Entrée sur site en Septembre 2015

 

TOUJOURS VIVANTS... JUSQU'AU BOUT DE LA VIE! APPROCHE SPIRITUELLE

 

LES PETTES SŒURS DES PAUVRES,

https://fr.wikipedia.org/wiki/Petites_s%C5%93urs_des_pauvres

 

Nous publions ici une approche spirituelle de l'accompagnement à l'approche de la mort. Au travers d'extraits de la revue DÉCOUVERTE de Juillet 2015, éditée par les Petites Sœurs des Pauvres H.C.

 

Extraits de la Revue

 

Toujours vivants !

 

Sr Marie est une Petite Sœur infirmière àMa Maison de Saint-Pern en Ille-et-Vilaine. Dans l'expression fin de vie - qu'elle n'aime pas trop employer – c'est le mot vie qui est important. Son action et celle de l'équipe soignante sont fondées sur cette conviction : le mourant est quelqu'un de bien vivant et doit être considéré comme tel !

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 ai le privilège de vivre avec les résidents et de pouvoir les accompagner dans la durée.

Qu'elle soit aujourd'hui défigurée par la maladie, désorientée peut-être, consciente ou non, c'est la même personne que j'ai connue à son arrivée, avec qui nous avons vécu des mois et des années, des moments de peine et de fête, et auprès de qui je vais essayer d'être présente jusqu'au moment ultime. Je vais prendre comme exemple une dame, Mme T.*, qui est très affaiblie. Nous pensons qu'elle est sur le point de nous quitter, mais nous le pensons tous les jours... depuis six mois !

Certains disent qu'elle ne parle plus... Nous, le personnel soignant, nous sommes témoins du contraire ! C'est vrai, elle ne bavarde plus, mais elle communique et sait bien exprimer ses volontés, ses désirs.

Un jour, j'ai éteint la télévision sans lui demander son avis. Elle a rouvert les yeux, l'air mécontent ! C'était une émission qu'elle a toujours bien aimée « Questions pour une chanson » !  Elle mange peu et parfois, à l'heure du repas, elle est endormie. Nous nous disons : « On ne va pas la réveiller pour manger , on repassera un peu plus tard... » Quand je reviens et lui demande : « Voulez-vous une petite crème ? », elle acquiesce... Oui, elle a encore bien envie de vivre !

 

* les noms ont été changés

 

Nous sommes faits pour vivre

C'est la vie qu'on accompagne ! Tant qu'elle est vivante et qu'elle me regarde avec ses yeux pétillants, elle a besoin que je lui parle de la vie. - « Tiens ! J'entends M. B. qui passe dans le couloir ! M. B. était un camarade d'école, ils se connaissent depuis 70 ans. Elle a besoin de cette petite nouvelle de proximité et pas seulement que je lui dise pieusement un Je vous salue Marie, même si elle est croyante et que nous prions parfois ensemble.

L'autre jour, pendant le temps de la toilette, Sonia, l'aide-soignante, lui dit : -
« J'ai rencontré Anna ; elle vous dit bonjour ! »

Mme T., qui semblait quasi inconsciente, ouvre les yeux, réagit... Anna est une de ses belles-sœurs.

- « Anna, c'est la femme de Jean ou de Laurent ? Le visage de Mme T. se plisse, ses mains et ses pieds remuent. Elle cherche... Craignant de trop la fatiguer, l'aide-soignante lui dit de ne pas s'inquiéter. Mais quelques instants plus tard, quand on ne s'y attendait plus, Mme T. souffle : - « La femme de Jean ! »

 

Communiquer

La qualité des soins est essentielle, et il est prioritaire d'évaluer et soulager la douleur, mais il faut bien connaître la personne pour discerner si sa souffrance est physique ou plutôt d'ordre affectif ou spirituel... Nous, soignants, pouvons être parfois trop préoccupés du soin physique à faire et oublier la communication. Tant que la personne n'est pas morte, elle est toujours vivante ! C'est une lapalissade, mais qui demande d'agir en conséquence. Il faut lui parler de ce qui se passe autour de nous, de ceux qu'elle a aimés, de ses voisins, de son chat... Il ne faut pas lui laisser regarder le plafond mais prendre le temps de la mettre au fauteuil, près de la fenêtre pour qu'elle puisse voir dehors.

 

L'appel à la vie

La présence de personnes qu'elle reconnaît bien est vraiment importante. Dans ma voix qui lui est familière, elle entend l'appel de la vie. Dieu l'appelle aussi, mais son oreille n'est pas encore prête. C'est comme si elle ne voulait pas encore nous lâcher. Ce temps d'accompagnement est un temps de patience. Comme une semence prend du temps pour germer, pousser, l'éclosion d'une personne à l'autre vie prend du temps, on ne peut pas la précipiter.

 

Être humain

Accompagner dans le quotidien, c'est être très humain. Une phrase d'Évangile m'éclaire : - « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » C'est Dieu lui-même qui pose la question, mais nous pouvons aider à la transmettre, ainsi que la réponse.

Nous pouvons apporter la paix de Dieu à travers notre présence, nos soins. Notre humanité rejoint l'humanité du malade. Parfois, je sens Dieu très proche,  à ses côtés, prêt à la prendre dans ses bras...

- « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » - « Être libéré de la peur » est  souvent le désir de la personne qui vit ses derniers moments. Comme le disait dernièrement un des résidents : -  « Ce n'est pas de la mort que j'ai peur, mais de la façon dont je vais mourir ». Ayant des difficultés respiratoires, il craignait d'étouffer. - « Faites confiance » lui a dit une Petite Sœur en lui prenant la main ; son fils lui a pris l'autre, et il est parti, très paisiblement.

 

Cœur à cœur

La faiblesse a beaucoup à nous apprendre. Ce sont eux, les malades, qui touchent quelque chose en nous, qui nous apaisent. Dans le cœur à cœur de l'accompagnement, dans l'échange de regards, c'est un enrichissement mutuel, on n'a jamais fini d'apprendre.

 

 

Sr Marie et une partie de l'équipe soignante.

 

Qui accompagne qui ?

Malgré son affaiblissement et les soins qu'elle requiert, Mme T. est source de joie pour nous. - Elle m'a reconnue ! », s'exclame joyeusement Maryline, au retour d'un congé.

Oui, Mme T. a du prix à mes yeux, elle compte pour moi. Elle compte aussi pour Sonia et pour tous les membres de l'équipe.

En fin de compte, on peut se demander : - « Qui accompagne qui ? »                              

 

RÉFLEXION

 

La dimension spirituelle

 

Sœur Roxane Studer fait partie de la communauté des Augustines de la Miséricorde de Jésus. Dans le centre hospitalier qu'elles dirigent à Malestroit (Morbihan), Sr Roxane est responsable de l'unité de soins palliatifs.
Elle dispense aussi des cours aux élèves aides-soignants. Merci à Sr Roxane de nous dévoiler ici quelques éléments.

 

L'accompagnement de la dimension spirituelle,

la part du soin qui transforme l'acte en rencontre

 

Parmi les quatre dimensions de la personne que sont le biologique,
le psychologique, le social, nous trouvons le spirituel, défini comme la « respiration de l'être »1  par E. Michel.

La dimension spirituelle est un espace intime en soi, où chacun s'interroge sur le sens de sa vie, de ce qui lui arrive, sur sa présence au monde et sur une transcendance possible2. Elle tient à l'identité profonde de chaque individu et représente ce qui le fait vivre, ce qui lui donne son unicité et sa profondeur.
Ce « cœur du cœur » de la personne nous échappe en grande partie, car il touche à son mystère.

Toute personne évolue sur un plan spirituel tout au long de son existence.
Le travail spirituel est un chemin de croissance de son être profond, d'unification des différents éléments de sa vie pour en faire un tout cohérent. Les épreuves de la vie mettent en crise les équilibres précédents, mais agissent aussi comme catalyseur dans ce travail intérieur. La spiritualité peut alors être questionnante, avec l'apparition des grands « pourquoi » de la vie.

La personne, souffrante ou non, a des besoins spirituels. Le plus essentiel d'entre eux est sans doute celui de se reconnaître et d'être reconnu comme une personne à part entière, jusqu'au dernier moment, dans la possibilité de donner un sens à toute son histoire, à sa vie et à sa mort.

Si ces besoins ne sont pas satisfaits, une souffrance ou détresse spirituelle pourra apparaître, se traduisant par   une expérience de non-sens, d'absurde, d'injustice face à l'épreuve, la maladie, la mort proche. Face à ce type de souffrance,
un accompagnement  spirituel est nécessaire pour aider la personne à mobiliser ses ressources. Il demande un engagement dans une relation existentielle, ce qui pourra redonner confiance à celui qui souffre.

 

Le spirituel et le religieux

Le spirituel contient l'activité religieuse, mais ne se limite pas à elle, du fait de son aspect d'expérience personnelle, individuelle. La religion est le lien qui relie l'homme au sacré. Elle se rapporte à une pratique du fidèle inscrite dans l'appartenance à une communauté de foi, partageant des activités communes, avec la pratique de rites et rituels. Le religieux est de l'ordre du choix, tandis que l'on ne choisit pas d'être  spirituel, cela étant inhérent à l'être humain. Cette distinction permet de prendre d'autant plus au sérieux toutes les recherches spirituelles,
y compris celles qui ne sont plus aujourd'hui enracinées dans une croyance spécifique.

Conclusion

L'accompagnement du questionnement spirituel du patient ne vient pas se surajouter à la prise en charge médicale, sociale, psychologique mais fait partie intégrante du soin ;il contribue à humaniser les pratiques.

Dr Desmedt décrit d'ailleurs la prise en charge du  spirituel comme « l'élément qui insuffle la vie dans les actes et les soins que nous prodiguons […] Sans dimension  spirituelle, le contrôle des symptômes et le support psychosocial perdent de leur substance et la globalité de notre prise en charge se désagrège ! »3  Avec les débats actuels de société autour de la fin de vie, cette prise en charge du spirituel pourrait constituer un enjeu capital. Car une souffrance spirituelle, avec la sensation de non-sens de la maladie et de la fin de la vie, est souvent à l'origine d'une demande d'aide à mourir, comprise comme l'unique soulagement. Une approche global du soigné, incluant un accompagnement du  spirituel, est l'une des réponses à cet enjeu éthique majeur, dans la mesure où elle accorde pleinement sa place de sujet à la personne en souffrance.

Pour le soignant, en acceptant d'entrer pleinement dans la présence de l'autre, il s'engage lui-même sur un chemin de transformation intérieure. En effet, donner sa place au spirituel transforme la relation et les actes, apporte de la densité à sa propre vie et ouvre à la dimension verticale de l'existence.

 

1 MICHEL E., dans ROUGERON C., Spiritualité et fin de vie, voir site :

<http://www.reseau-epsilon.fr/pages/spiritualite%20et%20fin%20de%20vie.pdf>, p.2, pages consultées le 1 mai 2015.

 

2 MOLLIER A., LECOMTE C., Quelques enjeux autour de la notion de spiritualité. Revue JALMALV 1990 ; 22 : 7.

 

3 Desmedt M., Dujeu V., « Soins palliatifs et spiritualité : le regard d'un médecin et d'une infirmière », Médecine palliative 2007 ; 6 (3), p. 210.

 

 

 

Dr J. Ayoub témoigne que :

« Notre rôle à nous, c'est d'aider les malades à transformer la souffrance morale en une réconciliation avec la vie […] La maladie entrouve en chacun de nous une fenêtre spéciale de notre vie intérieure, qui libère l'amour enfoui en nous et est un appel aux vraies valeurs. »8

Les soignants que nous sommes tous au sens large, ont un rôle important à saisir et c'est là sans doute une manière moderne d'exercer la charité, bien au-delà d'une solidarité, en accompagnant la personne malade, âgée, dans sa recherche de sens, qui est finalement recherche de vie.                                                                             

 

 

8 Ayoub. J., Les enjeux du processus de la référence lors du passage de l'approche thérapeutique curative à l'approche palliative. Bulletin du Réseau de soins palliatifs du Québec, février 2005 ; 13 (1). p. 17. Voir site :

<http://www.aqsp.org/wp-content/uploads/2013/04/Volume-13-no-1.pdf>, pages consultées le 1 mai 2015.

Donner sa place au spirituel transforme la relation et les actes, apporte de la densité à sa propre vie et ouvre à la dimension verticale de l'existence.                                                                         Sr Roxane