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Juillet 2009
PENSER LA MEDECINE DIFFEREMMENT
Questions
à Thierry JANSSEN,
Médecin
et psychothérapeute Mutualistes N°301,
Avril, Mai, Juin 2009
Thierry
Janssen est l’auteur de l’ouvrage :
La maladie
a-t-elle un sens ? Enquête au-delà des
croyances, paru en 2008
aux Editions Fayard (351 pages, 22 euros)
La médecine devient de plus en plus technique et les médecins sont souvent réduits à être des prescripteurs de médicaments ou des utilisateurs de technologies. Le psychothérapeute Thierry Janssen œuvre depuis longtemps en faveur d’une médecine responsable qui respecterait l’intégralité de l’individu et les liens qui l’unissent au monde qui l’entoure. Dans un récent essai « La maladie a-t-elle un sens ? », il met en parallèle les dernières théories scientifiques et les croyances traditionnelles de peuples comme les Aborigènes ou les Navajos.
Mutualistes- Vous avez une idée et une pratique peu
conventionnelle de la médecine. Quel a été votre cheminement ??
Thierry Janssen : J’étais chirurgien chargé
d’enseignement à l’université de Bruxelles,
et j’ai décidé d’arrêter. Je ne me sentais pas bien dans un milieu
professionnel trop mécaniste, très hiérarchisé. Du jour au lendemain, j’ai
quitté la profession. C’était en Janvier 1998. Ma vie a alors recommencé d’une
autre manière.
J’étais intéressé par les
médecines alternatives et complémentaires. Je suis donc parti aux Etats-Unis,
dans une école qui formait des guérisseurs dans un cadre très structuré. On y
venait du monde entier. C’était plus difficile que de faire des études de
médecine et de chirurgie, parce qu’il fallait apprendre des théories ou des
techniques, mais aussi une autre qualité d’être. C’est là que j’ai compris que
nous formons aujourd’hui des médecins techniciens, des médecins prescripteurs,
mais pas des médecins guérisseurs. Jadis,
pour être guérisseur, pour aider les autres à guérir, il fallait parcourir un
chemin initiatique : le chemin qui nous met en contact avec
nous-mêmes, avec nos peurs, qui nous permet d’apprendre à les apprivoiser, à
regarder la mort en face, à comprendre qu’elle donne de la valeur à la vie.
C’est encore le cas dans certaines cultures traditionnelles où, comme j’ai pu
le constater auprès de guérisseurs que j’ai croisés au cours de mes voyages
chez les Aborigènes, les Douala, les Navajos, l’homme est pris en compte dans sa globalité. Un jour, au Mexique,
un guérisseur m’a posé la question : « entre toi et moi, quel
est le plus important ? ». Immédiatement, j’ai pensé
« moi », mais j’éprouvais un peu de honte à l’avouer. Mon hésitation
a amusé le sorcier, car la réponse qu’il attendait n’était ni « toi »
ni « moi » c’était « et » : le lien. « C’est
cela qui est important, a commenté l’homme. Le lien entre le corps et
l’esprit qui fait l’unité de l’être humain, le lien entre les individus qui
fait l’unité de l’humanité, le lien entre l’humanité et la terre qui fait
l’unité du monde. » C’est cette vision de la réalité qui nous manque.
Il faut essayer de l’intégrer et chercher dans d’autres cultures ce qu’elles
ont à nous apprendre.
Il nous manque une compréhension globale
des événements. Noua agissons
sur une chose sans tenir compte des influences que cette action peut
avoir.
Et
ça, le monde des guérisseurs me l’a fait comprendre.
Pour un médecin, il existerait donc différentes
manières d’appréhender la maladie ?
Certainement. Nous vivons
dans une culture scientifique hautement technologique qui parvient à comprendre
la maladie en en décortiquant les mécanismes.
Dans d’autres cultures, où, l’approche n’est
pas la même, on va plutôt se référer à des croyances qui se rapportent à
l’influence d’esprits, d’ancêtres disparus, etc.
Cela donne un autre sens qui aide également à
guérir. Attribuer un sens à ce que l’on vit est, en effet, source d’espoir, et
cet espoir génère une émotion positive, qui permet de vivre mieux, de renforcer les défenses
immunitaires, les mécanismes de
réparation du corps.
Oui, chaque culture a ses
propres approches… Nous avons oublié que
nous faisons partie de la nature. Il nous manque une compréhension globale
des évènements. Nous agissons sur une chose sans tenir compte des influences
que cette action peut avoir. Et ça, le monde des guérisseurs traditionnels me
l’a fait comprendre.
Mon propos, mon souci aussi,
c’est d’apporter cette réflexion à la culture occidentale, et en particulier à
la culture médicale. Il s’agit, en quelque sorte de la re-spiritualiser.
Je ne parle pas de se référer à la religion, mais de comprendre l’esprit des
choses, de ne pas oublier que l’être humain, c’est aussi des pensées, des
émotions dont on ne peut pas faire l’économie. Il faut pouvoir écouter les
gens, parler de ce qu’ils ont envie
d’exprimer, notamment à l’occasion d’une
expérience douloureuse.
Est-ce ainsi
que vous pratiquez lors de vos consultations ?
En tant que médecin psychothérapeute, j’accueille
essentiellement des patients qui
souffrent de problèmes de santé physique, notamment de maladies chroniques et
de cancers. Je constate qu’ils sont
perdus, qu’ils essaient de trouver un sens à ce qui leur arrive et de l’intégrer à ce qui est leur vie. Or,
la médecine moderne ne leur offre pas de
réponse. Le danger est alors de s’adresser à des « donneurs de sens »
qui apportent des réponses toutes faites : « Vous avez mal là, ça
veut dire ça », « si vous comprenez la cause psychologique de
votre mal, vous allez guérir »…
Lors de la consultation, j’utilise des « outils
thérapeutiques ». Tout d’abord, l’écoute active et la parole, car comme
les guérisseurs que j’ai rencontrés me l’ont enseigné, il faut toujours entrer
par la porte qui est ouverte. En Occident, cette porte est le mental. De cette
manière, le patient peut prendre conscience des croyances sur lesquelles il a
bâti sa vie. Il peut démasquer ses conditionnements, faire des choix éclairés et ne pas
fonctionner dans la réactivité. C’est un travail sur les croyances, sur les
peurs et sur le sens qu’on veut leur donner.
Vos outils
thérapeutiques font aussi appel à un travail corporel.
Oui, je demande aux patients de faire des expériences
physiques et émotionnelles et donc de revenir à ce que j’appelle le bon sens, c’est-à-dire le sens
que l’information emprunte dans notre
cerveau : d’abord percevoir le monde physiquement, écouter l’émotion que ces
perceptions éveillent en nous, puis mettre des mots dessus. J’essaie également
de leur faire prendre conscience qu’ils sont dans un corps tendu, raidi, fermé.
Au-delà des mots, ce travail corporel
est basé sur la respiration, le mouvement, le toucher. La tradition
orientale, qui n’a pas opéré de dichotomie entre le corps et l’esprit, possède
de nombreux « outils psycho-corporels »,
comme le qi-gong, le taï-chi ou le yoga. Autant
d’approches dans lesquelles je puise mes propres moyens thérapeutiques sans
compter des synthèses occidentales très intéressantes, comme la
gestalt-thérapie ou la psychanalyse
bioénergétique. L’émotion peut alors surgir et le patient mettre enfin
des mots sur ce qu’il ressent. Mais avant les mots, je l’invite à utiliser
l’expression artistique. A travers le dessin ou la sculpture dans la terre
glaise, il commence à voir quelque chose de lui-même qu’il ne percevait pas.
Progressivement, il saisit à travers
l’épreuve de la maladie ce qu’il pourrait récupérer de sa vie, avec quoi il
pourrait se réconcilier. Finalement c’est ça qui redonne un sens aux
choses, une direction pour le reste de
l’existence.
Vous
donnez également des conférences et vous animez des ateliers.
Aujourd’hui, j’essaie d’utiliser une partie de mon énergie à
former et à sensibiliser d’autres médecins et thérapeutes à la nécessité de
répondre aux demandes des patients, qui sont réelles. Les êtres humains
ont en effet le besoin d’être compris,
abordés et soignés dans leur intégralité. Cette manière de pratiquer l’art de
guérir peut paraître un peu atypique ou marginale. Néanmoins, il ne faut pas
oublier que les patients ont besoin de donner un sens symbolique à leur
maladie, de rattacher l’expérience qu’ils en ont à ce qu’ils ont déjà vécu et à
ce qu’ils souhaitent encore vivre. Il ne faut pas faire l’impasse sur cette
quête d’un sens symbolique que toutes les cultures ont toujours reconnu et que
la nôtre est en train de nier. C’est le message que je tente de transmettre.
Propos
recueillis par Béatrice Albuquerque.
Tombons-nous malades comme par fatalité ou la
maladie est-elle le moyen pour notre corps de trouver, face à des situations
perturbantes, un nouvel équilibre ? Nos pathologies naissent-elles de
causes extérieures à nous ou, au contraire,
sont-elles le symptôme d’un malaise plus profond ? Autant de questions auxquelles Thierry
Janssen tente de répondre en confrontant
les théories modernes avec les croyances des peuples traditionnels. Il retrace
l’histoire de la médecine psychosomatique, véritable donneuse de sens dont il
analyse les apports, mais aussi les dérives.
La maladie a-t-elle un sens ? Enquête au-delà
des croyances, Thierry Janssen, Editions .Fayard ,
2008 (351 pages, 22 euros)