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Janvier
2010
VIVRE TOUJOURS
PLUS ?
Le philosophe
et le généticien.
1 - L’exercice
philosophique
Roger-Pol
DROIT et Axel KAHN
Editions Bayard, 2008
Extraits plus Réflexions en
final, par Henri Charcosset
... La philosophie est pensée
comme une pratique capable d’infléchir de façon radicale le cours de la vie
humaine. C’est dans l’horizon d’une philosophie existentielle, école de vie,
manière de s’exercer à une forme de sagesse, que la réflexion sur
l’apprentissage de la mort se développe. On ne s’étonnera pas que ce soit
principalement dans les Ecoles philosophiques de l’Antiquité grecque et
romaine, ou encore dans les réactivations et reprises du fond doctrinal de ces
écoles, que se développèrent les principales réflexions.
La diffusion du
christianisme dans l’histoire occidentale a profondément changé les
perspectives sur ce point. Les dogmes chrétiens concernant la résurrection des
corps et l’immortalité de l’âme, l’idée même de révélation, la substitution de
l’idéal du « saint » à l’idéal du « sage » ont contribué à
modifier radicalement la manière de penser la mort et le rôle de la philosophie
dans cette pensée.
On peut se demander si, la
domination des conceptions chrétiennes, qui avaient écarté la philosophie d’un
rôle central dans l’apprentissage de la mort, étant achevée, nous ne sommes pas
en train d’assister à un retour des conceptions antiques retravaillées ou
retransformées.
Le choix de Platon (428-348 av. J-C) :
« L’apprentissage de la mort »
... Il s’agit moins de mourir
dans le sens courant et banal du terme, que de « délier » l’âme du
corps... Philosopher, c’est s’exercer à une démarche de séparation, de
détachement, de « déliaison », des différents liens qui
« clouent » comme dit Platon, l’âme au corps. Autrement dit, mourir
ne va pas signifier ici être anéanti... « Mourir », en l’occurrence,
signifie au contraire vivre d’une vie plus haute, plus stable, éternelle.
L’apprentissage de la mort consiste à se détourner du corps pour se tourner
vers la pensée, le monde de l’âme, l’univers des Idées et des Formes.
Epicure( 341-270 av. J-C) enseigne que la mort n’est
rien.
...Sa pensée est en effet,
comme chacun sait, une pensée du plaisir. Non pas « plaisir en
mouvement » mais « plaisir au repos ». Pour Epicure, le plaisir
se définit de manière négative, comme absence de trouble, de désir, de tension.
...Bref, le meilleur état
possible est celui du corps sans tension et de l’âme sans trouble...La
philosophie doit procurer la « santé de l’âme »...
Le geste d’Epicure consiste
finalement à apprendre à vivre plutôt qu’à mourir, en s’exerçant à découvrir
que la mort n’est rien, et donc que la crainte qui pouvait le plus perturber
l’existence humaine et y semer le trouble, se révèle sans objet...
Comme on le voit, cette
posture philosophique est aux antipodes de celle de Platon. Au lieu de se
détourner du corps, il s’agit de s’y installer. Au lieu de s’exercer à mourir,
s’entraîner à voir que la mort n’est rien...
En dépit de leur opposition
complète, ces attitudes convergent vers l’idée même de l’exercice et de
l’entraînement...
Ces « exercices
spirituels » ont fréquemment la mort pour objet...L’idée de
l’apprentissage par le philosophe d’une attitude sereine envers la mort se retrouve
chez les Stoïciens, chez les Cyniques, chez les Sceptiques eux-mêmes... Le
point central est l’impassibilité du sage. Il est censé être en mesure de
quitter la vie à tout instant sans crainte ni tremblement, et même, à la limite
sans émotion.
La position singulière de Montaigne( 1533-1502)
Montaigne insiste, d’une
manière autre que celle des philosophes de l’Antiquité, sur l’aspect éminemment
révélateur de l’épreuve finale... Mourir, ce serait apprendre à se connaître.
Pour Montaigne, l’idée d’apprendre
à mourir possède une double face, platonicienne et épicurienne. D’un côté, il
peut s’agir de se tenir à part du corps... d’un autre côté il s’agit de ne pas
craindre la mort pour mieux vivre, mieux goûter la volupté de l’existence...
La force de Montaigne réside
pour nous, aujourd’hui, dans sa capacité à se nourrir des sources antiques pour
avancer continûment des thèses éminemment modernes... Montaigne souligne en
effet la présence interne et continue de la mort au cœur même de notre
existence : « Le continuel ouvrage de votre vie c’est bâtir la mort.
Vous êtes en la mort pendant que vous êtes en vie, car vous êtes après la mort
quand vous n’êtes plus en vie. Ou si vous aimez mieux ainsi : vous êtes
mort après la vie ; mais pendant la vie, vous êtes mourant, et la mort
touche bien plus rudement le mourant que le mort, et plus vivement et
essentiellement ».
Pour Montaigne plus la
pensée de la mort est présente, permanente et continue, moins elle aura
d’emprise sur notre existence. Il s’agit de se soumettre à un entraînement, un
apprentissage effectif qui, en décelant à chaque instant la présence de la mort
dans le monde, permet qu’en fait elle s’estompe ou se dissolve.
La mort, « génie inspirateur de la
philosophie » selon Schoppenhauer (1788-1860).
A la conception chrétienne
qui semble affirmer la création ex nihilo d’un sujet destiné à vivre ensuite
éternellement, Schoppenhauer va opposer dans une perspective influencée par le
Veda et par le Vedântâ, le sujet éternel de la pure connaissance, impersonnel
et trans personnel. En deçà de l’individuation, indépendamment de notre
existence séparée comme individu, existerait en nous la conscience de notre
éternité comme existence incréée et indestructible.
Les limites de l’exercice
L’idéal antique appartient
au temps lointain où l’on mourrait en public, où l’on soignait son trépas, où
l’agonie était une réalité presque fréquente et familière. N’en avons-nous pour
autant rien à retirer ? Non pas faire retour à cette époque où la mort
était pleinement intégrée à la vie quotidienne, mais refaire une place à la
mort... Reparler d’en faire l’apprentissage n’est peut-être pas inutile,
surtout si nous sommes avertis des limites d’un tel projet...
En fin de compte, modestie
s’impose...
Avec la mort comme avec la vie,
il n’y a décidément pas de bonnes solutions. Peut-être seulement des compromis.
Cela s’apprend.
Un mot d’Axel Kahn
Inéluctable la mort est,
mais de moins en moins bien acceptée. La mort tend en effet à être ressentie
comme un échec, celui d’une société légitimement fière de ses connaissances et
de ses pouvoirs. Chaque jour les progrès de la médecine sont fêtés. Des
promesses, laissant penser que toutes les maladies finiront par être vaincues,
pleuvent. Mais tout cela n’est-il pas dérisoire si l’homme est toujours destiné
à vieillir et mourir ?...Tout est fait pour dissimuler la mort, comme on
s’y emploie pour des faiblesses dont on aurait honte. On ne meurt plus en
société, entouré de sa famille et de ses êtres chers réunis dans sa maison,
mais le plus souvent dans la chambrette banalisée d’une maison de retraite ou
d’un hôpital, bien des fois seul. Cela explique sans doute le succès public de
toutes les informations suggérant que les savants ont enfin élucidé les
mécanismes biologiques de la sénescence et qu’ils commencent à les maîtriser.
Réflexions de Henri Charcosset, né en 1936, handicapé
moteur, webmestre
Penser la mort me renvoi à
mon enfance - adolescence en milieu rural du Centre de la France (village de
350 habitants)). Déjà à la ferme parentale, on côtoyait couramment la mort
d’animaux, petits (lapins...) ou gros (veaux, vaches). Mais les maladies graves
et morts d’humains (proches, mais aussi personnes plus ou moins connues des
environs) étaient monnaie courante... et donnait lieu à force analyses et
commentaires à table ou durant le travail aux champs. Qui de la famille
allait-il nous représenter à un enterrement ? Et dans la suite des
funérailles les questions fusaient auprès de celui ou celle qui nous avait
représentés. Qui y as-tu vu ? était
l’interrogation la plus fréquente.
Rappelons que le contexte
était celui de la pauvreté en moyens de communication en tous genres...et d’une
bien moindre abondance qu’aujourd’hui, en sujets de conversation.
Oui, maladies graves et morts,
avec leur activité associée de rendre visite aux malades et de les accompagner
à leur funérailles, agissaient comme complément courant aux pertes en animaux
ou/et en récoltes pour faire lien relationnel dans les familles.
Sans en être conscients c’est
sûr, nous étions calés dans la ligne de pensée de Montaigne là où il nous dit
que « Plus la pensée de la mort est présente, permanente et
continue, moins elle aura d’emprise sur notre existence ».
°°°°
Faisons un saut de quelques
décennies pour nous projeter tout début novembre 2009, dans un autre village, à
10 km de celui déjà évoqué.
Mort d’un cousin germain à
71 ans, en deux heures, par crise cardiaque, alors qu’il ne se savait pas
malade. Funérailles par messe à l’église du village, suivie d’accompagnement au
cimetière, et enfin pour la famille et d’assez proches connaissances, rencontre
à la salle communale. De l’ordre de 200 à 300 personnes présentes à la messe,
une soixantaine à l’étape en final à la salle communale. On y était tous assis
autour de grandes tables ; avec service de café, thé, infusions, mais pas
de boissons alcoolisées. Service agrémenté d’une excellente brioche faite par
le boulanger local en personne.
On voit bien que de telles
rencontres aident chacun(e) à vivre avec un moindre dommage, ses pensées
rapport à son propre futur « grand départ ». On y parle, bien entendu
en louanges, du mort, mais sans que son décès soit vu comme la « fin du
monde » en soi. Tout au plus une étape, un passage de relais en direction
des présents, qui eux restent vivants... pour un temps limité comme il se
doit ! Des liens se renouvellent ou se confortent. Une certaine
relativisation de sa propre mort, celle de son corps en tout cas se conforte.
°°°°
Une expérience personnelle
me fait faire de nouveau renvoi à Montaigne, pour qui la mort est compagne de
notre vie jusqu’au bout de cette vie. Paralysé en très peu de jours par le
virus de la polio en 1953, j’ai passé
deux ans au Grand Centre de rééducation de Garches, y côtoyant un grand
nombre de paralysés, enfants, adolescents polio surtout, mais aussi adultes
(polios, pathologies diverses)
A ce jour, ce Centre traite
surtout des paralysés par accident, paraplégiques et tétraplégiques. Le
Professeur Olivier Dizien disait récemment qu’après un an de paralysie, les
patients se subdivisaient entre ceux qui, dans leur tête, continuaient à vivre
(ou plutôt fantasmer) leur « vie d’avant » et ceux qui se projetaient
vers ce qui leur serait permis dans leur nouvel état. Soit le travail de deuil
était bien engagé, soit il ne se ferait pas.
J’ai récemment perdu mes
dernières capacités à me mettre debout sans un lourd appareil à chaque jambe.
Un travail de deuil de plus à faire !
°°°°
Alors, S’adapter à devoir
s’adapter, toujours et encore, ne pourrait-il pas de venir une règle
de base pour nos vies ?
Poursuivre ce rude mais
riche chemin serait un objectif majeur de nos fins de vie. Se montrer auprès de
notre descendance et plus généralement des générations qui suivent, parmi les
exemples concrets d’un Mourir vivant. Tâche exaltante et profitable à tous,
s’il en est.
Su ces notions de Mourir
vivant, Mourir debout, Mourir guéri, on pourra se reporter à la section sur ce
site animée par Christiane Bedouet, CLIC
°°°°
J’ai cité les villages
d’antan dont il nous reste des marques concrètes ici et là.
Nous sommes en plein engagés
dans la transition vers le village planétaire. Chacun devrait y avoir à
terme, son propre « village »,
en d’autres mots son site Internet d’identification personnelle.
Dans ce contexte, il
commence à se nouer de nouvelles formes de relations interpersonnelles, souvent
plus vraies que certaines de notre vie courante. Relations susceptibles
d’opérer et de se renouveler, où que l’on ait à vivre, jusqu’au bout de nos
vies !
Alors que
l’ « effectif » de mes relations courantes, tend à se rétrécir
sérieusement par suite des décès, celui de mes Net relations s’est étoffé, fait
des personnes participant activement à ce site,
plus quelques autres. Je dis à chacune chacun, mon amitié et mes
meilleurs vœux pour 2010 !
Bien accroché(e)s à ce que
notre passé a été, projetons nous vaillamment vers le monde de demain …..le
meilleur moyen pour ne pas nous trouver bientôt du passé, et dépassés !
Quitte à mourir, autant le faire vivant, et allant de l’avant ?
Henri Charcosset, 01 Janvier
2010 , henri.charcosset@neuf.fr