller vers » une des priorités de notre politique d’insertion
pour ne pas laisser ces jeunes au bord de la route.
Comment
« l’aller vers » se traduit-il concrètement à la fondation ?
Nous avons dû innover,
inventer d’autres manières de toucher les jeunes là où ils se trouvent. Nous
nous sommes associés à des partenaires de l’action sociale, pour nous faire
connaître de ces publics, nous communiquons sur les réseaux sociaux, créons des
événements… Notre premier dispositif, Impact Jeunes, a démarré en 2017 à
Marseille. Sa spécificité est d’agir au sein de différents quartiers
prioritaires de la ville : nos « boosters d’insertion » vont
sonner à toutes les portes d’une barre d’immeubles ou d’un micro-quartier pour
toucher les jeunes. A partir de leurs envies, nous construisons un projet qui
les ramène soit à l’école, soit vers l’emploi ou la formation. Depuis, Impact
Jeunes a essaimé dans d’autres régions, notamment en Seine-Saint-Denis. Nous
avons réussi à développer d’autres dispositifs mobiles comme le Bus des
possibles, qui va à la rencontre des jeunes dans les zones rurales du Var, ou Potenti’elles, qui s’adresse plus particulièrement aux
jeunes filles, dans le Nord-Est.
Quelles
sont les retombées de ces dispositifs?
Via Impact Jeunes, nous avons
accompagné 1 200 jeunes en 2024 avec un taux de sorties positives de 60 %.
Au-delà des chiffres, les effets sont aussi qualitatifs, car ce sont autant de
jeunes qui se sont lancés dans un projet, une formation ou une insertion vers
l’emploi. Grâce à cette démarche, nous avons touché des jeunes que nous ne
touchions plus avec nos dispositifs traditionnels. Ces jeunes nous disent qu’en
s’adressant à eux différemment, nous leur avons ouvert le champ des possibles.
Mais aujourd’hui, ces dispositifs mal financés, pourraient rendre à nouveau ces
jeunes « invisibles », s’ils venaient à s’arrêter. D’où l’importance
de continuer à se mobiliser pour qu’ils continuent à exister. ■