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 «POUVOIR BIEN VIEILLIR AVEC UN HANDICAP »,trimestriel GIPHV,APF69.N°3;01.2005 Editeur :Henri Charcosset, E-Mail : charcohe@club-internet.fr  

 

Vieillissement et handicap. Handicap moteur.

LE  HANDICAP  A  BON  DOS !

 

Interview de Philippe DENORMANDIE, chirurgien dans le service d’orthopédie-traumatologie à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, responsable de la Mission Handicaps de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

 

Cet article est extrait de la revue ETRE  HANDICAP  INFORMATION,

 n° 58, p 30 et 35, 2002. Seule revue d’information sur le handicap à être vendue en kiosque. Nous remercions la Revue pour son acceptation de reproduction, et Dr Philippe Denormandie pour des informations complémentaires toutes récentes ( voir fin de texte).

 

ETREQuelles sont les spécificités du vieillissement des personnes handicapées moteurs ?

Philippe Denormandie – Tout d’abord… je vous dirai que le handicap a bon dos ! Je veux dire par là que chaque fois qu’une personne adulte, qui présente un handicap moteur, vieillit et va moins bien, on lui dit : « Ma pauvre…c’est à cause de votre handicap ! » Et l’on ne se pose pas les questions de fond qui consisteraient à se demander s’il n’y a pas d’autres raisons, qui n’ont rien à voir avec le handicap. Le danger, aujourd’hui, est de dire, quand la personne va moins bien, que c’est à cause de son handicap et qu’on ne peut rien faire… et donc on ne fait rien. A l’heure actuelle, et c’est un véritable scandale, la personne handicapée adulte vieillissante est exclue de tout système proposant des évaluations régulières et permettant d’éviter les dégradations qui peuvent survenir lors du vieillissement.

 

ETREPour répondre à votre question… Plusieurs tableaux existent concernant l’adulte handicapé moteur vieillissant.

Ph. D. - Premier tableau : il s’agit d’un handicap stable (infirmité motrice cérébrale, traumatisme crânien…). Comme pour tout le monde, en vieillissant, la physiologie de la personne handicapée se modifie. Mais la spécificité vient de ce que cette physiologie qui évolue est susceptible d’entraîner des modifications des systèmes de compensation mis en place jusqu’alors par la personne handicapée. Alors comment faire en sorte que les conséquences normales du vieillissement (plus grande fatigabilité, fragilité osseuse…) n’aggravent pas l’importance des incapacités ?

 

D’où la nécessité pour la personne handicapée moteur, comme pour tout le monde, et encore plus que pour tout le monde, de prévenir les conséquences du vieillissement physiologique.

L’autre tableau possible du vieillissement est celui du handicap stable mais dont les conséquences peuvent évoluer. Par exemple, les personnes qui ont un handicap moteur avec des troubles urinaires associés (paraplégie, spina bifida). Elles vont avoir régulièrement des infections urinaires et, à la longue, ces infections pourront entraîner une insuffisance rénale.

C’est vraiment l’exemple dans lequel le vieillissement fait que, progressivement, des complications apparaissent… Là encore s’impose la nécessité de la prévention des complications qui peuvent survenir. Ce sont des complications indirectes du handicap. Et si l’on n’y prend pas garde, on se retrouve, parce qu’on vieillit, parce que le temps passe, face à un certain nombre d’éléments qui commencent à se dégrader et ce avec des conséquences qui peuvent être relativement importantes, voire irréversibles.

 

ETRE – Pouvez-vous donner un exemple de vieillissement physiologique normal qui ait cependant des conséquences particulières chez la personne atteinte d’un handicap moteur ?

Ph. D. – Premier exemple : l’ostéoporose. Il y a une vraie campagne à faire auprès des personnes handicapées sur cette maladie. En effet, une personne handicapée moteur tombe plus souvent qu’une personne valide. Le risque de fracture est donc plus important que pour le reste de la population. Alors, si l’on ne surveille pas la diminution de la force musculaire… si cette dernière n’est pas entretenue par de la gymnastique, il y aura un risque d’aggravation du handicap et un phénomène de compensation naturel sur lequel on aura plus de mal à intervenir.

Deuxième exemple : l’arthrose. Une pathologie du vieillissement banale. Mais chez une personne handicapée moteur, qui est souvent atteinte de spasticité*, elle va provoquer des contractures qui pourront l’empêcher de marcher.

Ainsi, une personne IMC vient nous voir en consultation. Elle a depuis quelque temps une forte dégradation de sa marche. En fait, cette dégradation brutale n'est pas due à son handicap mais à une arthrose de la hanche. Pourtant, personne n’a voulu l’opérer, alors qu’elle a besoin de l’être comme toute autre personne. Si vous mettez une prothèse de hanche à une personne IMC de 75 ans, vous la remettrez debout comme elle l’était avant son arthrose.

L’arthrose est l’exemple typique de la situation qui va tout d’un coup se dégrader et pour laquelle il suffit d’intervenir chirurgicalement. C’est pourquoi je dis que le handicap a bon dos… On vous dit que c’est l’évolution logique de votre pathologie et on ne traite pas ! L’arthrose est une maladie du vieillissement, pas une maladie de l’IMC.

 

ETRE – Vous insistez sur la nécessité de la prévention. Mais beaucoup de personnes handicapées ne sont plus suivies sur le plan médical, une fois adultes…

Ph. D.- Très souvent, quand vous êtes une personne handicapée devenue adulte, le monde médical et médico-social vous fige dans une situation. C’est-à-dire qu’on vous déclare : « Vous êtes comme ça, on ne peut plus rien pour vous… ». Jusqu’à vos 20 ans, on se bat pour obtenir le maximum d’acquis… Ensuite on considère que vous êtes arrivé à un certain stade et que vous ne pouvez plus faire de progrès. Alors on vous fixe un degré de handicap et il ne se passe plus rien… Plus aucune évaluation n’est faite… A partir de là, votre état se dégrade… ou ne se dégrade pas. Mais vous n’êtes plus suivi alors que, pendant ce temps, les services notamment médicaux évoluent… Des progrès considérables sont faits dans de nombreux domaines. Mais vous n’y avez pas accès. Prenez l’exemple de la spasticité qui reste un problème majeur dans beaucoup de handicaps moteurs… Depuis cinq ans, on est en train de révolutionner la prise en charge de la spasficité grâce à de nouveaux systèmes d’évaluation, des produits comme la toxine botulique, des possibilités chirurgicales de neurotomie…

Bien que vieillissante, une personne handicapée a le droit de bénéficier de nouvelles techniques thérapeutiques qui peuvent diminuer franchement son niveau d’incapacité. Tout comme elle a droit, pour faciliter son quotidien, aux aides techniques, qui évoluent considérablement grâce aux matériaux, à l’électronique, à l’informatique…

Aujourd’hui l’on voit, et c’est absolument scandaleux, des personnes qui ne sont plus suivies depuis dix, vingt ou trente ans. Elles ne sont plus jamais réévaluées et ne réapparaissent en consultation qu’en cas de complication majeure.

 

ETRE – Quelles solutions pourrait-on apporter pour améliorer cette situation ?

Ph. D – A titre d’exemple, nous venons de mettre en place en Ile-de-France un réseau pour le suivi des « polios » vieillissants **. Nous nous sommes en effet rendu compte que toute cette population était abandonnée. Qu’elle ne savait pas où aller quand elle avait besoin d’une prise en charge, d’une aide médicale ou orthopédique, de rééducation…

La poliomyélite est un handicap stable. Le problème, pour les polios, est que lorsqu’ils marchent depuis trente ou quarante ans sur un pied de travers, arrive forcément le moment où leur genou, ou bien leur hanche, cède. Cela s’use… Ils fatiguent…et tout devient plus difficile…Si à cela s’ajoute une augmentation de poids, la ménopause…

Le réseau est formé de six structures sanitaires et médico-sociales qui se sont engagées à prendre en charge les anciens polios. Le polio qui se présente dans ces services va bénéficier d’un bilan complet sur le plan médical et social. Nous allons faire le point sur son état, ses besoins, sa situation… L’objectif de ce réseau est d’offrir une prise en charge et un suivi assurés par une équipe ayant l’expérience de cette maladie et de ses conséquences. Nous sommes en train de préparer l’équivalent pour les IMC, ainsi que pour les traumatisés crâniens. Ces réseaux vont permettre un accompagnement de la personne. Ils aideront à anticiper certaines situations.

A partir de 35, 40 ans, quand son état commence à se modifier, que des signes apparaissent, il est important que la personne puisse consulter, avoir une évaluation de sa déficience et de ses incapacités, avant que des difficultés majeures surviennent.

 

ETRE – Quels conseils pouvez-vous donner à l’adulte handicapé moteur pour vieillir bien ?

Ph. D. – Il faut s’entretenir physiquement… Surveiller son poids… Faire de la gymnastique… Il est important d’écouter son corps et de ne pas penser que, sous prétexte qu’on est handicapé, il ne faut pas s’occuper de soi. On est dans un paradoxe : les personnes handicapées moteurs, qui ont encore plus besoin d’entretenir leur corps que n’importe quelle personne valide, ne pratiquent souvent aucune activité physique comparé à la population non handicapée. Parce qu’on ne les a pas suffisamment responsabilisées à ce sujet et que l’on a trop médicalisé un certain nombre de situations qui ne relèvent pas forcément du médical.

 

*Spasticité : raideur dans les mouvements d’origine neurologique

** Contact : Dr Isabelle Laffont, hôpital Raymond-Poincaré,

104 bd Raymond-Poincaré – 92380 Garches

Tel. Béatrice Bisset : 01 47 10 70 85 – Fax : 01 47 10 70 83

E-mail : isabelle.laffont@rpc-ap-hop-paris.fr

 

COMPLEMENT D’INFORMATION APPORTE PAR LE Docteur Philippe DENORMANDIE en décembre 2004 :

  Pour les traumatisés crâniens , il a été créé le « Centre de Ressources francilien sur les Traumatisés crâniens ». S’adresser à M le Dr Jean-Jacques WEISS, Hôpital Broussais - 96 rue DIDOT. 75014 PARIS. Tel : 01.56.53.69.90.

Pour les IMC, un Réseau francilien est en train d’être finalisé, coordonné  par le docteur Antoine GASTAL, Tel :01 43 96 69 93.

Pour « francilienne » qu’elle soit, toute cette information n’en intéresse pas moins, en vue d’y puiser des idées, les autres régions de France. Pour ce qui nous concerne le plus ici : Rhône Alpes . Nous encourageons vivement le corps médical et le secteur médico-social de chaque région à travailler en direction de tels Réseaux régionaux. Nul doute que le Docteur Philippe Denormandie, de par son expérience pour l’Ile de France, puisse être un conseiller de choix. HC.