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                                                        NOVEMBRE 2008

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BIEN VIEILLIR : 100 ANS ET PLUS

 

Philippe PITAUD avec la collaboration de Daniel HARNIVEL, Sophie BULINCHES, Céline VALARCHER

 

Editions Erès, 2007

 

Extraits par Henri Charcosset

 

P20 En 1953 on comptait en France à peu prés 200 centenaires, et en 2000 ils étaient déjà 8500. Dans une cinquantaine d’années ils pourraient être 170 000 !

 

P25-26 Ces personnes ont accordé une importance particulière à leur intellect tout au long de leur vie et ont manifesté de l’intérêt pour l’instruction. Ce sont des personnes curieuses et enthousiastes à l’idée d’apprendre et de découvrir de nouvelles choses. Elles ont toujours conservé pour la majorité d’entre elles, une activité physique. Leur travail a aussi tenu une place importante dans leur vie ; un travail avant tout passion, allié au plaisir de bien faire et de se dépasser.

         Ces centenaires semblent accorder une grande valeur aux qualités humaines et spirituelles…

         Les centenaires ont en général un caractère optimiste et ne se laissent pas envahir par des idées noires ou des sentiments négatifs. Ce sont des personnes qui avant tout font preuve d’une grande sagesse, d’intelligence et de facilité d’adaptation face aux preuves de la vie. Une grande force de caractère semble animer ces personnages étonnants.

 

P45-46 Il est de fait que jusqu’à présent la personne âgée éprouve une certaine difficulté à changer ses habitudes et à s’adapter à du nouveau. Il faut cependant préciser que ce trait caractérisait surtout des personnes appartenant à la France rurale où presque rien ne changeait d’une génération à l’     autre. La personne âgée actuelle, comme celle des générations à venir, aura certainement une plus grande aptitude aux changements, car elle aura rencontré l’obligation de changer tout au long de sa vie…

Les observations des psychiatres qui s’intéressent aux troubles psychiques de la sénescence signalent toujours le rôle que joue le narcissisme. Il ne faut point entendre ici ce terme dans un sens négatif, selon lequel Narcisse en s’aimant lui-même est devenu incapable d’aimer les autres…

         Un investissement narcissique est indispensable à l’investissement dans des objets extérieurs. Le narcissisme est source d’énergie et toute activité, même désintéressée et entièrement tournée vers les autres, ne sert qu’à conforter une image de soi qui permet de vivre en bonne intelligence avec soi-même. Le narcissisme, c'est-à-dire l’investissement de soi, le sentiment de sa valeur, défend l’individu contre les tendances dépressives liées à l’approche de la mort…

Toute la relation à l’environnement est posée dés la prime enfance…

         Le narcissisme permet aussi d’expliquer l’importance de la croissance des troubles psychosomatiques avec le vieillissement…

La perte des rôles et l’absence de statut social qui en découle peuvent alors déterminer un no man’s land où beaucoup de personnes âgées errent, et la maladie surgit alors comme seule possibilité d’entrer dans un rôle. Le rôle de malade reconstruit autour de la personne tout un univers social et permet de restructurer le temps.

 

P57-122 « Les vies, c’est un roman vous savez » Courts extraits du temps de leur enfance, vers les 1910.

         ●  …..« Ma vie a ressemblé à celle de beaucoup de personnes de cette génération. La différence, c’est le breton sûrement. De notre temps, on ne parlait que le vrai breton. Après, pour les enfants, ça a changé ; ils devaient apprendre le français. Nous autres on connaissait pas le français. Ils devaient parler à l’école et le dernier qui disait un mot en breton dans la classe revenait à la maison avec un bouchon, un symbole autour du cou : c’était pas drôle. Avec mon mari, on a jamais été très dur avec notre fille, mais certains trouvaient que c’était une honte pour la famille d’avoir un enfant qui ne faisait pas l’effort de parler français. Et puis, c’était pas comme aujourd’hui avec les coups de règle ; je peux t’assurer qu’ils faisaient attention les gosses… »

         ● D’André Cazaux : « Au Poujol sur Orb, j’ai vu apparaître l’électricité, l’eau courante, les waters. On allait avec les lapins. Dans le village il y avait même une rue qui était sacrifiée pour ça. Tenez, je vais vous en raconter une belle. En ce temps-là, l’éclairage électrique n’existait pas. Un homme était chargé tous les soirs de monter sur une échelle pour allumer les réverbères du village. Un soir, plus obscur que les autres, le garçon du Poujol, un sacré farceur, se rend comme tous les jours au café. C’était un comédien hors pair. Il savait prendre les figures de circonstance. Il arrive, le visage et les cheveux mouillés. Il avait pris soin de se munir d’un parapluie qu’il avait bien trempé dans la fontaine.  Après cette forfaiture, il se précipite affolé dans le café, impose le silence, montre le parapluie et s’exclame : « Vous avez vu, il tombe quicon (quelque chose), c’est l’inondation au village » Tout le monde sans exception, sort. Dehors une nuit étoilée sans nuage. Et tout le monde de s’esclaffer de rire ! »

         ● Mme Tabé : « La moitié du temps ma mère m’appelait pour aider. Vous savez ça a manqué. Ça manque beaucoup quand on nous cherche à l’école. Ça n’existe plus maintenant mais en ce moment là ça existe. Les mères avaient le droit de dire : est-ce qu’elle peut venir cet après-midi, pas aller à l’école, pour aider ? C’est très mauvais ça, vous voyez je me souviens, c’est très peu de chose. A Sarrebourg déjà, on faisait les après-midi une heure ou deux pour apprendre la cuisine… J’aimais bien, j’aurais bien voulu être là. Et bien non, j’ai pas appris… Ah Non, ma mère m’a cherchée et elle allait faire les travaux dans les champs. Fallait que je garde les enfants. Vous croyez que c’était gai pour les aînés ? J’avais déjà douze ans à ce moment là…  Et puis garder la maison. Et puis, tout partout fallait être. Et encore on reçoit une punition si on fait pas ça. »

 

P123-140 La quête du bien vieillir : quête de l’humanité et quête du sujet.
Chaque culture tente par ses propres mythes, religions et croyances d’aider l’individu à accepter ses limites. Ainsi la place du vieillard n’est pas la même selon qu’il se situe dans une société moderne ou traditionnelle…

 

P264 Dans certaines civilisations, le vieillard est aussi le sage, l’ancêtre. Il est la connaissance, le porteur d’une mémoire individuelle et collective. Dans ces sociétés dites traditionnelles, les personnes âgées sont utiles (travaux spéciaux comme la responsabilité des rites initiatiques, rôle dans l’éducation des enfants). Elles sont insérées dans la famille et le lignage. La mort est vécue comme le couronnement de la vie, comme un passage. L’enterrement se fait dans la fête et permet le rassemblement. Le vieux est respecté car il a capitalisé le savoir et l’expérience… Le vieillard courbe-t-il l’échine sous le poids des ans ? Il est alors « le petit homme ancien », « la petite femme ancienne », le rapetissement évoquant la métamorphose, le procès de spiritualisation, [---] le summum de l’être. Marche-t-il lentement ? C’est qu’il connait le poids des choses [---] Est-il sourd ou aveugle ? C’est que devenu esprit, « il est avec la pensée »[---] Enfin en vient-il à divaguer ? C’est que déjà prés des dieux, il parle un langage que nous ne pouvons pas comprendre.

 

P124 Dés lors on peut se demander comment la France en est venue à ces représentations sociales négatives de la vieillesse… Malaise dans la civilisation qui, poussé à son paroxysme, fait naître une nouvelle forme de racisme : l’âgisme, processus de stéréotypes systématiques et de discrimination contre les personnes, parce qu’elles sont vieilles. Aussi d’après J. Messy, « le vieux c’est l’autre dans lequel nous ne nous reconnaissons pas »

 

P125 Pourtant le vieillissement est inhérent à la vie humaine : il débute avec la vie et se termine avec la mort. De nombreux facteurs entrent en compte : l’hérédité, le sexe, les conditions de vie. Mais le plus important reste la façon dont on se perçoit et dont on est perçu par les autres…

         Cessons de mettre le vieux dans des catégories préconçues, écoutons ce qu’il a à nous dire. Le vieux nous parle si l’on prend le temps de passer un moment avec lui. Le vieux a notre origine, il a des connaissances inégalables, il est le porteur d’une histoire et qui plus est de son histoire. Il a tellement à transmettre aux jeunes… Inversement, il considère qu’il a aussi beaucoup à apprendre des jeunes et, contrairement aux idées reçues, il n’est pas toujours hermétique aux nouvelles technologies, mais qui prend le temps de lui expliquer comment fonctionne toutes ces machines qui n’existaient pas ? Le vieux est sage, il enseigne à qui veut bien l’écouter…

 

P126 Néanmoins, il y a un vieux que nous sommes tous prêts à écouter. Un vieux dont on aimerait qu’il dévoile ses secrets… c’est le centenaire. Il est question ici non pas d’atteindre les cent ans à tout prix mais de bien vieillir…

         La quête du bien-vieillir s’inscrit non seulement dans une problématique individuelle mais aussi dans une dimension plus universelle et atemporelle… Elle est intrinsèquement liée à la quête de l’immortalité et à la recherche de l’éternité, ou plus simplement à la maîtrise du temps.

 

P127 Les vies c’est un roman vous savez… Un roman qui s’écrit seconde après seconde et dont on ignore comment il va se terminer…

         Le destin désigne un moment présent de l’histoire future d’un être humain telle qu’elle est écrite par une force ou une instance supérieure à l’homme (éventuellement divine). « Destin de centenaire » implique alors la projection vers l’avenir, aussi incertain soit-il.

 

P128 Ne pourrait-on pas alors voir dans la représentation sociale du centenaire ce héros du jour ? Homme dont les valeurs et les aventures font qu’il est acteur de sa propre existence, l’homme dont on admire à la foi la force physique puisqu’il défie le temps et la force morale par sa richesse de pensée et de connaissances, représentant une sorte de vieillesse idéale à qui il y a peu de temps encore était rarissime et qui désormais est glorifiée, parfois de façon post-mortem d’ailleurs. On dira alors de lui « il a bien vécu ».

         Ainsi, être centenaire a une connotation positive, dont la représentation sociale s’approche plutôt de celle du vieillard africain tandis qu’être vieux a un statut plus ambivalent, plus péjoratif. C’est cette image du vieux que les retraités d’aujourd’hui refusent, préférant plutôt se projeter sur la possibilité d’une vieillesse sans handicap et surtout sans dépendance, intégrée dans la vie de la cité.

 

P129 Il n’y a pas une façon de bien ou mal vieillir, tous les conseils pratiques ne sont qu’indicatifs. En effet, ce n’est pas une fois centenaire que les habitudes de toute une vie sont modifiables. Il n’y a de bien-vieillir qu’en lien avec ses aspirations, ses projets, ses désirs. Bien-vieillir, c’est vieillir selon notre volonté, c’est être libre de choisir, de vivre comme on l’entend, c’est continuer d’être citoyen à part entière, d’être aimé, d’être soi…

         Ainsi au fil des ans, il apparait que le centenaire serait une personne avec une grande capacité d’adaptation face aux changements, qu’ils soient externes ou internes. Oui mais voilà, simplement, bien-vieillir n’est pas si simple, la quête est ardue et le héros de roman va se trouver confronté à des évènements inattendus qui pourront remettre en cause tout son univers, c'est-à-dire son identité biologique, psychologique et sociale.

 

P132 Tout comme l’enfant apprend à reconnaître son image dans le miroir, tout comme l’adolescent apprend à devenir adulte, la personne âgée doit prendre le temps de découvrir ce nouveau corps qu’elle refuse.

 

P134 La souffrance dont l’origine est la solitude est difficile car elle vient d’un mal-être intérieur que l’homme le plus entouré du monde ne pourra sans doute pas éviter à un moment donné de sa vie. Il convient alors de l’appréhender comme un passage, une épreuve que le héros doit affronter, peut-être à plusieurs reprises… le rendant ainsi plus sensible au monde qui l’entoure.

 

P137 L’amour, le plaisir, le désir, sont des mots et des sensations qui nous suivent tout au long de notre existence. Quel que soit l’âge ils restent le moteur de nos pensées, de nos actes…

         Le temps prend alors une toute autre dimension. Se projeter vers l’avenir est de nouveau possible, le présent est vécu pleinement. Le passé, s’il n’est pas oublié, est pensé en parallèle, voire mis de côté lors de certains instants.

         Le corps est (ré)apprivoisé, les sensations (re)découvertes, la libido (re)sensibilisée, le plaisir (ré)éprouvé, le lien à l’autre (re)tissé.

         Avancer à deux a quelque chose de rassurant, savoir que l’on compte pour quelqu’un et que ce quelqu’un compte pour nous donne la force de traverser des épreuves.

         Le héros est celui qui n’a pas peur de se donner, de se recevoir, de partager avec l’autre. Il est heureux de se lever vivant, de vois ses amis et sa famille, s’ils sont encore là. Il profite de chaque instant. Il apprécie de voir un oiseau voler dans le ciel, une fleur dans un champ, les rayons du soleil. Il a un profond respect pour l’homme, la nature. Il essaie de vivre e accord avec ses désirs sans écraser ceux des autres. Le héros est avant tout un amoureux… de la vie.