Juillet 2020
LES
PERSONNES Y COMPRIS TRES AGEES, QUI NE SONT PAS HETEROSEXUELLES
Henri
CHARCOSSET, d’après des données de la littérature
henri.charcosset@neuf.fr ;
Site : https://anti-solitude.pagesperso-orange.fr//
Promotion du : « Télé bénévolat social
en indépendant »
Introduction,
par
Henri Charcosset
L’anti
solitude n’est-ce pas aussi de s’intéresser à tout ?de transmettre à des
proches et autres relations, y compris à distance, des éléments d’information
se rapportant à des évolutions dans notre société ?
Mais
ça veut dire quoi, LGBTQIA+ ? - Libération
www.liberation.fr
› france › 2018/01/25 › mais-ca-veut...
25
janv. 2018 – « Le sigle désignant les personnes qui ne sont pas
hétérosexuelles n'en finit plus de s'étendre. Mais à quoi correspondent toutes
ses lettres ? »
°°°°°°°°
Et
dans Wikipedia voir à CLIC
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°°°°°°°
Enfin,
nous reproduisons l’article publié par Victor Castanet (à voir à CLIC
) , dans Le Monde du 09mars 2019
L’HOMOSEXUALITE INTERDITE DE SEJOUR EN EHPAD.
À
89 et 100 ans, elles ont décidé de s’aimer. Malgré l’âge
et malgré l’Ehpad. Une exception. Car, si la France compte
plus d’un million de seniors LGBT, rares sont ceux qui
peuvent assumer leur identité sexuelle en maison de retraite.
Stigmatisés par les autres résidents comme par le personnel,
les homosexuels se rendent invisibles. Jusqu’à l’isolement.
PAR
VICTOR CASTANET – ILLUSTRATION OSCAR GRØNNER
DERRIÈRE
LES PORTES OCRES DES CHAMBRES du Verger de Vincennes,
une maison de retraite médicalisée située près de Paris, se jouent,
d’ordinaire, des histoires tristes : un homme, en fauteuil, tête basse,
bras ballants, qui râle ; une femme qui répète inlassablement le même
prénom : « Éléonore !
Éléonore ! Éléonore ! » Mais en poussant, à 19h30, la porte
numéro 506, on découvre le tableau d’une passion qui défie les lois du grand
âge, de la dégradation des corps et de la « bienséance ». Deux femmes
de 89 et 100 ans, lovées l’une contre l’autre dans un minuscule lit médicalisé.
Imposante et fantasque grand-mère aux
bras ornés de bracelets, Jeanne Dobbs raconte à son aînée, Charlotte Gussdorf,
délicate petite femme d’1,50 m au maintien parfait, l’activité apéro-jazz de la
veille. Charlotte, bien que réputée sévère, lui réclame parfois un baiser. Sur
le front. Sur la joue. Et, lorsqu’elle s’abandonne totalement, dans le cou. Les
deux femmes se réchauffent, se consolent, s’écoutent. « Il faut le voir pour le croire, s’exclame Anita,
nouvellement responsable des aides-soignantes du 5e étage. Ça se passe tous les jours, du lundi au
dimanche. L’une ne reste pas sans l’autre. C’est rare, surtout en maison de
retraite. Avant, je travaillais au 4e. Mes collègues du 5e
me racontaient. Mais je disais : “Ce n’est pas possible. Ce n’est pas
vrai.” Il fallait que je monte à cet étage pour voir ça ! Normalement, nos
pensionnaires, ils se crêpent le chignon. Là, c’est comme si elles se
connaissaient depuis toujours. »
Chaque soir, après un interminable
dîner en compagnie d’autres résidents pas vraiment à leur goût, dans les replis
du lit de Charlotte, le temps s’arrête pour les deux résidentes. Mais lorsque
la porte s’ouvre, à l’improviste, il reprend son cours brutal : « Je déteste cette manière qu’ont les
aides-soignantes d’entrer sans frapper, s’agace Jeanne Dobbs. La dernière fois, un homme du personnel a
sursauté en nous voyant toutes les deux. J’étais très énervée. Je lui ai dit
que j’allais rejoindre ma chambre et lui ai demandé de partir. Malgré mon âge,
je ne suis pas libérée du jugement des autres. Je sais que ça jase, qu’on parle
de nous dans les couloirs. Et cela m’empêche de vivre cette histoire comme je
le souhaiterais. »
Cette passion singulière a débuté par
un AVC. Le 1er janvier 2018, Charlotte Gussdorf avait convié un
couple d’amis à célébrer la nouvelle année. À peine l’avaient-ils quittée
qu’elle a senti son corps lui échapper. Surmontant une douleur aiguë, elle est
parvenue à appeler les pompiers et à leur ouvrir le portail de sa demeure de
Saint-Mandé, près de Vincennes. Et puis, elle est tombée. À son réveil, sa vie
telle qu’elle avait toujours connue était terminée. Les mots qu’elle aimait
tant lui restaient parfois en travers de la gorge. Sa mémoire, dont elle
remplissait allègrement son quotidien, s’est mise à lui faire défaut. Cette
femme solitaire, cultivée et orgueilleuse, ancienne psychiatre à l’hôpital
Sainte-Anne, habituée aux longues marches et aux salons bourgeois, s’est ainsi
retrouvée en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées
dépendantes), diminuée et seule.
Les premiers jours, elle parlait peu,
se montrait méchante avec le personnel, refusait de manger. Et puis, un jour,
au détour d’un couloir, elle a entendu la voix assurée de Jeanne : « Je parlais de l’École du dimanche [une
institution protestante] avec un
pensionnaire lorsque ce petit bout de femme en gilet nous a sèchement coupées :
“Vous êtes protestante ? – Oui, ai-je répondu. – Moi aussi. Vous étiez
scout ? – Oui. – Moi aussi.” Depuis, on est liées à la vie à la
mort. » - Les deux pensionnaires affrontent désormais leur quotidien
ensemble. Le matin, elles se retrouvent au réfectoire pour le petit déjeuner. Charlotte
Gussdorf, qui a du mal à se défaire d’un siècle d’habitudes, trottine jusqu’à
la boulangerie pour accompagner son café d’un croissant frais. Elles enchaînent
ensuite les activités communes : yoga du rire, tricot, goûter philo,
karaoké. Pour accompagner son amie, Charlotte a bien voulu se départir de sa
réserve naturelle. Même passé un siècle, il n’est jamais trop tard. Après le
déjeuner, Jeanne insiste pour que son aînée fasse une sieste – « elle n’a pas la même résistance que
moi » - et la fait réveiller une heure plus tard – pour qu’elle ne perde pas sa journée ».
Ensuite, il leur arrive souvent de faire la résidence buissonnière pour un
shopping à Vincennes, une balade en cannes tripodes ou même une sortie au
restaurant.
« Ce
sont deux femmes incroyablement alertes et autonomes pour leurs âges », résume
Sophie, leur professeure de yoga. Une autonomie très rare et parfois compliquée
à gérer pour l’établissement qui n’a pas le droit d’empêcher ces allées et
venues. Laurent Garcia, ancien cadre de santé du Verger de Vincennes, se
souvient, amusé : « Un soir,
elles ont dit à tout le monde qu’elles sortaient se balader. Et à 22 heures,
elles n’étaient toujours pas rentrées. L’Ehpad était en ébullition. Moi, je
savais qu’elles étaient au resto. Mais, elles m’avaient fait promettre de ne
pas le dire. »
Comme tout couple naissant, les deux séniores
profitent alors pleinement de l’instant présent. Mais leur santé fragile vient
rapidement dissiper les vapeurs enivrantes de l’insouciance. Quelques semaines
après son arrivée, Charlotte Gussdorf est victime d’un nouvel AVC, et doit être
hospitalisée durant plusieurs semaines. C’est à ce moment-là que Laurent Garcia
s’est rendu compte du lien qui les unissait : « J’ai retrouvé Jeanne Dobbs en larmes, dans un état de déprime
absolu. Elle me disait que Charlotte était toute sa vie. Les soignantes ne
comprennent pas son attitude. Je les ai entendues la rembarrer lorsqu’elle
demandait des nouvelles de son amie. Et je trouvais ça malsain. Alors, j’ai
décidé d’organiser une réunion avec tout le personnel. Je leur ai dit :
“Madame Dobbs est amoureuse de Charlotte ! Point barre.” Vous auriez vu
leur réaction. Elles étaient en état de choc. Déjà, les histoires d’amour
classiques en maison de retraite, c’est impensable. Parce qu’on est vieux et
moches, il paraît qu’on n’aurait pas le droit de tomber amoureux. Mais alors,
deux femmes, vous n’imaginez pas ! »
L’ancien cadre de santé se souvient
d’une autre histoire douloureuse à laquelle il a été confronté dans
l’établissement. Les Bords de Seine, à Neuilly (92), l’une des résidences les
plus luxueuses de France. Un ancien PDG d’une grande marque de cosmétiques y
était pensionnaire. Plusieurs fois par semaine, son compagnon, bien plus jeune
que lui, venait lui rendre visite. Une situation que n’a pas supportée le
personnel soignant : « Les
filles ne l’appelaient pas M. Untel. Elles disaient qu’elles allaient voir “le
pédé”. » Et lorsqu’un autre résident, apparemment homosexuel, a été
admis quelques mois plus tard, Laurent se souvient de la réaction brutale de
son équipe : « On a déjà un
pédé à l’étage ! » « Avec moi, ça fera trois », leur
a-t-il sèchement répondu.
“Pourquoi
est-ce un sujet tabou ?Parce Yannick Kerlogot, député LRM, membre du groupe |
Stéphane Sauvé, ancien directeur
d’Ehpad, également homosexuel, a lui aussi constaté que les maisons de retraite
sont, pour les gays et les lesbiennes, des lieux extrêmement hostiles. « Je me rappelle une lesbienne de 80
ans environ. À chaque fois que ses copines venaient lui rendre visite, c’était
la cour de récré. J’entendais les messes basses des autres résidents, les
moqueries. On la montrait du doigt. Et l’après-midi, lorsqu’on lançait une
animation danse et qu’il n’y avait pas assez d’hommes, aucune femme ne voulait
danser avec elle. Alors, elle restait seule dans son coin. » Laurent
Garcia et Stéphane Sauvé racontent une pression psychologique sournoise, une
mise à l’écart aux conséquences souvent dramatiques. Le premier a ainsi
observé, impuissant, le changement de comportement radical du pensionnaire de
la maison de retraite Les Bords de Seine lorsqu’il a commencé à ressentir
l’animosité du personnel soignant : « Il
ne sortait quasiment plus de la chambre et ne parlait plus à personne. »
Les dernières semaines avant sa mort, Laurent était l’un des seuls à pouvoir
encore échanger avec lui, et ce avec beaucoup de difficultés : « On sentait une blessure profonde. Il
s’était mis à parler si faiblement que j’avais du mal à l’entendre. »
FAIRE
LE MOINS DE BRUIT POSSIBLE. Occulter une partie de
son identité. Se cacher derrière le paravent de la normalité. Voilà à quoi
seraient réduits la plupart des homosexuels en Ehpad. Le résultat de cette
stratégie d’effacement est saisissant. Alors que, selon un rapport de 2013 de
la ministre déléguée aux personnes âgées, les seniors LGBT seraient plus d’un
million en France, le mouvement associatif Grey Pride, qui travaille pourtant
sur le sujet depuis 2016, se désole de n’avoir aucun témoignage à relater.
Olivier Rivoal, de l’École supérieure européenne de l’intervention sociale, qui
vient de consacrer son mémoire à cette problématique, n’en revient toujours
pas. Après avoir envoyé une invitation à entretien à 177 Ehpad du Bas-Rhin, il
n’a obtenu qu’une seule réponse. « Nous
accusons bonne réception de votre demande. Nous ne pouvons cependant y réserver
une suite favorable, dans la mesure où nous n’avons pas de résidents
correspondant à votre recherche. »
Les pensionnaires homosexuels ont su
se rendre totalement invisibles. Une anecdote vécue par Stéphane Sauvé
l’illustre : « Après
l’admission d’un résident, j’accompagne une aide-soignante dans la chambre du
nouvel arrivant. Elle se présente et lui indique très gentiment qu’elle est
venue faire sa connaissance. Elle parle de tout et de rien : “Il est très
beau, ce meuble. C’est une bonne idée, ce cadre.” Et puis, elle lui
demande : “Qui est ce monsieur, sur la photo ?” J’ai vu le visage de
cet homme se fermer, et il a bégayé : “C’est mon cousin. C’est mon
cousin.” Deux jours plus tard, je retourne le voir. Il avait enlevé le
cadre ! On était pourtant dans sa chambre. Dans sa chambre ! C’est un
mécanisme d’auto-exclusion classique. Le peu qu’il lui reste de vie privée, la
personne ne s’autorise pas à en disposer. De peur des représailles, du jugement
des autres. C’est effrayant. » Dans les politiques publiques, dans les
procédures d’accompagnement des établissements comme dans l’esprit des gens,
les seniors LGBT n’existent pas. « Pourquoi
est-ce un sujet tabou ? Parce que, dans l’imaginaire collectif, les hommes
sont jeunes. Ils font la fête, enchaînent les partenaires, ne fondent pas de
famille. On ne les imagine pas vieillir », se désole Yannick Kerlogot,
député LRM, membre du groupe d’études discriminations et LGBTQI-phobies dans le
monde à l’Assemblée nationale.
« Il
va falloir que les gens comprennent que toutes les personnes LGBT vieillissent.
C’est un fait. On n’a pas tous été contaminés par le sida », poursuit
Stéphane Sauvé. Pour leur venir en aide, l’ancien directeur d’Ehpad porte un
projet à bout des bras depuis deux ans : La Maison de la Diversité, un
habitat participatif d’une vingtaine de logements réservés aux homos. « On me dit : “c’est trop
ghettorisant” ! Mais aux États-Unis, si tu n’es pas dans un label “gay
friendly”, tu perds des parts de marché ! Il est temps que l’on rattrape
notre retard. Ces homosexuels ne demandent rien à personne, juste le droit
d’être dans un lieu sécurisant pour finir leurs jours. Toute leur vie, ils ont
porté une armure pour lutter contre les attaques homophobes. Je souhaite
simplement qu’au soir de leur vie, ils puissent la déposer. »
Aux États-Unis, au Canada, en
Allemagne, au Danemark ou encore en Suède, des structures privées pour
résidents homosexuels existent depuis plusieurs années. À Madrid, la première
maison de retraite LGBT publique au monde ouvrira ses portes courant 2019. Et
la demande n’a jamais été aussi forte. En Californie, le dernier concept de
résidence LGBT fait face à une liste d’attente de près de 2000 personnes. À
Berlin un second Ehpad « gay friendly » vient d’être inauguré et un
troisième est prévu pour 2022. Si les anciennes générations ont appris toute
leur vie à se dissimuler et endurent en silence de devoir vivre le grand âge
dans un dernier grand mensonge, les baby-boomers LGBT ne comptent pas retourner
dans le placard. La plupart ont pu vivre leur homosexualité de manière assumée.
Certains se sont mariés. D’autres ont fondé une famille. Ils demandent
aujourd’hui à finir leurs jours comme ils les ont vécues.
La centenaire Charlotte Gussdorf
fait, elle, partie de l’ancien monde. Elle se refuse à évoquer le moindre
élément de sa vie sentimentale passée. Tout juste apprendra-t-on de son
entourage qu’elle n’a pas eu d’enfants et qu’elle a vécu toute sa vie avec sa
mère.
Jeanne Dobbs est un personnage
complexe. Une femme fougueuse qui a multiplié les conquêtes masculines et eu
trois filles aimantes qui viennent lui rendre visite chaque semaine. Elle
n’accepte pas d’être catégorisée, et reconnaît simplement vivre une passion
imprévue : « Dans ma vie, j’ai
eu des relations essentiellement avec des hommes. Mais Charlotte a déclenché en
moi quelque chose que je n’arrive pas à m’expliquer. J’essaie de voir ce qui
m’attire chez elle : ce n’est pas vraiment le physique », lâche-t-elle
dans un tendre éclat de rire. Puis elle reprend : « Elle est odieuse. Elle est radine. Elle m’agace terriblement.
Mais je l’aime. »
Ces deux femmes, qui ne demandent
rien d’autre que le droit à la différence, se sont offert une parenthèse
inattendue cet été, à Saint-Tropez. Charlotte y possède une maison dans
laquelle elle pensait ne plus jamais se rendre – « Je l’ai fait construire il y a plus de quarante ans. » Son
neveu, l’une des rares personnes à lui rendre encore visite, lui a proposé son
aide pour y passer quelques jours en août. Il lui a aussi suggéré d’inviter
l’une de ses amies. En entendant cela, Jeanne a sauté sur l’occasion : « J’ai dit : “Vous cherchez
vraiment quelqu’un pour accompagner Charlotte ? ! Je suis preneuse.”
Mais ça n’a pas été simple. Mes trois filles s’y sont opposées, au départ. Mon
aînée m’a dit grossièrement : “On ne connaît pas ces gens-là” en parlant
de la famille Gussdorf. Elle a résisté, a vérifié que tout était en place, que
je n’allais pas crever là-bas. »
Ses filles l’ont
finalement laissée partir, en tentant de baliser au maximum l’escapade, ce qui
a fait beaucoup rire Charlotte : « Elles
lui ont fait une énorme valise. Il y en avait trois fois trop. Et elle n’a pas
sorti une robe de l’été. » Jeanne poursuit, dans un sourire
nostalgique : « Oui, c’st vrai
que j’ai porté la même robe jour après jour. Mais je n’avais besoin de rien
d’autre. » Pendant trois semaines, les deux femmes ont pu marcher
canne contre canne sans entendre de ricanements, s’embrasser dans le cou sans
risquer de voir leur intimité violée, regarder la mer et se croire
éternelles : « Tout le monde
pensait que nous allions rentrer divorcées. En fait, nous sommes revenues plus
mariées que jamais.» ®