Article entré sur site en avril 2016
DANS
DIX ANS CE SERA COMMENT ?
Céline CHAUDEAU
NOTRE TEMPS Avril 2016
DANS 10 ANS
CE
SERA COMMENT ?
En
2026, des objets innovants s s'imposeront dans notre quotidien. Ils changeront
notre façon de vivre et leur façon de travailler. Pharmacien, médecin,
banquier, épicier et facteur : cinq métiers à suivre...
CÉLINE CHAUDEAU
– ILLUSTRATIONS ISABEL ESPANOL
Chez mon
pharmacien une imprimante 3D
« Je
vois deux orientations diamétralement opposées se profiler, analyse le
sociologue Serge Guérin, auteur de l'essai Silver
Generation. D'un côté, le monde sera de plus en
plus digital, dématérialisé et d'une certaine manière “déshumanisé”. C'est pourquoi, de
l'autre, nous aurons aussi besoin .de lien social et de davantage de
proximité. » Alain Delgutte en convient.
Président de l'Ordre des pharmaciens titulaires d'officine, il imagine
volontiers son métier évoluer dans ce sens. « Les pharmaciens n'ont pas la
même liberté d'installation que les médecins et offrent un meilleur maillage du
territoire, explique-t-il. Dans dix ans, je vois bien nos services évoluer vers
un accompagnement plus personnalisé des patients. » Installé à Nevers
(Nièvre), ce pharmacien n'en aurait rien contre accueillir une cabine de télé -médecine
(lire ci-dessous) dans ses murs. « La technologie permettra de
mieux suivre les patients. Il est possible d'imaginer des piluliers connectés,
par exemple. » Un pilulier électronique créé par Pharmagest,
une société nancéenne, est déjà testé auprès de personnes âgées en Lorraine.
« Si un des opercules n'est pas brisé, la boîte va transmettre un message
d'alerte que le pharmacien pourra recevoir. » Alain Delgutte
voit loin et imagine même s'équiper, un jour, d'une imprimante 3D. « Ces
outils permettront aux pharmaciens de produire des comprimés personnalisés
adaptés à la posologie de chaque patient. Ces innovations peuvent permettre un
meilleur suivi et, accessoirement, générer de sérieuses économies pour la
Sécurité sociale. »
Mon banquier à mon poignet
Jusqu'où
ira la proximité ? « Même son banquier se glisse peu à peu dans sa poche ! »
sourit Frédéric Jallat, chercheur à l'ESCP (École
supérieure de commerce de Paris). Selon une récente enquête du cabinet Bain
& Company, 35 % des échanges entre les
établissements et leurs clients s'effectuent désormais au moyen d'un
smartphone. L'an dernier, 17% seulement des clients se sont rendu plus d'une
fois par mois dans leur agence bancaire, contre 62 % en 2007. « La
banque peut encore optimiser sa relation avec son conseiller grâce à la
géolocalisation et à de nouveaux objets connectés », poursuit le
chercheur. Fin 2014, le Crédit Mutuel Arkéa a ainsi
lancé auprès de ses clients une application inédite. Objectif : pouvoir
alerter son conseiller de son passage en agence pour limiter son temps
d'attente et recevoir un accueil plus personnalisé. Plus près encore de ses
clients, la Banque Populaire a proposé à quelques chanceux de tester en 2015
des opérations sur leur compte à partir d'une montre connectée. « Les
principaux freins sont encore juridiques, observe Frédéric Jallat.
La plupart de ces innovations sont déjà quasiment maîtrisées sur le point
technologique et devraient se démocratiser dans les dix ans. »
Un médecin virtuel et sans rendez-vous
C'est
sans doute le cabinet médical le plus moderne de France. Et assurément le plus
petit, à peine plus encombrant qu'une douche. Il a ouvert dans une résidence
senior à Cluny, en Saône-et-Loire. « La marche à suivre s'affiche sur un
écran, explique Franck Baudino, président de H4D et
créateur du concept. Le patient appose lui-même son stéthoscope ou son brassard
à tension. Chacun peut ainsi surveiller son pouls, sa tension, sa température
et même son taux d'oxygénation du sang. Une petite caméra permet même des
suivis de dermatologie et d'ORL.. Ce cabinet connecté
et automatisé est relié à un médecin qui peut se trouver à des dizaines de
kilomètres voire plus. » Médecin de formation, cet entrepreneur a déjà
convaincu quelques collectivités locales. Un progrès ? « En tout cas,
ce sera bientôt une nécessité et pas seulement dans les zones rurales »,
commente Denis Jacquet, président de l'association Parrainer la croissance et
spécialiste en nouvelles technologies. Avec environ 170 médecins pour 100 000
habitants, l'Eure, l'Ain et la Mayenne sont les départements avec la plus
faible densité de praticiens selon le dernier Atlas de la démographie
médicale. Parallèlement à cela, l'Ile-de-France enregistre depuis huit ans,
une baisse de 6 % de son nombre de médecins. « Il y a une médecine de
campagne qui a déjà largement disparu depuis vingt ans, poursuit cet expert. Et
il y a aussi une médecine à réinventer en secteur urbain. Des patients qui
exigeront de plus en plus de services de proximité et seront contents de
trouver une cabine connectée, sans rendez-vous, sur leur lieu de travail par
exemple. »
Un épicier connecté et citoyen
Mais
est-ce-que ce sera forcément mieux ? Chez beaucoup de petits commerçants,
le doute est permis. « Nous n'avons pas forcément une vision très
optimiste, nuance Jean-Paul Porret, secrétaire
général à la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie. Il y
a une vingtaine d'années, nous nous battions contre la grande distribution. Et
aujourd'hui, nous devons lutter avec l'e-commerce ! » Malgré tout, la
profession ne baisse pas les bras. « Il faut prendre ce qu'il y a de bien
dans le digital, pour les moyens de paiement par exemple, poursuit-il. Pourquoi
ne pas imaginer de pouvoir payer avec son téléphone ? À côté de cela, nous
devons réfléchir à une offre propre. Nous pouvons aussi envisager de fédérer
des producteurs locaux. Car le commerce de proximité favorise le lien social et
des élans de citoyenneté. » « Je pense aussi que les gens ne voudront
pas que leur quotidien soit uniquement dicté par la machine, abonde Serge
Guérin. Amazon n'a pas fait disparaître tous les libraires par exemple. L'homme
aura toujours besoin de cet échange qui sera d'autant plus valorisé qu'il sera
plus rare. » Le sociologue est philosophe. « Dans dix ans, ce sera
mieux si cela reste aussi un peu comme avant... »
La Poste teste le drone
facteur
Dans
un avenir proche, tous les paris sont permis. Le traditionnel facteur
effectuera-t-il encore sa tournée ? Difficile à croire sachant qu'une
filiale de La Poste, GeoPost, a déjà testé avec
succès le transport d'un colis... par drone. Vérification faite auprès des
intéressés. Il s'agit davantage d'un test isolé et réservé, apparemment, à des
livraisons de médicaments urgentes. En revanche, le groupe confirme le
développement de services numériques pour proposer de nouvelles prestations de
proximité. Grâce à l'application Domino, créée par La Poste, un particulier
pourra déposer un envoi... dans sa propre boîte aux lettres. Le facteur viendra
ensuite chercher l'objet , se chargera de l'emballer
et l'affranchir. Les hommes en bleu et jaune devront sans doute multiplier les
casquettes : leur employeur, qui affichait encore 18 milliards de lettres
et de colis transportés en 2008, on prévoit deux fois moins en 2020. À Nantes
et en Vendée, La Poste propose actuellement aux seniors des tablettes numériques
(Ardoiz Notre Temps) avec installation et suivi par
le facteur à domicile. « C'est le seule entreprise à passer partout,
devant tous les foyers de France, six jours sur sept, ce qui permet d'imaginer
des compétences assez larges », observe Michael Tartar,
auteur du guide Transformation digitale, 5 leviers pour l'entreprise. Parmi
les applications déjà envidagées visagées : déléguer aux facteurs certains constats
d'assurance par exemple. « Il y a encore des freins car le progrès génère
beaucoup de fantasmes, poursuit le consultant. ge familarisés avec ces
outils. » ■