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 «POUVOIR BIEN VIEILLIR AVEC UN HANDICAP »,trimestriel GIPHV. N°12; 04, 2007

 Editeur :Henri Charcosset, E-Mail : charcohe@club-internet.fr                                                      

 Site web : http://bien.vieillir.club.fr/index.htm

 

OUI, IL PEUT Y AVOIR UNE VIE APRES LE CANCER

 

 Andrew K. GALWEY

 

Oui, il peut y avoir une vie après le cancer…

L’homme en blouse blanche me fixa droit dans les yeux. Il se demandait apparemment comment commencer la conversation. Comme les informations connues étaient critiques pour mon avenir, mon appréhension en était d’autant plus grande, profondément inquiet à l’idée de ce que les minutes qui suivraient pourraient bien m’apprendre. Son appréciation silencieuse  l’avait apparemment rassuré : je pouvais être mis au courant des résultats de son examen.

          Il dit d’une voix calme, tout en continuant à scruter mon visage : « J’ai trouvé une tumeur ».

Il me laissa quelques instants pour réfléchir.

La plupart des gens seraient probablement d’accord pour dire qu’une telle nouvelle doit être l’un des diagnostiques médicaux les plus accablants auxquels tout être humain puisse s’attendre.

Tandis que j’essayais de réfléchir à cette horrible révélation, il poursuivit : « Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle ; la bonne nouvelle c’est que la tumeur se développe vers l’intérieur ; la mauvaise est qu’il s’agit d’une tumeur maligne. »

Il fit une nouvelle pause, tandis que cette information horrible pénétrait mon esprit en état de choc. Je jetais un regard circulaire dans le petit bureau d’hôpital où nous étions tous trois assis ; il était à la fois banal et en désordre. Mon attention se reporta sur le visage de mon conseiller médical, qui exprimait une certaine anxiété concernant ma santé, mon avenir, ma maladie, du moins c’est ce que je croyais. Etant donné que j’avais entendu le pire de tous les diagnostiques, je me sentais engourdi et restais là immobile sur mon siège, essayant d’absorber le choc que je venais de subir. Mon épouse qui était assise à côté de moi, avait l’air plus choqué que je ne pouvais encore l’être. Je pensais voir sur son visage une expression familière, elle trahissait son opinion : « mes pires craintes se sont confirmées »

Cette confirmation brutale de la gravité de ma maladie s’infiltra dans mon esprit. La nouvelle elle-même n’était pas totalement inattendue, mais réaliser le caractère horrible et désespéré de ma situation, n’était pas pour autant moins dur parce que j’avais déjà envisagé cette possibilité. Mon acceptation de toutes les implications de cette nouvelle, que j’avais une tumeur maligne, était ralentie par le tranquillisant administré une heure auparavant. Il m’empêchait encore de penser à une vitesse normale, j’étais encore dans un brouillard.

 

Peu de temps auparavant, cet oiseau de mauvais augure, Dr A., l’homme à la blouse blanche, m’avait fait subir ce qui s’appelle un examen interne. Peu de temps après m’avoir administré un calmant, il introduisit dans ma bouche et dans ma gorge un long tube en métal flexible, et scrutant intensément l’œil électronique à l’autre bout, il avait commencé son travail. Malgré mon état de somnolence, je fus impressionné par son expression de concentration intense, tandis qu’il manipulait des fils métalliques, apparemment pour extraire des échantillons de chair, quelque part à l’intérieur de moi. Pas besoin d’être psychologue pour comprendre qu’il n’était pas satisfait de ce qu’il trouvait, quoi que cela puisse être. Il me le confirma, alors que le souvenir de ce procédé médical désagréable s’estompait de ma mémoire et que je revenais à la réalité.

« Je suis sûr que votre tumeur est maligne. Non, on n’a pas encore effectué de tests et mon opinion doit être confirmée par le laboratoire. Mais j’ai l’expérience de ces choses-là. Je sais que c’est une mauvaise nouvelle. J’écrirai à Mr B. »

Cet entretien, frappant à cause de la manière brutale de s’exprimer du Dr A. se termina aussi brusquement qu’il avait commencé. J’essayais de présenter des remerciements, mais ils furent écartés d’un geste et mon épouse, toujours pleine de sollicitude, m’escorta jusqu’à la voiture et jusqu’à la maison. Mon cerveau embrouillé continuait à ressasser, pour finalement accepter le fait que mon avenir était extrêmement incertain, tandis que les effets de l’anesthésique se dissipaient lentement. Je me demandais si le sédatif était destiné à supprimer la douleur pendant l’examen interne ou à m’aider à surmonter le choc du diagnostique.

 

Ma maladie s’était développée sans faire de bruit, ou plus exactement, je n’avais pas accordé l’attention requise aux premiers symptômes. Ma santé s’était progressivement détériorée au début de l’été, au moment des examens dans l’université où je travaillais. Mes fonctions de « professeur principal », incluait d’organiser les examens des non licenciés pour déterminer si la nouvelle génération avait retenu quelque chose de nos conférences, cours particuliers, cours en laboratoire etc.(...). C’était la période de l’année où j’étais le plus occupé, et, pendant cette activité intense, j’avais peu de temps libre pour me rendre compte que j’avais de sérieux problèmes de santé. Bref, je n’avais pas le temps d’être malade.

 

Cependant, bien que mon esprit fût occupé par mon travail, je ne pus m’empêcher de remarquer que tout n’allait pas bien dans mon corps. Je devins incapable d’avaler de la nourriture sans éprouver une certaine gêne, aussi, tandis que j’étais tellement occupé, je me nourrissais presque exclusivement de soupe(…). Les choses commençaient vraiment à aller mal, lorsque je fus incapable de monter quelques marches sans faire une pause pour retrouver mes forces(….)

Lorsque nos examens furent terminés et que les étudiants se furent dispersés pour fêter ou non leur succès, je me rendis compte que ma vie avait changé. Je ne pouvais plus manger sans souffrir et mon corps, jadis en bonne santé, refusait ou était incapable de m’obéir. J’étais malade. Aussi, je me rendis finalement chez le médecin qui m’écouta patiemment, posa quelques questions pour en savoir plus et m’envoya directement à l’hôpital.

 

Le Dr B. était un monsieur hindou, de très petite taille, mais qui était doté d’une très forte présence, due au sérieux de son maintien, mais, pas de blouse blanche. Il s’assit en face de moi, disposa soigneusement deux feuilles de papier A4 sur la table qui nous séparait et dit : «  Dites-moi ce qui ne va pas ».

Cela s’avéra être une question beaucoup plus intimidante qu’il ne m’avait tout d’abord semblé. Mes premières tentatives de réponses furent suivies de contre interrogatoire verbal, le plus intensif que j’ai jamais subi, il me semblait que j’étais au centre d’un important procès légal de témoins.(…). Pour détendre l’atmosphère je dis : « Eh bien docteur, quel est le verdict ? »

Sans sourire comme pendant toute la durée de l’interrogatoire, il dit, plus à lui-même qu’à moi : « Je suis très inquiet, pour vous » tout en secouant la tête d’un air désespéré.

 

A ce moment terrible, je pris conscience du fait que mes problèmes de santé étaient graves et bien réels. Involontairement, je me mis à frissonner. Finalement, j’avais compris que ma vie pouvait être en danger et que mon avenir pourrait être court, désagréable et douloureux. Je vis le regard soucieux du Dr B., lorsqu’il reprit : « Je vais vous arranger un rendez-vous avec le Dr A. Il procédera à un examen interne. Cela doit être dans très peu de temps, d’ici une semaine. »

Ce ne fut que plus tard que j’en vins à apprécier pleinement la qualité du diagnostique du Dr B., qui représentait le premier pas sur la longue route du traitement. Elle déboucha finalement sur la guérison remarquable d’une maladie, qui je le sais maintenant, est agressive et potentiellement mortelle.

La seconde étape fut la confirmation par le Dr A. que je souffrais bien d’un cancer, bien qu’il ne prononçât jamais ce mot. Ce fut mon épouse qui m’ouvrit les yeux : elle s’était déjà rendu compte de ce que je ne préférais pas savoir, jusqu’à ce qu’il fût presque trop tard.

La troisième étape fut l’opération par M. C. Il m’admit à l’hôpital en quelques jours, montrant ainsi, si je n’en n’avais pas encore pris conscience, que mon cas était urgent, peut-être critique.

 

Avant l’opération, M. C. me rendait visite officieusement chaque soir. Il entrait dans ma petite chambre en me saluant joyeusement et m’apportait une tasse de café. Il faisait partie du personnel de l’université, nous étions collègues même si nous ne nous étions jamais rencontrés.(…).. Ces discussions du soir m’aidèrent à garder l’esprit vif. Finalement, mon compagnon regardait sa tasse maintenant vide et disait : « Bonsoir. Je dois encore accomplir des tâches chirurgicales. » Le plus étrange en ce qui concerne ces rencontres nocturnes, avant mon opération, est qu’il n’a jamais une seule fois parlé de ma maladie, posé des questions sur ma santé ou mentionné l’opération et … ses suites. (….)

Un autre charmant visiteur du soir était une charmante jeune infirmière qui devait m’informer de ce qu’il devait bientôt se produire. Comme j’avais, à titre officiel, consenti à subir l’opération, je devais être informé de ce que le chirurgien M. C. avait l’intention de faire et comment il le ferait. Tout ce qui a rapport avec le sang me répugne et j’essayais d’éviter cette conversation, persuadant l’infirmière D. qu’il était l’heure de son souper ou en parlant de tout autre chose. Cependant avec toute la patience et la compétence liées à sa profession, elle persista, me forçant doucement à l’écouter, alors qu’elle me disait avec tact (mais c’est là un détail dont je me serais bien passé) qu’ on allait m’enlever l’estomac. « Tout l’estomac ? » (Incrédulité de ma part !) - « Oui, c’est la seule solution » (….)

 

Je repris conscience dans une salle d’hôpital sombre peu de temps après l’opération. Tandis que la réalité refaisait surface à travers le brouillard qui obscurcissait mon cerveau, je pris conscience de la présence d’un grand nombre de tubes qui émergeaient des différentes parties de mon corps. Plus tard, j’en comptais 19 ( !!) et ils me furent enlevés au cours des deux semaines suivantes. Bizarrement et heureusement pour moi, je ne ressentais aucune douleur, ni à ce moment là, ni pendant les jours qui suivirent, même quand ces mystérieux tubes qui remplissent des fonctions inconnues, me furent retirés. Après une semaine aux soins intensifs, on me ramena dans la chambre d’hôpital où je commençai à contribuer activement à ma guérison. Jusque là, j’avais été un malade passif et toute la compétence nécessaire à ma guérison, je la devais à M. C. et à ses collègues du personnel médical.

 

Les deux semaines d’hôpital qui suivirent, s’écoulèrent lentement, adoucies par le soutien généreux et la compagnie de mon épouse. Aucun de nous n’avait beaucoup de nouvelles informations à partager, car nous étions ensemble la plupart du temps, aussi nous lisions des livres et bavardions de temps en temps à propos de nos projets concernant un avenir, qui, à ce moment là redevenait possible.

Avec le soutien du personnel médical, je commençai à tirer profit de la « nourriture » : une substance blanche qui ressemblait à du lait et qui m’était injectée jour et nuit par l’un des tubes.

 Le Grand Jour arriva lorsque je fus autorisé à boire une cuillère à thé d’eau : c’était un vrai progrès. Plus tard les « délices » devinrent de la gelée aux fruits et de la crème glacée, après que le dernier tube eut été enlevé de mon corps (et cela toujours sans douleur). Le problème était maintenant de re-apprendre à fonctionner, à mon appareil digestif sans estomac. La diététicienne, Mme E, vint me proposer ses conseils. Elle témoigna une certaine surprise, lorsque je lui demandai de revenir plus tard, quand mon épouse serait présente. (…). Mme E. dit qu’après l’opération, il était rare que le patient prenne du poids, mais qu’en faisant attention, on pouvait se sustenter suffisamment pour mener une vie presque normale. J’étais dans une situation peu enviable : si ma nourriture ne pouvait m’apporter assez d’énergie pour subvenir aux besoins de mon corps, à quoi cela avait-il servi d’enlever la tumeur ?

 

Revenir à des habitudes alimentaires normales prit du temps. Mon épouse suivait à la lettre les conseils de Mme E. et se donna un mal fou pour me préparer les repas le plus nourrissants. Néanmoins, je régurgitais souvent involontairement ma nourriture, presque tout de suite après l’avoir avalée. Après une courte pause, je pouvais essayer à nouveau et, finalement, je fus peu çà peu capable d’augmenter ma ration alimentaire. Cela fortifia mes membres, aussi je pus faire des promenades de plus en plus longues.(….) Puis après six mois de convalescence, je fus apte à reprendre un travail à plein temps. Plus tard, cinq ans après l’opération, l’hôpital certifia que j’étais guéri.

 

Ceci est vraiment mon histoire personnelle et j’en ai relaté les évènements aussi fidèlement que possible. Je témoigne ici de cette fin heureuse, pour encourager d’autres personnes à avoir des pensées positives, à un moment sombre de leur vie, où le cancer peut être considéré comme une maladie mortelle. J’ai eu de la chance du fait que ma tumeur se développait à l’intérieur de mon estomac et non vers d’autres organes vitaux (bonne nouvelle annoncée par le Dr A.)

Il fait dire aussi que j’ai bénéficié d’un traitement chirurgical du plus haut niveau.(..). Le rôle que j’ai moi-même joué est moins louable. J’ai négligé les premiers symptômes d’une maladie mortelle, jouant ainsi de manière inconsciente avec la vie et la mort. Heureusement le diagnostique a été fait à temps, mais un diagnostique précoce, suivi d’un traitement approprié, augmente les chances de survie de tout patient atteint du cancer. Les efforts que l’on fit ^pour moi, la compétence et la gentillesse de tous les membres de l’hôpital contribuèrent à me maintenir en vie et me montrèrent le chemin à suivre. Je remercie chacune de ces personnes en particulier. Conscient du travail que j’ai représenté pour eux, je devins quelqu’un de différent qui écoute maintenant les conseils médicaux.

J’ai profité depuis, de quatorze années intéressantes, fertiles en évènements, et pendant lesquelles j’ai été en bonne santé. Et je sais maintenant mieux que la plupart des gens, qu’il peut y avoir une vie après le cancer.

 

Nous remercions chaleureusement Jacqueline Bernard – Brédat pour la traduction de la version en anglais de ce texte-ci, ainsi que pour la traduction d’une version plus étoffée de l’expérience d’Andrew K. Galwey. La version étendue peut être demandée auprès de A.K.Galwey à l’adresse : andrew@galwey.orange.home.co.uk