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Juillet 2013

 

LES ENFANTS PARTENT, LES PARENTS TRINQUENT

 

Martine LARONCHE

 

Le Monde , dimanche 9- lundi 10 septembre 2012

 

Pas toujours facile de retrouver un équilibre lorsque les jeunes quittent le domicile

 

Psychologie

 

Il fallait bien que cela arrive un jour. Quand les enfants quittent la maison , c’est une page qui se tourne. Fini les sorties en famille, les câlins , les repas chahutés , les éclats de rire , les confidences . Fini aussi les « corvées de taxi », les sautes d’humeur et claquements de portes.

Passé un temps d’adaptions , la plupart des parents s’en accommodent, voire sont soulagés . Ils ont le sentiment du devoir accompli. Heureux d’avoir conduit leurs adolescents , devenus de jeunes adultes , aux portes de l’autonomie.

Mais cette transition n’est pas toujours facile à vivre. A la peur de lâcher leurs grands ados, dans un monde de plus en plus incertain, s’ajoute l’angoisse , parfois , de se retrouver face à soi-même et , le cas échéant , face à son conjoint .

 

Laura Martinez est la petite dernière d’une famille de deux enfants . Elle a quitté la maison il y a trois ans . Ses parents , dit-elle, n’ont eu de cesse de la  « culpabiliser » « Quand j’ai annoncé mon désir de quitter la région et de m’installer à 500 kilomètres de chez eux , avec mon ami , j’ai eu droit à des regards désapprobateurs , des leçons de morale ».

 La première année fut pénible. « Pas un jour sans recevoir un SMS ou un mail de leur part pour me dire combien ils étaient tristes de mon départ », se souvient-elle .

 Finalement , ils s’y sont faits tant bien que mal et se sont découvert un intérêt pour la randonnée .

 

Auteur d’un livre sur la question (Le jour où les enfants s’en vont, Albin Michel ,2012, 150p., 14 euros ), Beatrice Copper-Royer, psychologue et psychothérapeute , reconnait que  « le départ du dernier enfant est un renoncement qui s’apparente à l’une des plus grandes difficultés de notre vie d’adulte ». On appelle ce « babyblues » tardif le syndrome du lit vide.

 

Les deux fils de Martine Labbé sont partis s’installer loin de la maison .

« Dans un premier temps, j’avais le sentiment que les liens étaient toujours forts même si leur chambre était désertée. Il y avait les moyens de communication actuels, internet, mobiles …Et leurs passages fréquents me permettent de maintenir la relation », se remémore-t-elle . Son mari a davantage souffert de la situation , car il avait cessé ses activités professionnelles peu de temps avant le départ du dernier enfant.

 

Alors que la fille atteint l’âge de la séduction , la mère , elle vieillit

 

Mais quand son aîné a commencé une vie de couple et que son cadet est parti travaillé en Polynésie, elle a accusé le coup. «  L’équilibre des relations a été modifié. Je n’ose plus les contacter comme je le faisais auparavant . Je me dis que leur priorité actuelle doit être leur devenir professionnel et relationnel »,se confie-t-elle.

Ni trop loin ni trop prés , les parents doivent se détacher progressivement de leur rôle de protecteur.

 D’autres - amis , amours- prennent peu à peu le relais.

Les parents se sentent inutiles, voire jugent les adolescents ingrats.

 

« Ce peut-être un moment à haut risque pour le couple qui se retrouve en tête à tête », insiste Geneviève Djénati thérapeute de couple et de famille. « Avec le départ de la cadette, notre couple  ,qui allait mal depuis des années ,a  fini par exploser », témoignage Jean-Marc Fiorentino .

La rupture est d’autant plus brutale que la relation est étroite , voire fusionnelle.  « Mes filles ont été longtemps ma seule raison de vivre et de me battre , dit-il à 54 ans , j’ai le sentiment de ne  plus  être grand-chose à leurs yeux . Je peine à faire le deuil nécessaire , l’amour fou que je porte à mes gosses m’en ‘empêche. »

 

De l’avis de Geneviève Djénat , il serait plus difficile pour les pères comme pour les mères de se séparer de leurs filles . « Un père admire sa fille , il est fier , avec elle à son bras . Il y a une sorte de complicité sexualisée », analyse-t-elle .

Entre mère et fille s’opère une relation en miroir . Mais alors que la fille atteint l’âge de la séduction , la mère , elle vieillit .  « il y a parfois de la part de la mère , une rivalité inconsciente qui peut s’exprimer soit sur le mode de l’agressivité (‘’pars vite de chez moi ‘’) , soit sur le mode de l’inhibition  (‘’ tu es trop petite pour partir , je prends tout en charge et ce faisant , te maintient hors du champ de séduction’’) », commente Béatrice Copper-Royer. Les familles monoparentales-majoritairement des femmes sont mises à rudes épreuves. Brigitte  A., divorcée depuis 2005 , a du mal à se  faire de sa solitude .depuis l’âge de 15 ans , son fils a vécu en résidence alternée . « Profondément, meurtrie par la séparation ,dit-elle je m’insurge en permanence contre ses conséquences : je n’avais pas eu un enfant pour être mère à mi-temps . Mais je vivais  également cette semaine d’absence comme une préparation à son futur départ . Le plus difficile a toujours été le fait qu’il se partage entre son père et moi lors de ses retours . »

 

Quand l’enfant quitte la maison , cela peut réactiver des blessures d’abandon , ou la souffrance de la séparation . «  Dans ce cas , c’est peut-être le moment d’entamer une psychothérapie. », conseille-t-elle.

Dans le cas des familles recomposées , le départ des enfants réactive parfois un sentiment  de culpabilité , les parents se sentant responsables de la blessure qu’ils leur ont infligée .

« Ce sont probablement ces adolescents qui ont le plus de mal à partir. Il a fallu accepter les éventuels enfants de beaux-parents, voir un nouvel enfant du couple . Et c’est justement au moment où un nouvel équilibre a été atteint , que l’adolescent doit partir », constate la psychothérapeute .

 

A contrario , des parents de familles recomposées peuvent être soulagés  de voir partir ce presque adulte qui prend beaucoup de place. Le risque serait  alors de laisser au jeune le sentiment qu’il n’ a plus sa place dans sa famille.

 

Un changement de vie à envisager très tôt

 

La fille unique de Dominique est partie , il y a deux ans, pour poursuivre ses études . Elle revient deux fois par mois et pour les vacances . «  Pour notre couple , cela a été l’occasion de nous retrouver d ‘être plus à l’écoute de l’autre , d’augmenter nos câlins », avoue ce quinquagénaire . Férus d’alpinisme , lui et son épouse avaient mis  cette passion en sourdine . Ils s’y sont remis . Elle s’investit en tant que bénévole dans une association culturelle ; lui de son côté une action militante.

 

Pour certains couples , le départ des enfants est l’occasion de se consacrer à ses hobbies , d’avoir plus de temps pour soi. « Il faut penser très tôt qu’un jour les enfants vont partir . Il faut préserver l’intimité du couple sans culpabiliser , se ménager des moments ensemble », conseille Geneviève Djénati, thérapeute de couple et de famille.

Car cette période est un moment à risque . Les enfants ont fait  un écran , masquant parfois les désaccords . Chacun a évolué de son côté . « Beaucoup de femmes demandent le divorce autour de 55 ans . Elles ont de belles années devant elles », témoigne la thérapeute. Elle constate que , « parfois l’homme s’imagine qu’il va devoir s’occuper de sa femme car elle a ‘’perdu ‘’ ses enfants . Inconsciemment , de peur de se faire déborder , il prend plus de temps pour lui ». Paradoxalement, alors qu’il devrait être plus disponible , il est aux abonnés absents .

Pendant vingt-six ans , Sylvie a vécu à 200 à l’heure , partagée entre l’éducation de ses trois enfants et son métier . Tous sont partis la même année .  Elle s’est retrouvée seule avec son mari. « On doit trouver un équilibre, ce n’et pas évident. D’autant que nous n’avons pas les mêmes centres intérêts », confie-t-elle . De même pour Corinne , qui se sent «  en dehors du coup » . Elle s’est inscrite dans une chorale , envisage de faire du yoga . « L’absence des enfants est une épreuve , mais elle permet de prendre un nouveau départ », dit-elle . Une chance  en somme.

 

                                                                   Martine Laronche