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«POUVOIR BIEN VIEILLIR AVEC UN HANDICAP »,trimestriel GIPHV.N°9;07.2006 Editeur :Henri Charcosset, E-Mail : charcohe@club-internet.fr
Olivier RAZEMONT, Le
Monde du 28 mai 2005, rubrique Seniors.
LE VOUVOIEMENT
Il n’est pas le moindre des charmes de la langue
française. Dès l’époque romaine, le « vous » de politesse constitua
un contre-pied au « nous » de majesté utilisé par les empereurs.
Aujourd’hui, en France, les règles qui président à la distinction entre le
« tu » et le « vous » sont devenues subtiles. En principe,
le recours au vouvoiement marque le respect, en particulier à l’égard d’une
personne plus âgée, sans doute parce que, dit-on, elle représente la sagesse.
Mais il peut aussi caractériser la distance, voire la condescendance. Quant au
tutoiement, il est plus simple, mais plus familier.
C’est aussi une affaire de générations. A une
certaine époque, il était d’usage de vouvoyer tout le monde, à l’exception des
très proches. C’est la culture égalitaire soixante-huitarde qui a généralisé le
tutoiement, aussi bien entre amis ou au sein de la famille que dans les
relations professionnelles. On n’en continue pas moins à vouvoyer les anciens,
qui pratiquent plus volontiers le vouvoiement.
Il fut
ainsi un temps où, dans de nombreuses familles, surtout dans les milieux aisés,
on vouvoyait ses ascendants. Monique, 56 ans, continue de donner du
« vous » à ses parents octogénaires. L’habitude fut prise dès
l’enfance. « Vers mon sixième anniversaire, j’ai passé une année loin
d’eux. A mon retour, suivant l’exemple des enfants de mon âge, je les ai
tutoyés. J’ai rapidement compris que ce n’était pas convenable ».
Chez
Colette, aujourd’hui âgée de 74 ans, on vouvoyait également les parents.
« C’était l’expression d’un respect
et cela nous semblait naturel. Nous étions scolarisés dans une pension
catholique où les enseignants nous vouvoyaient ». Dans certaines familles,
le vouvoiement est encore systématique. « J’avais trois cousins qui ont
vouvoyé, toute leur vie, leur sœur aînée », se souvient Colette. « Ma
mère, âgée de 92 ans, ne tutoie que les enfants de moins de 10 ans »,
témoigne Myriam, 60 ans. « Je
vouvoie ma belle-sœur, qui a une dizaine d’années de plus que mon mari »,
ajoute Annette, 63 ans.
Mais
l’époque a changé. Elle a directement marqué la famille de Colette. « Nous
étions dix. Ma plus jeune sœur, née vingt et un ans après moi, est la seule qui
ait tutoyé nos parents. Cela lui donnait d’ailleurs une liberté de langage que
nous n’avions pas. Le tutoiement crée un autre registre de relations »,
observe-t-elle. Ni Colette, ni Monique n’ont exigé, à la génération suivante,
d’être vouvoyées par leurs enfants. «Cela ne m’est même pas venu à
l’esprit », témoigne Monique. Et c’est ainsi que des petits-enfants
tutoient leurs grands-parents, alors que leurs parents les vouvoient.
Les
seniors d’aujourd’hui demeurent plus prompts que d’autres à exiger le respect
qu’implique le vouvoiement. En particulier, le choix d’un mode de communication
avec les gendres et belles-filles est une question sensible qui influe sur
l’ambiance familiale. « Je tutoie mes deux belles-filles et elles me
vouvoient. C’est moi qui l’ai voulu, car je considère que l’on n’a pas à me
tutoyer » explique Mady, 63 ans. « Mon gendre me vouvoie, c’est une
marque de respect », confirme Annette. En revanche, on tutoie plus
facilement les parents de son gendre ou de sa belle-fille, qui se trouvent être
aussi les grands-parents de ses petits-enfants.
Robert,
82 ans, a eu sept enfants, et tous se sont mariés. Cet amoureux de la montagne
avait édicté une règle originale : « J’ai tutoyé mes gendres et mes
belles-filles à partir du moment où nous étions allés ensemble à plus de
Habitués
dès leur enfance à considérer le vouvoiement comme la manière normale de
s’adresser à des étrangers à la famille, certains seniors demeurent
circonspects devant la familiarité qui caractérise aujourd’hui la société.
« Nous
tutoyons nos amis, raconte Myriam. Mais lorsque nous rencontrons des couples de
notre génération au cours d’une semaine dans un club de vacances, par exemple,
j’ai du mal à les tutoyer en sachant que nous ne nous reverrons sans doute
jamais ».
Pour
ceux qui éprouvent le plus de réticences, c’est la pratique d’activités
communes qui permet de passer le cap. « Mon mari et moi faisons partie
d’une association de retraités engagés, des gens très respectables qu’il m’est
difficile de tutoyer » explique Colette. « Mais lorsque nous
organisons une marche, la distance disparaît. On porte de gros godillots et un
sac à dos. A la pause, chacun plonge sa main dans le paquet de biscuits. Cela
change forcément le lien ».
La
même Colette admet avoir du mal à tutoyer naturellement. Elle raconte ce
curieux moment où s’effectue le passage du « vous » au
« tu ». « Un jour, une amie m’a fait remarquer que nous nous
vouvoyions. « C’est un peu bête », avons-nous décrété. Nous décidâmes
alors de passer au tutoiement. Mais je n’ai pas pu m’y résoudre immédiatement.
J’ai continué à vouvoyer, puis je me suis rappelée que nous avions un pacte, et
j’ai tâché de la tutoyer, mais en oubliant souvent. Peu à peu, cependant, le
tutoiement s’est installé ».