Aout 2022
NO SEX
Lorraine de FOUCHER et
Sofia FISCHER
Article
paru dans Le Monde des 10-11 Juillet 2022
C’est la
grande récession sexuelle : parmi les 15-24 ans, beaucoup n’ont pas de
rapports intimes. Sans forcément de regrets ni de frustration. La virilité pour
les hommes, le don de soi pour les femmes, la performance pour tous : ils
contrent des modèles dominants par une chasteté assumée
Pas plus si
affinités
Plus de quatre jeunes sur dix, parmi les 15 à 24 ans, n’ont pas
eu de rapport sexuel en 2021. Les confinements n’ont certes pas aidé. Mais cette
abstinence est aussi une manière de résister à la dictature de la performance.
S’autoriser à ne pas faire l’amour, ne même pas en avoir envie : une
révolution sexuelle est en marche
|
ls
fleurissent sur les étals des marchands de journaux en même temps que les mots
fléchés de l’été pour tromper l’ennui de la plage, ou les Super Picsou Géant
pour occuper les enfants lors des longs voyages. Les hors-séries spécial
sexe agrémentés de « unes » suggestives, de propositions
d’acrobaties renouvelées pour pimenter son intimité et d’injonctions à la
sexualité sont un incontournable estival, rappelant à chacun qu’en cette
période il s’agit autant de baiser que de bronzer, boire du rosé et manger du
melon, surtout quand on a moins de 25 ans. Comme une esthétique du contre-pied,
un chiffre nous a interpellées, déniché dans un baromètre annuel réalisé par
l’IFOP pour le Sidaction en février 2022. un millier
de 15-24 ans sont interrogés sur leur perception du VIH et de sa dangerosité.
Au milieu des questions sur la prévention, une sur le nombre de partenaires au
cours des douze derniers mois, 43 % des jeunes interrogés n’avaient pas eu
de rapport sexuel, et 44 % avec un seul partenaire – des chiffres en
légère augmentation ces dernières années.
Loin
des clichés sur les jeunes – si tant est que la jeunesse soit une catégorie –
bourrés d’hormones dont les interactions sociales seraient réglées par un désir
pas encore contraint par des impératifs professionnels et conjugaux, les ados
et post-ados semblent en pleine régression sexuelle. Autour de nous, la
statistique de l’IFOP surprend les générations d’après, mais pas les premiers
concernés. Les plus de 30 ans fantasment la fête du slip chez les moins de 25,
comme une période de liberté regrettée. Ils s’en affolent même : « Tu
te rends compte, presque un jeune sur deux ne fait pas l’amour ! », là
où les premiers concernés semblent répondre : « Et
alors ? »
« |
On
préfère
ne pas le faire
et se coucher
tranquillement
plutôt que
de se forcer »
|
Léo,
21 ans
|
Enfin,
pour ceux qui ont accepté de nous répondre. Car avant de les convaincre de nous
parler de leur libido en berne et de ces longues traversées du désert, il a
fallu passer par mille subterfuges. Nous nous sommes même retrouvées sur des
plages varoises un dimanche d’élections à les interroger sur l’abstention – et,
par un subtil glissement sémantique, à aborder le sujet de l’abstinence, au cas
où. A chaque fois, le même sourire gêné. Il a donc fallu employer les grands
moyens : utiliser les comptes d’Instagram à gros chiffres pour faire
passer des appels à témoignages, s’imposer dans les soirées étudiantes pour
solliciter les penseurs de cette grande démission.
I |
ls
sont une dizaine autour de la table, dans une petite cabane de jardin planquée
au fond du domicile parental de l’un d’eux, un soir de juin. C’est un groupe
d’amis d’enfance de Haute-Savoie. Ils ont 21, 22 ans et fêtent l’anniversaire
d’un copain de la bande. Ils enquillent les bières et roulent des joints, rient
fort. Ils sont beaux, la peau bronzée par le début de l’été et le verbe facile,
le genre de garçons qu’on imagine à l’aise pour draguer. « Qui va se
lever pour dire à la journaliste qu’il n’a pas baisé ? » Mais
très vite, sur la terrasse de la cabane, dans la nuit qui tombe, à l’é
c |
art
du groupe, les langues se délient. Derrière la façade de fantasmes, il y a des
garçons parfois pétris d’angoisse. Celle de la peur de la honte et de
l’humiliation, celle de la pression de la virilité et pour tout ce qu’elle
chante, et la bouillie du désir qu’il en reste. Tous avouent à demi-mot que,
finalement, le sexe, ils n’y accordent pas autant d’importance qu’on pourrait
le croire. Voire ils n’en ont clairement pas envie. Il y a celui qui a été
longtemps dégoûté après une première fois « foireuse », celui
qui n’a pas de libido, celui qui est encore « puceau ».
L |
éo,
21 ans, étudiant en musique, a eu la nausée pendant deux ans quand il pensait
aux relations sexuelles, après une première fois
« traumatisante ». il n’a pas assuré, et
sa partenaire lui « a fait comprendre, violemment ». « En
tant que mec, on porte la responsabilité de la première fois, on est censé
driver le truc, alors qu’en fait on est tout aussi paumé qu’elle. » Lui,
qui n’a été élevé que par des femmes auprès desquelles il dit avoir appris « le
respect et la patience », a récemment trouvé une petite amie enfin sur
la même longueur d’onde que lui. « On a vraiment pris notre temps, et
puis on est très francs, on préfère ne pas le faire et se coucher mutuellement
plutôt que de se forcer. »
N |
athan,
à ses côtés, découvre la sexualité vers 16 ans et trouve ça « trop
cool ». Mais très vite, il commence à avoir la désagréable impression
de « remplir des quotas ». aujourd’hui,
avec la pression des études, le sport et les potes , il n’a plus trop
envie de sexe. Dans la géographie de sa vie, c’est un territoire assez aride
qu’il a moins envie d’explorer. Alors, ce « quota » pèse
d’autant plus qu’il le remplit moins. « Ce côté quantifiable, hypernormé » pèse sur son image « de
mec » et abîme son couple. Parce que sa copine, comme des ex
auparavant, n’accepte pas sa libido timide. Au point où, parfois, « elle
commence à faire des choses alors [qu’il] n’en [a] pas
envie ». Une fois, elle est même allée si loin que Nathan pense avoir
touché « le point de rupture ». Derrière la pression de la « normalité »
d’une régularité des rapports, les agressions conjugales ne sont jamais
loin. Sortis de l’effervescence du groupe, les garçons en parlent plus ou moins
librement, sans jamais pour autant employer les mots qui font mal. « Dans
les films et les séries, on voit souvent le mec qui initie les choses. Or
parfois c’est l’inverse, et ça peut mal se passer. Mais on ne voit jamais un
mec sur les réseaux sociaux se plaindre de ce type d’événement », détaille
le jeune homme en tirant sur ses boucles brunes. « On a l’impression
qu’un mec ne peut pas subir ça, on se dit qu’un mec, ça peut se
défendre. »
G |
wayn,
22 ans, étudiant en école d’ingénieurs à Lyon, est encore vierge. Au départ, il
parle de sa « peur de mal
faire », et de la pression – encore – qui entoure ce rite de passage. Mais
très vite se dessine, surtout, l’absence d’envie. Sa virginité semble encombrer
les autres plus que lui-même. Par-dessus tout, il aimerait « qu’on
[lui] foute la paix ». a
l’école d’ingé, où « c’est encore super tabou ce genre de chose », en
soirée, on lui montre des filles de loin. « Elle, elle est open. »
Mais lui n’a pas envie de brader la chose. D’autres, plus proches,
tentent de le rassurer en lui disant « que ce n’est pas grave », ce
qui l’énerve : « A force de répéter que ça va, ça va, ça devient
suspect. Les gens ont peur que j’aie peur de rater quelque chose, mais en fait,
ça ne m’intéresse vraiment pas tant que ça. » devant les filles, il
faut faire bonne figure, et le jeune garçon aux longs cils a du mal à avouer « qu’il
ne l’a jamais fait ». A son père, , il n’ose
pas parler, par peur qu’il « panique et qu’il se demande ce qu’il a
raté dans son éducation ». Même si « c’est comme le
vélo », estime le jeune homme : « Si on a appris deux,
trois ans après tout le monde, est-ce que c’est pour autant qu’on a une enfance
pourrie ? Non. Personne ne se souvient avoir appris à faire du vélo
plus tard que les autres. »
A |
la terrasse d’un
hôtel particulier du 9e arrondissement de Paris, Camille Aumont Carnel, la créatrice du compte Instagram @jemenbatsleclito
aux 700 000 followers, n’est pas surprise par la statistique de l’IFOP. La
jeune femme de 25 ans vient de sortir un livre, #ADOSEXO (Albin Michel
Jeunesse, 304 pages, 19,90 euros), pour lequel elle a réalisé 1 200 interviews.
Robe orange, grandes lunettes, elle pioche dans un gâteau au chocolat et
analyse : « On devrait accueillir avec la même énergie une
personne qui dit avoir quinze rapports la semaine dernière et celle qui n’en a
pas eu depuis un an. L’abstinence va être méga à la mode. » Elle a
écrit ce guide pour répondre à toutes les questions qu’elle recevait sur son
compte, pour compenser des cours de biologie plus enclins à « apprendre
à faire pousser des lentilles dans des cotons qu’à parler de sexualité ».
L |
e
corpus qu’elle a constitué a fait émerger des lignes de force intéressantes sur
le rapport de cette génération à la sexualité. Notamment
la notion de « précarité relationnelle » :
« Les ados se sentent seuls, ils, ils ressentent beaucoup de
jugement. La famille est leur pire
angoisse, alors il reste leurs potes qui sont tout aussi paumés qu’eux. Ils
sont paumés et ils parlent de trucs de paumés entre eux de manière floue et
imprécise », explique-t-elle en souriant. Le sexe reste un sujet « sale »,
le seul qui est sous-traité par des parents revendiquant de parler de tout. « et des phrases comme ‟Tu seras toujours mon
petit bébé”
les ramènent à des êtres non sexués. C’est la même difficulté d’en parler
|
Autre
enseignement, selon Camille Aumont Carnel : la
dictature de la performance. Les garçons sont écrasés par la mission de coucher
avec une fille, il faut l’avoir fait. Les filles par la charge mentale induite :
« Faut que je m’épile, que j’aie pas mes
règles, que je sente bon, comment je suis sûre d’être consentante… Le sexe
devient un bail relou, comme faire sa compta ou s’inscrire sur Parcoursup. D’où l’immense flemme. C’est tout sauf du
feeling joyeux, c’est plutôt nul comme un TPE [un devoir]. »
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Les schémas suggérés par les flots de
porno gratuit et accessible en deux clics (YouPorn, PornHub et compagnie) sont passés par là, le mouvement
#metoo aussi. Les filles ont peur. Pourquoi les trois quarts de nos copines
ont été violées ?, interroge l’instagrameuse. On entend parler de violence sexuelle
tout le temps. Alors elles se recentrent sur elles, deviennent leur propre
projet et baisent avec elles-mêmes. Elles font une année sabbatique du
cul. » Ainsi, il se passerait sous la couette la même chose que dans
les grandes entreprises : les étudiants récusent les modèles
professionnels et sexuels préétablis pour eux, et démissionnent pour prendre le
temps d’inventer autre chose.
R |
ose
a 26 ans et un compagnon. En 2021, elle n’a pas eu de rapport. « Au
départ, j’ai pris ça pour du désintérêt. Mais j’ai compris qu’en fait, c’était
à cause de l’anxiété. » La pandémie, le stress lié au travail et au
réchauffement climatique ont créé chez la jeune femme un cocktail inquiet qui,
en plus de saper sa libido, lui a fait développer un vaginisme qui empêche tout
rapport. « L’hypervigilance des distances de sécurité, de tout,
l’analyse de tout, tout le temps… mon cerveau ne lâche jamais prise ; or,
le propre de la sécurité, c’est le lâcher-prise. »
« |
Par
rapport
à la génération
de ma mère,
je pense qu’on
voit moins le sexe
comme un
moyen de garder
un homme
près de soi »
R |
ose, 26 ans
U |
n
phénomène qu’elle attribue aussi beaucoup à son éco-anxiété. « Je pense
que la pulsion sexuelle part aussi d’un instinct de reproduction. Et quand je
me demande : est-ce que j’ai envie de donner la vie dans ce monde ?, je me livre au constat que non, . Alors, même
si je n’ai pas forcément pris ma décision définitive consciemment, j’y réponds
inconsciemment, et ça m’étonne d’avoir de la libido. » Encore une fois,
la jeune femme se sent seule. « Mes parents ne comprennent pas
l’intensité de ce que je raconte. Parfois j’ai des images très bandantes, genre
à quoi ça sert de vivre sur cette planète si tout se barre ? Et eux me
disent : ‟Oui,
c’est vrai, les ours polaires meurent…” Mais j’ai envie de leur
gueuler : moi je te parle d’un stress qui est là tout le temps, quand je
me réveille, quand je me couche, sur les réseaux sociaux, d’un stress systémique,
qui est grave. »
A |
vec
le même homme depuis trois ans, Rose s’efforce quotidiennement d’oublier ce que
lui avait dit un ex, une fois : « Le sexe, c’est la charpente d’un
couple ». « Ça revient à dire que je dois faire tenir le couple, que
j’endosse toute la responsabilité. En ne donnant pas de sexe, je suis
responsable de la faillite. C’est une idée qu’on nous a tellement rabâchée en
tant que femmes que je dois faire un effort constant pour me raisonner. »
U |
n
jour, lors d’une des rares conversations sur la sexualité , Rose apprend à sa mère
que le concept de « vaginale ou clitoridienne », héritage
vétuste de Freud, est un mythe. Elle lui explique que toutes les femmes
jouissent grâce à leur clitoris, qui est d’ailleurs beaucoup plus imposant
qu’on ne pourrait le croire : 14 cm en moyenne. « Tu as mis trois
enfants au monde et tu ne sais pas tout ça ? », s’était étonnée
Rose. Dans le flot de la conversation, la jeune femme avoue à sa mère qu’elle
n’a plus de rapport depuis le début de la pandémie. « Et là, elle s’est
excitée et a commencé à me dire que ce n’était pas normal, qu’à mon âge elle y
allait à pleine balle et que même aujourd’hui elle avait encore une vie
sexuelle soutenue », raconte Rose. « J’étais outrée, je me disais
quel culot ! C’est moi qui lui apprends la taille de son clitoris et elle
ose me dire qu’elle s’éclate plus que moi au lit ! »
A |
lors,
elle arrête d’en parler à ses proches, et se tourne vers les écrits féministes
et les podcasts. Elle repense à la peur de sa mère des « petites
jeunes », qu’elle voit comme des êtres hypersexués auxquels elle se
compare beaucoup. Rose réalise alors qu’elle redoute peut-être moins que sa
mère d’être abandonnée par un homme. « Aujourd’hui, je pense qu’on
n’est plus autorisées en tant que femmes à ne pas faire l’amour. On est plus
légitimes à rejeter les injonctions. Puisque je maîtrise mon corps et que je ne
le condamne pas pour séduire, alors je suis maître à bord. Par rapport à la
génération de ma mère, je pense qu’on voit moins le sexe comme un moyen de
garder un homme près de soi. »
La
récession sexuelle entraîne des batailles générationnelles, car les parents
d’aujourd’hui sont ceux qui croient à cette fameuse « révolution
sexuelle » post-Mai 68, avec la légalisation de la pilule et de l’IVG. Mais
pour Tal Madesta, c’est une chimère. Militant
féministe trans et journaliste indépendant, il est l’auteur de Désirer à
tout prix (Binge Audio, 160 pages, 15 euros), un essai percutant sur le
sexe devenu un marché, et la non-sexualité une maladie à guérir. Il
écrit : « Qui a-t-elle libéré, cette soi-disant libération
sexuelle‟ ?
Personne. Qu’a-t-elle de révolutionnaire, cette autoproclamée révolution
sexuelle ? Rien. » Il cite ensuite Michel
Bozon, directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques :
« On pourrait plutôt décrire les transformations contemporaines comme
le passage d’une sexualité reposant sur des disciplines internes. Il ne
s’agirait pas d’une libération mais d’une intériorisation et d’un
approfondissement des exigences sociétales. Aujourd’hui, pas plus qu’hier, il
n’y a d’autonomie de la sexualité. »
Tal
Madesta dénonce encore les ravages du développement
personnel et des vendeurs de sextoys, qui
transforment la sexualité en thermomètre de la valeur d’un individu, et en font
l’unique vecteur de liens intimes. Les applications de rencontre représentent
l’acmé de ce phénomène.
Jeanne,
24 ans, en est revenue. « Les applis, c’est un peu le Uber Eats du sexe. On s’en lasse vite. Si on mange thaïlandais
tous les jours, on n’a peut-être plus trop envie de manger thaïlandais. On sait
que c’est là, au cas où. » Au début, la jeune femme trouvait cette
abondance de chair disponible « très excitante », et
consultait l’appli plusieurs fois par jour. Les confinements de 2020, par
ailleurs, ont rendu, selon de nombreux jeunes, les échanges plus intenses. « On
avait que ça à faire, alors on discutait longtemps, de tout, se souvient
Jeanne. Mais aujourd’hui, c’est redevenu un truc de gros bourrin. On a
tendance à croire qu’avec les applis on a du sexe sur commande, alors que ce n’est
pas du tout vrai. Maintenant, on cherche la magie. Aujourd’hui, si je reçois un
message et qu’il n’est pas incroyable, je ne réponds même pas. Je connais la
chanson. Maintenant, je cherche l’étincelle, la rareté. Et à force de chercher
l’exception, il ne se passe plus rien. »
Moins
mais mieux, cela semble être aussi la démarche de Cameron, jeune homosexuel de
23 ans, qui voudrait tout recommencer. Étudiant à Clermont-Ferrand, il avait
pour habitude de consommer la sexualité. Mais en 2021, à la fin de sa licence,
il s’engage en service civique pendant un an. Avec ses collègues engagés,
polyamoureux et pansexuels, il découvre un tout nouveau « script »
de la sexualité. Il stoppe tout net. Cela fait plus d’un an et demi que le
jeune garçon n’a pas eu de rapports. Le soir, quand il sort, son père lui lance
souvent des blagues, goguenard, sur le fait qu’il ne rentrera pas seul. « Peut-être
que lui, à l’époque, il calculait ses sorties comme ça, tente l’étudiant. C’est
comme si, pour lui, je ne pouvais pas aller en soirée sans choper
quelqu’un. » Aujourd’hui, Cameron aimerait reprendre sa vie sexuelle à
zéro, loin des scénarios habituels (« l’homme pénètre et domine »)
et des injonctions à la virilité. « J’ai envie d’une deuxième
première fois. Mais cette fois-ci, je m’écouterai plus, je prendrai le temps de
connaître la personne, de faire des rendez-vous, de raconter ce que j’aime,
moi. Et on prendrait notre temps pour établir quelque chose rien qu’à
nous. »
Avec ou sans sexe, il s’agit surtout de vivre des émotions et
des relations qui ne soient pas nécrosées par les normes sociales. Tal Madesta a une
idée pour ça : il propose… d’aller au cinéma. Il y a pour lui plein
d’autres moyens d’investir son corps que les rapports sexuels, comme le sport
par exemple. Et pour construire des relations intimes, il préconise la réhabilitation de l’amitié, « cette
autre forme d’amour à laquelle on accorde le bénéfice de l’inconstance ». Selon
lui, l’amitié est dénigrée par rapport au couple car elle ne produit rien, pas
d’achat d’appartement, ni enfant, ni de déjeuner chez les beaux-parents, ni de
victime sociale, alors que c’est un bouclier social et politique. « Les
liens les plus fertiles sont aussi des moins rentables », conclut-il.