Décembre 2022
LES
DONS DE GAMETES NE SERONT PLUS ANONYMES
Pascal CHARRIER
Article reproduit du Journal La Croix du
1er Septembre 2022
À partir du 1er
septembre, tous les enfants nés grâce à un don de gamètes peuvent demander à
leur majorité des informations sur le donneur.
Une commission va être mise en place pour
gérer ces demandes, entreprendre les recherches et recueillir le consentement
des donneurs.
Chaque année, un millier
d’enfants sont conçus grâce aux paillettes ou d’un donneur de spermatozoïdes ou
d’une donneuse d’ovocytes. Pour eux, ce 1er septembre marque le
début d’une d’un changement de fond : une fois majeurs, ils auront
désormais le droit de demander des informations sur leurs origines, identité et
données non identifiantes du donneur (lire
les repères), en vertu de la loi de bioéthique du 2 août 2021.
« C’est
quelque chose que nous attendions depuis longtemps »,
rappelle Alexandre Mercier, président de l’association PMAnonyme, qui regroupe
des personnes nées d’un don.
Une nouvelle instance, la
Commission d’accès des personnes nées d’assistance médicale à la procréation
aux données des tiers donneurs (Capadd), a été créée pour gérer les requêtes.
Placée auprès du ministre de la santé, elle est statutairement présidée par un
magistrat de l’ordre judiciaire et cette responsabilité a été confiée à
Stéphanie Kretowicz, présidente du tribunal de Chartres (Eure-et-Loire). La
juge sera entourée de représentants de la justice administrative, des
ministères de la justice et de la santé, d’associations concernées, ainsi que
de personnalités qualifiées, à l’image de la sociologue Irène Théry.
La
loi de bioéthique n’est pas rétroactive. Elle impose seulement à ceux à ceux
qui veulent donner leurs gamètes, à partir de ce 1er septembre,d’accepter préalablement
à voir révéler un jour leur identité.
Les 15 binômes (15
titulaires et 15 suppléants) seront épaulés par des agents chargés
d’entreprendre les démarches pour retrouver les donneurs en contactant les
centres de don et l’Agence de biomédecine. « Je ne serai pas surpris
qu’il y ait un nombre relativement important de demandes », estime
l’anthropologue Jérôme Courduriès, suppléant au sein de l’instance. Toutes ne
déboucheront pas sur une réponse positive.. la loi de bioéthique n’est en effet
pas rétroactive. Elle impose seulement à ceux qui veulent donner leurs gamètes
(spermatozoïdes ou ovocytes), à partir de ce 1er septembre
d’accepter préalablement à voir révéler un jour leur identité.
Les
hommes et les femmes qui ont effectué un don avant cette date conservent le
droit de rester anonymes. Si ces personnes ne sont pas manifestées spontanément
pour faire connaître leur choix, la Capadd devra les contacter pour recueillir
leur consentement si une demande les concerne. « La Commission devra
bien veiller au respect des donneurs et être la plus humaine possible », insiste
Frédéric Letellier, président de l’association Dons de gamètes solidaires et
membre de la Capadd. « Beaucoup de personnes ne s’attendent pas à être
recontactées », ajoute Arnaud Reignier, praticien hospitalier au CHU
de Nantes et lui aussi choisi pour faire partie de la commission. « Cela
ne peut pas être une tâche strictement administrative. »
La
même humanité est attendue du côté d’adultes espérant obtenir des informations
sans être certains d’en obtenir « Cela peut prendre du temps et la
réponse peut avoir un sacré impact, souligne Alexandre Mercier. On ne
sait pas encore s’il y aura un accompagnement, ni comment seront retransmis les
résultats. Par un appel téléphonique ? Un courrier ? Est-ce que les
réponses négatives seront justifiées ? Si on a juste retour lamda avec la
mention ‟nous
n’avons pas pu faire suite à votre demande”, on peut tout imaginer. »
Au-delà
des refus, un autre cas de figure est possible : que la recherche
n’aboutisse pas. « Plus on va remonter dans le temps, plus ce sera
compliqué, toutes les archives n’ont pas forcément été conservées », reprend
Alexandre Mercier. « La loi ne met pas de limite dans le temps, poursuit
Jérôme Courduriès. Théoriquement, on peut remonter jusqu’au premier don. Mais
il y a des limites techniques ou des éléments qui n’auront pas toujours été
correctement recueillis, par exemple l’état de santé du donneur. La personne
qui a donné a pu aussi mourir. »
De
leur côté, les établissements spécialisés se préparent à faire face à ces
demandes. « On s’attend à en avoir beaucoup, mais des financements
exceptionnels ont été débloqués pour accompagner le travail supplémentaire lié
à la loi bioéthique », précise le gynécologue Michaël Agopiantz,
responsable du centre d’assistance médicale à la procréation du CHU de Nancy.
La première réunion de la Capadd est prévu le 7 septembre, à Paris.
repères
1500 donneurs en 2021
En 2019, 1433
enfants sont nés grâce à un don de spermatozoïdes ou d’ovocytes,
soit 5,3 % des enfants nés après avoir été conçus par PMA. En 2021, selon
une enquête réalisée par l’Agence de la biomédecine, environ 600 hommes ont
donné leurs spermatozoïdes et environ 900 femmes ont donné leurs ovocytes.
Les données
relatives à l’identité du donneur sont son nom, son prénom, son sexe, sa date
et son lieu de naissance.
Les données non
identifiantes comprennent son âge, son état général, ses caractéristiques
physiques, sa situation familiale, son pays de naissance et sa motivation au
moment du don.