Octobre 2025

L’EFFET NOCEBO

 

                                                                                              (Psychologies - Août 2025))

 

Chaque mois, Psychologies fait la lumière sur un biais cognitif, un filtre de la pensée qui peut altérer notre jugement. Aujourd’hui, focus sur le pouvoir du mental sur le corps, même quand il n’agit pas pour le meilleur.

PAR AURORE AIMELET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N

ous connaissons tous l’effet placebo, « je plairai » en latin. Ce phénomène surgit comme par miracle lorsqu’un traitement totalement inactif provoque une réponse positive de l’organisme. Pressenti dès le XIXe siècle, notamment par le Dr Armand Trousseau, il est mis en lumière par le Dr Henry Beecher pendant la Seconde Guerre mondiale. À court de morphine pour soulager les blessés, il leur injecte une solution saline en affirmant qu’il s’agit d’un médicament, et constate une diminution de la douleur chez les soldats. Depuis, de nombreuses études scientifiques ont démontré l’efficacité de l’effet placebo sur des troubles tels que les céphalées, les rhumatismes, les ulcères ou encore l’anxiété.

 

«

 JE NUIRAI »

P

uisque le simple fait de croire qu’un traitement est bénéfique suffit parfois à en obtenir de réels bénéfices, nous pouvons logiquement envisager que l’inverse soit vrai. C’est ce qu’on appelle l’effet nocebo, « je nuirai » en latin. « On parle d’effet nocebo lorsque l’effet psychologique ou psy sociologique associé à la prise d’une substance inerte (comme une pilule de sucre ou une solution saline), qui n’a aucun effet pharmacologique documenté, engendre des effets délétères pour l’individu », précise l’Inserm1.

 

À la clé ,de vilains symptômes. Sont-ils imaginaires ? « Absolument pas ! C’est justement l’erreur à ne pas commettre, affirme le Dr Dominique Dupagne2. Les douleurs, vertiges, fatigue intense, diarrhée, baisse de tension sont bien réels.

L’effet nocebo modifie notre fonctionnement cérébral, notre seuil douloureux, notre métabolisme ou encore nos équilibres hormonaux.

Ce n’est pas du "chiqué" et encore moins des manifestations hystériques survenant chez des personnalités fragiles. Tout le monde peut être concerné. »

 

A

limenté par l’anxiété, ce phénomène peut non seulement réduire l’efficacité d’un traitement, mais aussi fausser les résultats des recherches cliniques. Pour en atténuer l’impact, il est essentiel de nous informer auprès de sources fiables plutôt que sur les réseaux sociaux, de cultiver une relation de confiance avec les soignants et de réguler notre stress grâce à des techniques de relaxation.

 

 Soyons un bon médecin pour nous-même en faisant nôtre ce principe fondamental en médecine : primum non nocere, « d’abord ne pas nuire ».

1

. « Effet placebo, effet nocebo, aucun effet, vraiment ?, Inserm, 8 février 2022.

2

. « La puissance déroutante de l’effet nocebo », sur le podcast Santé polémique de France Inter, 15 janvier 2019.