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 «POUVOIR BIEN VIEILLIR AVEC UN HANDICAP »,trimestriel GIPHV. N°12; 04, 2007

 Editeur :Henri Charcosset, E-Mail : charcohe@club-internet.fr                                                      

 Site web : http://bien.vieillir.club.fr/index.htm

 

                           VIEILLE PEAU!… et…. PAROLES D’UN PERE

                                                    Pierrette LAPERLE                                          

                                              E-mail : pegasine@smartnet.ca

 

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                                                                VIEILLE PEAU!

 

     Devant une tristesse, une morosité envahissantes, je crois avoir trouvé l'origine de ce défaitisme: un sentiment de perdition. Je vis entre deux peaux: l'une qui se détache lentement, et l'autre à venir que je n'ai pas encore endossée ignorant ce qui m'habillera pour cette dernière partie de vie. 

  Un entre-deux. Je vis mal  ces moments où je ne suis ni là… ni là…ni là…Je me sens comme une limace écorchée à vif pour le moindre grain de sable. D'où ce sentiment de n'y voir que des horizons gris-grisonnants.

     Je m'attaque bravement au dernier livre de Benoîte Groult "La touche étoile". Histoire de m'enfoncer davantage dans ce qui me fait peur, me tétanise. En la lisant, je me dis "ah! elle aussi". Ça me console…je ne suis pas seule dans ma septante bien sonnante…

     B.Groult fait des constats qui me font hurler. "Le moindre freluquet a droit à sa place  sur un trottoir, mais toi, femme, à mesure que ta beauté ou ta jeunesse s'estompe, tu t'aperçois que tu deviens peu à peu transparente. Bientôt, on te heurtera sans te voir". Brrrrr……..Déjà morte. Une morte-vivante. Comme j'ai cette certitude de plus en plus d'être invisible. On me voit sans me voir. 

     Devenant bientôt majoritaires, les croûlants, les vieux schnoks, les passés-dates, ils deviendront les ennemis à abattre. Très, (trop) coûteux pour les maintenir en vie: les nourrir, les laver, les torcher, les habiller, les pousser, les promener.  Ils auront intérêt à ne pas trop se faire voir: vivre derrière leurs volets clos, déambuler en silence tôt le matin ou dans la pénombre du soir….pour ne pas être tirés à bout portant par une AK47….et hop les mémés! et sch'lak les pépés…Ça de moins à payer!

     "C'est que les vieux n'ont jamais été jeunes, écrit B.Groult Ça se saurait. Les poètes, eux le savent, car ils n'ont pas d'`âge"… ajoute-t-elle. Quand je pense à ma grand-mère plissée, courbée, tordue, je ne l'ai jamais imaginée jeune: elle était née comme ça…Et voilà que ça me rejoint. Brutalement.

     Marcel Jouhandeau a écrit" j'ai passé cinquante ans de ma vie à avoir vingt ans". Dur-dur les  prises de conscience, les miroirs grimaçants qui se fissurent lorsque je me regarde la face pour voir si, par hasard, la fraîcheur de ma peau ne serait pas revenue comme ça par magie….Et je zappe pour ne pas me voir. Oublier qui je suisOublier que j'oublie... 

 

   Pier, femme aux ailes de vent.

 

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PAROLES D'UN PÈRE

 

"Le silence est une prière"

a-t- il dit malgré sa perte de direction, son errance au pays de son passé.

 

Le présent l'aveugle. Il ferme les yeux.

Pleure sur un présent qu'il ne reconnaît plus, le refuse.

Le faire disparaître. L'abattre.

 

Il s'invente des chimères, se construit des châteaux, se tisse une autre vie que le vent de la réalité emporte.

 

Il pleure.

Des images, des voix. Des présences, des visages. Des paroles, des intonations. Des bruits de portes qu'on ferme.

Il pleure.

 

Son présent recule, puis s'efface.

Son passé se lève, s'anime sous ses yeux

Il rit. Fait le clown. Chante des hits des années '40. 

 

Il avance en titubant sur le fil ténu de sa mémoire qui vacille, hésite, et il reprend son équilibre fragile.

Le présent l'assomme de plein fouet. Il bascule.

Pleure au creux de ses mains impuissantes.

Dans une chambre étrangère. Inconnue de lui.

 

Ses yeux embués de larmes traversent un pan de brume.

Un rideau de scène se lève, fait place à des photos couleur sépia.

Délavées, floues, embrouillées.

 

Des cris d'enfants, une cascade d'eau, le chant d'un oiseau.

Du cinéma sur sa rétine fatiguée.  Sa vie en fade-out se retire sur la pointe des pieds.

 

Murmures. Chuchotements. 

Un puits de lumière pour éclairer sa sortie.

EXIT.

 

 

Pierrette, témoin à charge

lors du procès intenté à la vie

du lobe frontal de mon père.