Novembre 2025
DU
BON USAGE DES BENZODIAZEPINES
Pascale
SANTI
(Le Monde - Mercredi 16 avril
2025)
SANTÉ – Les autorités sanitaires alertent sur la conommation abusive de ces anxiolytiques et hypnotiques
Xanax, Lexomil, Témesta…
Plus de 9 millions de personnes en France ont consommé des benzodiazépines en
2023, prescrits pour traiter l’anxiété et les troubles sévères du sommeil.
C’est trop, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui
lance une campagne jeudi 10 avril. Son but : sensibiliser le grand public
et les professionnels de santé au bon usage de ces médicaments. S’ils sont
recommandés et efficaces pour un usage ponctuel, ils sont trop prescrits, trop
longtemps, et ne sont pas sans risques, alerte l’agence sanitaire.
Commercialisés
depuis les années 1960, ces produits agissent sur le système nerveux central.
Il en existe aujourd’hui une vingtaine. Parmi les plus consommés figurent
l’alprazolam (Xanax et génériques), le bromazépam (Lexomil), le lorazépam (Témesta). La France est le deuxième plus gros consommateurs
de ces médicaments en Europe, avec 34 gélules par an par habitant, derrière
l’Espagne (54).
Problème :
« 40 % des patients traités, soit 3,6 millions ont des durées de
prescription trop longues », déplore Philippe Vella, directeur médical
à l’ANSM. Or, la durée du traitement ne doit pas dépasser douze semaines pour
les anxiolytiques. Et, pour l’insomnie, elle doit être la plus courte possible,
de quelques jours, sans dépasser trois à quatre semaines, selon les autorités
sanitaires. Des rappels bienvenus alors même que dans la troisième saison de la
série américaine The White Lotus, l’actrice Parker Posey
prend ses pilules de lorazépam à toute heure de la journée, comme des bonbons,
et souvent accompagnées de cocktails alcoolisés.
Le cas des 18-25 ans
Car plus la durée est longue, plus les risques de
dépendance et d’effets indésirables sont grands : somnolence, troubles de
la mémoire, accidents, chute chez les personnes âgées… Les benzodiazépines sont
en outre déconseillés aux femmes enceintes. Autre risque pointé : ils
réduisent fortement la capacité à conduire. « La prise d’alcool est
d’ailleurs fortement déconseillée », ajoute par ailleurs l’agence.
Pour
inverser la tendance, l’ANSM travaille avec les laboratoires pour proposer des
boîtes de conditionnement limité (cinq à sept comprimés pour les hypnotiques).
Une façon de ne pas stocker ces produits dans les armoires à pharmacie
familiales.
Or, « seulement
trois Français sur cinq savent que ces médicaments doivent être pris sur une
durée courte et seulement une personne sur deux connaît le risque lié à
l’altération de ses capacités (chutes, pertes de mémoire) », selon une
étude réalisée en ligne fin 2024 par Viva Voice, citée par Catherine Paugam-Burtz, directrice générale de l’ANSM.
Elle cible
notamment les 18-25 ans, chez qui la hausse de consommation de ces produist est jugée « inquiétante » et le
risque de dépendance peu connu. Autre cible, les plus de 65 ans,
particulièrement à risque car les plus consommateurs et les plus concernés par
le mésusage, avec des prescriptions souvent sur une très longue durée. De plus,
« ils sont souvent polymédiqués, la vigilance
est de mise en raison d’interactions [notamment avec des opioïdes] »,
avertit Philippe Vella. Dans tous les cas, la déprescription
doit être pensée dès la prescription, insistent les autorités sanitaires.
De même,
l’ANSM met en avant des alternatives non médicamenteuses pour lutter contre
l’insomnie et l’anxiété, comme l’activité physique, et la limitation de
consommation d’excitants (alcool, tabac, café…).
La
campagne, qui dure cinq semaines, se décline en ligne sur les réseaux, sous
forme de partenariat avec des créateurs de contenus, des vidéos, notamment avec
WhyDoc, et sur papier sous forme d’affiches et de
brochures d’information. Elle vise aussi à sensibiliser les professionnels de
santé, car 75 % des prescriptions de benzodiazépines se font en ville, la
plupart par des médecins généralistes. ■
PASCALE
SANTI