Sections du site en Octobre 2009 :  Ajouts successifs d’articles -- Sujets d’articles à traiter – Pour publier --  Post-Polio -- L'aide à domicile -- Internet et Handicap -- Informatique jusqu’à 100 ans – Etre en lien -- L’animal de compagnie --  Histoires de vie  --  Donner sens à sa vie – A 85 ans aller de l’avant -- Tous chercheurs -- Liens –Le  webmestre.

RETOUR A LA PAGE D’ACCUEIL : CLIC   AUTEURS, TITRES DE TOUS ARTICLES : CLIC    SYNTHESE GENERALE: CLIC

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Juillet  2015

[1] JE SUIS  MALVOYANTE. LA PLACE DES PERSONNES AGEES DANS MA VIE.

 

Linda WIDAR

 

Contact : linda.widar@skynet.be

 

INTRODUCTION

 

De Linda : «  Je suis très mal-voyante, pas aveugle totale puisque je distingue encore jour/nuit, et limite des fenêtres par certaines clartés. Mais je ne vois pas du tout ce qui est écrit sur l’écran donc, je lis mes courriels à l’aide d’une synthèse vocale. Et je ne peux pas cliquer sur des images ni reproduire ce que l’on appelle « captcha ». Je dois demander, dès lors, l’aide de quelqu’un ».

!

Sur ce site, nous avons jusqu’à présent un seul article témoignage de mal voyant , qui remonte à 2006 ! :

décoret claude (2006), Quelques explications sur les activités informatiques d’un non-voyant vieillissant

 

C’est donc avec un réel plaisir que nous accueillons Linda Widar ! Pour un témoignage que je trouve pour ma part, assez impressionnant.

 

Quand on appartient au monde du handicap moteur- je suis handicapé polio depuis mes 17ans, maintenant ne marchant plus- on ne se rend sans doute pas assez compte combien riches sont les expériences de vie de nos « collègues » aveugles. Pardon, malvoyants, faut-il dire maintenant, semble-t-il !

 

Tout comme, on ne dit plus « infirme », « paralysé », mai s « handicapé moteur » , ou mieux encore « personne en situation de handicap ». Mais on en est toujours à chercher qui est-il en droit de se prétendre non handicapé ou valide ? J’essaye d’aborder cette délicate question dans un article entré sur Internet le 1er janvier 2001 :

 Tous handicapés, tous chercheurs, sans exceptions, en vue d’une société plus juste et plus humaine.

En tout cas, Linda Widar apparaitra à beaucoup je pense, comme autrement moins handicapée que bien des « valides » ! Henri Charcosset, né en 1936.

TEXTE DE LINDA

 

1. Résumé :

 

Après une courte autobiographie, un court témoignage sur l'apport de la technologie dans mes activités, j'expliquerai pourquoi l'amitié des personnes âgées est importante, non seulement pour moi, mais dans la vie de tout un chacun.

 

2. Une courte autobiographie :

 

Je suis née le 26 novembre 1955 non loin de Liège, en Belgique. Nous avons vécu, ma famille et moi, là-bas jusqu'en 1966. Il fallait émigrer à la capitale car mon père faisait les trajets train-bus deux fois par jour, et cela coûtait trop cher.

 

Une malformation faciale due à l'injection d'un médicament que je ne connais pas dans les veines de Maman, a creusé au milieu de mon petit visage de poupon un curieux trou qui longeait le nez, et s'arrêtait jusqu'au-dessus des yeux... Catastrophe ! Trois opérations pour protéger le bol alimentaire, les yeux, et fermer ce drôle de nez !

Le plus triste, c'est que les yeux ont été touchés, et ça, on n'opère pas n'importe comment...

 

Scolarité normale malgré tout, études pour enseigner les langues aux aveugles, longue période de chômage, emplois temporaires dans le milieu hospitalier (secrétariat).

 

Et puis depuis 1987, ce poste de bibliothécaire à l'Œuvre Nationale des Aveugles, et, j'espère, jusque l'âge de la retraite.

 

Sans oublier la bonne vingtaine d'interventions chirurgicales à Paris pour embellir le visage, mon chirurgien liégeois étant à bout de compétences.

 

Pour positiver tout ça, une fameuse dose de foi, de prières, d'amour familial.

 

J'agrémente ma vie par la lecture, l'écoute de la musique, le chant, les voyages qui me donnent des tas de beaux souvenirs, Internet, la nature, et toutes les bonnes choses qui passent.

 

Je suis célibataire endurcie. Je crois que maintenant, je me sens bien chez moi, avec Maman, et je ne cherche plus à inviter Cupidon à la maison.

 

3. ...Et la technologie dans tout cela ?

 

Quand je faisais mes études, dans le dernier tiers du XXe siècle, le matériel qui m'a aidée était mécanique, donc fragile : enregistreurs, cours écrits en gros marqueurs, machine à écrire électrique...

 

Ces machines ont eu bien du mal à survivre au travail patient de toute mon équipe : mes parents et quelques amis qui croyaient en ma réussite.

 

Nous n'avons fait appel à aucun service d'accompagnement qui, de nos jours, a pour tâche de suivre les étudiants déficients visuels de l'école maternelle jusqu’ à l'université.

 

J'en suis sortie avec un diplôme de régente en langues germaniques, et bien plus tard, de bibliothécaire adjointe.

 

J'ai suivi une rééducation fonctionnelle (apprentissage de la marche à la canne blanche, cuisine, bricolage...) à Liège, puis une rééducation professionnelle à la Ligue Braill. Mais là non plus, pas de technologie moderne sauf peut-être le tévé-loupe qui agrandissait les textes autant de fois que désiré.

 

En fait, j'ai découvert l'ordinateur, plus précisément le traitement de texte, lors de mon emploi à l'hôpital Erasme, au secrétariat académique, en plein milieu des années '80.

 

Quel bonheur de pouvoir rédiger, corriger, sculpter littéralement un texte, le copier et le recopier, améliorer son style, tourner et retourner les phrases...

 

Plus de feuilles déchirées à la moindre faute d'orthographe, de carbone désagréable au toucher à placer correctement dans la machine !

 

Et puis, au début des années 2000, j'ai fait la connaissance du magicien Jaws, ce lecteur d'écran qui, grâce à une sorte de traducteur inclus dans le logiciel, lit à haute voix ou traduit en Braille sur une barrette spéciale, ligne par ligne, ce qui est éc rit dans les petites fenêtres de Windows...

 

Jaws me permet de lire, d'écrire, d'envoyer des courriels, de surfer sur Internet, d'écouter les radios du Web, de participer à des forums et ainsi, de me faire des amis virtuels un peu partout sur la planète.

 

La grande toile m'est une aide précieuse non seulement dans mon travail de bibliothécaire mais aussi à la maison.

 

La technologie actuelle aide beaucoup les déficients visuels.

 

Outre l'ordinateur, il faut également parler du portable parlant, grâce au logiciel Talk, aux différents modèles de machines à lire, de liseuses (ce n'est pas tout à fait la même chose), au GPS adapté qui permet de s'orienter en chemin, sans oublier les petites aides domestiques : montres, réveils, balances, thermomètres parlants... J'en passe et des meilleures.

 

Je ne peux pas clore ce chapitre sans mentionner l'audio description : cet art consiste à rendre accessibles le cinéma, le théâtre et autres spectacles en décrivant ce qui se passe sur l'écran ou la scène.

 

Le public handicapé de la vue peut mieux imaginer le décor, les costumes, les déplacements, les quiproquos, comprendre l'évolution de l'action, rire en même temps que les spectateurs voyants.

 

La partie délicate de ce travail consiste à ne pas parler pendant les dialogues des comédiens, ce qui exige plusieurs heures de vision, de découpage, de

concentration et de préparation.

Le résultat en vaut la peine : grâce à l'audio description, je redécouvre le plaisir du septième art et des planches.

 

Si les moyens de transport présentent encore beaucoup de problèmes et de danger pour nous, merci toutefois à la technologie ! Encore elle, cette petite fée qui annonce vocalement les arrêts du métro.

Je ne m'étendrai pas sur ce point, mon autonomie dans les déplacements étant minime.

 

Les personnes âgées.

 

Venons-en à la partie la plus agréable de cet article...

 

Dans mon autobiographie, je n'ai fait que mentionner ma famille.

Sa gentillesse mérite que j'approfondisse ce sujet.

Mes parents étaient enfants uniques.

Donc, pour mon frère et moi, pas de cousins, et ceux que nous appelions oncles et tantes, parrain et marraine appartenaient pour la plupart à une génération aux cheveux bien argentés.

Ces gens avaient connu les guerres, le travail de la mine, la vie simple des ouvriers, ils parlaient wallon et me l'ont, sans le vouloir, un peu enseigné.

Cher Grand-Papa, comme c'était bon de t'entendre parler de ton jeune temps pendant que nous mangions de délicieuses boulettes sérésiennes...

 

Ma douce arrière-grand-mère, bien qu'atteinte d'un accident vasculaire cérébral, chantait les cantiques de sa jeunesse, et nous regardait d'un oeil sévère quand nous faisions des bêtises...

 

Dans la cour de la petite école maternelle près de la maison, mon institutrice essayait de me montrer ma tante qui passait avec ses cruches de lait...

 

Sans oublier, bien sûr, les heures de joie chez ma grand'mère, la découverte de la télévision, les récitals sur les genoux de mon grand père, ma main de gamine dans sa main bien chaude.

 

Je m'improvisais guide touristique pour ce vieil ami venu du Grand'Duché : il me faisait entière confiance, ne prononçait aucune parole, mettait ses pas dans ceux de la petite fille heureuse comme pas deux, qui aurait tant voulu que l'expérience se répète...

J'ai encore les larmes aux yeux en racontant ces histoires...

 

Et Jean Nohain, malgré un âge de la retraite bien sonné, adoucissait de sa voix mes jeudis, en fin d'après-midi !

 

Toutes ces anecdotes pour expliquer que dans cette vie multicolore que fut la mienne, les "anciens" ont toujours eu une tendre place, même si je ne l'ai pas toujours exprimé avec respect : j'en prends conscience alors qu'ils sont loin... Très loin...  Trop loin...

 

Mais présents à travers mes lecteurs heureux quand ils se plongent dans une histoire passionnante, dans ce médecin de 78 ans, adepte du smart-phone, me prenant la main pour partager l'amour du contact humain que demande son métier, ces couples fêtant leurs noces d'or ou d'argent rencontrés au cours de nos promenades, de nos voyages, envoûtants par leur amour encore tout neuf...

 

Que d'émotion ! Que de tendresse ! Que de chaleur !

 

Jean Vanier, fondateur de l'Arche, disait dans son livre "La communauté, lieu de pardon, de vie et de fête", combien il est important d'avoir au sein d'une communauté une grand mère : ces dames sont prophétiques, elles savent nous conseiller, arrondir les angles, cajoler les coeurs tristes, soigner les petites blessures, nous rappeler de cette manière ce qu'est l'amour de Dieu pour les petits.

 

La littérature regorge de récits d'amitié entre une personne âgée et un enfant.

Je pense à Oscar et la dame rose, d'Eric Emmanuel Schmitt, à La vie devant soi, d'Emile Ajar.

 

Au cinéma, Le vieil homme et l'enfant de Claude Berri, est l'exemple le plus connu.

 

Rencontrer une personne âgée, c'est entrer dans un sanctuaire de mémoire, de souvenirs, de manières d'une autre époque.

 

Devenir son ami, c'est écouter avec patience des histoires répétées toujours avec les mêmes yeux mouillés, regarder avec amour le même album de photos jaunies, ranger celles qui dorment dans un grand coffre, se mettre à sa place et dire : les gens parlent de plus en plus bas, les escaliers sont de plus en plus hauts, le ciel s'assombrit.

 

C'est surtout savoir que cette dame, ce monsieur, c'est toute une vie, une culture, une expérience, un don de soi, une discrétion dans le service, une intelligence triste devant un monde qui n'en peut plus, mais  rayonnante quand elle laisse derrière elle une oeuvre d'amour bien accomplie.

 

Linda WIDAR

 

Contact :

 

linda.widar@skynet.be

 

Mai 2015

 

 


 [1]HTML: <META NAME="CHANGEDBY" CONTENT="Henri">