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Juillet 2015
[1] JE
SUIS MALVOYANTE. LA PLACE DES PERSONNES
AGEES DANS MA VIE.
Linda WIDAR
Contact : linda.widar@skynet.be
INTRODUCTION
De Linda : « Je suis très mal-voyante, pas aveugle totale puisque je distingue encore
jour/nuit, et limite des fenêtres par certaines clartés. Mais je ne vois pas du
tout ce qui est écrit sur l’écran donc, je lis mes courriels à l’aide d’une
synthèse vocale. Et je ne peux pas cliquer sur des images ni reproduire ce que
l’on appelle « captcha ». Je dois demander,
dès lors, l’aide de quelqu’un ».
!
Sur ce site, nous avons jusqu’à présent un seul
article témoignage de mal voyant , qui remonte à
2006 ! :
décoret claude (2006), Quelques explications sur les activités
informatiques d’un non-voyant vieillissant
C’est donc avec un réel plaisir que nous accueillons Linda Widar ! Pour un témoignage que je trouve pour ma part,
assez impressionnant.
Quand on appartient au monde du handicap moteur- je suis
handicapé polio depuis mes 17ans, maintenant ne marchant plus- on ne se rend
sans doute pas assez compte combien riches sont les expériences de vie de nos
« collègues » aveugles. Pardon, malvoyants, faut-il dire maintenant,
semble-t-il !
Tout comme, on ne dit plus « infirme »,
« paralysé », mai s « handicapé moteur »
, ou mieux encore « personne en situation de handicap ». Mais
on en est toujours à chercher qui est-il en droit de se prétendre non handicapé
ou valide ? J’essaye d’aborder cette délicate question dans un article
entré sur Internet le 1er janvier 2001 :
Tous
handicapés, tous chercheurs, sans exceptions, en vue
d’une société plus juste et plus humaine.
En
tout cas, Linda Widar apparaitra à beaucoup je pense,
comme autrement moins handicapée que bien des « valides » !
Henri Charcosset, né en 1936.
TEXTE DE LINDA
1. Résumé :
Après une courte autobiographie, un court témoignage
sur l'apport de la technologie dans mes activités, j'expliquerai pourquoi
l'amitié des personnes âgées est importante, non seulement pour moi, mais dans
la vie de tout un chacun.
2. Une courte
autobiographie :
Je suis née le 26 novembre 1955 non loin de Liège, en
Belgique. Nous avons vécu, ma famille et moi, là-bas jusqu'en 1966. Il fallait
émigrer à la capitale car mon père faisait les trajets train-bus deux fois par
jour, et cela coûtait trop cher.
Une malformation faciale due à l'injection d'un
médicament que je ne connais pas dans les veines de Maman, a creusé au milieu
de mon petit visage de poupon un curieux trou qui longeait le nez, et
s'arrêtait jusqu'au-dessus des yeux... Catastrophe ! Trois opérations pour
protéger le bol alimentaire, les yeux, et fermer ce drôle de nez !
Le plus triste, c'est que les yeux ont été touchés, et
ça, on n'opère pas n'importe comment...
Scolarité normale malgré tout, études pour enseigner
les langues aux aveugles, longue période de chômage, emplois temporaires dans
le milieu hospitalier (secrétariat).
Et puis depuis 1987, ce poste de bibliothécaire à
l'Œuvre Nationale des Aveugles, et, j'espère, jusque l'âge de la retraite.
Sans oublier la bonne vingtaine d'interventions
chirurgicales à Paris pour embellir le visage, mon chirurgien liégeois étant à
bout de compétences.
Pour positiver tout ça, une fameuse dose de foi, de
prières, d'amour familial.
J'agrémente ma vie par la lecture, l'écoute de la
musique, le chant, les voyages qui me donnent des tas de beaux souvenirs,
Internet, la nature, et toutes les bonnes choses qui passent.
Je suis célibataire endurcie. Je crois que maintenant,
je me sens bien chez moi, avec Maman, et je ne cherche plus à inviter Cupidon à
la maison.
3. ...Et la
technologie dans tout cela ?
Quand je faisais mes études, dans le dernier tiers du
XXe siècle, le matériel qui m'a aidée était mécanique, donc fragile :
enregistreurs, cours écrits en gros marqueurs, machine à écrire électrique...
Ces machines ont eu bien du mal à survivre au travail
patient de toute mon équipe : mes parents et quelques amis qui croyaient en ma
réussite.
Nous n'avons fait appel à aucun service
d'accompagnement qui, de nos jours, a pour tâche de suivre les étudiants
déficients visuels de l'école maternelle jusqu’ à l'université.
J'en suis sortie avec un diplôme de régente en langues
germaniques, et bien plus tard, de bibliothécaire adjointe.
J'ai suivi une rééducation fonctionnelle
(apprentissage de la marche à la canne blanche, cuisine, bricolage...) à Liège,
puis une rééducation professionnelle à la Ligue Braill.
Mais là non plus, pas de technologie moderne sauf peut-être le tévé-loupe qui agrandissait les textes autant de fois que
désiré.
En fait, j'ai découvert l'ordinateur, plus précisément
le traitement de texte, lors de mon emploi à l'hôpital Erasme, au secrétariat
académique, en plein milieu des années '80.
Quel bonheur de pouvoir rédiger, corriger, sculpter
littéralement un texte, le copier et le recopier, améliorer son style, tourner
et retourner les phrases...
Plus de feuilles déchirées à la moindre faute
d'orthographe, de carbone désagréable au toucher à placer correctement dans la
machine !
Et puis, au début des années 2000, j'ai fait la
connaissance du magicien Jaws, ce lecteur d'écran
qui, grâce à une sorte de traducteur inclus dans le logiciel, lit à haute voix
ou traduit en Braille sur une barrette spéciale, ligne par ligne, ce qui est éc rit dans les petites fenêtres de Windows...
Jaws me permet de lire, d'écrire, d'envoyer des courriels,
de surfer sur Internet, d'écouter les radios du Web, de participer à des forums
et ainsi, de me faire des amis virtuels un peu partout sur la planète.
La grande toile m'est une aide précieuse non seulement
dans mon travail de bibliothécaire mais aussi à la maison.
La technologie actuelle aide beaucoup les déficients
visuels.
Outre l'ordinateur, il faut également parler du
portable parlant, grâce au logiciel Talk, aux différents modèles de machines à
lire, de liseuses (ce n'est pas tout à fait la même chose), au GPS adapté qui
permet de s'orienter en chemin, sans oublier les petites aides domestiques :
montres, réveils, balances, thermomètres parlants... J'en passe et des
meilleures.
Je ne peux pas clore ce chapitre sans mentionner
l'audio description : cet art consiste à rendre accessibles le cinéma, le
théâtre et autres spectacles en décrivant ce qui se passe sur l'écran ou la
scène.
Le public handicapé de la vue peut mieux imaginer le
décor, les costumes, les déplacements, les quiproquos, comprendre l'évolution
de l'action, rire en même temps que les spectateurs voyants.
La partie délicate de ce travail consiste à ne pas
parler pendant les dialogues des comédiens, ce qui exige plusieurs heures de vision,
de découpage, de
concentration et de préparation.
Le résultat en vaut la peine : grâce à l'audio
description, je redécouvre le plaisir du septième art et des planches.
Si les moyens de transport présentent encore beaucoup
de problèmes et de danger pour nous, merci toutefois à la technologie ! Encore
elle, cette petite fée qui annonce vocalement les arrêts du métro.
Je ne m'étendrai pas sur ce point, mon autonomie dans
les déplacements étant minime.
3 Les
personnes âgées.
Venons-en à la partie la plus agréable de cet
article...
Dans mon autobiographie, je n'ai fait que mentionner
ma famille.
Sa gentillesse mérite que j'approfondisse ce sujet.
Mes parents étaient enfants uniques.
Donc, pour mon frère et moi, pas de cousins, et ceux
que nous appelions oncles et tantes, parrain et marraine appartenaient pour la
plupart à une génération aux cheveux bien argentés.
Ces gens avaient connu les guerres, le travail de la
mine, la vie simple des ouvriers, ils parlaient wallon et me l'ont, sans le
vouloir, un peu enseigné.
Cher Grand-Papa, comme
c'était bon de t'entendre parler de ton jeune temps pendant que nous mangions
de délicieuses boulettes sérésiennes...
Ma douce arrière-grand-mère, bien qu'atteinte d'un
accident vasculaire cérébral, chantait les cantiques de sa jeunesse, et nous
regardait d'un oeil sévère quand nous faisions des
bêtises...
Dans la cour de la petite école maternelle près de la
maison, mon institutrice essayait de me montrer ma tante qui passait avec ses
cruches de lait...
Sans oublier, bien sûr, les heures de joie chez ma
grand'mère, la découverte de la télévision, les récitals sur les genoux de mon
grand père, ma main de gamine dans sa main bien chaude.
Je m'improvisais guide touristique pour ce vieil ami
venu du Grand'Duché : il me faisait entière
confiance, ne prononçait aucune parole, mettait ses pas dans ceux de la petite
fille heureuse comme pas deux, qui aurait tant voulu que l'expérience se
répète...
J'ai encore les larmes aux yeux en racontant ces
histoires...
Et Jean Nohain, malgré un âge de la retraite bien
sonné, adoucissait de sa voix mes jeudis, en fin d'après-midi !
Toutes ces anecdotes pour expliquer que dans cette vie
multicolore que fut la mienne, les "anciens" ont toujours eu une tendre
place, même si je ne l'ai pas toujours exprimé avec respect : j'en prends
conscience alors qu'ils sont loin... Très loin... Trop loin...
Mais présents à travers mes lecteurs heureux quand ils
se plongent dans une histoire passionnante, dans ce médecin de 78 ans, adepte
du smart-phone, me prenant la main pour partager l'amour du contact humain que
demande son métier, ces couples fêtant leurs noces d'or ou d'argent rencontrés
au cours de nos promenades, de nos voyages, envoûtants par leur amour encore
tout neuf...
Que d'émotion ! Que de tendresse ! Que de chaleur !
Jean Vanier, fondateur de
l'Arche, disait dans son livre "La communauté, lieu de pardon, de vie et
de fête", combien il est important d'avoir au sein d'une communauté une
grand mère : ces dames sont prophétiques, elles savent nous conseiller,
arrondir les angles, cajoler les coeurs tristes,
soigner les petites blessures, nous rappeler de cette manière ce qu'est l'amour
de Dieu pour les petits.
La littérature regorge de récits d'amitié entre une
personne âgée et un enfant.
Je pense à Oscar et la dame rose, d'Eric Emmanuel
Schmitt, à La vie devant soi, d'Emile Ajar.
Au cinéma, Le vieil homme et l'enfant de Claude Berri,
est l'exemple le plus connu.
Rencontrer une personne âgée, c'est entrer dans un
sanctuaire de mémoire, de souvenirs, de manières d'une autre époque.
Devenir son ami, c'est écouter avec patience des
histoires répétées toujours avec les mêmes yeux mouillés, regarder avec amour
le même album de photos jaunies, ranger celles qui dorment dans un grand
coffre, se mettre à sa place et dire : les gens parlent de plus en plus bas,
les escaliers sont de plus en plus hauts, le ciel s'assombrit.
C'est surtout savoir que cette dame, ce monsieur, c'est
toute une vie, une culture, une expérience, un don de soi, une discrétion dans
le service, une intelligence triste devant un monde qui n'en peut plus,
mais rayonnante quand elle laisse derrière elle une oeuvre
d'amour bien accomplie.
Linda WIDAR
Contact :
Mai 2015
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