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Septembre   2012

 

 

LE ZANDILAND : DE l’HUMOUR ET HANDICAP, OU BIEN PLUS ENCORE ?   

 

Jean-Marie GROS, jm-gros@orange.fr   

 

 

Bien noter le sigle PNF, utilisé  pour désigner la Personne Non en Fauteuil (roulant)

 

 

Introduction , par Henri Charcosset, webmestre 

 

Jean-Marie nous a relaté son chemin de vie, un peu impressionnant pour qui est familier du vivre avec un handicap moteur, dans ses deux articles autobiographiques :

 

Gros  Jean-Marie (2011),  Né pour devenir paralysé, mais en existant. I. De ma naissance à ma mise en invalidité, à à 47 ans, en 1995. Témoignage

 

Gros Jean-Marie (2012), Né pour devenir paralysé,  mais en existant. II. Mon engagement associatif depuis mes 47 ans en 1995, jusqu’en 2010. Témoignage 

 

Quelques années plus tôt, il nous avait déjà fait part de son souci d’associer Handicap et Humour :

Gros Jean-Marie (2005), Mon expérience du handicap : sa composante humour

 

Mais dans son texte ci-après sur  lequel je me suis limité à surligner quelques bouts de phrase, s’agit-il encore d’humour pur et simple, ou bien de prospective  sur  le devenir à long terme de l’humanité ? Libre à chacun de se faire opinion….en en faisant éventuellement part à Jean-Marie, qui appréciera.

 

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Il n’empêche que son mode de penser peut aider à mieux se situer pou le vécu de son handicap personnel, dans le monde d’aujourd’hui. Né en 1936, handicapé moteur depuis  l’adolescence, ma « promotion » de PNF ou « marchant », en « roulant » a été tardive, vers mes 71 ans. Rien de bien brillant donc. Banal fauteuil roulant à l’intérieur, scooter électrique à l’extérieur.  Un réel changement quand même que cette transition de « marchant », ou PNF, à « roulant » ! Il y a bien un Avant et un Après.  Mais pas dans le sens que l’on pourrait  croire, ou même craindre. Avant, quand je marchais encore un peu, risquant à chaque pas de me briser des os, mes proches avaient beaucoup à m’attendre, lors de promenades ensemble. Dans l’Après, roulant à 6 Km /H, c’est moi qui les attends ; situation pour moi mentalement bien plus confortable. Egalement, j’ai remplacé mon  automobile à conduite à mains, par le scooter électrique à quatre roues, pour le plus grand nombre de mes sorties. Que l’on pense aux économies de carburant pouvant  être ainsi faites, et au gain de disponibilité en espace de rangement de leur véhicule offert aux PNF.

Là où le propos de Jean-Marie est basé sur le long terme, je veux souligner que dès  maintenant il présente un réel intérêt concret, pour la relation entre nous tous, les humains.

IL va bien dans le sens de l’optique générale de ce site, à savoir que la notion de  personne non handicapée ou valide, est un leurre. Nous sommes bien « Tous handicapés, tous chercheurs,  sans exceptions, en vue d’une société plus juste et plus humaine », devise introduite sur le Net le 1er janvier 2001 : CLIC

 

Texte de Jean-Marie Gros

 

Dans nos mégapoles, les gens normaux se déplacent en fauteuil, c'est-à-dire la quasi totalité des habitants de Zandiland.

 

Z 1 - Les fauteuils : de conception très différente, avec une unique boule sphérique faisant office de roue sur laquelle nous sommes assis. De marque SORG, de type à rotule, ou de type Gyropode. Nous disposons aussi de fauteuils montés sur coussin d’air et encore d’autres technologies plus récentes. Tous sont ultra confortables, savent monter, descendre quelques marches et les rares ressauts. Bref, ils n’ont que peu de points communs avec leurs lointains ancêtres appelés chariots.

Ils se manœuvrent sans effort, certaines fonctions sont commandées par la pensée, sans intermédiaire d’électrodes. L’info passe directement du cerveau vers la machine et nous dispense de devoir manipuler une manette. Inutile de préciser qu’ils peuvent se faufiler absolument partout. Ce qui va de soi puisque toutes les infrastructures ont été conçues par nous et donc pour nous, les « roulants ».

Tout est accessible, de plain pied et à notre hauteur. Quelle chance nous avons !

 

Z 2- Des fauteuils spécifiques tels que le Zébulon ou le Kangourou permettent aux plus jeunes et sportifs d’entre nous de se mouvoir sur « les pistes roulables » par une suite de petits bonds successifs et de se faufiler parmi la foule des autres roulants. En version professionnelle, ces fauteuils sont utilisés par exemple pour les visites de chantier des bâtiments en cours de construction et dans de nombreux autres domaines.

 Chacun possède cinq ou six fauteuils: professionnels, pour l’intérieur, pour l’extérieur, pour la semaine, pour le week-end, pour la ville, pour la campagne, pour le wheeling du dimanche matin et en change selon la saison.

Nos fauteuils sont personnalisés en fonction du rang social de leur propriétaire, de ses goûts, de son âge, de ses tendances, de son humeur du moment.

Ils sont numérisés et dans chaque habitation un magasin de stockage avec chargement automatique est mis à notre disposition

afin d’entreposer les fauteuils de la famille.

 

Z 3 - Il faut tout de même préciser que pour se démarquer, certains jeunes adolescents et autres nostalgiques originaux s’obstinent à utiliser des copies de vieux chariots manuels à quatre roues ou se sont amusés à les rénover. Ces fauteuils sont dotés de deux énormes roues entre lesquelles ils sont assis et de deux autres à l’avant ridiculement petites. La seule modification apportée est de les avoir motorisés. Ainsi ils ont les mains libres. Leurs utilisateurs sont gantés et seuls les bouts de leurs doigts dépassent et ont en permanence une casquette vissée sur la tête. Ces contestataires refusent notre dépendance technologique. Ils se déplacent généralement en groupe mais ce mouvement reste très marginal.

 

Z 4 - Le fauteuil faisant partie intégrante de chacun de nous, selon le modèle du fonctionnement des allocations logement, vieillesse, rentrée scolaire ou familiales, nous avons instauré une « allocation fauteuils ». Ainsi cet ami qui ne nous quitte jamais, véritable  prolongement indispensable de notre corps, peut être proposé à un prix dérisoire pour les plus démunis d’entre nous.

 

Z 5 – Malheureusement nous devons co-habiter avec 2 à 3 % d’individus valides en situation de handicap. Ces « marchants  » n’ont pas la chance de se déplacer en fauteuil comme tout le monde. Les pauvres.

« Je les admire de rester debout toute la journée.

Moi, je sais que je ne le pourrais pas ! Ils font preuve de beaucoup de courage ».

 

Z 6 -  L’acronyme administratif utilisé pour qualifier ces personnes debout « qui n’ont pas la chance d’être en fauteuil »  est P.N.F. (Personne Non en Fauteuil).

La cause de leur handicap est mécanique. Ils sont mal vertébrés. La parfaite rectitude de leur colonne vertébrale engendre une libre circulation du  liquide cérébro-spinal. La pression de ce liquide qui irrigue la moelle épinière et les hémisphères du cerveau est donc libérée jusqu’aux extrémités du canal. La position verticale leur est naturelle et la position assise leur demande un effort. 

Mais nous, qui naissons avec une vertèbre cervicale non alignée par rapport aux autres, ce processus est stoppé. Bien que parfois lors d’un traumatisme, cette vertèbre cervicale tourne sur elle même. « Notre vie bascule. C’est la catastrophe ». 

 

Z 7 - À la suite d’un accident, qu’il soit de fauteuil, du travail ou de la route, le coup du zapin peut aussi provoquer ces dérèglements et engendrer de tels dégâts.

« Notre vie est foutue ».

Il faut se rendre le plus rapidement possible chez un Zandi-kiné qui va essayer de nous retorsader afin de vriller notre colonne vertébrale correctement. Le but étant de remettre en place cette fameuse cervicale V1. Puis si cette simple manipulation s’avère insuffisante,  une seule solution: se rendre dans un centre de rééducation intensive et pratiquer de  l’extenseur à raison de trois séances par jour au moins pendant six mois. Cet appareil, comme son nom l'indique nous étire la colonne puis la relâche brusquement en espérant que V1 reprenne sa position naturelle. Si par malheur rien n’y fait, « sa vie est foutue ».

Au malheur de devenir handicapé et condamné à  marcher toute sa vie,  s’ajoute le changement du patronyme et l’abandon par sa famille, et l’éloignement de ses amis. Conformément à la coutume tacite de Zandiland,

Cette cervicale est « le talon de zavata » de tous les Zandis mais nous n’y pensons pas ou plus exactement nous pensons que ça n’arrive qu’aux autres.    

Avec l’âge c’est le même problème, nos cervicales s’usent et on peut se retrouver debout pour le restant de nos jours. « Qu’il est triste de terminer ainsi ! »

 

Z 8 - Ou bien, il y a un problème lors de l’accouchement : le cordon ombilical s’enroule autour du cou du bébé et CLAC, cette fameuse cervicale se déplace, s’aligne avec les autres, la pression du liquide devient trop importante, provoque des dégâts irréversibles et un petit PNF voit le jour. Les parents zandis doivent effectuer des travaux pour rendre leur logement accessible ou envisager de déménager. Commence pour eux le parcours du combattant car leur enfant ne sera jamais en normal. « Il est condamné à marcher toute sa vie ». Le couple risque d’éclater, ils n’auront plus d’amis, la famille va les éviter… 

 

Z 9 - D’autres PNF sont plus malchanceux. Ils ne sont pas en fauteuil certes, mais ils sont atteints du syndrome de Tcherno (1 pour 3000), ont des mains normales, mais sont dépourvus d’avant bras. Quant au nouveau syndrome : le fuku, il demeure encore très rare pour l’instant. Notons que l’appellation maladie orpheline leur a été refusée puisque nous avons identifié leur Papa, notre lointain ancêtre.

 

Z 10 – Dans les principales rues, entre le trottoir des « marchant » et les devantures commerciales ou résidentielles, nous nous sommes aménagés une « piste roulable » exclusivement réservée à nos fauteuils. Il s’agit d’une bande de roulement auto-entretenue, en revêtement synthétique, mais nous déplorons encore trop d’accidents dus aux PNF qui empiètent sur notre espace et se font renverser.

Dans les petites rues plus étroites, leur largeur ne nous permet pas d’aménager des trottoirs et les PNF sont obligés à leurs risques et péril d’emprunter nos pistes roulables. 

Une commission a été crée afin de quantifier le taux d’encombrement des trottoirs qui leur sont exclusivement réservés. Notons que l’entretien de cet espace demeure logiquement à leur charge puisqu’ils ont le privilège d’en être les uniques utilisateurs. Bien qu’ils ne représentent que 2% de la population si on ne comptabilise pas les fraudeurs, nous leur avons alloué ce cheminement et nous sommes unanimes à dire : chacun son domaine. Nous, la piste roulable et eux leur trottoir.

 

Z 11 - Nos logements comportent peu ou pas de cloisons et n’ont qu’une unique grande pièce pour permettre la libre circulation de nos fauteuils. Dès la construction un système doux de création d’ambiance est prévu dans nos habitations afin que nous ne nous sentions pas oppressés car tous les plafonds se situent à une hauteur normale, c'est-à-dire à un mètre soixante huit du sol. Quel gain de place !

Et au niveau planétaire, quelle économie de matières premières ! Transport, main d’œuvre et surtout sable des cours d’eau et du littoral des mers du monde entier. Finie l’exploitation démesurée des richesses de la Terre.

Après la réhabilitation d’un immeuble d’antan, on héberge le double d’habitants, ainsi le prix des logements a baissé de près de 60%.

 

Z 12 – Traditionnellement ils sont manutentionnaires ou gardiens d’immeubles et occupent gratuitement une loge de la résidence située au rez-de-chaussée.

Ceux-là ne nous posent aucun souci particulier, par contre leurs collègues plus aisés qui parviennent à s’intégrer à une multipropriété d’habitations s’avèrent être des gens mesquins qui génèrent beaucoup de conflits de voisinage pour la moindre futilité. Ils sont aigris et très susceptibles. Un jour, c’est leur boîte à messages postaux ou la poignée d’une porte ou un interrupteur manuel de secours qui sont trop bas et leur déclencherait un mal de reins. Un autre jour, ces gens mous de nature et qui manquent d’énergie, s’aperçoivent que le portail automatique se referme sur eux avant qu’ils ne soient sortis. Au lieu de soigner leur lenteur maladive, ils exigent d’allonger la temporisation de l’équipement. C'est-à-dire de faire engager des travaux aux frais de l’ensemble des copropriétaires dont la majorité est Zandi.

Enfin bref, ces gens ne pensent qu’à eux et ne savent pas vivre en société.

 

Z 13 - Nos véhicules ne sont équipés ni de sièges, puisque chacun de nous, avons déjà le nôtre, ni de volant puisque

nous nous dirigeons au moyen de la manette joystick.

La PNF qui achète un véhicule doit donc le faire équiper de sièges à l’avant, d’une banquette à l’arrière et d’un volant. Tout cela en options. Ces opérations de confort sont très onéreuses et de plus ne sont réalisables que sur les modèles haut de gamme dont l’habitacle est suffisamment spacieux pour accueillir leurs occupants hors normes. Le coût des aménagements ne peut logiquement pas être pris en charge par notre caisse de Solidarité Sociale. Bien que certaines conditions soient requises et suite à l’étude de plusieurs devis par une commission de zandi-experts, avec leur Mutuelle, cela devient désormais éventuellement possible.

Précisons que tous nos véhicules sortent d’usine déjà décaissés, c'est-à-dire bas afin de faciliter notre installation. Cette opération est irréversible et il est préférable pour eux de se procurer une voiture aménagée par le constructeur.

Par contre, tous nos véhicules sont équipés d’un module électronique de modulation d’allure, et l’opération qui consiste à le remplacer par la boîte à vitesses manuelles d’antan avec une pédale d’embrayage est entièrement imputable au capricieux acheteur.

 

Z 14 - Suite à la nouvelle donne qui s’est installée progressivement, nous avons beaucoup travaillé afin d’adapter puis de finaliser la loi cadre du début du millénaire et nos gouvernants se sont engagés à rendre ZANDILAND accessible à tous. Dès la date butoir, tout devrait être accessible aux « marchants ». Reconnaissez qu’en cette période économique préoccupante, il est difficile de maintenir cet objectif. Certes il n’est pas atteint, mais l’élan est donné et nous nous félicitons de ce geste fort. Dorénavant nous sommes déterminés à nous orienter vers une société plus inclusive en insérant le volet P.N.F. dans chaque projet de loi.

 

Z 15 - Tous les bâtiments publics, commerces, salles de spectacles, musées, gares… sont conçus pour nous recevoir dans les meilleures conditions.

On n’imagine même pas qu’il puisse en être autrement.

Dans les nouveaux bâtiments publics, les deux premiers niveaux sont dotés de plafonds hauts et de quelques « guichets surélevés » comme l’exige la loi. Nous avons l’obligation après l’aménagement du poste de travail, d’employer un certain pourcentage de Personnes Non en Fauteuil sous peine de sanction.

Les entreprises peuvent ainsi opter pour la décision la plus pertinente : respect du quota ou pénalité.

Au premier étage de ces bâtiments, niveau entièrement adapté aux P.N.F.,  nous nous réservons une pièce pour stocker les archives et les sauvegardes informatiques, une autre pour le matériel de secours et une dernière est destinée à entreposer quelques-uns de nos vieux fauteuils rebutés ou démodés dans l’attente du ramassage trimestriel par l’entreprise de recyclage.

 

Z 16 -  Quant aux lieux de culture. Les salles de spectacles sont presque toutes à plafond normal. En fonction de leur configuration, le premier ou le dernier rang demeurent souvent les seuls emplacements possibles pour eux en « position dépliée ». Au concert ils sont placés le long des imposants murs de sonorisation, et pour les autres types de spectacles, ils ont le choix entre les postillons des acteurs ou les repose-pieds des zandi-danseurs.

Pourquoi commencer cet onéreux chantier de mise en accessibilité de ces lieux et d’installation d’un plafond escamotable, puisqu’on n’y voit que très rarement des personnes debout ! argumentent les organisateurs de spectacles.

En effet, la loi oblige les nouveaux projets de salles à prévoir un plafond escamotable qui peut se relever au dessus de l’emplacement réservé aux « debouts ». 

Par contre, à notre décharge je signale que certains sites sont classés au patrimoine planétaire. Bien qu’ils deviennent dangereux pour eux car ils se tordent les chevilles sur les vieux pavés irréguliers et tombent souvent, il nous est strictement interdit d’engager des travaux.

 

Z 17 - Les sous sol de nos immeubles, à cause des fondations qui doivent demeurer profondes afin d’assurer la stabilité des constructions, sont donc toujours conçus en plafond haut. Plusieurs monte-charge desservent les différents niveaux souterrains jusqu’en surface, ce qui permet aux personnes debout une libre circulation dans les dédales des caves et dans les nombreux niveaux de garages et parkings. Les emplois en sous sol sont très convoités. Cet endroit permet de mieux supporter les longues et régulières périodes caniculaires de chaque été. On y trouve : trieuses de déchets,  lavage et entretien des télé véhicules, entreprises spécialisées dans le paramétrage des ordinateurs de bord, dans la personnalisation des fauteuils, vente et achat d’objets afin de leur redonner une 2ème, 3ème ou 4ème vie, réparations de toute sorte, collecte pour recyclage… Ces personnes ont un sens inné de l’organisation et ont su construire sous nos mégapoles « un lieu de vie adapté à leur différence ». En ces lieux mixtes « marchants et  roulants »  ont des activités communes. 

La plupart des immeubles sont reliés entre eux par un réseau de tunnels. Nous avons dessiné les plans et nous les avons autorisés à réaliser des passages permettant de rejoindre notre télé métro sans remonter à la surface.

 

Z 18  - La scolarité de leurs enfants demeure encore compliquée.

Dans les petites classes de nos écoles ordinaires (majoritairement à plafond normal), il n’y a pas de souci particulier. Ils s’intègrent parfaitement. Le problème survient dès les classes de l’enseignement secondaire lorsque les petits pénèfs grandissent et nous déplorons le fait qu’ils soient contraints s’ils souhaitent continuer leur scolarité, de suivre les cours depuis leur domicile.

À l’âge adulte leur faible niveau d’étude ne leur permet pas de pourvoir des emplois de cadre ou d’autres fonctions à responsabilité. D’ailleurs, ils ne le souhaitent pas !

 

Z 19 - Afin d’être conforme à la loi, qui prévoit des logements dits adaptables situés aux rez-de-chaussée des immeubles (à ne pas confondre avec ‘logements adaptés’), nous avons construit à ce niveau déjà à plafond haut quelques appartements dont les cloisons sont modulables et peuvent donc être réinstallées ou déplacées. Certes les PNF ne peuvent que rarement y pénétrer debout et doivent encore le plus souvent passer comme d’habitude par une petite porte basse conçue pour les bâtiments à hauteur normale de plafond. En effet bien que situés dans des zones aménagées pour eux, les portes de ces logements sont de dimension standard à hauteur normale, soit 1,53 m et comme d’habitude ils entrent encore en s’arque boutant. Mais dès qu’ils ont pénétré à l’intérieur, ils peuvent se redresser. Pourquoi ? Ce qui paraît être une ineptie s’explique par le fait que les dimensions des zandi-portes sont normalisées et disponibles chez tous les fournisseurs, tandis que leurs ainées ne se trouvent pas en stock. Leur prix est prohibitif, il faut les commander… Nous risquons de dépasser les délais et les budgets. De plus les architectes, pour des raisons esthétiques préfèrent uniformiser les façades des avenues de nos villes.

C’est déjà pas mal qu’il y ait une porte plaisantent certains d’entre nous !

Dans les petits commerces de surface, qui sont évidemment tous de plain-pied pour faciliter le passage de nos fauteuils,

nous rencontrons également ce problème de hauteur de porte. « C’est un véritable casse-tête ».

 

Z 20 - Quoi qu’il en soit ces personnes debout coûtent chères à la collectivité et nous les suspectons, avec d’autres minorités de profiteurs, d’être une des causes du déséquilibre budgétaire chronique de notre caisse de Solidarité Sociale. Pour leur être agréable et répondre à leur souhait, nous les avons désolidarisés de cet organisme. Nous avons mis à leur disposition un vaste dispositif pluridisciplinaire et indépendant capable de gérer tous les problèmes liés à leur spécificité. C’est très bien pour eux. Ils ne se déplacent qu’à un unique guichet : la Mutuelle des Personnes Non en Fauteuil (MPNF). Au niveau de la santé, mais aussi au niveau des pensions et des retraites car bien entendu ces gens profitent de notre médecine et comme nous tous ont une espérance de vie de plus en plus longue. Ce dispositif qui leur est exclusivement réservé, sait également gérer leurs soucis de la vie quotidienne, aussi variés soient ils (soutien scolaire de leurs enfants, accompagnement pour les cours à domicile, matériel spécifique, pensions, aides diverses, aménagement sanitaires, salle de bain, dépendance, les surcoûts liés à leur condition tels que les rehausseurs des appareils de première nécessité…).

 

Z 21 - Ces gens, voûtés de nature, sont aussi prédisposés génétiquement aux maux de reins chroniques et les fabricants de matériel à usage courant tels que l’électro ménager et le matériel sanitaire ont l’obligation de prévoir un rehausseur adéquat pour chaque type d’appareil. Les clients avancent les frais qui leur seront remboursés sur présentation de la facture acquittée accompagnée de leur « projet de vie ».

Il est vrai que nous nous sommes limités au remboursement des rehausseurs des appareils de première nécessité (cuisine, sanitaires et salle de bain) en nous basant sur les modèles de bas de gamme. Il nous semble anormal d’étendre ce privilège aux biens non primaires. De plus nous ne souhaitons pas interférer dans la sphère privée de ces personnes. Certes, le coût des meubles hauts donc fabriqués en série limitée est relativement important. Seuls les nantis ont les moyens de se les procurer. Les autres font appel au système D et à la débrouillardise en se bricolant des calles ou ont des astuces diverses. 

Certains revendiquent une aide pour partir en vacances sous prétexte des fameux surcoûts, mais là aussi, « ce serait la porte ouverte à tous les abus ».

De même en ce qui concerne le remboursement des réhausseurs de l’électro ménager. Certains revendiquent aujourd’hui l’extension de cette prise en charge à l’ensemble de leur mobilier domestique. La MPNF ne peut pas tout rembourser !

 

Z 22 - Au sujet des transports inter cités, bien que selon le sondage d’un organisme indépendant, seules 0,8 % des personnes en situation de handicap les utilisent. Afin de respecter le taux de vétusté, les rames doivent être remplacées toutes les quinze ou vingt années, et à cette occasion, nous en profiterons pour en installer d’autres, équipées de plateforme conformément à la législation en vigueur aujourd’hui. 

 

Z 23 - La hauteur intérieure de nos transports intra cité est de 1,58 m et celle des portes de 1,50 m. Mais nous faisons de gros efforts pour améliorer leur accessibilité et dans la mesure du possible nous évitons de les faire voyager en position inconfortable. Une porte plus haute a été prévue sur chaque rame, mais bien que située en bout de quai, aux heures d’affluence, certains Zandis pressés…  

La nouvelle mouture de la loi va dans la bonne direction en nous demandant de transporter dans des conditions acceptables au moins cinq de ces personnes par télé bus et sur l’ensemble des  transports de surface. Elle nous fixe une surface minimum d’occupation par individu. Nous sommes largement au-delà de cette norme puisque aujourd’hui plus de la moitié du parque intercommunautaire du district est équipé d’une plateforme extérieure d’une superficie d’environ de six mètres carrés leur permettant de voyager debout.

Ce zèle par rapport à la législation nous autorise à utiliser cet aménagement pour transporter pendant les heures creuses les bagages encombrants et un peu de matériel divers.

 

Z 24 - Dans certaines stations sous terraines on est confronté à un problème technique en ce qui concerne l’espace rame / quai. Nous n’avons pas pu le réduire à moins de 15 cm à cause du système de fermeture des portes que nous avons choisi. Alors que l’avant de nos fauteuils roulants se lève automatiquement dès qu’il détecte le vide, certains PNF âgés qui doivent déjà se courber pour passer par les zandi-portes, préfèrent entrer à reculons pour franchir ce seuil.

 

Z 25 –  Malgré les multiples aides proposées pour l’aménagement de leur voiture, la majorité d’entre eux préfère utiliser le dispositif simple d’utilisation et non contraignant qui leur est réservé. Un parque de véhicules dédiés au transport PNF gérés par des sociétés privées sous contrôle de la communauté de districts, sillonnent les villes et ce dispositif de transport groupé leur permet de se déplacer d’un point à un autre en toute liberté.

Après présentation du certificat médical établi par le zandi-médecin agréé et passage devant une zandi-commission attestant de leur statut de Personne Non en Fauteuil, nous mettons à leur disposition un genre de pick-up 2000 aménagé et piloté par satellite. Ce véhicule vient les chercher à leur domicile, ils prennent place sur le plateau extérieur situé à l’arrière et sont ensuite déposés en toute discrétion au lieu de destination à l’horaire négocié. Devant le succès de ce dispositif entièrement piloté par informatique, nous demandons aux usagers de bien vouloir réserver leur transport une semaine auparavant, ainsi le calculateur établit des feuilles de route en choisissant l’itinéraire idéal et optimise chaque tournée en véhiculant plusieurs personnes en situation de handicap à la fois. Sous peine de radiation, tous les ans ils devront justifier que leur domicile est toujours situé dans le district afin de continuer à bénéficier de ce service adapté.

 

Z 26 - Intégrer les PNF, est un chantier compliqué et pour être honnête, dans ce contexte économique de post crise, nous avons beaucoup d’autres problèmes à gérer. Un choix doit être fait et la problématique de l’accessibilité n’est malheureusement pas notre priorité.

Ces gens, souvent très organisés et toujours solidaires, se regroupent en associations. Nous convions toujours quelques uns de leurs représentants à des instances consultatives au sein de nombreuses commissions et groupes de travail.

Malgré nos réels efforts ces entités sont unanimes à dénoncer l’espoir déçu engendré par les promesses suscitées par une loi votée il y a dix ans. Ces promesses ne sont pas tenues. « Une de plus » scandent-elles.

 

 Z 27 - Nous voudrions bien les faire participer aux grands travaux de la cité et entreprendre des projets ensemble mais il est difficile d’inclure ces gens au sein de nos équipes.

Ces Personnes Non en Fauteuil ne peuvent pas rester assises longtemps. Après une demi-heure dans cette position, elles ne tiennent plus en place et il faut qu’elles se lèvent. Qu’elles gesticulent. Soi-disant qu’elles ont des crampes, ce qui leur occasionneraient des douleurs affreuses si cette posture devait se prolonger disent elles. Et pourtant nos zandi-spécialistes restent persuadés que ces souffrances sont d’origine psychique et n’existent que dans leur tête. 

Lorsque ces personnes se déplient, elles sont en équilibre instable et mettent un certain temps pour se stabiliser. Nous craignons qu’elles nous retombent dessus et bien souvent nous les aidons à retrouver leur équilibre. Elles perturbent ainsi nos réunions de travail.

Quant aux repas, nous sommes obligés de choisir des locaux accessibles pour eux, dans un environnement aménagé. Disposer d’un siège est une de leurs revendications. Et elles ne s’en servent pratiquement pas !

Pendant les visites de chantier, nous enclenchons le mode manuel de nos fauteuils et passons notre temps à les attendre. Pour avancer plus rapidement sans se mettre en danger, elles s’appuient sur nos fauteuils comme avec les anciens déambulateurs. Avouez que c’est pénible.

 

Z 28 - Ils nous reprochent une discrimination insidieuse, jugent que l’accessibilité est encore insuffisante et que trop de dérogations sont accordées.

Nous leur répondons simplement qu’elles le sont toujours pour des raisons d’assurance ou de sécurité évidentes ou en prévision d’actes de vandalisme.

« Nous  sommes des citoyens à part entière ! » revendiquent t’elles. Alors là, nous sommes d’accord. Dois- je rappeler que toutes les perceptions sont à plafond haut au rez-de-chaussée, comme tous établissements recevant du public, mais le sont aussi à tous les étages impairs alors que la législation ne nous l’impose même pas. Et qu’elles font office de bureau de votation lors des différentes consultations citoyennes.

 

Z 29 - Pour ceux qui bougent : jyvais.zan répertorie les endroits où ils peuvent se rendre aisément et leur fournit des renseignements utiles sur chaque destination (plafonds hauts ou escamotables, guichets surélevés dans les administrations, hôtels à lits rehaussés, location de véhicules équipés de sièges et de volant, transports publics aménagés avec plateforme extérieure…)

Quant à la fondation P. Hénef, elle les informe et les conseille sur leurs droits en les aidant ou en les assistant éventuellement en cas de conflit. 

Ces personnes inadaptées sociales possèdent également leur magazine dont le plus connu est le mensuel le PigNouF spécialiste des personnes en situation de handicap.                 

Il existe  également l’Amicale des PNF qui réalise un travail remarquable et de longue haleine en intervenant auprès de nos jeunes Zandis afin de

les sensibiliser en leur faisant prendre conscience que « certains n’ont pas la chance d’être en fauteuil comme eux ».

 

Nous comprenons l’impatience de ces personnes valides en situation de handicap et sommes persuadés d’œuvrer dans la bonne direction.

Mais comme l’a bien compris l’APNF, il faut aussi changer les mentalités, parfois dès l’école maternelle. Le chemin sera encore long.

 

JM G

HUMOUR ET HANDICAP, OU BIEN PLUS ENCORE ?

 

 

Il serait très inélégant d’utiliser mes idées, exposées ici,

sans mon accord préalable.